X-Files (Saison 6)

 X-Files (Saison 6)


Amour, romantisme, poésie et légèreté. Autant de qualificatifs qui résumeraient diablement bien la saison 6, auxquels on pourrait accoler "high concepts". Oui car, à bien des égards, la sixième année demeure très singulière et hautement expérimentale, à tel point qu'elle a laissée sur le carreau une partie des fans de la série. Cela dit, elle propose un élan et un dynamisme incontestablement époustouflants, et presque inespérés: En effet, le déménagement à Los Angeles aurait pu totalement défigurer le show. En outre, la lassitude guettait au plus près l'équipe créatrice, à ce stade de vie de la série. Que nenni ! Les nouveaux environnements, ainsi que le renouvellement d'une partie du staff, ont donné des ailes aux scénaristes et réalisateurs. En résulte une saison 6 absolument démentielle qui dynamite clairement les codes de la série. Quant à la mythologie, elle progresse bigrement, et se permet même de refermer de nombreuses portes, en plus d'apporter moult réponses attendues.

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Détruire pour mieux rebâtir

La saison 6 d'X-Files marque une rupture claire avec tout ce qui l'a précédé. Elle s'inscrit dans la continuité, bien évidemment, mais le déménagement à Los Angeles, ainsi que les nouvelles têtes créatrices, ont clairement revigoré l'équipe. Au lieu de se reposer sur leurs lauriers, Chris Carter et sa team ont repoussé les limites de ce qui était possible jusqu'ici, brisant en partie l'esprit "réaliste" du show. L'image symbolique du bureau de Mulder en feu dans The End, le cliffhanger de la précédente saison, se révèle être une manière pour signifier que la série a péri pour mieux renaître de ses cendres. La saison 6 s'apparente donc à une sorte de phénix pour l'imagination des créatifs. A un nouveau départ. Il n'est pas anodin que le segment d'ouverture s'intitule "The Beginning". 
Au lieu de camoufler au maximum le nouveau climat ensoleillé de la Californie, Chris Carter a délibérément choisi de saisir cette occasion pour raconter des histoires différentes, quitte à s'éloigner des sentiers battus; la saison n'hésitant pas à multiplier les high concepts, et à intégrer bon nombres de chapitres très étonnants et décalés. Antérieurement, la série a régulièrement proposé quelques épisodes en marge du ton général: notamment au travers les travaux de Darin Morgan, dans premier temps, via des scripts aussi savoureux que Humbug, Clyde Bruckman's Final Repose ou encore War of The Coprophages. La saison 5 s'était déjà intéressée à expérimenter beaucoup de choses, comme l'attestent The Post-Modern Prometheus ou encore Bad Blood, et parfois motivée des impératifs de production qui ont donné naissance à Unusual Suspects et Travelers. La saison 6 n'a pas eu ce genre de problèmes. David Duchovny et Gillian Anderson ont été globalement présents tout du long de l'année, et le film était sorti. Par ailleurs, les deux stars ont été ravi de pouvoir revoir leur famille plus facilement. Chris Carter avait abandonné Millenium depuis longtemps. Du coup, la production s'est déroulée de manière plus sereine que jamais. Bien entendu, les défis que se sont lancés les scénaristes et réalisateurs ont donné du fil à retordre, mais ces tracas font désormais partie du lot quotidien de la série.
A titre personnel, et pendant longtemps, je considérais la saison 6 comme ma préférée. Rétrospectivement, c'est "juste" une de mes favorites, et elle ne peut exister uniquement parce que les autres saisons existent. En effet, comme elle s'amuse à déjouer les attentes du public, elle aurait été moins pertinente si elle avait été produite quelques années auparavant. Elle semble donc parfaitement à sa place ici. A côté de cela, mon enthousiasme tenait de la nature franchement décalée de l'ensemble qui agissait comme un vent de fraîcheur. Même si la saison 5 demeurait exemplaire, je sentais tout de même une pointe de lassitude commencer à germer. Quelques lézardes apparaissaient dans les contours si majestueux de l'émission. Dans un monde parallèle, si X-Files était restée à Vancouver, on peut se demander légitimement si la série ne se serait pas essoufflée plus rapidement. Le déménagement à Los Angeles a été un bouleversement, oui, mais qui a été tellement bien négocié par le show. Carter a eu raison de pervertir les codes de sa propre création. C'est comme s'il avait donne le feu vert à son noyau de scénaristes pour qu'ils pondent toutes les extravagances qui leur passaient par la tête. En résulte donc une compilation de morceaux de télévisions absolument jouissifs et, surtout, irrésistiblement ludiques. Et c'est également pour ça que j'adorais cette nouvelle année: Son aspect ludique était très excitant. On sent que l'équipe a mis du coeur à l'ouvrage pour façonner tous ces nouveaux épisodes. Ce plaisir a été clairement communicatif, et c'est une des raisons qui m'a conquis. 

Mulder et Scully ont failli s'embrasser dans Fight The Future, offrant un nouveau regard sur leur relation. La saison 6 va prendre un malin plaisir à jouer avec cette progression sentimentale entre les deux partenaires, d'où l'optique de multiplier les allusions sur le caractère romantique de leur liaison. De nombreux épisodes s'amusent à démontrer à quel point les deux personnages sont faits l'un pour l'autre. De Triangle, à How The Ghosts Stole Christmas, en passant par Dreamland, Milagro, The Rain King ou encore The Unnatural, jusqu'à Field Trip, Arcadia et Alpha, tous ces exemple affichent une saison 6 se délectant de présenter Mulder et Scully comme des tourtereaux qui passent leur temps à se tourner autour, sans jamais s'avouer leurs sentiments. En outre, cette ouverture plus romantique transparaît dans un nombre considérable d'épisodes: Effectivement, la tonalité penche davantage vers la légèreté et l'humour. Il y a en effet beaucoup de drôleries et de loufoquerie cette année. Mais pas seulement, puisque certains chapitres se révéleront très sombres, au sens propre, comme au sens figuré. Effectivement, le contraste entre la lumière et les ténèbres demeure un motif récurrent, tout du long, et parfois même au sein d'un même épisode. Certains environnements sont éblouit par un radieux soleil, tandis que certaines scènes sont plongées dans l'obscurité la plus totale. C'est notamment le cas dans certains intérieurs, beaucoup moins éclairés qu'à l'accoutumée comme, par exemple, les couloirs du FBI, ou dans le bureau de Mulder. Ce contraste tout en clair-obscur se joue également dans les segments les plus sérieux et premiers degrés.
De surcroit, il s'agit d'une saison plus romantique, mais également plus poétique. De nombreux monstres de la semaine présentent davantage d'ambivalence, comme le prouvent Tearms of Endearment, Tithonus, Trevor ou encore Milagro. Ces antagonistes ont beau tuer ou commettre des crimes impardonnables, leur humanité ressort clairement, et bien plus qu'auparavant. La saison se montre plus douce, plus tendre. Encore une fois, c'était parfois le cas précédemment, mais la saison 6 élève incontestablement ces qualificatifs à un niveau plus prépondérant. 

Comme dit plus haut, l'équipe créatrice va repousser les limites de la série en proposant des épisodes très particuliers. Des concepts qui n'auraient jamais pu voir le jour durant les autres années. Même si la saison 5 contenait des bizarreries, la saison 6 va pousser les potards à fond pour offrir des oeuvres extrêmement singulières, comme Triangle, Dreamland, Monday ou encore How The Ghosts Stole Christmas. En fait, la saison 6 profite de la longévité du show pour détourner et se moquer des codes durablement établis par la série. A ce stade de vie, X-Files n'a plus rien à prouver. Même si les coûts de production sont bien plus onéreux à Los Angeles, la série a tout de même le loisir de jouir d'un budget confortable.
Une bonne partie de la saison convie Mulder et Scully à leur réaffectation hors des X-Files. Mais contrairement au début de la saison 2, qui s'ouvrait sur un postulat similaire, la saison 6 se comporte de façon plus désinvolte quant à l'intégration de ce nouveau statu quo. La deuxième année revêtait d'une ambiance pessimiste et triste, nous présentant un Mulder déprimé de ne plus travailler avec sa partenaire ? La sixième année hausse les épaules et ne se démonte pas pur autant: Ses épisodes s'amusent même à prouver que, X-Files ou non, le plaisir de la série perdure tant que nos deux héros sont ensemble. Elle pointe du doigt que, finalement, le plus important est de voir Mulder et Scully s'amuser à enquêter sur les nouveaux monstres de la semaine, même s'ils doivent ruser pour passer outre leurs prérogatives.

