Sonic & Knuckles, l'appendice final

Sonic & Knuckles - Official Art

Vous en voulez un peu plus ? Hé bien vous en aurez plus ! 
1994 fut une année riche en hérisson car il n'y a pas eu un, mais deux épisodes canoniques de Sonic: Sonic 3 et Sonic & Knuckles. Les deux softs étaient prévus pour ne former qu'une seule et même entité sur la même cartouche. Ce nouvel article s'attardera bien entendu sur le second segment, mais reviendra allègrement sur le développement et certains aspects marketing de cet ambitieux projet qu'était Sonic 3 & Knuckles.

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Vous reprendriez bien un morceau de hérisson
Sonic & Knuckles - Mushroom Hill Zone

Sonic & Knuckles se déroule, bien évidemment, juste après les événements relatés dans l'épisode précédent: Sonic continue sa course à travers l'île flottante afin d'empêcher le Dr Robotnik de foutre le bordel, tandis que Knuckles veillera toujours à empêcher notre héros d'atteindre son but. Sauf que dans Sonic & Knuckles, le joueur aura la possibilité d'incarner l'échidné et découvrir l'histoire de son point de vue. Jouer ce personnage sera l'occasion d'adopter un gameplay différent de celui du hérisson bleu: Le nouvel antagoniste peut grimper, escalader les parois, mais a une vélocité moindre et saute moins haut. Il peut également exploser certains murs libérant des chemins jusqu'ici inédits pour Sonic. Les nouvelles zones traversées sont globalement inspirées. Mention spéciale à Mushroom Hill: un nouveau décor bucolique infesté d'une multitude de champignons de différentes tailles, dont certains gigantesques et rebondissants. Le thème musical de ce niveau est d'ailleurs un des plus sympas de toute la galaxie Sonic. Ce n'est que mon avis et je le partage. Chacun mes goûts. Patati et patata....
Sonic & Knuckles a su éteindre deux principales frustrations que m'avait procuré la série: Flying Battery, le vertigineux second niveau se déroulant dans un immense vaisseau d'Eggman, m'avait fait plaisir, car j'avais adoré le principe de la forteresse volante Wing Fortress de Sonic 2, mais j'avais été frustré par le petit gabarit du stage ainsi que par l'omniprésence du vide. En soi, le level design était intéressant, mais je fantasmais tellement de parcourir un environnement aérien, bien long, qui nous permettrait d'effectuer des rouler-bouler made in Sonic, dans des dénivelés tordus propres à la série. Flying Battery m'en donna donc pour mon argent. 
Ma seconde amertume provenait toujours du pourtant impeccable Sonic 2: Cette fois, il s'agissait de sa dernière ligne droite avec son double combats de boss, implanté dans ce curieux Death Egg que l'on défriche de manière fugace. Cette légère insatisfaction a surtout été majoré par le fait que notre avatar, déterminé à en découdre avec sa nemesis, débute ce segment dans un décor de vaisseau spatial filant à toute allure, comme le suggère les étoiles défilantes rapidement derrière la longue baie vitrée, en arrière-plan. Le thème musical introduisant la zone laissait suggérer qu'on allait affaire à un véritable tableau. Que nenni ! A peine cinq mètres parcourus que Sonic se retrouva bloqué par le premier boss. Comme abordé dans mon article consacré à Sonic 2, je n'ai jamais su si les développeurs avaient songé à créer un véritable monde avec Death Egg. J'avais toujours trouvé ça curieux que Nakamura ait composé une piste qui allait se stopper net à l'arrivée de Mecha Sonic, après à peine dix secondes d'écoute. Cela suffisait à générer en moi un petit sentiment de privation. Quel enfant pourri-gâté ce Moggy... Et puis, encore une fois, Sonic & Knuckles ne tarderait à venir combler ce manque avec cette véritable zone finale que fut le bien nommé Death Egg qui viendrait conclure l'aventure (si on n'a pas toutes les émeraudes). Et quel niveau ! Un premier acte dans le vaisseau avec un arrière-plan octroyant un sentiment d'immensité, et des passages où le joueur se fait transporter rapidement dans les airs par des anneaux qui génèrent des chemins tortueux. L'acte 2 nous place à l'extérieur de l'appareil, maximisant le sentiment de vertige instauré par la vue sur la planète au loin, mais également en multipliant d'insolites moments où, la gravité déraillante, le joueur se retrouve la tête à l'envers. Le tout accompagné d'une musique entraînante où se répondent une partition sombre qui laisse ensuite la place à une autre plus lumineuse.

