Oublier pour ne pas redécouvrir de la même manière

 


Depuis que je traine sur internet, sur les forums jusqu'aux réseaux sociaux, je vois beaucoup de joueurs fantasmer le fait de pouvoir effacer leurs souvenirs d'un jeu qu'ils ont adoré afin de pouvoir s'adonner dessus à nouveau, comme si c'était le premier jour. Et ça m'a donné envie d'écrire un petit article sur ça (enfin "petit", je verrais bien à la fin, lors du bilan en fin de page). Plus globalement, j'avais également envie de revenir sur la manière de réceptionner un jeu.

Qui êtes vous ?


En général, les joueurs qui émettent le souhait de redécouvrir totalement un jeu ne mesurent pas nécessairement leur propos. Formuler cela reste évidemment une manière de souligner à quel point ils ont été transporté par un titre. Enfin... j'avance ça sans avoir interrogé les concernés. Peut être que je me trompe et qu'iels désirent réellement pouvoir oublier un soft afin de replonger dedans avec un regard tout neuf. Mais lorsque je découvre un jeu populaire et/ou culte, longtemps après la sortie, il y a régulièrement des propos bien précis qui s'immiscent dans mes mentions du style: "Ahlala ! J'aimerais tellement pouvoir l'oublier et tout recommencer. Tu en as de la chance de le découvrir maintenant".
A priori, je trouve ça chou dans un premier temps, car, oui, c'est toujours agréable de voir des personnes déclamer leur passion pour une fiction. Et puis vient l'instant où je me dis: "Oui, mais est-ce que tu aimerais ce soft de la même manière si tu le découvrais aujourd'hui ?"
Personnellement, je n'aimerais pas redécouvrir des oeuvres vidéoludiques qui m'ont profondément marqué. Final Fantasy VII, Metal Gear Solid, Ecco ou Sonic sont autant d'exemples qui ont indubitablement façonné le joueur que je suis devenu. Mais si on m'ôtait les souvenirs qui me lient à ces titres, l'affection que je leur voue serait bien différente, car, sans eux, je n'aurais pas les codes nécessaires, ni le contexte, pour les considérer à l'identique. Plus précisément, si j'ai tant aimé ces fictions, c'est sûrement parce que je les ai défriché à un moment très spécifique dans ma vie, avec des conditions psychologiques et une mentalité bien particulière. Par exemple, si on éradiquait mes souvenirs sur Silent Hill, je n'apprécierais probablement pas le jeu de la même manière en 2022 puisque je perdrais certains instants gravés dans le marbre parce que, justement, ce jour là, il faisait beau, que j'y avais joué à un moment avec un copain qui m'avait aidé à passer cette satané énigme du piano, à un moment opportun, en dégustant des frites Casino à faire cuire au frou micro-ondes. De surcroit, je l'ai bouclé à la sortie, lorsque j'étais un fringuant adolescent doublé d'un joueur qui chérissait un rapport différent aux jeux vidéo, dans un monde où Silent Hill ne bénéficiait pas de l'aura que la série a acquis à l'heure actuelle. La production de Konami était une espèce de jeu de niche, un peu étrange et se perdre dans la ville avait une certaine saveur, notamment après l'école, une fois le paquet de Miel Pop's englouti qui faisait office de parfait goûter. Fermer les volets, alors qu'un soleil plombant d'été sévissait à l'extérieur, a également contribué aux conditions requises dans l'appréciation de cette expérience..
Un autre exemple: Sonic a été une de mes plus grandes claques, tout simplement parce que j'ai pu parcourir cette production pile à la sortie, au moment même où la nouvelle licence de Sega était une nouveauté sur une Megadrive relativement fraîche qui avait encore de beaux jours devant elle. Il serait impensable d'oublier mon vécu sur le premier opus de la boule bleue puisque, si je l'exhumais aujourd'hui, j'aurais déjà eu un passif qui ferait que je ne pourrais pas autant m'émerveiller sur ce platformer, je le rappelle, au game design vraiment saugrenu pour l'époque. Je pourrais adorer Sonic à mon âge, mais jamais je ne pourrais répliquer les sentiments d'antan. Non, j'étais un gamin qui sortait de l'école Amstrad CPC, et Sonic était mon sixième jeu sur ma 16 bits de Sega. J'attendais ce dernier de pied ferme tout en étant dans l'expectative quant à ses qualités intrinsèques. La surprise de découvrir un soft qui allait au delà de ce que j'espérais a majoré mes premiers instants à batifoler dans Green Hill Zone.
En définitif, impossible que je puisse recevoir ces deux exemples de la même façon avec un nouvel oeil.