Côté mythologie, on a l'impression que, d'un point de vue nominale, elle paraît en retrait, notamment parce qu'un des diptyques de la saison a été volé par un des trublions décalés de la saison, à savoir les deux parties de Dreamland, premier double épisodes humoristique de toute la série. En revanche, d'un point de vue narratif, le mytharc explose: le fil rouge amorce l'accélération amorcée par Patient X et The Red And The Black de l'année précédente pour aboutir au diptyque Two Fathers et One Son. Un ambitieux morceau mythologique qui révèle cartes sur tables les enjeux du syndicat. En effet, il s'agit tout simplement d'une longue histoire visant à apporter un maximum de réponses à plusieurs questions en suspens. Le duo est tellement riche en révélation que M6 l'a sobrement intitulé "Toute La Vérité". Un nom un peu con, mais qui indique clairement l'intention de cet étonnant scénario. Chris Carter avait révélé qu'il désirait clôturer l'arc conspirationniste via les saison 6 et 7. Two Fathers et One Son semblent également combler les attentes des fans qui avaient pu être déçus d'un long métrage relativement avare en réponses concrètes. La saison 6 ambitionne même de se refermer sur une piste largement sous entendue dans The End.
Il n'est pas totalement aberrant de considérer la saison comme un dernier tour de piste pour X-Files: La mythologie semble se conclure, et le staff s'est déchaîné pour nous offrir des segments de hautes volées. L'aspect lumineux de la nouvelle salve d'épisodes agissent presque comme une conclusion logique de six longues années, s'apparentant à une célébration même de la série. La saison 6 est, certes, remarquable, mais son excellence va poser un épineux problème pour la suite. En effet, la saison 7 va devoir passer après ce pinacle artistique.

Néanmoins, l'étrangeté de cette saison, ainsi que son parti pris radical, va polariser la communauté des fans. Certains ont accueilli les nouveaux épisodes à bras ouverts, tandis que d'autres ont vivement critiqué tous ces changements. Les détracteurs ont même donné un sobriquet à la saison 6: Ils l'appellent "X-Files Lite", en guise de mécontentement. A ce sujet, j'ai appris des années après que les fans furent divisés. En Europe, et plus particulièrement en France, les avis ont été unanimes quant à la qualité et l'excellence de cette sixième année. Il est donc intéressant de noter les différences de réceptions critiques entre les Etats-Unis et L'Europe.
Malgré l'aspect expérimental et aventureux de la saison, cette dernière se montre particulièrement thématique. En effet, plusieurs analyses ont souligné les peurs et les angoisses qui émaillent une bonne partie de l'année. Plusieurs opus reviennent sur la question de l'immortalité, une manière pour X-Files de dévoiler ses craintes sur sa propre mortalité. Chris Carter pensait initialement que sa création se terminerait après cinq saisons, avant que la franchise ne s'envole sur grand écran. Le renouvellement des contrats visant à rallonger la vie du show ont donné lieu à ces questions existentielles sur l'immortalité. Concrètement, de nombreux récits de la saison traitent de cette question, et certains s'attardent sur un cycle qui se répèterait sans cesse pour Mulder et Scully. Deux personnages coincés, par un statu quo tenace, à reproduire inlassablement les mêmes actions mécaniques. Nous le verrons plus en détails bien plus bas, mais des histoires comme Dreamland, Drive, Triangle, Monday, Tithonus, How The Ghosts Stole Christmas, Milagro ou encore Field Trip sont autant d'exemples qui abordent plus ou moins explicitement ces questions. La saison 6 est donc une année incroyablement bien construite, réfléchie et hautement riche en thématiques fortes.
Côté audience, l'année a débuté sur les chapeaux de roue, mais a fini par baisser au fur et à mesure. Il y a donc un signe de déclin. Mais il faut dire qu'X-Files commence a accuser son grand âge. Elle n'est plus la jeune et vaillante petite série; cette curiosité provenant d'une petite chaîne prometteuse. Elle était devenue un classique de la télévision. Une institution incontestée. Et il est évident que les gens commençaient à s'en détourner. Cependant, elle a tutoyé des sommets. Il était donc prévisible qu'elle redescende un jour... Il est bon de rappeler l'arrivée d'une toute nouvelle série, Les Sopranos, qui allait monopoliser les regards. Quelque part, la saison 6 représentera l'ultime année où la série sera considérée comme un rendez-vous incontournable.
En définitif, la saison 6 représente le début d'une nouvelle ère: Le premier épisode s'intitule "The Beginning", tandis que le dernier s'appelle "Biogenesis", deux titres qui symbolisent un point de départ. Cela peut représenter beaucoup de choses: Le début du tournage à Los Angeles, oui, mais également les débuts de la vie sur Terre, mais peut être même le commencement d'une nouvelle relation entre Mulder et Scully.
En attendant, la saison 6 peut se targuer d'être un ensemble d'oeuvres télévisuel absolument fascinant et exemplaire. Son excellence tient presque du miracle à ce stade de vie de la série.




1. THE BEGINNING (Le Commencement)

Le soleil ! Le premier plan de l'épisode, et par extension celui de la saison, est celui d'un soleil radieux, comme pour souligner le déménagement à Los Angeles. Cette image agît comme une note d'attention de la série, visant à exprimer son désir de pleinement épouser les nouveaux décors proposés par la Californie. Une manière de préfigurer le changement de tonalité qui va s'opérer dans l'atmosphère globale de la série. Pourtant, le titre même de l'épisode est également une façon de rassurer le public que rien ne change totalement. Ce changement de lieu ne va pas non plus foncièrement bouleverser la série durablement. Il y a aura un panel d'opus très expérimentaux, mais aussi beaucoup de loners conventionnels, et le mytharc continuera d'avancer. The Beginning se révèle donc être dans la parfaite continuité de The End, mais aussi du film. Il a la lourde tâche de faire le lien entre tous ces noeuds scénaristiques tissés dans ces deux gros morceaux. Et il y a parvient plutôt bien. Le début est un rapide rappel de ce qui s'est passé dans Fight The Future, et qui revient notamment sur la façon dont Mulder a sauvé Scully de l'Antarctique. L'agent raconte tout ça devant une commission du FBI, pendant que sa partenaire nie avoir été témoin des événements, ce qui est compréhensible puisqu'elle était dans un piteux état à la fin du long métrage. L'autre rappel du film réside dans le teaser qui voit un membre du gouvernement secret revenir chez lui, et contaminé par le virus vu dans le film. En résulte un extraterrestre belliqueux qui sort de son corps pour aller ensuite semer la terreur. Bien entendu, étant donné que nous sommes revenu à un budget plus limité que celui du film, la créature est plus suggérée que montrée. Néanmoins, l'effet demeure très efficace, et rassure sur la capacité de la série a effrayer. Le soleil n'efface en rien les coins d'ombre où peuvent surgir les ténèbres. Le pré-générique rassure donc sur ce point. Comme mentionné, The Beginning ambitionne également de revenir sur les arcs narratifs laissés en plan dans The End: Pour l'occasion, Jeffrey Spender, Diana Fowley et Gibson Praise reviennent tous ici. Et à ce titre, l'épisode arrive habilement à relier tous ces fils, ce qui, en soi, n'était pas une mince affaire. Tous les événements se déroulent avec une fluidité exemplaire. Peut être que cette limpidité provient de Chris Carter qui a, d'après lui, élaboré les grandes lignes de ce segment mythologique, lorsqu'il développait l'intrigue de Fight The Future. Il a donc eu vraisemblablement le temps de parfaitement structurer l'épisode entre temps.