Sonic & Knuckles - Death Egg Zone
Death Egg Zone

Rien que pour ces deux exemples, ce dernier volet Megadrive vient colmater ce sentiment de manque que m'avait curieusement procuré la conclusion de Sonic 3. D'autres mondes, plutôt inspirés, sont également de la partie comme Sandopolis, le niveau du désert qui a notamment marqué les gens par son second acte anxiogène qui nous catapultait dans une pyramide hantée par des fantômes, tantôt inoffensifs à la lumière, tantôt agressifs une fois le monument plongé dans le noir. Pour empêcher cela, nous devions rallumer des interrupteurs disséminés à travers les pièces de la construction. Lava Reef Zone est un cas d'école: Il s'agit d'un des rares monde de lave que j'apprécie dans les platformers. Communément, c'est un type de décor qui a tendance à vite me saouler, notamment parce qu'il est synonyme de passages bien cotons dans des paysages ennuyants. Mais ce n'est pas le cas ici. La musique de cet environnement est étonnamment joyeuse, dans le premier acte, avant de ralentir et de conférer un aspect davantage mystérieux dans la seconde section, parallèlement à la glace qui prend la place des flammes. Et puis vient Hidden Palace, un des passages supprimé du deuxième volet qui refait surface pour l'occasion, avec une chartre graphique remaniée. Il s'agit en réalité d'une section purement narrative et très courte où l'on affronte Knuckles et dans laquelle, au terme de la rixe, ce dernier se rend enfin compte des méfaits de Robotnik. Il était temps... S'ensuit l'aérien Sky Sanctuary, un niveau assez agréable et facile à sillonner, au thème musical épique, mais également construit en un seul acte précédent Death Egg. Une des particularité de ce passage est sa bouffée de nostalgie induite par les confrontations contre un robot Sonic (encore un) qui attaque à bord de capsules de combats d'Eggman. Plus précisément, la progression de Sky Sanctuary est ponctuée par trois échauffourées nous opposant à cette machine qui convoquent des réminiscences d'anciens affrontements contre notre ennemi juré.
Fondamentalement, comme il s'agit de la suite du troisième opus, la direction artistique reste similaire, avec les mêmes sprites et des sensations manette en main restituées à l'identique. En gros, on reste sur le même feeling global. Pareillement, on retrouve toujours des zones immenses mettant l'emphase sur la vitesse, mais aussi teintées d'exploration et parsemées de phases de plateforme pures. 

Sonic & Knuckles - Sandopolis

Comme dit antérieurement, ces nouvelles pérégrinations constituent donc la seconde partie de Sonic 3. Si le joueur précautionneux n'a pas cassé son exemplaire ou si il ne l'a pas prêté à un copain qui a mystérieusement déménagé ensuite, il avait la possibilité de combiner sa cartouche avec celle de Sonic & Knuckles via un système baptisé "Lock-on" par Sega. Concrètement, la cartouche du dernier soft possède une protubérance qui lui permet d'assembler d'autres jeux Megadrive. Lorsqu'on place Sonic 3 au-dessus, le joueur a enfin l'honneur de pouvoir jouer à Sonic 3 & Knuckles, et de découvrir d'une traite les deux titres comme si il s'agissait d'une seule aventure, telle que les développeurs avait imaginé le projet, avant qu'ils aient décidé de le scinder en deux chapitres. Sonic 3 & Knuckles apporte de nouvelles options à ces deux projets: Tout d'abord l'opportunité de jouer Tails dans les niveaux de Sonic & Knuckles. En effet, le renard brille par son absence lorsqu'on lance la dernière partie seule. L'échidné rouge, lui, peut parcourir l'entièreté de Sonic 3, dans des niveaux un chouia remaniés pour l'occasion. Tous les stages bonus des deux jeux répondent présents dans l'intégralité du soft. En sus, une des plus grosses nouveauté réside dans le fait de pouvoir récupérer en tout 14 émeraudes pour pouvoir se transformer, non plus en Super, mais en hyper Sonic, hyper Tails ou hyper Knuckles, majorant davantage les pouvoirs de ces transformations. Sonic 3 & Knuckles en devient donc un épisode gargantuesque pouvant aisément se qualifier d'aventure ultime de Sonic sur Megadrive, et peut être même de la vie entière !
Mais concrètement, il ne faut pas oublier qu'il y a des joueurs qui ont fait l'impasse sur Sonic 3 à sa sortie. Ces malheureuses créatures ont vu leur tatie leur offrir un Sonic & Knuckles flambant neuf pour Noël. Ces enfants là n'ont donc connu qu'une partie tronquée, certes satisfaisante, mais tronquée quand même. En définitif, ils possédaient un jeu dont ils ignoraient quel était le rôle de cet étrange hérisson rouge (même si il n'en fallait pas beaucoup pour rattraper les deux lignes de scénario de son prédécesseur), et accédaient directement à des niveaux un poil plus difficiles que ceux issus du troisième volet. Logique puisqu'il s'agissait de la progression logique d'un game design qui déployait tout son sens avec les deux cartouches combinées.


