Silent Hill 2, l'horreur intime
A l'occasion de la sortie du remake Silent Hill 2, j'avais très très envie de revenir sur le jeu original, sorti en cette folle fin d'année 2001. Une expérience horrifique, oui, mais pas n'importe laquelle. Une masterpiece du survival horror. Un jeu qui a ému petits et grands ! De 7 à 77 ans ! Un titre qui, d'une manière indéniable, a permis de transformer l'essai du premier épisode en confirmation pour la Team Silent. Alors chut ! Lisez ce texte silencieusement...
La boite cartonnée
Oui parce que... je ne sais pas si tu as remarqué, mais la dernière fois que j'ai écrit un article, c'était à l'occasion de la sortie de mon propre projet de platformer, Dixy. Et juste avant ça, le dernier texte dédié à un soft chouchou remonte à plus d'un an maintenant.
Promis, je vais essayer d'être plus régulier !
Tu connais comment fonctionne ce blog, hein ? Tu n'as pas oublié ? J'ouvre toujours mon article sur du full perso, en parlant de la manière dont j'ai pu découvrir un jeu, et ensuite j'entre dans le vif du sujet en abordant les contours ainsi que de tout ce qui constitue le soft. Puis, quand j'ai encore suffisamment d'encre virtuel, j'aime aussi parfois rappeler qui sont les artistes derrières ces bipbip qui rendent violents.
J'avais déjà révélé le jour où j'ai eu Silent Hill 2 via mon article sur Jak & Daxter. En effet, à l'époque, j'avais vécu plusieurs mois avec une de mes soeurs, et comme elle avait fraîchement acquis une Playstation 2 flambant neuve, elle avait été prise d'une fièvre d'achats: Un jour, elle revint de Micromania et elle n'avait pas seulement acheter GTA 3 et Devil May Cry. Non non ! Son sac Micromania semblait ne jamais s'arrêter, puisqu'elle en ressorti une copie de Jak & Daxter, comme susmentionné, MAIS aussi un Silent Hill 2 rien que pour moi. Merci soeurette ! Bien entendu, elle sut manier l'art du teasing en sortant successivement les boites de manière que ça aille crescendo de mon point de vue. Elle savait que le titre de Konami allait être le feu d'artifice final pour moi. Ce fameux Silent Hill 2 dans son élégante boites noire cartonnée. Assurément, la plus jolie de toutes celles que ma soeur ait acheté ce jour là. Ces rangements en carton qui subissent la vétusté de plein fouet. Enfin bref, j'ai déjà raconté cette histoire sur ma soeur. Je sais, je radote, mais c'est parce que je suis une vieille personne, tu sais.
Je me suis toujours demandé comment elle avait pu acheter tout ça, alors qu'elle venait d'acheter la nouvelle console de Sony, tout en n'ayant aucune thune. Je pense qu'elle a dû dépenser une partie de l'argent que notre mère lui avait prêté à ce moment là. Et voilà où va l'argent des PAUVRES ! Je crois que j'ai déjà raconté cette anecdote. Je ne suis pas sûr. Tu sais, je radote car je suis une vieille personne.
Quand j'ouvris le sésame, je fus étonné de tomber sur non pas un mais deux DVDs: celui du jeu mais aussi un très intéressant making of, sponsorisé par feu Fun TV et réalisé par Nicolas Beuglet, un journaliste que j'ai connu, quelques temps auparavant, en tant que co-animateur de l'émission Génération Hits sur M6. Konami et Fun TV collaboreront une nouvelle fois peu de temps après, lors de la sortie de Metal Gear Solid 2. A cette époque, j'étais sûr que l'implantation d'un DVD de making of allait probablement devenir un standard pour les jeux AAA, histoire d'être au diapason avec les sorties des films en DVD. Finalement, je me trompais. Il n'en fut rien, et ces making of furent des exceptions.
Mentionnons brièvement le fait que le jeu sera porter ensuite sur Xbox, avec un chapitre bonus, puis sur PC. Cette édition "director's cut" sortira elle aussi sur Playstation 2.
Je me sens obligé factuellement de citer le malheureux portage HD, sorti en 2012, qui a été commis sur PS3 et Xbox 360, dans une vilaine compilation comprenant en sus le troisième volet. Konami ayant perdu les codes des versions release de ces deux projets, l'équipe en charge des portages a dû composer avec une version non finalisée remplie de bugs. Sympa non ? C'est japonais.
Ma première expérience sur Silent Hill 2 fut assez curieuse, car j'ai fait une bonne partie du jeu en compagnie de l'ex de ma soeur qui ne connaissait absolument pas la licence, et qui aimait très modérément les jeux vidéo. Durant mes sessions, il fut étonnamment silencieux, lui qui était relativement loquace en temps normal. Je crois qu'il n'était pas prêt à se prendre ça en pleine face. Moi, de mon côté, je fus subjugué du début à la fin. Je sentais que je jouais à quelque chose d'exceptionnel. Mais, pour être tout à fait honnête, je trouvais que cette séquelle ne surpassait pas non plus l'opus inaugural. Les deux softs se talonnaient qualitativement. Et je crois que je n'avais pas saisi toutes les subtilités de cette suite. J'ai enchainé le jeu une seconde fois et, curieusement, c'est là que j'ai eu encore plus de sensations. Et là, oui, j'ai pu emprunter le chemin d'une seconde lecture à cette oeuvre hors norme. Ce fut acté: Silent Hill 2 avait réussi à faire mieux que le premier volet. Avant la sortie du titre, je scrutais la moindre information et le moindre screenshot qui pouvait poper dans les pages des magazines ou sur Game One. La déception aurait pu en être abyssale. Il n'en fut rien, heureusement, et Silent Hill 2 a pu rentrer facilement dans le panthéon de mes bébés vidéoludiques préférés. Hé ! A tel point que, ma compagne et moi-même, avons appelé notre premier fils "James". Oui oui ! Comme des gros geekos lourdingues ! Cependant, rassurez-vous, jamais on ne l'aurait nommé "Tidus", "Mojo" ou "G-Man". Non, on a préféré lui donner un nom qui lui évitera les brimades à l'école. Mais un truc tout de même relativement stylé et connu, malgré le côté anglo-saxon du prénom. Cela n'a pas empêché certaines personnes d'écorcher son nom à base de: "Heu... attends... C'est... heu... C'est Jamaisse, ton nom ? C'est ça ?"