Le film avait révélé la réouverture du département des X-Files, donnant l'impression que la section n'aura pas été fermée très longtemps. En revanche, les dossiers de Mulder sont toujours brûlés. Nous voyons même ce dernier tenter de recoller les morceaux de son travail, au début de l'épisode. De surcroit, les affaires non-classées sont réouvertes, mais ce n'est désormais plus Mulder et Scully qui y travaillent, mais Spender et Fowley. Même si j'ai beaucoup critiqué cette dernière, force est de reconnaître que l'affilier aux X-Files est une jolie ironie, étant donné que, à l'origine, Mulder les avait découvert avec elle. Quant à Spender, il est expliqué ici que c'est l'Homme à La Cigarette qui l'a pistonné à ce poste. Un bon moyen pour lui de garder un certain contrôle sur la situation. Cette configuration évite de réitérer l'arc de la saison 2 qui voyait aussi les dossiers X sous scellés. En effet, de Little Green Men jusqu'à Duane Barry, les épisodes qui composaient cette dernière semblaient crépusculaires et moroses. The Beginning vient rassurer le fan que le contexte est très différent ici. Que cet arc narratif évoluera singulièrement par rapport à celui de la saison 2. D'ailleurs, pour accentuer le contraste entre les débuts des deux saisons, Skinner reste indubitablement un allié de choix dans cet épisode d'ouverture. Malgré l'affectation de Spender et Fowley aux X-Files, le directeur adjoint continue d'aider ses deux agents en sous marin. C'est même d'ailleurs grâce à lui que Mulder et Scully sont sur l'affaire. Le Skinner du début de la saison 2 constituait plutôt un obstacle à Mulder. Malheureusement, la chute de l'intrigue voit nos deux agents devoir se passer de l'aide de leur inestimable allié puisque, désormais, ils dépendront du directeur adjoint Kersh. Un personnage de bureaucrate impassible qui se dressera en obstacle pénible pour nos deux agents. De l'aveu de Frank Spotnitz, la création de Kersh a été un opportunité pour tenter de recréer la tension qui subsistait entre nos deux héros et Skinner, au début de la série. Il est vrai que ce dernier a beaucoup évolué au fil du temps pour se révéler être clairement du côté des deux agents. A l'instar de Scully, l'homme a fini par être séduit par Mulder et sa quête. Concrètement, Kersh a un rôle similaire que Skinner à l'époque de Tooms, Little Green Men, The Host ou encore Sleepless. Mais finalement, et très rapidement, il s'est rangé du côté de Mulder et Scully, dès Ascension, lorsqu'il a justement décidé de rouvrir les affaires non-classées. Il est donc amusant de comparer ces deux personnages qui occupent la même fonction, à deux moments différents où les héros sont sur la sellette.

Le retour de Gibson Praise est appréciable. Le récit nous expose les atrocités que le syndicat lui a fait subir. Une des conséquences est que le garçon devient plus désabusé qu'il ne l'était dans The End. A tel point qu'il se considère comme un cobaye comme il le dit à Scully. Jeffrey Spender est utilisé ici comme un outil servant à damner le pion à Mulder, en s'emparant de son bureau. Le fils de l'Homme à La Cigarette a beau jouer selon les règles de son père, ils ne se révèlent pas nécessairement en si bon terme tous les deux, comme semble l'attester leur dialogue final.
Fowley est un peu moins agaçante ici qu'elle ne l'était dans The End. Disons qu'elle partage au moins d'un temps d'antenne avec Mulder où les deux partent dans la centrale nucléaire, à la recherche de l'alien. Même si son personnage semble ambivalent, elle a l'air d'aider notre héros ici.
A ce titre, toutes les séquences dans la centrale demeurent atmosphériques au possible. Elles allouent un cachet très particulier à l'épisode. Et elles renforcent le contraste très fort entre la lumière et l'obscurité qui parsème tout le métrage. Lorsque je repense à The Beginning, j'ai à la fois des scènes en plein soleil qui me reviennent, mais également tous ces passages plongés dans les ténèbres, comme la maison dans le teaser, mais également la centrale nucléaire. Hey ! Pour l'anecdote, l'employé de la centrale qui roupille s'appelle Homer, un hommage au célèbre papa des Simspsons. Après The End, ce clin d'oeil est un nouveau remerciement que X-Files adresse à la sérié animée pour avoir concocté un épisode avec Mulder et Scully. Par ailleurs, au début, il y a également une citation à Men in Black, tiens. The Beginning agît également en contraste à The End. Effectivement, les deux chapitres se retrouvent à deux extrémités du long métrage et représentent deux pôles différents. The End semblait crépusculaire, tandis que The Beginning est nettement plus lumineux.
En outre, le twist de l'intrigue réside à la toute fin: lorsque le nouveau né extraterrestre termine sa mue, et se transforme en un petit gris que nous connaissons tous, révélant ainsi le fait que la version agressive du film n'est en réalité que le premier stade de leur évolution. De surcroit, nous avions déjà appris par le passé que le froid ralentissait sa gestation. Il n'est donc pas étonnant que la chaleur accélère le processus. C'est plutôt astucieux et permet à Chris Carter de commencer à remettre de l'ordre dans sa tentaculaire mythologie.

Un des points noirs de The Beginning réside en partie dans le développement de Scully. Mais, heureusement, ce problème est balayé lors de la conclusion. Pour être plus précis, son scepticisme ici peut devenir vite agaçant, à tel point que même Mulder semble perdre patience, comme s'il reflétait les états d'âme actuels du spectateur. Chris Carter gère assez mal cet aspect précis. Le scénario s'efforce de ramener Scully à son rôle basique de sceptique, comme une énième tentative de conserver au maximum le statu quo du show. Ce n'est malheureusement pas très bien agencé ici, malgré les explications de Scully. En effet, cette dernière confie à Mulder que ce ne serait pas juste si elle changeait. Elle continue dans cette voie là en se rappelant les mots que l'homme lui a dit dans Fight The Future: Qu'elle l'avait aidé à se remettre en question, et à douter de ses hypothèses. Et que, grâce à elle, il était devenu une personne plus honnête. Toutes ces explications sont légitimes, mais cela n'empêche pas Scully de sembler être dans un déni parfois exaspérant, surtout après cinq ans à avoir traquer toutes sortes de délires paranormaux. Cependant, malgré le statu quo bien enraciné, le personnage a clairement évolué. C'est subtil, mais cela saute aux yeux lorsqu'on se refait la saison 1 juste après. Scully ne rejette plus bêtement systématiquement les théories de Mulder. Elle rechigne parfois ou grimace, mais elle est plus enclin à croire à d'autres possibilités. Des épisodes comme Folie à Deux, Patient X ou même Chinga vont dans ce sens. Et heureusement, la fin de The Beginning suit un chemin similaire, car c'est elle qui confirme à Mulder les résultats des tests de Gibson, révélant qu'on aurait peut être tous des origines extraterrestres. C'est une révélation majeure qui sort de la bouche de Scully. Cette fin efface donc quelque peu la frustration provoquée par son scepticisme étalé précédemment.
J'aime particulièrement lorsque le comité du FBI passe en revue les aventures des deux agents. La mythologie d'X-Files a beau être épique, dense, et peuplée de protagonistes qui conversent de manière stylés et mystérieuses, néanmoins lorsque les supérieurs de Mulder et Scully résument basiquement les événements du film, toute l'histoire paraît tellement ridicule. On a l'impression que Chris Carter s'amuse beaucoup ici à ironiser sur sa propre création. Qu'il reconnait les aspects un peu too much de l'ensemble. Et qu'il convient de ne pas trop se prendre au sérieux non plus. De surcroit, on sent une intention d'épouser sincèrement les aspects de science fiction qui pullulent dans le grand fil rouge; Le showrunner reconnaissant et assumant les extravagances relatées dans la série. De manière plus terre à terre, ce résumé des faits est aussi une occasion pour expliquer les événements pour les gens n'ayant pas vu le film, en plus d'être une parfaite piqure de rappel pour clarifier la situation. A ce sujet, l'épisode contient une très chouette continuité, et assez subtil: Dans le teaser, les scientifiques qui rentrent chez eux travaillent pour Roush Technologies. C'est en tout cas ce qu'il y a d'écrit sur le van les transportant. La seule autre fois où nous avions entendu ce nom était dans Redux II. Et c'est Skinner qui avait enquêté dessus, et découvert que la société finançait le chef de section Scott Blevins. Il semblerait donc que ça soit une entreprise de biotechnologies de façade qu'utilise le syndicat. 
Pour l'anecdote, le malheureux scientifique contaminé est joué par Rick Milikan qui n'est autre que le directeur de casting de la série. 