Ecco Defender of The Future
Ecco Defender of The Future

De suite, je pense également à Ecco Defender of The Future qui a été une des expériences les plus incroyables que j'ai pu vivre. Je me souviens que ce qui m'avait impressionné fut la transposition parfaite en 3D de l'expérience Ecco. Lorsque j'avais joué aux deux premiers opus Megadrive, je fantasmais parfois sur un épisode intégralement jouable en trois dimensions, dans lequel je pourrais explorer librement les tréfonds des fond marins. L'annonce du retour du cétacé étoilé sur Dreamcast m'avait tout émoustillé. Et découvrir le premier monde du jeu a été prodigieux car mon rêve se réalisait enfin sous mes yeux. L'affect que j'ai pu caresser a été en partie tributaire de mon désir ardent d'avoir un Ecco en 3D. Concrétiser ce fantasme à travers une nouvelle itération, heureusement réussie, n'a fait que décupler le plaisir éprouver dans la progression des différents niveaux. Sans ce passif avec cette licence, je n'aurais absolument pas aborder Defender of The Future de la même façon, qui plus est avec l'excitation de l'avoir obtenu le mois où j'ai eu la console.

Même sur des expériences plus récentes, je ne suis pas sûr que je ressentirais la même chose si je découvrais Portal actuellement. Encore une fois, le jeu n'avait pas l'aura qu'il a maintenant (bon, ok, même si ce dernier a été considéré comme un classique presque instantané). J'ai pu le parcourir en ayant à l'esprit qu'il s'agissait simplement d'un "petit" plaisir bonus calé dans la compilation Orange Box, aux côtés de Team Fortress 2 et Half Life 2. Ce n'est qu'une fois le titre fini que je me suis dit qu'on tenait un truc extraordinaire et novateur, tant d'un de point de vue game design (même si il emprunte énormément à Narbacular Drop, jeu indépendant sorti en 2005) que d'un point de vue narratif: Le design environnemental se conjuguait en harmonie avec le level design, et l'antagonisme de Glados était encore à confirmer durant une bonne partie de l'aventure, m'intriguant au plus haut point. En sus, j'ai toujours été intrigué par les robots ou les IA dans les histoires. Je n'aurais clairement pas vécu la même chose si j'oubliais aujourd'hui mon expérience, puisque que, comme expliqué plus haut, cette dernière est intimement liée à mon vécu, à mon état émotif, ainsi qu'à mon bagage culturel.
Justement, c'est grâce à ce dernier que j'ai pu chérir (ou non) certains softs. Si j'apprécie en ce moment Bloodborne, c'est peut être parce que j'ai été coutumier de Castlevania et de son ambiance gothique. En outre, j'accepte de me perdre dans Yharnam parce que j'ai été biberonné par la structure des châteaux labyrinthiques de Symphony of The Night ou Harmony of Dissonance, en plus de mon appétence pour les ambiances horrifiques. Et si j'accepte de mourir autant, c'est parce que j'ai pu me consacrer à bon nombre de die & retry, à l'instar de Flash Back, Another World ou Heart of Darkness. Soit autant d'expériences qui te mettent des claques et te prennent le visage en s'exclamant d'un air grave: "Concentre-toi, maintenant ! Et apprends !". J'ai donc appris à accepter et à ingurgiter tous ces codes au cours de ma vie.