James HONEEEEY !
Il est délicat de parler de Silent Hill 2 avec un regard frais étant donné le culte que cette oeuvre suscite chez beaucoup de joueurs. Un culte au moins aussi puissant que celui de Samael. Je vais donc avoir l'impression d'étaler des détails que des fans mieux affutés auront écrit bien avant moi, et assurément de manière bien plus pertinente. Mon texte va donc peut être sentir le rouillé (de l'otherworld).
Silent Hill 2 n'est pas une suite directe du premier volet: Mis à part la ville éponyme, rien ne rattache ce jeu aux déambulations de Harry Mason. Ici, nous incarnons James Sunderland, un veuf qui décide de se rendre volontairement dans la ville fantôme, après que ce dernier ait reçu une lettre de sa défunte femme, Mary, lui demandant de se rendre là-bas. Effectivement, on imagine aisément qu'il est difficile pour la dame d'écrire quoique ce soit puisqu'elle est supposée être décédée, il y a trois ans de cela. Qu'à cela ne tienne, une fois sur place, l'homme va se retrouver piéger dans la charmante mais embrumée station balnéaire. Il devra affronter d'innombrables créatures difformes, tout en atteignant différents lieux qui ont compté pour les deux amoureux. Cette plongée dans la folie. s'accompagnera de ponctuelles rencontres avec divers personnages qui ont tous plus ou moins été appelé par la ville. A l'instar de l'opus original, ces protagonistes réagissent étrangement à l'hostilité qui les entoure. Personnellement, je fus ravi que toute la mythologie centrée sur le culte du premier épisode ait été occulté dans cette séquelle. Ici, seul réside le drame et l'horreur psychologique à échelle nettement plus intimiste. Nous apprenons finalement très peu de choses sur le background de cette charmante bourgade. Tout est ramené à l'histoire personnelle de James, entrecoupées de quelques moments arrimés sur Angela, Eddie, Laura et les autres personnages qui errent dans les rues, telles des âmes en peine. En définitif, dans le jeu original, on progressait dans l'esprit meurtri d'Alessa, tandis que le deux met en scène l'introspection de James. Une approche stylistique va donc séparer les deux oeuvres, malgré, bien évidemment, quelques similitudes.
Silent Hill 2 est un jeu qui fait drôlement peur, ouhlala ! Mais sa façon de distiller ce sentiment s'effectue de manière diffuse et prégnante: La peur demeure immuable sur toute la durée. Elle prend la forme d'un mélange de malaise et d'angoisse que le jeu utilise comme levier, tout au long du périple de James. A titre de comparaison, Resident Evil, le concurrent direct à Silent Hill, préfère user du bon vieux jumpscare pour instaurer un climat anxiogène. On y ressent également du stress et de l'inquiétude chez Capcom, bien entendu, mais le jeu de Konami préfère opter pour quelque chose de plus subtil et insidieux. Même dans les moments où il ne se passe rien, le joueur reste dans un état de gêne et d'anxiété qui ne le quitte jamais pour ainsi dire. Comme expliqué dans mon précédent article, la bourgade touristique ici nous présente des manifestations paranormales qui ne peuvent s'expliquer rationnellement: Même si on se cloitrait dans une salle fermée à double tour, dans un angle et en PLS, rien ne nous dit que la ville nous laisserait tranquille. Il pourrait toujours se passer quelque chose de flippant. Tandis qu'à Raccoon City, être barricader à un endroit octroie une pause salutaire, étant donné que les créatures que l'on rencontre dans Resident Evil sont tangibles: les zombies, hunters et autres chiens errants sont le fruit d'expérimentations bien concrètes, et peuvent donc être éviter. En définitif, les deux licences infusent la peur dans leurs jeux de manière diamétralement différente.
A l'instar du premier volet, on a constamment la sensation d'évoluer dans un cauchemar éveillé dans Silent Hill 2. Premièrement, les monstres que l'on rencontre s'apparentent à un assemblage d'éléments humains mais fortement altérés, sortis tout droit d'un mauvais rêve. Deuxièmement, le doublage du jeu, devenu assez célèbre avec le temps, a la particularité d'être curieux: les différents protagonistes susurrent des phrases de façon monocorde. Chaque rencontre semble évanescente. On n'a jamais su si la direction d'acteurs était en roue libre ou si c'était totalement voulu par l'équipe créatrice derrière le jeu, mais, en tout cas, cela renforce l'aspect onirique et éthéré de l'atmosphère. Absolument aucun autre jeu ne ressemble à Silent Hill 2: à part peut être quelques perles indés en low poly qui reprennent l'étrangeté du titre de la Team Silent.