Mais ce n'est pas tout ! En associant Sonic & Knuckles avec Sonic 2, on peut dorénavant arpenter tous les niveaux de ce dernier avec l'échidné. C'est très sympa, même si on sent que le level design de ce second volet n'a absolument pas été pensé autour des capacités de Knuckles. Cependant, les maps ont également été confectionné pour Super Sonic, donc avec la possibilité d'atteindre des zones infranchissables pour Sonic et Tails. Cette particularité dans le level design fonctionne relativement bien avec notre hérisson rouge. En résulte donc une expérience sympathique, et une parfaite occasion de boucler le titre une nouvelle fois.
En revanche, cette option n'existe pas en incorporant le premier épisode. A la place, le joueur aura le droit de jouer à des milliers de stages bonus de Sonic 3. Tu sais, ceux où il faut récupérer toutes les sphères bleues. Amusant mais clairement dispensable. Le joueur malin qui s'amuserait à foutre d'autres jeux Megadrive dans la cartouche de Sonic & Knuckles se voyait "récompenser" par l'apparition d'un seul stage bonus Blues spheres. 
Cette technologie "Lock-on" était véritablement révolutionnaire en 1994 et coïncidait pile l'année où Sega of America sortait la 32X, un tout nouveau matériel qui abritait grosso modo le même genre de procédé que le second segment de Sonic 3: Cette machine se logeait dans le port cartouche de la Megadrive afin de décupler les capacités techniques de cette dernière, permettant de faire tourner des titres exclusifs estampillés 32X, un peu plus puissants. Si le joueur possédait un Mega CD, déjà rattaché à sa console, et qu'il achetait en plus une 32X, il avait une espèce de monstre de Frankenstein à la place de sa belle Megadrive. Je n'ai jamais connu un seul camarade qui avait une telle monstruosité.
Ce fut également une période assez sombre et étrange pour Sega, puisqu'elle correspond donc au moment où Sega balance cette fameuse extension pour la 16 bits afin de combler le fossé technologique entre la Genesis et la future Saturn qui, elle, était en pleine période de finalisation. Ce fut la branche américaine qui, dans un soucis de transition en douceur vers la "next gen", désirait prolonger la vie de la console noire, car elle estimait que la Saturn, développée en interne au Japon, était loin d'être prête. Ces deux projets distincts était une parfaite représentation de la concurrence et de la défiance entre les deux entités de la firme que fut Sega of America et Sega of Japan, parfois au delà du bon sens commercial. En effet, les sorties précipitées et rapprochées de ces supports, le manque de jeux de la 32 X, mais également l'échec du Mega CD, conjugué à l'incompréhension de l'intérêt pour de telles consoles hybrides auprès du public a clairement été le point de départ de la chute de l'entreprise, et qui a quelque peu terni la sortie de la Saturn, la véritable successeure de la 16 bits de Sega. Pour enfoncer le clou, les déboires techniques de la Saturn et le succès surprise de la Playstation ont clairement plonger la société de Nakayama dans les ténèbres. 1994 pourrait être considérer comme une année pivot pour l'entreprise: Le moment où les mauvais choix stratégiques et marketing feront péricliter la boite, mais aussi une année charnière marquant l'apogée du constructeur, dont Sonic 3 & Knuckles constitua en quelque sorte le pinacle de cette réussite. Tu vois, c'est un peu comme dans Scarface, quoi. Sauf que les grandes pontes de Sega ne mitraillent pas les employés à la fin du film...