Flashback (jeu vidéo)
Flashback

Petite parenthèse: je me suis parfois imaginé que mon moi actuel voyage dans le passé afin de rencontrer mon double enfant, afin de lui montrer les merveilleux jeux auxquels j'allais m'adonner dans le futur. Et que l'enfant de 10 ans que j'étais s'exclamerait: "Oh putain ! 'Sont mortels les jeux du futur ! On peut TOUT faire ! Je ne sortirai jamais de chez moi avec des trucs pareils !" Et je hocherais la tête d'un air désapprobateur en répondant: "Heu... si quand même, un peu." 
Ensuite, il m'arrive de me dire qu'avoir ces visions de ces softs qui n'existent pas encore allaient vraisemblablement altérer mon expérience et mon jugement sur les titres actuels, ainsi que l'attente des nouvelles consoles. Peut être qu'à la vision d'un Horizon Forbidden West, mon moi enfant allait trépigner d'impatience et multiplier les déceptions à l'annonce des nouvelles consoles. Une fois les premières démos techniques de la PS2, je me dirais "Ah non... ça ne ressemble pas encore à ce que mon moi à barbe m'a montré". Et cette rencontre allait plausiblement bouleverser mon rapport aux jeux vidéo, y compris à ceux que j'avais apprécié si je n'avais pas été au contact de ce sale con du futur... A cause du voyage temporel, j'aurais foutu en l'air tout mon historique et mon vécu vidéoludique. J'en reviens donc à ce que je relatais plus haut: A savoir que l'appréciation d'un jeu est assurément influencée, entre autres, par notre environnement ainsi qu'à notre vécu.


En ce moment, je débute mon premier "Souls", comme précité, sous les conseils bienveillants de ma compagne et d'autres joueurs qui m'ont montré le "chemin", et plus précisément des clefs pour pleinement savourer ce Bloodborne: Qu'il ne fallait pas avoir peur de mourir et qu'il fallait persévérer pour espérer survivre au milieu de tous ces endroits sadiquement conçu par un Hidetaka Miyazaki et son équipe aux regards mi-sadiques mi-passionnés. Et enfin, qu'il me fallait apprendre à lâcher prise si je perdais des milliers d'âmes après avoir trépassé, et qu'il fallait vite repartir à l'aventure, une fois les larmes séchées.
C'est donc cette somme de conditions sociales et contextuelles, d'expériences personnelles, de bagage culturel, mais aussi d'affinités qui font que l'on va recevoir une oeuvre de telle ou telle façon. Modifier un de ces facteurs altérera forcément la manière de réceptionner un titre. 
Je sais, ça fait beaucoup de texte juste pour répondre à quelques personnes qui m'ont juste dit qu'ils aimeraient bien effacer leur mémoire sur un jeu juste pour pouvoir le recommencer. En sus, ça ferait un thread gigantesque.
Tout ce que j'écris me paraît être totalement obvious, mais j'avais envie d'étaler ça tout de même, au moins pour ne pas oublier tout ce qui me passe à l'esprit.

Bloodborne screen de Moggy
Le meurtrier est sur l'image


Vieilleries éternelles


Cette longue tirade juste pour dire que "bah non, c'pas pareil si tu découvrais ton jeu culte aujourd'hui" m'amène à m'interroger sur l'importance que tout le monde ne découvre pas les titres à leur lancement. Alors, ok, c'est cool qu'un maximum de joueurs puissent y jouer relativement tôt. C'est bien pour les développeurs et éditeurs: ça rapporte des sousous et tout et tout, mais je pense qu'il est intéressant que des gens loupent totalement certains titres emblématiques, et se mettent dessus ultérieurement. Cela permet d'évaluer ou non la viabilité de ces expériences dans le temps, ainsi que mesurer leur impact culturel: Vérifier si leur rayonnement dans les esprits reste inaltéré pour quelqu'un qui plongerait dans ces softs acclamés à leur sortie. Des titres qui ont été un porte-étendard pour une multitude de rejetons venus après eux. Les décennies passantes aident à avoir le recul sur les fictions qui ont laissé une emprunte durable dans l'industrie. Mais il est également toujours fascinant que des joueurs, qui seraient passés à côté, se penchent sur ces hits. J'ai pu voir la vidéo de Hugo de Game Next Door qui découvrait Metal Gear Solid pour la première fois en 2020, durant le confinement hardcore, et il avait été frappé par la pertinence de cette masterpiece encore actuellement.
Dans ce même genre d'idées, j'ai pu découvrir Half Life 2 en 2014, sans grande conviction, et j'avais été bluffé par la qualité du gameplay, mais aussi du level design qui était au diapason avec la direction artistique de la Cité 17, théâtre des événements du projet de Valve. Je me souviens particulièrement de l'épisode 2 qui plaçait une bonne portion de son action dans une forêt à l'atmosphère réellement unique. La construction plus ouverte de ces niveaux, bien plus que dans le jeu original, restait toujours éloquente en 2014, en plein boom des open worlds. Et ce n'était pas gagné car j'ai parfois tendance à être déçu des jeux que les gens me "sur-vendent". En définitif, se (re)plonger dans certaines aventures permet de se rendre compte de leur aspect novateur. 