Pour le noyau dur de l'équipe, The Beginning a été un défi de taille, notamment pour s'acclimater de l'ambiance de la Californie. Kim Manners, à la réalisation ici, a reconnu qu'il a fallu un petit peu temps pour retrouver ses marques. A ce sujet, il déclara: "C'était un défi de conserver un spectacle aussi mystérieux, sombre et audacieux, car le soleil brille toujours et l'ambiance est toujours plus lumineuse à Los Angeles. On a envie de couper au plus près du ciel".
L'équipe a été en outre furieusement bien aidé par une poignée de nouvelles têtes qui allaient devenir incontournable pour cette nouvelle ère, comme le précisa Carter: "Bill Roe a contribué à créer une atmosphère particulière, même si parfois nous manquions d'espace. Mais c'est aussi Corey Kaplan qui a été le chef décorateur. Et c'est Michael Watkins qui a engagé ces personnes pour la série. C'était donc une chance d'avoir trouvé le bon producteur à Los Angeles, qui a lui-même recruté les bonnes personnes à Los Angeles pour prendre les bonnes décisions, et continuer à faire de la série une réussite, même si le tournage se déroulait ailleurs." Visiblement, la nouvelle équipe s'est rapidement habitué au rythme de la série. Un petit clin d'oeil à ce fameux déménagement réside dans la chanson "Put on A Happy Face" (de la comédie musicale Bye Bye Birdie) qu'on entend dans la centrale. Le premier vers de la chanson est "Le ciel gris va s'éclaircir... Mettez un air joyeux."
Le tournage dans la centrale nucléaire, en réalité un bâtiment de Long Beach appartenant à une compagnie d'électricité, a été un cauchemar. Apparemment, à cause d'une vague de chaleur, pas mal de scènes ont été tourné alors que les températures dépassaient les 38 degrés. Plusieurs répliques ont dû être refait en post-production à cause d'un bruit de fond excessif, tandis que d'autres ont dû être réitéré à cause de plusieurs problèmes de décors et d'accessoires. Pour couronner le tout, la plupart des séquences mettant en scène l'alien en train de muer ont dû être tournées à nouveau. Les départements artistiques ont dû finaliser correctement les effets et les plans que quelques jours seulement avant la diffusion de l'épisode.
Le chercheur Lee Smith a appelé le directeur de l'Association Américaine des Neurochirurgiens pour savoir s'il était possible théoriquement qu'un garçon comme Gibson Praise pouvait subir une opération du cerveau, être recousu et prêt à se promener en une heure. Le directeur, apparemment un fervent fan d'X-Files, lui a répondu que c'était possible, mais qu'il serait juste légèrement étourdit et ne pourrait pas conduire.
En définitif, The Beginning demeure incontestablement plus excitant que la plupart des épisodes d'ouverture des autres saisons. On sent que Carter n'a pas le temps de trop temporiser comme ont pu l'être des segments de transition comme The Blessing Way et Redux. Il est plus habile et mieux construit que le décevant Herrenvolk. Et enfin, il se montre même plus dense que Little Green Men. Un agréable nouveau départ.



2. DRIVE (Poursuite)

On pourrait décemment soutenir que sans Drive, il n'y aurait probablement jamais eu Breaking Bad. Ou tout du moins, pas exactement la même série. En effet, c'est grâce au tournage de cet épisode que Vince Gilligan, à l'écriture ici, a rencontré pour la première fois Bryan Cranston. L'invité vedette ici incarnera le fascinant Walter White par la suite. Pour la petite histoire, les dirigeants d'AMC n'étaient pas convaincus quant au choix de Cranston pour camper le premier rôle de Breaking Bad. Ces derniers avaient l'habitude de le voir dans son personnage de papa gaffeur dans la sitcom Malcolm. Mais c'est en ayant vu sa performance dans Drive qu'ils ont fini par être convaincu. 
En attendant, Drive est un puissant X-Files. Une oeuvre absolument magistrale et indiscutablement singulière. On peut aisément la ranger dans la catégorie high concept qu'affectionne particulièrement la sixième saison, même si sa rupture de ton n'est pas aussi radical que les prochains Triangle et How The Ghosts Stole Christmas. Néanmoins, c'est un épisode très étonnant structurellement. Il ne s'agit clairement pas d'un monstre de la semaine, ni même d'une enquête dans laquelle Mulder et Scully recueillent des preuves jusqu'au prochain homicide bizarre. Non, ici, nous avons affaire à une gigantesque course contre la montre, avec un Mulder parcourant les longues routes pour se rendre en Californie, afin de sauver son ravisseur, Crump, de cette sensation horrible qu'il a dans la tête. A l'instar de The Beginning, Drive épouse totalement son nouvel environnement, en nous présentant de longues routes en plein désert. L'affiche "Californie" tient clairement à souligner ce changement de cap.
Nous avons donc affaire à un épisode qui va vite. A ce titre, l'étonnant teaser annonce la couleur: avec cette course-poursuite en voitures entre Crump et des policiers qui le poursuivent. Nous voyons la scène notamment via les caméra des hélicoptères, façon reportage choc. De l'aveu de Vince Gilligan, cette séquence a été inspiré de la fameuse course-poursuite d'OJ Simpson. Ensuite, la chute nous est présentée presque hors champ: la caméra aperçoit seulement la tête de la femme de Crump exploser contre la vitre de leur voiture. Ce format de présentation, façon JT de télévision, rappelle la fascination que l'auteur entretient avec la télévision. En effet, Gilligan ne puise pas nécessairement ses inspirations dans le cinéma ou la littérature, mais apprécie s'appuyer sur des concepts télévisuels, comme l'atteste son Bad Blood qui trouvait son origine dans un épisode du The Dick Van Dyke Show. Cette fascination atteindra un point culminant dans la saison 7, avec le surprenant X-Cops.

L'exposition est intéressante car elle s'attarde sur le changement de paradigme entre la saison 2 et 6, quant à la manière d'aborder le fait que Mulder et Scully ne travaillent plus officiellement aux X-Files. Malgré leur nouvelle affectation, ce dernier trouve le moyen de venir fouiner dans des affaires étranges. Lorsqu'il tente d'enrôler Scully avec lui sur cette enquête, ses yeux se gorgent de malice. On est donc loin de l'ambiance dépressive de la saison 2. Cependant, même si l'entrée en matière montre Mulder et Scully de façon "légère", le reste du métrage demeure absolument noir. Notre agent passera la plupart de l'épisode à conduire vite sous peine de voir la tête de Crump exploser. L'épisode repose sur cet unique postulat très simple, mais l'exploite très efficacement. De nombreuses scènes contiennent surtout des dialogues entre ces deux personnes que tout semble opposer. En effet, à première vue, le personnage de Cranston paraît antipathique: il est désagréable et antisémite. Les deux ne s'apprécient pas forcément. Cependant, l'adversité va finir par les réunir dans un but commun: la survie. Même s'il est clair que ce sale type ne serait pas notre pote dans la vraie vie, sa lutte pour sa survie, et son combat contre le gouvernement qui l'a mis dans cet état, ne peuvent qu'alimenter notre empathie. Et sincèrement, sans la bonne guest star adéquate, tout le petit film serait tombé à l'eau. Il est délicat d'insuffler l'humanité nécessaire à un sale type comme lui. Le récit se montre très subtil dans sa volonté de provoquer de la compassion pour cette pauvre victime, aussi antipathique qu'elle soit. Drive se classe aisément dans les épisodes à invités. Une énorme partie du film repose sur les épaules de Bryan Cranston, mais également sur l'alchimie qu'il tisse avec David Duchovny. Les dialogues entre les deux personnages font le sel de ce road trip sous tension. Concrètement, l'épisode arrive à ce qu'on rejoigne le combat de ce type: la "maladie" à ultra son qu'il subit, même si accidentelle, donne envie de le voir gagner la bataille. Il mérite clairement de vivre dignement. Parallèlement, le respect mutuel naissant entre Crump et Mulder se révèle touchant. Ce dernier a beau lever les yeux au ciel face aux déclarations à côté de la plaque de son ravisseur, les deux ont d'indéniables points communs: ils sont tous deux convaincus des méfaits du gouvernements et des militaires, et ils sont déterminés à ne pas baisser les bras face à eux. Malgré leurs différences de style, Mulder et Crump sont tous deux des paranoïaques convaincus de l'implication du gouvernements dans de sales expériences. 
Il ne faut pas négliger l'apport de Gilligan: l'écrivain a une aisance naturelle pour distiller de l'humanité à travers de personnages ambivalents. Il arrivait par exemple à rendre le Pusher attachant dans Kitsunegari, alors qu'il s'agit tout de même d'une ordure qui commis un nombre impressionnant d'homicides. Folie à Deux nous faisait compatir sur le sort de Gary Lambert, le preneur d'otages. Patrick Crump a beau être un sale con raciste, et un peu plouc sur les bords, Gilligan arrive à le rendre un minimum attachant. 