Sonic & Knuckles - Commercial

L'histoire du hérisson qui voulait aller trop vite

Sonic 3 - Happy Meal de McDonald's

Pourquoi diable Sega n'a-t-il pas laissé plus de temps aux créatifs du Sega Technical Institute pour achever Sonic 3 ? Tout simplement à cause d'un accord signé entre Sega et McDonald's stipulant que le célèbre fast food commercialise des jouets happy meals à l'effigie de Sonic, à l'occasion de la sortie du jeu. Suite à ce juteux contrat, une date a été arrêté entre les deux géants, et il fallait impérativement que les développeurs finalisent le titre pile au moment où Ronald établira son importante campagne promotionnelle pour le soft. Néanmoins, il était hors de question pour la STI de jeter cet ambitieux projet à la poubelle. Le compromis que le studio a trouvé a été de scinder le jeu en deux, comme nous l'avons vu précédemment. De toute façon, créer une cartouche de 32 Mega pour y implanter toute l'expérience initialement prévue aurait coûté bien plus cher à produire. 
Du coup, si comme moi tu traînais dans les Mcdos à la sortie de Sonic 3, tu as peut être pu te procurer un happy meal avec un des personnages de la licence à l'intérieur de ta box. A titre personnel, j'ai eu le Sonic moche qui se propulse lorsqu'on appuie sur un bouton. Il y avait aussi le Tails qui pouvait s'envoler viteuf, le Knuckles qui pétait un caillou et un Robotnik qui revêtait le look qu'il arborait dans le dessin animé "Les Aventures de Sonic". Tu te souviens ? Cet animé assez laid et gênant avec un Sonic insupportable qui s'impatientait à la moindre occasion en balançant tout le temps: "J'ai failliii aaaattendre !".
Finalement, le fait d'avoir confectionné deux parties indépendantes a permis à Sega de faire casquer deux fois les joueurs au prix fort. Heureusement, les deux oeuvres pouvaient réellement être assimilées à des productions complètes et satisfaisantes. Mais je dois avouer que j'aurais aimé voir comment le projet a été accueilli sur Terre 2, puisque, là-bas, les habitants n'ont pas de McDonald's et que donc, Sega n'a pas pu signer un deal avec eux. Sonic 3 est arrivé directement accolé avec Sonic & Knuckles. La presse et les joueurs ont pu s'extasier sur cette gargantuesque réalisation. La réception critique a donc été totalement été différente de celle sur notre planète. Actuellement, Sonic & Knuckles peut être assimilé à un giga DLC ou une grosse extension.
Lors d'une interview datant de 1995, le réalisateur du titre, Yuji Naka, convia les joueurs de jouer à Sonic 3 & Knuckles, afin que ces derniers parcourent l'intégralité de l'aventure, avec ses 14 gigantesques niveaux, histoire de se rapprocher de la vision initiale des géniteurs. A ce propos, durant un temps, Sega envisagea de publier une édition limitée qui contiendrait une cartouche réunissant d'office le diptyque, mais l'idée fut vite évacuée.

Magazine avec Knuckles dessus, pour la sortie de Sonic & Knuckles.

A l'époque, la mascotte de Sega se retrouvait partout. Outre des dessins animés et des comics, il y avait également une floppée de goodies à l'effigie du hérisson qui ont fleuri, parallèlement à la naissance d'une multitude de jeux dérivés de la saga principale parus sur Megadrive, Master System et Game Gear. Preuve de la popularité de la boule bleue aux Etats-Unis: Quelques mois avant la sortie du troisième volet, un immense ballon gonflable Sonic trônait en l'air, lors de la célèbre parade Macy à New York. Cet évènement fut un moment historique, car il s'agissait de la première fois qu'un personnage de jeu vidéo surplombait la ville, lors d'une telle parade. Conventionnellement, seules des icones bien établies et ultra connues avait déjà eu cet honneur. Malheureusement, le ballon a fini par semer le chaos dans les rues, lorsqu'il entra en collision avec un lampadaire, provoquant sa chute et entrainant deux blessés.
Cet immense plan marketing avec pour nom le "Hedgehog Day" en référence au Groundhog Day (le jour de la marmotte, tu sais comme dans le film Un Jour Sans Fin de feu Harold Ramis) qui tomba justement le même jour.