Half Life 2 Episode Two
Half Life 2 Episode 2

Lorsque j'avais fait Shenmue, j'étais persuadé que les futurs blockbusters emprunteraient plus ou moins le même chemin: des mondes denses et bourrés d'une multitude de détails à chaque coin de rue. Effectivement, les open worlds (même si il ne datait pas de Shenmue) allaient prendre une place prépondérante. Ces derniers n'ont pas tardé à donner le vertige aux joueurs en proposant des univers de plus en plus vastes à parcourir. Cependant, le jeu vidéo à préféré multiplier les kilomètres au détriment des "micro détails" au cm². Je m'explique: les quartiers que l'on visite dans Shenmue ne sont pas immenses, mais on peut rentrer dans la plupart des magasins, et chaque parcelles de rues sont parsemées de détails en tout genre, allouant un sentiment de gigantisme tout aussi tangible que celles des autres open world modernes. Il y a quelques exceptions comme la série des Yakuza, véritable rejeton de Shenmue, qui adopte lui aussi un monde ouvert bien plus ramassé.
Dans GTA V, il y a plein de choses à dénicher mais sur de plus longues distances et moins dans les petits détails: Par exemple, seule une poignée de magasins sont visitables dans toute la ville. Cette manière d'appréhender l'espace n'est pas meilleure ou moins bonne que la proposition de Shenmue. C'est Juste un constat sur ce que les studios ont favorisé. D'ailleurs, plusieurs personnes de mon entourage ont pu découvrir les deux épisodes de la saga précitées, des années après leur parution, et malgré quelques archaïsmes dans le maniement de Ryo Hazuki, le héros de l'aventure, elles ont été impressionné par la minutie du travail effectué sur les décors, tout autant que l'avance sur plusieurs autres points exposés par la série de Yu Suzuki.

Tiens, je reviens sur Metal Gear Solid, et plus particulièrement sur le second volet: A sa sortie, deux éléments m'avaient frappé: Tout d'abord, la qualité des animations et notamment lors des cutscenes. Je trouvais les mouvements des personnages bluffant de réalisme, si on met de côté certaines expressions faciales. Ils étaient fluides et s'enchaînaient sans ces transitions gênantes qui pouvaient subsister entre deux gestes au sein de bon nombre de productions vidéoludiques. Cette qualité d'animation s'implantait à merveille dans des scènes à la mise en scène détonante pour l'époque, à l'instar du premier volet. Hideo Kojima et son équipe savaient composer des plans assez propres incluant des protagonistes qui interagissaient entre eux avec un naturel saisissant.  Je pensais donc naïvement que tous les futurs AAA auraient cette authenticité dans leurs cutscenes. Que nenni ! Metal Gear Solid 2 et 3 restent encore aujourd'hui des modèles de mise en scène. Death Stranding, dernier né des géniteurs et génitrices des MGS a profité du savoir faire de l'équipe et, en y regardant de plus près, est encore un modèle de méticulosité dans le placement des personnages, ainsi que des jeux de regards lors des séquences cinématiques, comme j'en parle dans mon article dédié au bébé de Kojima Productions.
Toujours dans le giron de la famille Snake, l'extraordinaire intelligence artificielle du second opus n'a pas servi de modèle pour le reste de l'industrie. Ni même celle de F.E.A.R et de ses soldats aux incroyables réactions. J'en avais discuté longuement avec copain développeur, il y a des années. On en était arrivé à la conclusion que l'industrie avait probablement préféré mettre la technologie au service de graphismes de plus en plus réalistes, ainsi que sur les mondes de plus en plus ouverts, plutôt que sur une évolution significative de l'IA. Sûrement que polir à fond cet élément n'est pas super évident à vendre sur des trailers: En effet, il est nettement plus aisé d'attirer le chaland avec des millions de polygones et une résolution d'images du tonnerre, plutôt que d'essayer de mettre en images des situations mettant en valeur l'intelligence artificielle des ennemis et autres PNJ. 

Metal Gear Solid 2 screen de Solidus Snake
Metal Gear Solid 2: Je repense souvent à toutes ces scènes avec Solidus Snake, lorsque je repense aux cinématiques du jeu.