Pendant que Mulder vit une bromance, Scully, elle, enquête de son côté. Le parallèle entre les deux héros est à titre exemplaire: Les deux sont en quêtes de réponses sur les étranges événements qui se sont déroulés dans la demeure des Crump. Le premier obtient des réponses du principal concerné, en plus de déduire lui-même de la situation: Par exemple, il comprend que son ravisseur se sent mal s'il s'arrête de conduire. En outre, il déduit lui-même qu'il faut emprunter la bonne route et aller vers l'Ouest. De son côté, Scully récolte des preuves matérielles venant de ses recherches scientifiques. Ses déductions rationnelles l'aident à comprendre comment les Crump et tous les oiseaux aux alentours ont péri. Drive utilise les forces des deux têtes d'affiche de manière judicieuse. D'autant plus que, durant une bonne partie de l'épisode, les deux agents sont incapables de communiquer ensemble. C'est idée astucieuse contraint Scully à comprendre ce que son partenaire manigance de son côté. En résumé, elle doit se débrouiller seule, et décoder le comportement étrange de Mulder. Les deux agents découvrent donc une partie de la vérité, chacun de leur côté. L'épisode démontre les capacités de ses deux héros, et expose en quoi leur confiance mutuelle est primordiale pour la réussite de l'enquête. En outre, il est intéressant de noter que Scully recherche des solutions cachées dans l'obscurité, et littéralement étant donné que la plupart de ses scènes sont plongées dans la pénombre: La salle d'autopsie manque de clarté, et les déambulations de la scientifique dans les alentours de la maison des Crump se déroulent la nuit. A ce propos, ces passages sont très atmosphériques et presque cauchemardesques. Scully évolue avec une combinaison et découvre plusieurs cadavres d'oiseaux. On a l'impression de la voir appréhender une nouvelle planère. C'est très étrange. A contrario, Mulder progresse à vive allure sur les routes en plein soleil. Le contraste en clair-obscur entre les deux enquêtes se révèle audacieux. 

La fin est absolument déprimante. Mulder n'arrive pas sauver Crump. Il est fortement suggéré que l'homme est vraiment mort à cause d'un malheureux accident, et non due à une sinistre expérience gouvernementale. Le fonctionnaire militaire qui répond à Scully semble dire la vérité, lorsqu'il lui révèle la "brève surtension" survenue le matin de l'incident, expliquant la triste vérité que Vicky et Patrick Crump ont juste été les dommages collatéraux d'un malheureux problème. En somme, l'épisode dresse un parallèle avec les théoriciens du complot qui préfèrent voir une conspiration alambiquée à des événements finalement plus terre à terre. Il est plus rassurant de croire à une entité qui tire les ficelles dans toute cette tragédie, plutôt que de reconnaitre le caractère arbitraire d'une simple erreur.
Juste après la mort de Patrick, nous voyons Mulder sortir de la voiture pour aller contempler l'océan, dans un plan merveilleux. Il est arrivé au bout du chemin. La scène suivante nous dévoile Kersh, le nouveau patron des deux agents, se montrer menaçant envers eux. Le montage entre les deux séquences n'es pas anodin: La mort tragique de Crump cède la place aux complaintes d'un bureaucrate au sujet des dépenses effectuées par Mulder et Scully, au cours de cette enquête. Il y a comme une dissonance terrible à l'oeuvre ici qui suggère qu'une vie humaine ne représente rien face à un bilan financier alarmant. Le scénario de Gilligan dépeint une image peu flatteuse du capitalisme, exactement comme il l'avait fait dans son Folie à Deux. Seulement, ce sous-texte semble plus dilué et moins explicite que dans ce dernier script. A noter que le geste de Mulder, lorsqu'il regarde la mer, n'est pas anodin non plus: En effet, il retire sa cravate, un geste symbolisant clairement un refus de se laisser dicter par son travail. La cravate est définit comme un symbole puissant du capitalisme. Drive exprime la frustration de notre agent au terme de l'épisode. Il semble épuisé par la monotonie de sa mission actuelle qu'il trouve "humiliante".
Bien entendu, le fait que Mulder et Crump roulent vers l'Ouest en quête de survie évoque indéniablement les colons européens qui se sont déplacés, et étendus dans tout l'Amérique. Mulder et Crump sont comme poussés à aller vers l'Ouest pour y trouver l'espoir. Le premier écrit même à Scully: "Il faut aller vers l'ouest pour survivre", une manière d'illustrer les motivations historiques de l'expansion des européens, à l'époque. 
Et comme dit précédemment, Drive diffuse en filigrane une critique du capitalisme: Le récit nous présente les Crump condamnés à migrer vers l'ouest, comme motivés d'un irrésistible besoin. S'ils arrêtent de bouger, ils risquent de mourir. Un beau résumé de la vie au sein d'un monde capitaliste. Un système qui ne peut jamais rester stationnaire. Il en faut toujours plus. Pour saupoudrer la métaphore, l'épisode s'ouvre sur Crump qui se réveille un matin, incapable d'aller travailler. Etant donné son humble mode de vie, sa femme et lui voient le début de leur cauchemar arriver pile au moment où ils ne peuvent plus aller travailler pour gagner un maigre salaire. Drive accentue son sous texte en présentant la Californie de façon ironique: En effet, cet état a longtemps représenter le rêve américain pour de nombreux rêveurs. Un endroit au multiples opportunités pour les ambitieux. Pour preuve, Hollywood exerce une image fantasmée encore aujourd'hui. L'épisode subvertit la Californie au moment même où Mulder et Crump sont horrifiés, à la simple vision du panneau "Bienvenue en Californie". Ce à quoi répond Mulder: "On trouvera une solution", comme une tentative désespérée de rassurer son passager. A un moment donné, Crump explique même à l'agent que l'ouest a des limites.
Le fait que ce dernier ne trouve qu'une mort certaine, lorsqu'ils arrivent le plus à l'ouest, représente une belle ironie. L'homme a été longtemps brisé et bercé d'illusions. Mulder contemple ensuite l'immense étendue d'eau, comme l'évocation d'une liberté infinie, auquel les deux personnages ne pourront jamais profiter. C'est une puissante image que délivre là le métrage.
Cette longue traversée vers l'ouest est également une jolie métaphore des changements opérés en coulisse: Ce voyage désigne aussi le long chemin parcouru de la série pour déménager jusqu'ici. La série fait rouler Mulder à travers ces grandes routes américaines, comme une jolie manière de s'approprier ces immenses paysages. X-Files était donc prête à s'acclimater de ce nouvel environnement. 

Bien entendu, Speed est assurément une des inspirations évidente de l'épisode. Sauf qu'à la différence du film, ce n'est pas un véhicule qui risque d'exploser ici, mais carrément l'élément humain. En réalité, les premiers contours du scénario ont germé il y a plus de deux ans, comme une blague que Gilligan balançait à ses compères d'écriture: Frank Spotnitz et John Shiban. En effet, l'artiste avait toujours cette idée de teaser un peu folle dans laquelle un type, sur un manège tournant, retenait un otage. Le ravisseur menaçait ensuite le conducteur qu'il allait abattre sa victime si le manège s'arrêtait. Ensuite le SWAT arrivait à neutraliser le type avec une lacrymogène. Mais Gilligan ne savait pas du tout comment se terminait cette petite idée. Et régulièrement, lors des réunions de scénarios, Shiban et Spotnitz plaisantaient en lui demandant la suite de l'histoire. Gilligan répondait en rigolant que, au final, la tête du mec explosait. Mais au moment de commencer l'élaboration de ce deuxième épisode, ils sont revenus sur cette blague de ce preneur d'otage qui a sa tête qui explose, et se sont demandés s'il n'y aurait pas moyen d'intégrer réellement ça, au premier degré. L'auteur était un peu réticent, car il trouvait l'idée trop extravagante, et ne savait pas comment intégrer cela dans l'univers d'X-Files. Mais après quelques recherches, ils ont réussi à trouver une solution relativement plausible pour que le concept ne semble pas trop tiré par les cheveux. Et c'est Spotnitz qui suggéra une intrigue qui se concentrerait sur un seul protagoniste. Cette petite blague qui dura des mois se matérialisera donc en quelque chose de tangible. De tous les scénarios qu'il a écrit, Gilligan confia que Drive était le plus compliqué à finaliser. Au final, il a su créer un thriller sous tension vraiment prenant. Ses compères d'écriture ont été admiratifs du résultat. 