Balloon Fight:


Que ce soit les happy meals ou le ballon du défilé, tous ces coups de coms agressifs ont été minutieusement préparé en amont par Tom Kalinske, le président de Sega of America et son équipe marketing, afin de rendre leur mascotte aussi imposante que Mario ou Mickey dans l'esprit des gens. Obtenir un deal avec McDonald's assura le succès du personnage et des jeux estampillés Sonic, mais avoir réussi à convaincre les responsables des défilés Macy était un nouveau coup salutaire pour eux.
D'une manière générale, Kalinske et ses équipes ont façonné l'image qu'a eu Sega dans les années 90. Ils ont clairement contribué à instaurer cet esprit rebelle dans leur communication destinée à toucher un public d'adolescent(e)s et de jeunes adultes, contrairement à Nintendo qui conservait cette image plus "enfantine". Certains choix éditoriaux et de ton n'étaient d'ailleurs pas toujours du goût de la branche japonaise, cristallisant une certaine défiance, mais aussi stimulant la rivalité entre ces pôles très différentes dans leurs fonctionnements. Quoiqu'on en pense, Sega of America a su emmener la marque en orbite durant les années où Kalinske fut président (de 1990 à 1996), avec des moyens considérablement inférieurs que ceux de Nintendo. En parlant de tensions, plusieurs écrits et interviews ont révélé que c'est Hayao Nakayama, le président de Sega of Japan qui aurait approché Kalinske, cet ancien transfuge de Mattel, avant de lui donner carte blanche pour mener sa barque comme il l'entendait, malgré les divergences qu'allaient connaître les deux entreprises. Je ne suis d'ailleurs jamais trop à l'aise avec ce genre d'écrits, car il arrive régulièrement qu'on apprenne, bien des années plus tard, que les choix, les déclarations et les rapports entre ces êtres humains n'étaient pas aussi nets que ce qu'on a cru durant trop longtemps. 

Tom Kalinske et Knuckles
Kalinske & Knuckles (K&K)

J'avais très envie de revenir succinctement sur quelques goodies Sonic qui ont atterri dans les étalages. Alors, bien entendu, tous n'ont pas traversé nos frontières, mais je me souviens surtout des compilations de musiques Dance avec la tête du hérisson bleu sur les pochettes. C'était un peu comme les CD Schtroumpfs Party, sauf que, contrairement à ces derniers, ce n'est pas Sonic et ses potes qui font des covers sur ces tubes. Il s'agissait basiquement de compilations de chansons Dance les plus en vogue à l'époque.

Sonic Dance 2 - Album Music

Comment ne pas aborder le cas de ce magnifique attrape souris-like qui, je suis sûr, m'aurait fait de l'oeil à l'époque.

Jouet Sonic

J'aurais pu aborder le cas des comics qui ont une longévité assez conséquence, mais je préfère citer une série de livres dont vous êtes le héros dans l'univers de Sonic. A l'instar des jeux vidéo, il faut toujours récupérer des anneaux et Sonic les perd si il se fait toucher. Ces bouquins ne sont sortis que pour le marché britannique, mais je trouvais cet objet dérivé suffisamment rigolo pour qu'il apparaisse ici.

Sonic - Livre dont vous êtes le héros.

Génial, mes parents divorcent

Sonic 3 - Concept Art
Concept art de Sonic 3

Comme déjà mentionné plus haut, Sonic 3 et Sonic & Knuckles ont une nouvelle fois été développé par la Sega Technical Institute, toujours sous la houlette de Yuji Naka et Hirokazu Yasuhara, respectivement le réalisateur et game designer/level designer des deux titres. La conception de Sonic 2 a été le fruit de la collaboration entre une partie de l'équipe US du STI et des rescapés japonais de la Sonic Team, venus dans les locaux de la firme californienne, après la génèse du premier opus. La naissance de ce second segment s'est heurtée à la barrière de la langue, mais aussi à de fâcheuses divergences artistiques induites notamment par des différences culturelles qui ont consolidé quelques tensions entre les blocs créatifs américains et japonais. Conséquence: Yuji Naka a exigé de concevoir le troisième volet exclusivement avec une équipe nipponne, histoire de rendre plus fluide les échanges entre concepteurs parlant la même langue. De facto, la section japonaise du STI s'occupait de Sonic 3, tandis que la division américaine planchait sur Sonic Spinball. A ce propos, Mark Cerny, le fondateur du studio, quitta le STI en fin 1992, juste après la création de Sonic 2. L'homme se disait insatisfait de la trajectoire qu'empruntait l'entreprise, et n'a pas voulu plier aux exigences de Nakayama qui désirait la gestation de projets en équipes réduites et pour des délais très courts. Le grand patron de Sega of Japan présumait également que Cerny et son entreprise avaient trop dépensé pour l'élaboration de Dick Tracy et Kid Chameleon. Une autre raison est que ce dernier n'a pas apprécié les tensions croissantes au sein du studio: En outre, il estimait que les membres japonais ne traitaient pas avec suffisamment de respect les membres américains. Après son départ, l'artiste sera remplacé par Roger Hector qui mettra tout en oeuvre pour superviser le développement de la troisième itération du hérisson le plus rapide du monde sur Megadrive.
Mark Cerny a suivi ensuite une longue et belle carrière, en travaillant notamment pour le compte de Naughty Dog et Insomniac Games sur de prestigieuses licences comme Crash Bandicoot ou Ratchet & Clank. Il a d'ailleurs créer une méthode de travail au sein des studios de jeux vidéo, la "méthode Cerny", qui est encore appliquée aujourd'hui. L'homme a également répondu présent pour aider Sony avec l'architecture de la PS2 et PS3, avant de devenir l'architecte en chef sur les bécanes PS4 et PS5.