Je continue de dériver car écrire sur ça m'évoque le cas assez intéressant de l'IA des Far Cry qui a vu ses capacités cognitifs dégringolées au fil des épisodes, tout comme l'animation des ennemis: On est passé de Far Cry 2 et de ses assaillants qui se cachent et continuent parfois à nous tirer dessus, même une fois mis à terre, à Far Cry 5 et ses adversaires qui tombent limite comme des piquets (j'exagère, je sais). Idem en ce qui concerne la propagation du feu qui semble bien moins mis en valeur dans les derniers épisodes du FPS star d'Ubisoft. Je t'invite d'ailleurs à jeter un oeil aux vidéo Youtube qui démontrent le nivellement par le bas de tous ces détails, qui donnent pourtant du sel aux jeux vidéo. Une de ces vidéo est visible sur mon article consacré à Far Cry 2. Vas y... Clique sur l'hyperlien !

J'enfonce clairement des portes ouvertes mais j'aime bien ça... Ce billet n'a pas pour but de plus creuser la question. Et d'ailleurs, j'ai l'impression que je ne fais que m'éparpiller depuis tout à l'heure (en écoutant l'OST de Gran Turismo 1 en version japonaise). Pour être tout à fait transparent, je dois reconnaitre que j'ai galéré à trouver un titre convenable à cet article, tellement je sentais que mon texte allait être déstructuré.
Tout ça pour dire qu'il ne faudrait pas émettre le souhait de pouvoir oublier nos souvenirs, car ça n'a juste pas de sens selon moi. Néanmoins, il est toujours intéressant de découvrir de grands noms de l'industrie qu'elle que soit "le retard" que l'on peut avoir sur ces derniers.

Far Cry 2 (pour le blog de Moggy)
Far Cry 2 et ses sensations de jeux vraiment intactes aujourd'hui encore... Petit ange trop sous-estimé :(


Diable, je suis en retard !


Il y a un autre tic qu'ont beaucoup de joueurs et qui me rend perplexe: Il s'agit de cette propension à se croire "en retard", lorsqu'ils jouent à un jeu bien après la sortie ou, plus globalement, en dehors de la hype. J'ai même déjà lu ou entendu des gens affirmer être en retard sur un titre qui vient tout juste de souffler sa première bougie. Si ils savaient le nombre de jeux que moi et bon nombre de mes congénères faisions "à la bourre", loin des regards de l'actualité, voir même... hors du temps ! 
Hmm ? Pardon ? Oh ! Ça t'est déjà arrivé de t'excuser de faire un hit en retard ? Je ne t'en veux pas, hein ? Ce n'est pas un drame, bien entendu. Non, juste que ce sont des termes qui, de par leur systématisme, peuvent interroger, sur le conditionnement et la manière de consommer d'une certaines frange de joueurs. Bien sûr, ceux qui disent ça ont tendance à trainer sur les réseaux sociaux. Finalement, cette manie transparait surtout dans mon entourage Twitter, là où l'actualité et la hype occupent une place prédominante. Mon regard est donc forcément biaisé par un effet loupe: En fin de compte, il ne s'agit que d'une infime partie des joueurs, mais j'avais quand même envie de revenir sur ce point que je vois revenir un peu trop régulièrement dans ma timeline.
Et puis jfais c'que jveux sur mon blog. Tu vas pas pouvoir m'arrêter !
Comme écrit dans un précédent paragraphe, c'est la pluralité des regards, notamment à travers les âges, qui peut continuer d'entériner la fascination que l'on accorde à une création.. T'imagines si tout le monde avait poncé Bloodborne au même moment ? Plus personne ne pourrait le défricher dix ans plus tard, et ainsi placer l'oeuvre en perspective. Ces avis "sur le tard" ne sont pas forcément "meilleurs" ou plus pertinents que ceux tombant au moment où la hype est à son paroxysme, mais juste qu'il ne faudrait jamais se contenter d'écouter ceux qui font les jeux le jour J. Et puis, c'est toujours rigolo de suivre quelqu'un se lancer dans un marathon d'une série qu'iel n'a jamais faite: J'aime bien lorsque ces personnes, à quelques jours/semaines, se rendent compte des améliorations entre deux épisodes d'une saga. Cela permet également de mesurer le travail, parfois subtil, dans leurs évolutions.  A ce propos, il est également tout aussi agréable de connaitre l'avis de joueurs ayant apprécié un soft à a sortie qui le redécouvrirait des années après, et ainsi constater les changements dans son appréciation.
Donc non, tu ne seras jamais en retard... Pas dans mon coeur en tout cas. Biz