2 comme DEUX FOIS plus d'EXPLOSIONS !
Le service public sous Macron |
Changement de génération oblige, le gap technologique entre le premier épisode et le second est flagrant. La ville apparaît plus dense et fourmille de détails que ne pouvait pas calculer la PSX (même si le travail accompli sur cette dernière fut tout à fait admirable sur ce point). Les décors transpirent de vie paradoxalement: Les pièces se répètent parfois. Logique pour de grands immeubles et un hôpital, mais il y a des fluctuations intéressantes. Le brouillard, véritable cache-misère au centre du développement de l'opus précédent, est de retour, mais parait nettement plus palpable: on a davantage la sensation que la brume enveloppe la ville de manière organique. Cette fois, on visite une autre partie de Silent Hill: notamment tout ce qui entoure Toluca Lake. A noter que l'on parcoure de nouveau un hôpital qui, à partir de là, deviendra un environnement récurrent à la saga. Et parce que les développeurs savent que c'est un lieu hautement terrifiants pour de nombreux joueurs. Il est forcément exaltant de comparer les disparités entre l'hôpital, présent dans l'épisode originel, et celui-ci, puis constater à quel point la Playstation 2, malgré toutes les tares qu'elle traine techniquement, est diablement plus puissante que sa grande soeur. Akihiro Imamura, le producteur du projet, a déclaré que la faible mémoire allouée à la PS2 a été une mauvaise surprise. L'équipe a dû redoubler d'efforts afin de maximiser la qualité des textures, ainsi que les modèles des personnages.
Techniquement donc, Silent Hill 2 demeurait l'un des titres les plus impressionnants sur le monolith noir de Sony: le travail sur les textures éblouissait par tant de rouille super chiadée et de variations dans la saleté des murs. Le troisième volet poussera ces potards bien plus loin, spécifiquement à travers la qualité des visages qui traverse étonnamment bien les décennies.
Par ailleurs, la direction artistique appuyait son aspect cradingue et malsain en appliquant un filtre granuleux qui salissait volontairement l'image, parachevant une DA si singulière. Un parti pris que n'avait pas apprécié un obscur magazine (Console Max, je crois) qui avait descendu en flèche le titre, en lui affublant un 60%, me semble-t-il, et en trouvant le grain dégueulasse. Aujourd'hui, on ne remet plus en question ce filtre particulier, car il a parfaitement été intégré à l'ADN de la série, mais, avec le recul, j'imagine que cette image, conjuguée avec l'obscurité omniprésente, pouvaient poser problème pour de nombreux joueurs. En effet, la visibilité pouvait en pâtir, même si la désorientation constitue évidemment une partie de l'expérience. Silent Hill 3 jouera encore avec ce grain, mais choisira de l'implanter à des moments clefs, et donc différemment.
A noter que lors de nos déambulations, aucune interface ne s'affiche à l'écran, histoire de totalement plonger le joueur dans la psyché de son avatar tourmenté. Un choix que fera également Fumito Ueda pour ses titres sortis sur la même console, comme ICO et Shadow of The Colossus. Concrètement, dans le jeu horrifique de Konami, il n'y a pas de barre de vie indicative. Non, le joueur doit basculer dans le menu pour apercevoir sa santé. Cependant, l'écran "sautera" un peu plus si notre personnage est vraiment très blessé.
Autre point fort: les ombres dynamiques qui procurent quelques frayeurs, notamment celles des monstres qui se projettent et grandissent, selon la disposition de la lampe torche de notre incarnation virtuel.
L'animation de James, par contre, sonne un peu faux, particulièrement lorsqu'il se met à courir dans tous les sens, dénotant avec la qualité satisfaisante des mouvements des protagonistes, lors des cutscenes. A ce sujet, j'aimais bien leurs gestes plutôt doux, semblants curieusement presque avenants, même lors des passages plus tendus.
Le bonhomme est ROUGE !! |
De surcroit, cette séquelle joue davantage avec le procédé d'inquiétante étrangeté: ce concept visant à rendre angoissant les objets du quotidien ou des situations familières: Le fait d'arpenter un hôpital, des appartements, des ruelles ou tous autres lieux de la vie de tous les jours, mais placés dans un contexte suffocant, produit une sensation d'oppression assez puissante. En outre, l'équipe de développement a pris malin plaisir à dispatcher des objets qui n'ont rien à faire à certains endroits: par exemple, ce caddie de supermarché trônant fièrement au centre d'un salon d'appartement. Cette insolite disposition génère un malaise supplémentaire. Pour réussir cette composante, les développeurs ont apporté un soin tout particulier à peaufiner les détails des différents environnements parcourus. L'introduction du jeu est un autre exemple des velléités de l'équipe créative: En effet, lorsqu'on commence l'aventure, nous nous enfonçons indéfiniment le long d'un sentier, dans les bois, juste avant notre arrivée dans le cimetière. Ce segment s'apparente à une véritable descente aux enfers, et renforce le malaise du joueur qui ne désire pas rebrousser chemin, en plus de se sentir isoler. D'après les créateurs, ce choix fut délibéré. Ils savaient que rallonger cette séquence pouvait déstabiliser, et peut être emmerder une frange de joueurs, mais ils désiraient inclure ce passage malgré tout.