Sonic & Knuckles - Concept art de Mushroom Hill Zone
Concept de Mushroom Hill mais qui semblait s'appeler "Mushroom Forest" comme l'atteste l'écriteau en bas à droite.

Le principal leitmotiv à l'aube de la création du projet était grosso modo: "Sonic 2 intègre le mode 2 joueurs ? Sonic 3, lui, va initier la série dans l'ère de la 3D". Pour mener à bien cette première ébauche, l'équipe va utiliser le Sega Virtua Processor, une puce à destination de la Megadrive, capable de générer des effets 3D. Un prototype en vue isométrique ayant pour nom de code Sonic 3D voit le jour, mais il est évident que cette puce ne sera pas prête pour la sortie du logiciel. Comme vu précédemment, Sega ne peut pas repousser le deal avec McDonald's et les développeurs optent pour l'élaboration d'un soft plus classique en 2D. S'agissant probablement du dernier épisode canonique, il était hors de question pour les créateurs que le chant de cygne de la série sur Megadrive se fasse via un jeu partiellement finalisé. La suite, tu la connais: Le projet deviendra bien trop ambitieux et sera coupé en deux segments. Finalement, le Sega Virtua Processor servira à la conception de la version salon du prestigieux Virtua Racing. Et les esquisses abandonnées pour ce Sonic en trois dimensions hériteront dans le projet Sonic 3D Blast, sorti en 1996.
Les développeurs voulait élargir le background de l'univers de la mascotte piquante, d'où cette intention de lier chaque monde de manière plus cohérente entre eux. Très vite, l'idée d'intégrer un nouveau personnage prend forme. A l'instar de la création de Tails, il y eut un concours au sein de l'équipe afin de déterminer le design du nouveau protagoniste. Ce sont les essais de Takashi Yuda, le futur réalisateur de Space Channel 5, qui remporta les suffrages avec ce curieux hérisson aux pics retombants et "coiffés" en arrière. Et c'est Pamela Kelly, à la tête du marketing, qui souffla le nom de Knuckles. A la base, il arborait un look plus dur et plus reptilien. Sa queue définitive conservera des traces de cette approche. Les couleurs de ses chaussures ont été choisi en hommage au drapeau de la Jamaïque. Et puis, bien sûr, notre Knacki au rayonnement international est pourvu de piques semblables à des dreadlocks.
Si Sonic symbolise la vitesse, Knuckles représente la force. Bien entendu, l'un arbore une couleur froide bleutée, tandis que le nouveau rival du héros est habillé d'une robe rougeoyante, pouvant aisément évoqué le côté bouillant et sanguin de son caractère. Tout du moins, c'est mon interprétation. Et, effectivement, je pensais qu'il tendait plus vers le rose que le rouge, lorsque j'ai pu m'essayer à Sonic 3 la première fois. Pour s'assurer de la viabilité du personnage, l'équipe de Sega a pu s'entretenir avec des enfants américains pour voir si ils appréciaient ou non le design de Knuckles. Par ailleurs, ce dernier devait être vert à l'origine, et c'est suite à ces discussions qu'il a été décidé de changer sa couleur.

Level design concept art de Sonic & Knuckles et Sonic 3
Concept art de Yasuhara présentant certaines particularités du level design. Certains dessins humoristiques de Sonic (déjà présents dans les épisodes antérieurs) faisaient rire le reste de l'équipe de développement.