Continuons de s'enfoncer en abordant maintenant une des nombreuses façons de redécouvrir un jeu de chevet: A savoir le streaming. Depuis quelques années maintenant, Twitch a dynamité la manière de consommer le média et à redessiné le monde du jeu vidéo. A tel point que certains développeurs conçoient certains pans du game design en ayant à l'esprit les lives que les joueurs pourront partager entre eux..
Mais le streaming est également un formidable outil social, et là où je trouve personnellement cette pratique intéressante réside dans le fait de pouvoir remettre de vieux titres sur le devant de la scène, un peu comme ont pu le faire les let's play, il y a des millénaires. Suivre un streameur.euse adoré(e) découvrir notre jeu tant chéri en direct constitue indéniablement un petit plaisir, à l'instar de tous ces moments où je m'installais à côté d'un(e) ami(e) qui lançait une oeuvre que je connaissais déjà par coeur. J'en avais un peu parlé au détour de mon article sur Silent Hill: J'avais adoré voir deux copains se lancer pour la première dans les deux premiers épisodes de la saga horrifique de Konami, à quelques semaines d'intervalles chacun, pouvant comparer la manière de jouer de l'un et l'autre: Ils n'étaient pas sensibles aux mêmes éléments de l'intrigue ou de l'environnement, et ils bloquaient parfois à des endroits similaires ou totalement différents. Et j'adorais revivre par procuration l'aventure à travers leurs yeux, à l'instar de ce que l'on peut trouver sur Twitch. Grosso modo, ce partage peut enrichir, et même pérenniser, le rapport que l'on peut entretenir avec ces titres de l'amour éternel ! Du coup, pas besoin de désirer oublier les souvenirs de ces softs. Il suffit de regarder des lives.

Malgré tout ce que j'ai écrit, je comprends les gens qui souhaite cela: Refaire certains titres ne reproduit jamais le sentiment initial. Quelque soit la replay value, un récit déjà parcouru n'arrivera jamais à répliquer à l'exact ce que l'on a pu ressentir. Forcément, j'ai envie de dire. Elle est loin l'époque où, petit, j'arrivais à recommencer sans cesse les mêmes jeux, avec un intérêt toujours égalé comme au premier jour, même si, évidemment, je connaissais la moindre embuche. Aujourd'hui, il y a toujours des softs que je kiffe refaire, mais, en général, il faut vraiment que je laisse espacer quelques temps avant de pouvoir m'y remettre. Le cerveau d'un enfant n'étant pas le même qu'un adulte, l'intérêt pour lui de recommencer un jeu, tout comme visionner de nombreuses fois le même film, réside dans le fait que les petits aiment retrouver l'état émotionnel qu'ils ont éprouvé la première fois devant une fiction. De surcroit, les plus jeunes apprennent systématiquement et y décèlent de nouvelles choses, lorsqu'ils se repassent en boucle une histoire, allouant l'appropriation de l'oeuvre. D'une certaine manière, cela consolide leur sécurité et la fiction agit, en somme, comme un "moment doudou". Les éléments d'un scénario qu'ils auront assimilé resteront source de satisfaction lors des visionnages ultérieurs, en plus d'en décoder de nouveaux. Prédire les dialogues ou une scène rajoute un surplus d'amusement pour eux. Schématiquement, ils rejouent au même jeu, relisent le même livre ou revoient le même film parce que leur cerveau en ont besoin, si je peux dire ça. C'est l'apprentissage par la répétition. 
Mon fils ne déroge pas à la règle et rejoue sans cesse aux même softs depuis des années. Il a même cette manie de recommencer ses parties depuis le début, au lieu de charger constamment sa précédente progression. Hé oui ! Il envoie bouler les codes que j'ai ingurgité et, à 50% de la fin, il se dit: "Oh tiens ! Si je recommençais tout à zéro, là comme ça ?"
Et effectivement, je constate ses progrès et il comprend mieux les choses: Il a passé un temps non négligeable sur Super Mario Odyssey. Je pense même que c'est le jeu sur lequel il a passé le plus d'heures. A force d'appréhender les décors, il s'est mis à dénicher des lunes que ma compagne et moi-même n'avions jamais trouvé ! Et nous nous sommes émerveillé lorsqu'il a parfaitement saisi le sens d'une énigme posée par un des toads locaux, alors qu'elle n'était clairement pas évidente. Plus précisément, le personnage lui disait qu'il était nostalgique et, pour ouvrir la porte derrière lui contenant une lune, il fallait que Mario porte des vêtements bien spécifiques. Après cette discussion, mon fils a vite rebrousser chemin pour aller dans la boutique de fringues, afin que Mario revêtisse le skin de Mario 64, et ainsi débloquer l'accès à la lune.
C'est donc toujours rigolo de voir les progrès de nos enfants lorsqu'ils commencent à bien s'immerger dans un univers et qu'ils testent des trucs auxquels on n'aurait pas forcément pensé. 
Un autre exemple d'un journaliste racontait dans un podcast: Ce dernier relatait qu'il avait pas mal galéré sur l'île dans Zelda Breath of The Wild où se faisait dépouiller de tous nos items. Son fils, lui à force d'expérimentations comme font certains enfants, avait eu la présence d'esprit de déposer préalablement tous ces objets avant de fouler ces terres. Comme ça, une fois dessus, et le trigger qui ôtait les objets de notre avatar, il n'avait pas revenir sur ses pas afin de retrouver tous ses items déposés au sol. Les plus jenes ont plus tendance à expérimenté contrairement à nous qui sommes plus "blasés" dans notre manière de découvrir un titre: Instinctivement, à force d'avoir bouffer les mêmes codes spécifiques de ce média, il ne nous viendrait pas nécessairement à l'esprit de s'arrêter pour essayer des choses que l'on pourrait qualifier de "farfelues".