En définitif, jouer à Silent Hill 2 n'est pas une expédition agréable. Pas à cause d'un défaut du jeu en lui même, mais parce que c'est une expérience qui nous place volontairement dans une position inconfortable. On souffre lorsqu'on joue: les sons disgracieux, l'ambiance délétère, les monstres surréalistes, l'aspect labyrinthique, le peu de visibilité, le grain, mais aussi les thèmes très lourds que le scénario soulève sont autant d'éléments qui sont là pour secouer et perturber le joueur. On ne ressort pas de tout ça avec un air guilleret. Non, on s'allonge en contemplant le plafond pour méditer longuement sur le sens de la vie, et sur la fragilité de celle-ci...
Silent Hill 2 est donc un survival horror des années 2000, avec tout le gameplay qui va avec: Le joueur dirige son avatar en vue à la troisième personne, et le fait déambuler dans des rues plus ou moins larges ou dans des structures nettement plus resserrées. C'est en général dans ces dernières que l'on passe le plus clair de notre temps. Le level design, un brin alambiqué, s'appuie sur la notion de backtracking à la Resident Evil. C'est à dire l'obligation pour le joueur de repasser dans des couloirs et des pièces qu'il a déjà visité, afin d'essayer de trouver un moyen de progresser. Heureusement, James, à l'instar de Harry Mason, trouvera une carte de la ville, ainsi que de celles de tous les bâtiments qu'il va scruter de fond en comble. D'ailleurs, avant de pleinement défricher un endroit, la carte nous donne presque un sentiment de vertige tant on s'inquiète d'avance de devoir checker toutes les salles de bâtisses de plusieurs étages. Comme à l'accoutumée, on se rend vite compte que la plupart des portes demeurent closes, certifiant d'un magnifique ratouillage rouge que James dessine sur la map. A ce propos, ces pièces condamnées permettent d'économiser la puissance de la console, mais elle sied plutôt bien à l'univers torturée du jeu: elles désorientent le joueur qui ne sait par avance quelle tracée va se dessiner sur sa carte, au fil de sa progression. Personnellement, j'ai tendance à être rassuré lorsque la plupart des portes sont fermées. En plus de parfaitement imager l'abandon de ces lieux, ces impasses traduisent l'état mentale du protagoniste: Il faut trouver un moyen de se frayer un chemin dans les dédales de son esprit, quitte à parfois forcer ce dernier à s'ouvrir en empruntant des trous dans les murs, ou en passant par des fenêtres. On agit comme si on tentait de percer les secrets de James.
Notre bonhomme devra bien entendu dérouiller du monstre difforme qui se montreront nettement plus menaçants dans les couloirs exigus. En effet, contrairement aux larges rues de la ville, il sera bien plus délicat de contourner nos assaillants ici. C'est lors de ces scènes que la caméra peut dérailler momentanément. En outre, des énigmes viennent ponctuer l'expérience. Ces dernières ne sont pas extrêmement difficiles (cela va dépendre du niveau de difficultés choisi), mais c'est surtout la recherche d'objets qui pourront bloquer le joueur, notamment parce que ce dernier aura mal éclairé un recoin sombre où se trouvait un item primordial. Comme pour son homologue du premier jeu, James n'est pas un super combattant: En résulte des mouvements patauds et donc peu précis. Bien entendu, notre personnage sait manier des armes à feu dans l'adversité (c'est un américain), mais, un temps non négligeable sera accordé au combat de corps à corps, avec comme meilleures alliées une barre de fer ou encore une planche en bois. On touche d'ailleurs là à l'un des défauts fondamental du soft: les combats sont plutôt mous et ne procurent pas réellement de grande satisfaction. On pourrait facilement argumenter que ce n'est pas là que réside l'ambition du titre, et c'est vrai. Mais il me semble important de souligner le fait qu'il y avait probablement moyen de rendre les affrontements un chouïa plus ergonomiques. Cependant, les joutes sont infiniment plus agréables que ceux de l'épisode PS One. Car elles n'étaient clairement pas une sinécure.
Enfin, James croisera périodiquement la route de Pyramid Head, une terrifiante créature à tête de pyramide et armé régulièrement d'un immense couteau de boucher. Ce monstre, au centre du bestiaire, que le joueur devra fuir la plupart du temps, fait un peu office de Nemesis intervenant à des moments clefs de l'intrigue. La figure du Pyramid Head est en outre devenu tellement emblématique de la série qu'il réapparaitra ultérieurement, comme par exemple dans les films ou encore Homecoming, au grand dam des fans. Il se permet même des caméos dans d'autres productions Konami, comme dans Track & Field sur DS. Masahiro Ito, papa du monstre, a déclaré sur Twitter qu'il regrettait aujourd'hui d'avoir conçu cette créature. Il n'a jamais donné plus de détails sur cette déclaration, mais on peut aisément supposer que l'exposition prolongée de la bestiole dans des projets ultérieurs l'a peut être irrité, puisque cette dernière est intimement liée à James Sunderland.
Tristesse horrifique
Attention maintenant ! Toute la suite de l'article risque de SPOILER COMME UN COCHON ! Tu es prévenu(e), d'accord ?