Bien entendu, Drive bénéfice amplement des talents de Rob Bowman, et de son expertise en terme de dynamisme. Le réalisateur excelle vraiment dans les morceaux à grand spectacle, et il livre ici un épisode de haute volée. Le découpage et les différents plans s'enchaînent élégamment bien. Le moment où Mulder doit changer de voiture demeure être un suspense bigrement tendu. Les plans où Scully éclaire le lieu où habitaient les Crump se révèlent atmosphériques et envoutants. 
Bowman a fait un excellent travail en jouant avec le contraste entre les scènes de Mulder et Scully, notamment via l'éclairage au poil qui accentue le côté naturaliste des scènes de voiture, entre Mulder et Crump. En effet, il a fallu pas mal de travail pour qu'un si important nombres de séquences entre deux personnages qui filent à toute allure fonctionnent. Il n'y a quasiment pas d'éclairage extérieur qui a été projeté à l'intérieur du véhicule. Afin de soustraire efficacement l'excès de lumière de soleil des plans, un assemblage ingénieux de feuilles de carton noir, montées sur des tuyaux, ont été fixées à la carrosserie de la voiture. Cette prouesse d'improvisation très cinématographique a été très remarqué par l'American Society of Cinematographers. Cette organisation a désigné Drive comme le meilleur opus filmé d'une série télévisée de la saison. A ce titre, le directeur de la photographie, Bill Roe, a été récompensé. Plus généralement, Drive présente beaucoup de passages avec d'autres véhicules à gérer, comme la scène où Mulder grille le feu rouge, mais aussi celui de la station service.
Il est intéressant de noter que les trois premiers épisodes ont été mis en boite par trois des plus grands réalisateurs de la série: The Beginning a été filmé par Kim Manners, tandis que Rob Bowman s'est occupé de Drive. Ensuite, Triangle profitera de la sensibilité de Chris Carter himself. 
Et au sujet de la nouvelle manière de jouer avec la lumière et les ombres, Rob Bowman déclara: "Quand nous sommes arrivés à Los Angeles, j'avais l'impression d'être seul responsable de la redéfinition de l'image de la série, car nous n'avions pas l'ambiance, nous n'avions pas le Sherlock Holmes. Je suis allé voir Bill Roe, le directeur photo, et je lui ai dit: "Je pense que ce nous devrions faire, c'est opter pour des noirs très profonds et une pénombre très précise. Et en extérieur de jour, nous essaierons simplement de suivre le soleil le matin, en filmant vers l'est; et lorsque le soleil descend au-dessus de notre tête, nous filmerons un peu plus serré, pour éviter la lumière frontale ou zénithale. Et lorsque la journée se termine, nous filmerons vers l'ouest. Et nous aurons toujours un objet noir dans une partie du cadre."
Globalement, toute l'équipe s'est dite très satisfaite du résultat final, et en particulier Gillian Anderson qui a adoré le concept, ainsi que la performance de Bryan Cranston.
En définitif, Drive constitue sûrement un des tous meilleurs X-Files que la série ait produite jusqu'ici. Et c'est encore une fois signé Vince Gilligan, après son excellent Folie à Deux.




3. TRIANGLE (Triangle)

Triangle est assurément un parfait candidat pour le titre d'épisode le plus bizarre et loufoque de la série. C'est une oeuvre télévisuelle absolument étonnante. Il est également amusant de le mettre en perspective, avec les déclarations de cet ancien Chris Carter qui se refusait d'inclure le concept de voyage dans le temps dans sa série (voir la partie sur Synchrony dans la saison 4). Quoiqu'on puisse penser du résultat, il représente incontestablement un tour de force de mise en scène. Pour aller plus loin, il s'agit probablement de l'épisode le plus ambitieux techniquement et visuellement de toute la série. Triangle est surtout connu pour son utilisation exclusive de divers plans séquences reliés entre eux. Pour une heure de télévision, et avec le temps imparti pour la conception, c'est prodigieux. Il faut mesurer qu'il s'agit d'un chapitre bourré d'action, usant de quelques écrans scindés et autres fioritures visuelles. Les mauvaises langues pourraient résumer Triangle comme une tentative consciente d'être un épisode à Emmy Awards. Et j'ai envie de dire: Et alors ? Est-ce incompatible avec le désir de concevoir une série impeccable chaque semaine ? Est-ce mal pour une équipe qui se fatigue chaque semaine de vouloir s'offrir un petit moment récréatif farfelu ? Et si le résultat est à la hauteur, je suis preneur. Car l'épisode a énormément de choses à offrir. Finalement, on pourrait résumer cette oeuvre succinctement: Mulder part à la recherche du Queen Ann, un paquebot ayant disparu dans le Triangle des Bermudes, et se retrouve projeter en 1939. A bord, il va rencontrer plusieurs personnages de la série, mais dans des rôles différents: L'Homme à La Cigarette, Spender et Skinner sont des nazis, tandis que Scully est une passagère. Dans le présent, la vraie Scully est avertie par les Lone Gunmen de la disparition de son partenaire. Elle va ensuite essayer de localiser ce dernier. C'est très simple, mais l'intérêt réside dans la manière de raconter cette histoire. Triangle constitue un pur plaisir ludique. C'est un épisode extrêmement agréable et amusant à suivre. Il n'y a pas de réelle enquête ici. Au moins, des segments singuliers comme Small Potatoes ou The Post-Modern Prometheus s'articulaient autour d'une vraie affaire. Ici, mis à part Scully qui part à la recherche de Mulder, il n'y a juste que le plaisir de voir tous ces personnages parler et évoluer dans de somptueux décors. Cependant, un scénario simple n'est en aucun cas un défaut (comme malheureusement beaucoup de gens semblent le croire). Même si Carter s'amuse avec différentes versions de ses personnages, évoluant dans deux époques différentes, il arrive à ressortir leur personnalité propre. En d'autres termes, lorsqu'il dépeint Skinner comme un supérieur ambivalent, dans le présent, qui accepte finalement d'aider Scully, son alter égo en fait de même en 1939, en sauvant la vie de Mulder et "Scully bis". Dans cette époque, "Skinner bis" est un gentil nazi qui prête allégeance à l'Amérique. Dans le présent, le personnage avoue à Scully avoir les mains liés. On peut supposer que son alter égo s'est retrouvé forcé à collaborer avec ces horribles individus. Les deux pendants se répondent, et le spectateur occasionnel a suffisamment d'informations pour parfaitement apprécier l'épisode. Il y a également ce même schéma qui peut être attribuer aux deux Spender: Le "Spender bis" du passé est une sorte de porte parole de L'Homme à La Cigarette que ce dernier utilise pour avoir des informations sur Artémis. Pendant ce temps, le vrai Spender tente de soutirer des infos auprès de Scully, pour le compte de l'Homme à La Cigarette. Et cette clarté dans la caractérisation des personnages est absolument phénoménal. Il faut se rendre compte que Chris Carter dispose de peu de temps pour jongler entre plusieurs figures, mais à des époques différentes, et qu'il arrive à rendre son histoire parfaitement limpide, malgré la prouesse technique du métrage. Parfois, lorsqu'un oeuvre est claire et simple, certaines personnes n'arrivent pas à s'imaginer que rendre quelque chose de si évident... n'est pas évident justement. Et c'est exactement le cas de Triangle: c'est un épisode d'une complexité technique incroyable, et qui arrive à être parfaitement clair dans son déroulement.  