A noter qu'un certain Takashi Iizuka fit son entrée dans la famille Sega en tant que designer sur ces deux projets. Le bonhomme a depuis gravi les échelons en prenant une part très active sur le développement de Nights Into Dreams, puis en réalisant Sonic Adventure. Aujourd'hui, il est à la tête de la Sonic Team, et il chapeaute la plupart des épisodes de la licence. Pour l'anecdote, c'est via une interview du monsieur que j'ai appris la raison pour laquelle on ne peut pas jouer Knuckles en lock-on avec Sonic 1. L'artiste expliqua que les mondes du l'opus originel ne fonctionnaient pas du tout avec la verticalité du gameplay de l'échidné. Par conséquent, les développeurs ont préféré ne pas intégrer la même feature que pour le second opus.
De surcroit, une légende urbaine a longtemps circulé sur le fait que la couleur rouge de Knuckles jurait avec la palette de couleurs utilisée pour la direction artistique des niveaux. Un autre bruit de couloir affirmait que le programme plantait lorsque notre personnage mettait les pieds sur les tapis roulants de Scrap Brain Zone.

Ce que révèle le fameux cheat code (déjà vu dans la partie du texte sur Sonic 3) est que, durant le développement, Flying Battery devait faire le lien entre Carnival Night et Ice Cap, donnant du sens au snowboard qu'emploie Sonic pour dévaler les pentes dans le niveau enneigé. L'engin était en réalité un morceau du vaisseau de Flying Battery qui se mettait à glisser sous les pieds de notre héros. Lorsqu'il fut décidé de scinder le projet en deux, ce dernier tableau a finalement été décalé après Mushroom Hill (qui s'appelait Mushroom Valley dans le cheat code, comme vu auparavant) dans la seconde partie du jeu, histoire de proposer une portion de jeu similaires entre les deux softs. Aborder ce point me rappelle aussi qu'il y avait une indication cachée qui prophétisait la possibilité de jouer Knuckles dans un potentiel soft ultérieur: Lorsqu'on terminait un niveau, Sonic et Tails envoyaient tournoyer le traditionnel panneau de fin de stage dans les airs. Cependant, un oeil aiguisé pouvait remarquer que, parmi les images qui apparaissaient furtivement pendant le vol de l'objet, une image de Knuckles au lieu de nos deux héros semblait se dessiner de temps en temps. Ce détail me paraissait curieux, mais d'aucune façon je n'avais songé que cela sous-entendait le fait que les devs pensaient inclure ce personnage, comme nouvel avatar pour les joueurs. Je me disais seulement qu'il s'agissait d'un bug ou d'une image test non effacée du programme.

En 2019, un prototype de Sonic 3 a miraculeusement refait surface sur la toile, au grand bonheur des joueurs adeptes du jeu des sept différences. C'est grâce à cette version non finalisée qu'on a pu se rendre compte que les musiques de l'édition PC de 1997 n'étaient pas de nouvelles tracks, et qu'elles étaient incluses initialement dans ce proto. Bien évidemment, on note également pas mal de détails visuels qui diffèrent du produit final, comme des palettes de couleurs qui changent, les sprites de Sonic 2 en lieu et place des dessins définitifs, des features manquantes comme la fameuse séquence en snowboard ou encore des animations non implantées.
A noter que la musique des mid-boss du prototype utilise le même thème que celui de Sonic & Knuckles. Ce qui, potentiellement, signifie que la musique tonique de la version commerciale de Sonic 3 a vite été éclipsé par une nouvelle dans le second segment, remplacée par la version prototype des demi-boss.