Super Mario Odyssey (royaume champignon) pour le blog de Moggy
Super Mario Odyssey

Lorsque l'on devient adulte, nous n'avons pas le même rapport aux fictions. Cependant, il y a tout de même des softs qui produisent une certaine satisfaction à force de mimétisme et d'appréhension des mécanique de leur univers. C'est clairement le cas des jeux From Software chapeautés par Hidetaka Miyasaka depuis 2009. Les Demon's Souls, Dark Souls, Bloodborne, Sekiro et Elden Ring axent leur plaisir sur l'aspect presque empirique de leur gameplay: L'une des satisfaction accordée au joueur est ce moment où ce dernier comprend les features ainsi que les mécaniques de ces mondes totalement opaques, lors des pérégrinations. Ces jeux encouragent certaines expérimentations, mais invitent également à observer les patterns des ennemis, à cartographier mentalement le level design des environnements, de ne pas avoir peur de persévérer même après moults décès, pour au final gratifier le joueur lorsqu'il arrive à parfaitement vaincre l'adversité avec ces outils mis à disposition.
J'ai pris le cas des Souls, mais il y a d'autres titres qui ne s'apprécient que lorsqu'on commence à parfaitement s'approprier l'expérience proposée, au détriment de la délectation de la découverte. En tout cas, c'est comme ça que j'ai ressenti ma partie récente sur Bloodborne: Le jeu ne semble pas accueillant, de prime abord, et l'opacité des mécaniques n'est pas forcément les moments les plus agréables du jeu, à contrario du ravissement de la découverte de beaucoup d'autres softs. Là, non. j'ai éprouvé de la satisfaction plus au moment où j'ai commencé à augmenter de niveaux, à me sentir limite chez moi, dans les premiers "niveaux", ainsi que lorsque j'ai commencé à cerner ce que le game design voulait me faire comprendre. C'est à ce moment précis que les réjouissances sont advenues. Selon moi, la pénibilité des premiers instants reste tout de même indispensable pour pleinement considérer la proposition des développeurs de From Software.

Je ne sais pas quoi écrire d'autres. D'autant plus que cet article est parti en total freestyle. Sur de nombreux paragraphes, je suis sorti de mon sujet initial. Heureusement, j'en arrive au terme et je ne sais absolument pas si tu as réussi à lire tout ça, ni même à avoir pleinement suivi mes égarements. Mais ça me fait toujours plaisir de blablater sur le jeu vidéo en général, à côté d'articles qui s'articulent uniquement sur un titre. J'espère que tu auras passé un bon moment à lire ce que j'avais sur le coeur. Sur ce, je te rends ta liberté et n'oublie jamais de jouer, encore et encore. Et même encore et encore. TOUJOURS ! JOUE !

Moggy


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