Bien entendu, l'aspect totalement décalé et absurde de Triangle peut être expliqué par le fait qu'il s'agisse probablement d'un rêve de Mulder. L'épisode reste volontairement flou sur la véracité de ce que le personnage a vécu, lors de son voyage sur ce paquebot en 1939; les deux avis pouvant se tenir. En effet, certains soutiennent que Mulder ressent toujours le coup que lui a infligé la Scully du passé, tandis que d'autres expliquent que c'est juste un coup que l'agent a reçu de son accident. Le Magicien d'Oz est un inspiration évidente, à tel point que certains noms du film musical parsèment le script de Carter. De surcroit, cet hommage se ressent rien qu'avec le postulat présentant Mulder voyager dans un monde alternatif, peuplé de personnages familiers qu'il connait.
Un des passages les plus excitants réside dans tout le plan séquence présentant Scully déambuler dans les bureaux du FBI, à le recherche d'une personne qui pourrait l'aider à retrouver son partenaire disparu. Cyniquement, on pourrait arguer que cette longue scène ne sert globalement à rien. Il y avait mille façon de signifier que Scully avait obtenu une information. Mais l'équipe s'amuse vraisemblablement à la faire courir dans tous les sens dans des couloirs. C'est une scène magique car elle nous permet de voir plus en détails ces décors que les fans connaissent depuis si longtemps. C'est également une occasion pour rassurer ces derniers quant à la reconstruction minutieuse du bureau de Wahsington, comme à l'époque de Vancouver. En plus, c'est évidemment un effort délibéré de rendre cette séquence la plus ludique et amusante possible: Voir Scully se faufiler et éviter les conspirateurs, puis la voir emprunter les ascenseurs pour aller demander de l'aide à plusieurs personnages, représente un moment des plus savoureux. Un des tours de force réside dans la rapidité avec laquelle l'équipe de tournage change les décors, à plusieurs reprises, pendant que Scully attend dans l'ascenseur. D'un point de vue logistique et organisation, c'est absolument colossal. La spontanéité de toute cette séquence est formidable, et démontre à elle seule l'excellence d'X-Files d'un point de vue mise en scène. 
A ce titre, oui, il est amusant de revenir sur cette scène précisément: Lorsque Scully entrait dans l'ascenseur (qui n'était qu'un décor je le rappelle), plusieurs prises ont dû être recommencé car, en effet, après que Gillian Anderson ait fini de réciter son texte, les portes de l'ascenseur s'ouvraient trop vite, révélant par inadvertance un membre du staff mal caché ou poussant un meuble.
N'oublions pas les séquences sur le Queen Ann qui représentent elles aussi une prouesse technique, notamment parce qu'il était incroyablement difficile de déplacer des caméra dans des couloirs aussi exigus. Le choix d'opter pour des plans séquences a dû assurément donner des sueurs froides à Chris Carter. Au final, Triangle célèbre le plaisir de voir tous ces personnages évoluer en "temps réel".

Même si le montage donne l'impression qu'il n'y a que quatre plans séquences, délimitant les quatre actes de l'intrigue, l'équipe a en a implanté en réalité bien plus. En effet, l'épisode a choisi de tourner avec une steadicam, et ce type de caméra ne peut tourner qu'une poignée de minutes à la fois. Les quatre grandes scènes ont donc été reliées par de subtiles et discrètes transitions. 
Le parti-pris de Carter était éminemment casse-gueule. En effet, lorsque le showrunner a annoncé son désir vouloir réaliser un épisode entier en n'utilisant que quatre plans séquences, plusieurs membres de l'équipe ont cru qu'il avait perdu la raison. Ce procédé est un outil artistique incroyable, mais le savoir faire pour le concevoir demande une très grande exigence, de la part du réalisateur, bien sûr, mais également des acteurs et de l'équipe de productions. Tout doit être parfaitement synchronisé et réglé avec une minutie de fourmis. Chaque action, chaque lumière, chaque décor et chaque action doivent s'exécuter parfaitement sous peine de devoir tout recommencer à zéro. Un acteur se trompe dans son texte ? Hé bien, il faut ensuite refaire tout le plan séquence du début. 
A tort, le plan séquence a longtemps été décrit comme un outil accentuant le réalisme d'un film. Comme le réalisateur doit filmer une certaine portion d'une oeuvre avec ce procédé, beaucoup de gens pensent qu'il y a moins de place pour incorporer des truquages et autres effets spéciaux. C'est évidemment faux, mais quoiqu'il en soit, pendant longtemps, on a célébré le plan séquence comme une expression naturaliste. Il est amusant de noter que Chris Carter subvertit cette image faussée du procédé en l'intégrant dans un des épisodes d'X-Files les plus fantaisistes et oniriques qui soit. Plus les plans séquences progressent et moins le récit semble connecté au réel: Le point culminant voit Mulder assister à une bagarre de dessin animé entre des marins britanniques et des nazis les plus archétypaux possibles, tous droits sortis d'Indiana Jones. 
Le point d'orgue réside dans ce split screen dans lequel, accidentellement, les deux versions de Scully s'intervertissent l'une dans le plan de l'autre. Un pur exercice de style jouissif, oui, mais également un moyen de mettre l'accent sur l'aspect onirique du métrage.
Comme le projet n'était déjà pas assez ambitieux, Carter a demandé à William B Davis, Chris Owens et Mitch Pileggi de reciter certains de leurs dialogues en allemand, pour camper leur alter égo nazis. A ce sujet, Davis, alias le Smoking Man, déclara: "Je n'avais certainement pas réalisé que j'allais parler beaucoup allemand avant de recevoir le script, qui disait simplement "CSM (en allemand)". Pour l'aider à mémoriser son texte, un des acteurs allemandes lui a enregistré ses dialogues sur une cassette. Davis a reçu la cassette et a eu deux semaines pour tout mémoriser. Il nota que c'était une bonne méthode, malgré le fait qu'il trouvait ça injuste qu'il y ait de vrais germanophones dans la série. Et effectivement, Mitch Pileggi a eu moins de mal à se souvenir de son texte, car il avait déjà étudié l'allemand. Et l'acteur s'est même permis de corriger les incorrections de son propre texte. Selon lui, ces réécritures étaient nécessaires, car ses dialogues n'avaient aucun sens dans le contexte de ses scènes.

Malgré l'aspect "inoffensif", voir superflu pour les mauvaises langues, Triangle aborde certains grands thèmes de la série. Tout d'abord en rappelant le contexte "paisible" des années 90, notamment lorsque Mulder déclare à l'équipage de 1939 qu'il n'y a plus de guerre, et que les allemands sont sympas. De même, notre héros semble semer la mort malgré lui: A un moment donné, l'Homme à la Cigarette exécute un innocent pour atteindre Mulder. Ce dernier se retrouve donc confronter à faire des choix cornéliens. Une manière de souligner les tristes conséquences du grand fil rouge. 
Mais malgré toutes ses subtilités, Triangle reste avant tout une gigantesque fanfiction. En effet, le coeur de l'épisode provient de la relation amoureuse latente qui subsiste entre Mulder et Scully. Voir le premier embrasser "Scully bis", lors du climax, a tout d'une histoire alternative qui aurait pu sortir de la tête d'un shipper. Pour couronner le tout, Mulder déclare frontalement un "Je t'aime" à Scully, juste avant la fin. Bien entendu, comme cette dernière pense qu'il n'a pas toute sa tête, elle soupire et répond juste d'un "d'accord" et part. Mais l'intention est sans équivoque: Mulder a embrasser une version fantasmée de Scully, avant de déclarer sa flamme à la vraie Scully. Il est important de souligner l'événement que représente ce dernier acte. Il faut dire que la fin de Fight The Future a ouvert les valves, avec sa scène du baiser volé entre les deux agents. A de nombreuses occasions, la saison 6 s'appuiera sur la romance entre Mulder et Scully, comme si elle tentait de s'excuser de cette filouterie du film.
A ce propos, c'est véritablement X-Files qui a créé le terme "shipper" pour désigner les fans qui désiraient ardemment voir les deux héros en couple. A l'époque de la diffusion d'X-Files, les fans étaient polarisés sur le sujet du shipping. Pour une certaine frange, c'était un des moteurs du show, tandis que d'autres n'avaient que peu de considérations pour une telle relation entre les deux héros. Les shippers semblent donc à l'honneur dans Triangle, à tel point que le contexte du métrage tout entier repose sur un vaisseau (ship). C'est clairement un épisode voué à rendre hommage à cette partie bruyante du fandom. Et Carter obtient le beurre et l'argent du beurre, car il permet astucieusement à Mulder d'embrasser une Scully tout en s'assurant de conserver le statu quo entre les deux personnages pour la suite.
Il y a un autre détail surprenant: Scully remercie Skinner... en l'embrassant sur la bouche. Bien entendu, c'est tourné de façon humoristique et décalé, mais on peut y voir là encore un petit clin d'oeil qui évoque une partie des fans imaginer une liaison entre ces deux personnages. Effectivement, plusieurs spectateurs se disaient que ces deux là formeraient un joli couple. De surcroit, cette idée collerait avec les figures autoritaires qui attirent la jeune femme. Et à ce sujet, Mitch Pileggi plaisanta parfois en disant que Skinner avait toujours eu le béguin pour Scully, et que c'était pour cela qu'il était toujours furieux contre Mulder. Il était juste jaloux du coéquipier de Scully.
Plus globalement, la fin de l'épisode présente Skinner de manière surprenante, contrastant fortement avec Kersh. Il est décrit comme un tonton un peu sévère mais juste. Il se permet même de faire une ou deux blagues, suivis de rires des Lone Gunmen. Il est très déstabilisant (mais aussi très drôle) de voir l'ex Patron des X-Files présenté comme tel. A ce sujet, c'est une jolie manière de recontextualiser la place que n'occupe plus le personnage: il n'est officiellement plus le supérieur de Mulder et Scully. Son aspect attachant ici ne fait que renforcer le manque que peut ressentir les fans frustrés.
Quoiqu'il en soit, ces derniers ont été déchaîné juste après la diffusion de l'épisode. Comme prévu, le baiser entre les deux héros, mais aussi celui avec Skinner, ont mis les forums en ébullition. Les shippers étaient en émoi. 
A noter que c'est une nouvelle fois Arlene Pileggi, la femme de Mitch Pileggi, qui joue la secrétaire de Skinner. La femme avait déjà joué ce même rôle dans Bad Blood, et elle reviendra ultérieurement. C'est même Gillian Anderson qui les a présenté l'un à l'autre, étant donné qu'Arlene était également la doublure de l'actrice vedette.