Silent Hill 2 est affaire de micro détails qui acquièrent une toute autre dimension lorsqu'on connait la chute de l'histoire: à savoir que Mary n'est pas tout à faire morte des suites de sa maladie. Que James a écourté ses derniers instants en l'étouffant sous un oreiller. C'est ensuite que certains objets de notre inventaire ainsi que les ennemis qui se dressent devant nous symbolisent divers sentiments issus de la psyché de notre héros: les infirmières représentent les différentes femmes que notre anti-héros contemplaient pendant les longs séjours à l'hôpital, lorsqu'il veillait sur sa femme. Les mannequins, ces monstres ressemblant à un buste avec quatre membres inférieurs féminins à ses extrémités, peuvent évoquer ses pulsions sexuelles. Les flesh lips, ces amas de chairs encapsulés dans une cage suspendue au plafond, possèdent des lèvres qui symboliseraient les mots très durs que Mary lançait à son mari, lors de ses ultimes jours de sa vie. Au centre de tout cela se trouve donc Pyramid Head qui représente la culpabilité de James, en plus d'être la matérialisation de la part sombre de ce dernier: à savoir sa violence refoulée.
Ces visions cauchemardesques sont l'oeuvre de Masahiro Ito, le concepteur du bestiaire, mais aussi le directeur artistique du jeu. C'est lui qui a donné corps et à insufflé tout ce symbolisme lié à ces créatures. Ces dernières dégagent toutes une humanité perdue, même celles qui repoussent les limites des contours humanoides, comme les flesh lips justement. Leur monstruosité vienne de l'humain déformé, et c'est leurs manières étranges de se mouvoir qui génèrent de la peur. Pour l'anecdote, lors des ébauches du Pyramid Head, Ito l'avait affublé d'un masque, mais le résultat le rendait trop humain. D'où a découlé l'idée de la tête de pyramide aux angles bien nets, qui semblaient tranchants, suggérant la douleur dans l'esprit des joueurs. A l'instar du premier volet, Ito a pioché allègrement dans les tableaux flippants de Francis Bacon, l'un de ses peintres préférés. En sus, les mannequins renvoient fortement aux poupées de l'artiste Hans Bellmer. Cependant, et malgré les similitudes, Ito a démenti cette source d'inspiration, il y a quelques temps. Selon lui, si il avait connu les créations de Bellmer, il aurait conçu les mannequins différemment. Le dessinateur japonaise se serait plutôt inspiré des Ashinaga-Tenaga, des monstres issus du folklore nippon. Tu sais, les yokais.
Une autre particularité de la ville est que, au contact d'autres êtres humains, James s'avère parfois capable de percevoir la concrétisation des cauchemars des autres victimes piégées dans ces ruelles fantomatiques. Lorsqu'on regarde en arrière, on constate également la minutie des détails disposés dans ce décor qui racontent quelque chose. La narration environnementale a été fondamentale à l'aboutissement exemplaire de Silent Hill 2. Cette dernière épanche des informations avec brio, notamment en mettant en lumière des éléments qui alimentent les interprétations de l'histoire et sur le lore qui ont émaillé les sites de passionnés, depuis des années. A propos, le monde altéré, véritable dimension cauchemardesque du précédent volet, se montre nettement plus discret dans cette suite. Elle existe toujours, mais ses contours ne se présentent plus du tout comme avant. L'alternance entre ces deux mondes semble moins marquée. Cette mise à l'écart est volontaire puisque cette réalité alternative est, en premier lieu, une exaltation des pensées et des souffrances d'Alessa de l'opus originel.
Les fameux mannequins issus du bestiaire. |
Et voici La Poupée issues des créations de Hans Bellmer. Difficile de ne pas y voir une ressemblance avec les mannequins. |
N'oublions pas non plus l'apport de Takayoshi Sato, l'homme derrière les personnages, mais aussi à l'oeuvre sur le scénario (en collaboration avec Hiroyuki Owaku, principal scénariste sur le projet), du chara design et réalisateur des CGI. L'artiste avait déjà été en charge des cutscenes en images de synthèse du premier volet, qu'il avait réalisé tout seul ! Un véritable tour de force ! Son travail avait d'ailleurs été tellement ahurissant qu'il a aiguillé à donner le ton de la DA de cet épisode inaugural. Pour cette séquelle, sa participation a été bien plus conséquente. Dans le fameux DVD making of suscité, les interventions de Sato et Ito sont fichtrement intéressantes. Justement, on y apprend également que le premier désirait doter ses personnages de défauts ici et là, afin de les rendre plus humain. On y voit notamment la façon sont Sato a accentué la mâchoire carrée d'Angela pour qu'elle paraisse plus vieille que son âge réel, ainsi pour marquer les drames qu'elle a dû endurer au cours de sa vie. Dans le même registre, Maria, la troublante version fantasmée de Mary, qui va accompagner sporadiquement James, possède de légers bourrelets. Après, bien entendu, il est de bon ton de se dire que ces deux personnages féminins restent minces malgré tout, hein. Mais ces apports restent salutaires, surtout pour un titre sorti en 2001, époque où les personnages féminins avaient tendance à avoir des peaux parfaites, des mensurations bien spécifiques, etc...
La personnalité de Silent Hill provient également de la sensibilité de Sato, mais aussi de Masashi Tsuboyama, le réalisateur. Plus précisément, cette idée d'une ville désolée, remplie de tristesse, qu'on ne peut néanmoins cesser d'aimer. Il y a là aussi une ambivalence: un mélange d'attirance et de répulsion qui s'empare de nous.
Il n'est pas exagéré d'affirmer que la stylisation de Sato a eu une influence considérable pour de nombreux développeurs. C'est par exemple le cas du studio belge Tale of Tales, les papas de The Graveyard et de The Path, qui ont été très inspiré par l'homme. L'entreprise a même pu collaborer avec lui pour concevoir des personnages du projet Fatale.