Sonic 3 - Prototype screenshots
Quelques images tirées du prototype de Sonic 3

Une nouvelle vie

Sonic qui distribue des Happy Meal

Entre la sortie de Sonic 3 et Sonic & Knuckles, ma vie a complètement changée: J'ai déménagé rapidement avec ma mère dans une autre ville, pendant que ma plus grande soeur allait vivre dans un petit studio. La soeur cadette, elle, partait vivre avec son compagnon de l'époque, et moi je n'allais désormais plus jamais revoir mon père. Sans rentrer dans les détails, je me souviens surtout du jour où j'ai dû partir de chez moi, en quatrième vitesse, abandonnant toutes mes affaires, mais en prenant tout de même soin d'embarquer quelques fringues et, surtout, ma fidèle Sega Megadrive. C'était d'ailleurs la seule chose que j'ai pu prendre dans mon sac. Le seul objet que j'estimais nécessaire de garder près de moi, au contraire de la multitudes de jouets, CD et films qui allaient rester "là-bas". J'ai même dû dire au revoir à mon chat et à mon chien avant de partir, dans un moment très étrange où je pleurais tout en leur expliquant que j'allais partir... La vérité est que je n'ai jamais su ce qu'il était advenu d'eux, ni de tout le reste...
Dans ma nouvelle vie, il y a des choses qui n'ont pas changé comme l'achat de magazines de jeux vidéo qui a longtemps continué à alimenter moult désirs et fantasmes. Très tôt, ces derniers ont évoqué la sortie imminente de la suite de Sonic 3. Quoi ? Déjà ? Et constater qu'il s'agirait d'une pure suite au troisième volet propulsait mon impatience en orbite. 1994 correspond également à un changement dans la ligne éditoriale de Mega Force, le magazine officielle des hits Sega: Exit le petit personnage bleu qui assignait des notes avec sa trogne, et fini le style relativement neutre des pages. Désormais, le ton se voulait résolument plus adolescent et même plus vulgaire, pour ne pas dire irrévérencieux. J'aimais clairement moins ce que j'y trouvais dedans, mais tomber sur des pages évoquant Sonic & Knuckles, ça oui, je kiffais. A la rentrée 94, le magazine avait même sorti une seconde vidéo promotion qui présentait une multitude de jeux Megadrive, mais aussi les tous premiers logiciels de l'imminente 32 X, dont j'en avais rien à carrer. Ce qui attira plus particulièrement mon attention subsistait au début de la cassette, au moment où un extrait du prochain hit Sonic déboulait. Bon, ok, la séquence était noyée dans une horripilante soupe de clubbeur, à l'instar du reste de la vidéo. Mais malgré tout, j'adorais me la repasser en boucle encore et encore, comme la VHS de 92 issue du même papier. Je me souviens tellement bien des extraits de Tazmania 2, Ecco The Tides of Time et Le Roi Lion également.

Une image de la fameuse cassette suivie de l'intégralité en vidéo:
Heart of System - Mega Force Magazine VHS


Deux semaines avant Noël, ma mère m'acheta le précieux cadeau et, en attendant le jour fatidique, le rangea dans son armoire qui sentait un peu trop le parfum à mon goût. Par moment, je sortais la boite (anormalement) cartonnée afin d'admirer le logo ainsi que les images au dos, juste de quoi m'aider à patienter., comme un ptit shoot sensoriel. J'étais tellement impatient, si tu savais ! Le 24 décembre, au matin, je me réveillai la tête au pied du lit et ma mère, rentrant dans la pièce me dit: "Tu t'es pris pour Sonic pendant la nuit ?" Il était vrai que j'étais tout émoustillé à l'idée d'être le soir et d'enfin pouvoir jouer au jeu. La journée se déroula leeeeeentement et, après l'apéro, j'eus enfin le droit d'ouvrir mon cadeau et de jouer avec. J'avais même préparé mon horrible boite bleue du vidéoclub avec Sonic 3 à l'intérieur, afin de tester la technologie lock-on. Quelle chouette soirée... Et quelle belles vacances qui marqua la fin de mes aventures de Sonic sur ma vieillissante Megadrive.

Je pourrais pessimistement (ça existe, j'ai vérifié) dire que Sonic & Knuckles fut le dernier glorieux épisode avant le début de la fin de la série. Très vite, la série ne brillera plus autant lorsqu'elle passera le cap de la 3D. Déjà, le projet Sonic 3D dont j'ai vaguement énoncé plus haut ne fut pas des plus agréables à jouer. Les Sonic Adventures jouissent encore d'une aura particulière, mais ont clairement souffert d'une finition déplorable en plus de jongler avec une multitude de gameplay pas toujours bienvenues, je dois le reconnaître. Sonic Heroes a clairement fait sombrer la série et aura marquer le début de ce que les fans appelleront le Sonic Cycle (même si le terme a été utilisé bien plus tard). Il y a eu quelques bons éléments comme (je risque d'en choquer certains) Sonic Unleashed, Sonic Colors ou encore Sonic Generations pour ce qui est de citer les bons opus 3D. Mais force est de constater que la série a totalement perdu le sel de ses éminentes itérations 2D: à savoir correctement restituer la physique si particulière dans un environnement en 3D. Même les meilleurs épisodes ont systématiquement eu cette prise en main quelques peu étrange et hésitante (lorsque ce n'est pas totalement raté) qui laisse la part belle aux mouvements automatiques et aériens. Mais tout ceci sera, je l'espère, le sujet d'autres articles...
J'espère que tu auras apprécié cette longue lecture. Je te libère à tes autres occupations. Et n'oublie pas: Tu seras toujours bienvenue ici. 
Bisous ! Keur sur toi !

Moggy

Publicité pour Sonic 3.

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