Je risque de me répéter, mais on retrouve à peu près les mêmes inspirations que pour le premier épisode, comme l'influence énorme du film L'Echelle de Jacob, les films de Cronenberg mais l'équipe de développement a également puisé dans l'étrangeté des films de David Lynch, avec leurs protagonistes semblants se comporter de manière inadéquate aux événements, créant ainsi une atmosphère inquiétante et décalée. A la différence de Silent Hill 1, pour qui les développeurs ont d'abord dû imaginer un jeu effrayant, ainsi que devoir élaborer à quoi pourrait ressembler la ville, l'intrigue de ce second segment a été échafaudé très tôt dans le processus créatif. En effet, le décor avait déjà été planté dans l'opus précédent. A l'instar de ce dernier, il est amusant de noter que les principaux membres de la Team Silent sont majoritairement composés d'artistes, qui n'ont d'ailleurs pas nécessairement grandi en jouant intensément aux jeux vidéo.
Silent Hill 2 est un exemple atypique de jeu où le héros, en se mentant à lui-même, va mentir au joueur par omission. Pendant notre périple, on pense connaître un peu le personnage à force de le contrôler, durant une dizaine d'heures. Mais finalement, on ne le connait pas réellement. C'est là où la vue à la troisième personne est pertinente, car elle maintient une distance entre nous et notre avatar: On se rend compte, avant que l'aventure ne s'achève, que James ne révèle jamais son crime. On se doute que quelque chose cloche cependant, lorsque tout devient très altéré, ainsi que lors du long climax dans l'hôtel, dernier grand lieu du soft. Le veuf ne nous dit rien, mais c'est la ville qui essaie de nous dire quelque chose. Ou plutôt, elle nous bombarde au visage les traumatismes et la culpabilité de James via des images fortes. Rétrospectivement, c'est un jeu intéressant à redécouvrir pour mieux appréhender certains détails, comme la lettre de Mary qui disparait au fil de la progression, signifiant plausiblement que ces écrits n'ont jamais existé et qu'elle faisait partie du mensonge du bonhomme. L'introspection de ce dernier prend un autre tournant lorsque le visage de l'hôtel change: Le bâtiment parait propre lorsqu'on entre à l'intérieur. Mais lors du climax, après le twist sur le meurtre de Mary, on croit que l'hôtel a basculé dans le monde altéré, mais il semblerait plutôt qu'il est juste revenu à son état "normal". Que la ville n'a plus besoin des hallucinations pour que notre héros accepte la vérité. En définitif, il y a tout un tas d'éléments comme ces exemples qui prennent une toute interprétation, lorsqu'on connait le scénario dans son ensemble. La mise en perspective est vraiment importante pour analyser une oeuvre pareille.
Comme pour le premier jeu, Silent Hill comporte une multitude de fins différentes, selon nos choix ou actions réalisées. A contrario de nombreux softs qui octroyaient des choix clairs et binaires aux joueurs à instants T, la licence de la Team Silent préfère analyser les comportements plus ou moins inconscients du joueur afin de valider quelle fin va s'offrir à lui. Cette idée deviendra un pivot dans l'élaboration de Silent Hill: Shattered Memories, la relecture totale du premier jeu, développé par Sam Barlow et son équipe de Climax Studios. Par ailleurs, la nature de ces dénouements impactent fortement sur l'appréciation et l'interprétation que l'on peut avoir de l'histoire. Avec un regard neuf, on peut déplorer que la soi-disant bonne fin, lorsque James part avec Laura peut avoir un goût amer. En effet, dans cette "good ending", Mary comprend son mari et ce dernier part l'esprit plus "léger", malgré le crime qu'il a commis. Rien de dramatique, non. Juste que je peux comprendre que ça puisse faire tiquer avec un oeil de 2024. Et cette ending reste, quoiqu'on en dise, admirable pour les questionnements ambigües qu'elles amènent. Les fins absurdes sont toujours de la partie, comme la fameuse OVNI, mais aussi celle intitulée "Dog" totalement farfelue. Il est amusant de constater que celle qui était considérée comme "bad", à savoir celle où James se suicide dans l'eau, demeure une des conclusions canoniques d'après les développeurs, et selon ce qui est suggéré dans Silent Hill 4. Avec le recul, c'est une des chutes les plus satisfaisantes d'un point de vue scénaristique.
Quoiqu'il en soit, on débute l'aventure en étant compatissant sur le deuil du héros. Compatissant, certes, mais on ne s'attache pas nécessairement à lui non plus: Ses réactions s'avèrent manquer de lucidité, à priori pour qu'on abonde dans son sens. Puis, au terme de son introspection, et à la lumière de la vérité, on se retrouve dans une position inconfortable en ne pouvant cautionner son geste, malgré son évidente détresse. On peut même éprouver de la trahison envers cet avatar menteur. Une ambivalence de sentiments peut dès lors inéluctablement nous assaillir, tout au long du voyage.
L'horreur psychologique qui découle de l'expérience est forte parce qu'elle s'appuie volontairement sur l'Eros et Thanatos, le mélange entre le sexe et la mort auxquels on pense souvent en tant qu'êtres humains. Au sein de l'univers de cette suite, tout est ramené à ces deux notions, par exemple à travers ces créatures qui semblent parfois sexy mais amalgamées avec des attributs résolument morbides évoquant la mort. Ces ingrédients juxtaposés continuellement ensemble génèrent la confusion et de l'anxiété dans l'esprit du joueur. En outre, l'intrigue soulève des thèmes assez lourds comme les abus sexuels, le harcèlement, mais aussi la notion de stress post-traumatisme. De plus, ces éléments se retrouvent au milieu de décors, certes somptueux techniquement pour de la PS2, mais en décrépitude, sales, voir moisis. Il y a quelque chose d'obscène dans les paysages de cette petite ville touristique, même si on peut vraisemblablement y déceler une lugubre poésie. Tous ces paramètres définissent Silent Hill 2 comme étant une oeuvre pas très agréable. Ce qui peut paraître paradoxal, surtout dans les années 2000 où le FUN était érigé en but ultime du média: Il fallait absolument que les jeux vidéo soient fun ! Qu'ils soit agréables ! Les développeurs tendaient de plus en plus vers une façon de jouer la plus pure. La Team Silent va à contrecourant de ce dogme en proposant un soft aux allures peu encourageantes et assez difficile à boucler: Il faut souffrir lorsque l'on y joue. Ce n'est pas rigolo.
Des fois, je suis triste.
Akira Yamaoka, le compositeur et sound designer de Silent Hill, entouré de son armée de synthétiseurs. |
On retrouve toujours le fameux Akira Yamaoka à la bande son. A l'instar du premier épisode, les musiques apparaissent toujours aussi expérimentales, avec une alternance entre thèmes effrayants qui convivent nombres de sons distordus et métalliques, mais aussi des morceaux plus acoustiques, à base de riffs de guitare et d'envolées au piano, distillant un sentiment de mélancolie à ces pistes. Grosso modo, on pourrait schématiser l'OST de Silent Hill 2 comme ça. A la différence de celle de l'opus PsOne, qui misait sur un assortiment très brutal et agressif, avec moults sonorités industrielles, ici le résultat est plus subtil: On y retrouve toujours des segments lourds et violents, mais les tons plus troublants et atmosphériques prennent une place plus prépondérantes. On sent que Yamaoka a peaufiné son art et a ajouté plusieurs nouvelles tonalités à son arc. Ce second segment deviendra le préféré du monsieur. Pour l'anecdote, ce dernier a partagé que lorsque l'équipe de développement s'est réuni pour brainstormer sur le projet, l'idée centrale avait été l'euthanasie, un sujet clivant, et encore totalement inédit dans le jeu vidéo. Cette ébauche stimula le musicien car il était intéressé par la thématique. De surcroit, ce dernier a plusieurs fois raconté qu'il créait des ambiances lugubres lorsqu'il était heureux. Qu'il était plus facile de discerner la tristesse et la peur quand il était d'humeur positive, et qu'on pouvait devenir insensible à la noirceur, si on était déjà dans un mauvais mood; et donc, avoir du mal à correctement composer des accords aux intonations plus sombres.
Les compositions horrifiques sont toujours aussi efficaces: Notre compositeur a toujours parfois recours à de célèbres bibliothèques de sons, notamment la gamme "Distorted Reality" ou encore "Bizarre Guitar" de Spectrasonics, une société de logiciels musicaux et d'instruments virtuels (VSTs, tout ça tout ça). Pour ses créations, l'homme s'est donc amusé à intégrer et à moduler des échantillons (ou des samples pour les anglish), des extraits sonores préexistants qui sont ensuite réutilisés au sein d'un assemblage, pour créer une musique unique. Yamaoka a donc modifié des échantillons en y a rajoutant ses touches personnelles comme du piano qui donne le LA à l'ensemble. Je me souviens que, lorsque j'ai découvert les banques de sons que le monsieur utilisait, j'étais tombé sur des gens qui semblaient outrés ou déçus que le musicien ait pioché dans des samples issus de compilations Spectrasonics. Comme si ils considéraient que le compositeur avait "triché". Je me suis rendu compte qu'il y avait une totale méconnaissance de ce qu'est l'échantillonnage qui, je trouve, reste un procédé artistique tout à fait admirable.
L'OST de Silent Hill 2 reste une des plus incroyables du média, car elle nous immerge dans une ambiance totalement singulière. Comme pour le reste du jeu, écouter les différentes pistes nous absorbent dans un monde tantôt effrayant et étrange, tantôt mélancolique et doux.
Cette vidéo est intéressante car elle présente une sélection de sons qu'Akira Yamaoka a utilisé pour créer les nappes sonores des différents épisodes de Silent Hill.
Le compositeur a, comme mentionné plus haut, également été en charge du sound design. C'est à lui que l'on doit tous les bruits dégueux qu'on entend lorsqu'on éclate des monstres au sol, ou lorsque James plonge sa main dans un trou murale sans fin. Il a probablement dû esquisser un sourire mesquin lorsqu'il a placé des sons de vomi, lors de notre première rencontre avec Eddie. Tu sais, lorsque ce dernier vide son ventre dans des toilettes. Pour l'anecdote, lorsque j'ai refait un nouveau run, ma grand-mère était assise, à côté de moi, pile lors de cette scène particulière. Je me souviens qu'elle avait été écoeuré par les bruits immondes qu'Eddie poussait. Elle lâchait des "Oohhh !", "c'est dégoutant !". C'est triste car, à ce moment précis, si j'avais essayé de lui vendre le jeu vidéo comme une forme d'art, ça aurait été raté. Je ne pouvais plus essayer de rattraper le coup avec des "Oh non non, mamie ! Jte jure ! On ne parle pas qu'avec des gens qui gerbent dans mon jeu ! C'est un jeu triste, avec des monstres symboliques et tout et tout ! Le deuil, tout ça ! Jte jure !" Je ferme la parenthèse...
Le reportage Fun TV mettait en lumière les nombreuses nuances de sons de pas que l'artiste a créé afin que l'oreille du joueur ne s'accoutume nullement du même bruit, à contrario des premiers Resident Evil qui offraient une variété bien moindre. Cette partie du making of a tellement résonné en moi que, maintenant, lorsque je m'exerce sur du sound design, je prends soin de varier mes sons de pas. Par exemple, pour accentuer le ressenti de la matière sur laquelle notre avatar marche.
C'est également lors de cette interview que l'homme souligna l'importance du silence, une composante primordiale pour parfaire un sound design: qu'il était tout aussi important d'insister sur des moments dépourvus de sons, puis pouvoir, par la suite, jongler entre ces moments d'accalmies sonores avec des passages plus chargées en bruits. Manier le silence constitue une partie du travail de sound designer. Le calme plat laissait sa place aux grésillements de la fameuse radio, de retour dans cet séquelle.
A noter que le jeu utilisait le S-Force 3D, une technologie qui permettait une spatialisation du son assez convaincante: Les bruits qui se produisaient au loin semblaient véritablement étouffés, lointains, et pointaient dans plusieurs directions. La cerise sur le gâteau réside dans ces bruits produits aléatoirement, qui ne pouvaient survenir que la deuxième ou troisième fois qu'on recommençait une partie. L'expérience sensorielle au casque enrichissait diablement les sensations. Mais même avec une installation un peu chiche, le S-Force fonctionnait. Malheureusement, seul une poignée de jeux PS2 exploitaient cette feature.
Au final, si le sound design et les compositions semblaient être au diapason, c'est aussi parce que Yamaoka était en charge des deux disciplines.
Le fameux Pyramid Head dans ses meilleures oeuvres. |
Conclusion
Silent Hill 2 est une oeuvre à part. Une anomalie vidéoludique. Un OVNI ! Une OEUVRE D'AAAAART. Je peux encore continuer longtemps les superlatifs lourdingues. Il est indéniable qu'il a laissé une place indélébile dans notre média. Tout un pan des jeux d'horreur sont totalement tributaire de la trace que ce jeu a laissé. Il est maintenant intéressant de voir ce que le remake suscite comme réactions: les joueurs qui avait loupé le coche de la sortie du titre original ont, pour beaucoup, été impressionné par le propos du jeu, et la manière de jouer avec la symbolique distillée à de nombreux niveaux. Cela rend encore plus étonnant le parti pris de ce projet balancé au tout début du 21ème siècle. Il fait d'ailleurs partie du cercle très fermé des jeux que je relance parfois, ce qui contrebalance avec des fans qui, malgré tout l'amour qu'ils ressentent pour l'oeuvre, ont dû mal à le relancer. Et ça se comprend: Silent Hill 2 est un jeu qui dérange, qui est sale, malaisant, effrayant et tout un tas d'autres adjectifs peu reluisants, au fond. Il n'a pas été conçu pour être agréable à parcourir. Il a été enfanté pour secouer nos esprits et pour montrer qu'il était possible, pour le jeu vidéo, d'emprunter d'autres chemins.Après le développement du soft, le jeu des chaises musicales continuera pour la Team Silent: Akira Yamaoka conservera son poste de directeur sonore, mais, à force de fourrer son nez dans les autres aspects du jeu, deviendra producteur à partir du troisième volet. Masahiro Ito et Hiroyuki Owaku ne bougeront globalement pas de place pour la suite, tandis que Takayoshi Sato dira au revoir pour s'envoler aux Etats-Unis. Le rôle d'Akihiro Imamura deviendra plus discret par la suite, mais il est crédité comme sous-producteur sur Silent Hill 4 The Room. Masashi Tsuboyama, lui, héritera de la direction artistique, ainsi que de la conception des monstres, sur ce dernier titre.
De mon côté, j'ai mis du temps à accoucher de ces écrits, car il s'agit d'un de mes jeux de chevet. Rien que ça ! Je ne serais pas le Moggy que je suis sans ce soft. Je suis devenu Moggy 2.0 après avois bouclé l'aventure. Un jeu que j'aime même de manière irraisonnée puisque, il est vrai, j'ai tendance à avoir le poil qui hérisse lorsqu'on critique ce jeu. Vraiment le pire de ce que le fanboyisme a de plus bas et de plus vil. J'adore Resident Evil, mais tu pourrais volontiers critiquer la série. J'acquiescerai parfois même. Mais Silent Hill 2, ouhlala malheureux.se ! Non ! Tu me ferais trop de mal. Et je suis sûr que tu ne voudrais pas me rendre triste. :(
Toujours aussi intéressant à lire et j'aime tout le côté perso, en sachant que SH2 est par ailleurs le jeu par essence qui s'immisce et se sert de notre vécu et de nos pensées/peurs pour être encore plus percutant voire perturbant !
RépondreSupprimerBravo Moggy et merci pour ce billet qui me donne encore plus envie de m'y remettre !
Moh merci infiniment d'avoir lu ce petit texte. :)
SupprimerEt surtout content que tu l'aies apprécié. ça fait toujours plaisir.
C'est cool que tu donnes des retours aussi ! C'est tellement motivant !