Le tournage s'est effectué au bord du Queen Mary, un très ancien paquebot. Comme déjà précisé, l'épisode présente de multiple ambitions: Filmer en plans séquences, notamment dans un paquebot aux couloirs étroits, et avec des acteurs devant reciter en allemand. Mais c'est également une oeuvre d'époque qui a nécessité un soin tout particulier à l'authenticité du contexte de 1939. A l'origine, Chris Carter a eu l'idée de Triangle lorsqu'il concevait The Red And The Black. Apparemment, il avait atteint le record de filmer le plus de pellicules par épisode que n'importe quel autre réalisateur. Seul Kim Manners rivalisait avec lui à ce petit jeu. Pour rigoler, l'équipe lui a donc remis un trophée pour fêter ça. Il se mit ensuite dans l'optique d'essayer de concevoir un épisode avec le moins de plans possibles. Il se disait que ce serait l'occasion de faire comme "La Corde" d'Alfred Hitchcock. Comme le Queen Mary était amarré pas loin du tournage, Carter se disait qu'il fallait profiter de la situation. A la base, le showrunner pensait que ce serait là un moyen d'économiser sur le budget. En général, quand on pense comme tel, c'est le contraire qui se produit. Et effectivement, Triangle a été plutôt onéreux à produire, en plus d'être, comme on s'en doute, particulièrement difficile pour toute l'équipe. Et l'option d'avoir préféré tourner sur un vrai bateau, et non sur une reconstitution en plateau, s'est révélée délicate. Gillian Anderson était très impatiente de jouer dans sa longue scène dans les couloirs du FBI. Elle a adoré l'expérience, même si elle a reconnu le caractère déstabilisant du projet. Effectivement, les acteurs devaient jouer de longues séquences comme si c'était du direct. La vedette elle-même décrivait son expérience comme si elle jouait dans une pièce de théâtre: "C'est intéressant. C'est difficile de s'habituer à ce nouveau rythme. Je me rends compte à quel point je suis à l'aise et connectée à celui auquel nous sommes habitués. On sait quand donner et quand ne pas donner, et on sait quand les coupures vont avoir lieu et quand elles vont toucher quelqu'un d'autre. On pourrait espérer avoir assez d'énergie pour jouer tout le temps, mais notre corps le sait tout seul. S'habituer au fait d'être constamment sur scène permet de vraiment voir si on est un bon acteur ou pas."
Depuis la saison 1, la magie de la série aura été de camoufler la grande différence de taille entre Gillian Anderson et David Duchovny. Dans les épisodes, on voit que Scully n'est pas une femme très grande. Mais lorsque les deux se parlent face à face, la production a mis au point "la boite à Scully", une petite estrade sur laquelle l'actrice se tenait débout, afin de diminuer l'écart de taille entre les deux. A cause de son parti-pris en plan séquence, Scully apparaît donc bien plus petite qu'habituellement.
Triangle est un des épisodes les plus célèbres de la série. Avant sa sortie, il a bénéficié d'une campagne promotionnelle démesurée: Les journaux et les magazines en parlaient. Le Entertainment Weekly a même écrit qu'il s'agissait d'une chance pour Chris Carter de remporter un Emmy Award pour sa réalisation ou son scénario. Finalement, le chapitre ne remporta "que" celui du meilleur montage son. A l'instar de monuments comme Squeeze, Bad Blood ou encore Clyde Bruckman's Final Repose, Triangle est très régulièrement cité comme un des sommets d'X-Files.
Il semble faire consensus, aussi bien auprès des fans que de la critique. Bien entendu, quelques voix dissonantes pouvaient le présenter comme un exercice de style un peu vain et prétentieux. Pourtant, il est indéniable que l'équipe a mis du coeur à l'ouvrage, et que peu d'épisodes ont été aussi ludique que celui-ci. C'est même un X-Files qui s'est bonifié avec le temps, car même certains sceptiques l'ont largement réévalués.
Triangle demeure donc une chouette comédie déjantée de voyage dans le temps, et qui réussit tout ce qu'elle entreprend. Une oeuvre qui respire la fanfiction un peu geek, et qui dégage une énergie communicative.




4. DREAMLAND (Zone 51 Partie 1)

Dreamland marque une date: il s'agit de la première fois qu'un récit humoristique a droit à non pas un, mais deux chapitres entiers pour se développer. Et par extension, il s'agit de l'unique fois qu'un loner se scinde en deux. C'est vraiment étonnant. Ces deux segments sont globalement réussis, même si son étalement sur deux épisodes lui confèrent quelques ventres mous par instant. On pourrait voir Dreamland et Dreamland II comme une nouvelle tentative de ridiculiser Mulder avec un ursurpateur qui se prend pour lui, à l'instar de Small Potatoes. Vince Gilligan a écrit cette histoire avec ses deux fidèles compères scénaristes: Frank Spotnitz et John Shiban. Je me suis toujours demandé si Dreamland ne venait pas combler l'insatisfaction de n'avoir vu le fake Mulder de Small Potatoes que dans le dernier acte.
Pourtant, le procédé narratif n'est pas tout à fait identique ici: Nous, spectateur, lorsque nous voyions Eddie Van Blundht grimé en faux Mulder, on avait l'apparence de David Duchovny qui faisait des têtes pas possibles. Dreamland choisit un postulat différent: En effet, notre héros échange de corps avec Morris Fletcher, cet homme en noir en pleine crise de la quarantaine. A l'écran, nous voyons Fletcher, sous les traits de l'acteur Michael McKean, qui joue à Fox Mulder. Seulement, les autres personnages continuent de voir la vraie apparence de Mulder. A contrario, David Duchovny campe toujours Mulder mais dans la peau de Fletcher. Grosso modo, on a affaire là à un transfert d'esprits façon Code Quantum. A de rares occasions, lors de plans sur des miroirs, l'épisode nous donne la possibilité d'apercevoir ce que les autres voient: à savoir le vrai visage de Mulder, lorsqu'il est campé par Fletcher. Ce n'est donc pas tout à fait pareil que le procédé de Small Potatoes. A ce propos, il subsiste une petite erreur lors d'une scène. A un moment, lorsque le vrai Mulder parle à Scully, devant la maison des Fletcher, on voit son reflet dans le rétroviseur de la voiture du faux Mulder. Cependant, c'est David Duchovny qui apparaît dans cette image, ce qui est illogique. On aurait dû voir le visage de Michael McKean, à cet instant.
Bref, même si le principe diffère, il est intéressant de souligner à quel point Dreamland ne tombe pas dans le piège de Small Potatoes. Effectivement, ce dernier dépeignait Eddie Van Blundht comme un être pathétique, certes, mais néanmoins très sympathique, alors que c'était un violeur en série. Dreamland détoure son Morris Fletcher d'un air sympathique, mais néanmoins maléfique. La complexité du personnage est ce qui manquait cruellement à l'antagoniste de Small Potatoes. Même si les deux scripts présentent un point culminant dans lequel fake Mulder tente de séduire Scully, la manière de s'y prendre dans Dreamland II demeure nettement plus convaincante. Au moins, Scully ne se laisse pas embobiner par le faux Mulder dedans: Elle le prend même à son propre jeu. Ce diptyque bénéficie en outre de l'énorme atout des performances de McKean. Il joue son personnage avec beaucoup de finesse. Il sait se montrer tour à tour odieux, manipulateur, mais aussi compatissant et touchant. C'est un portrait nuancé qui préfigure clairement les travaux ultérieurs de Vince Gilligan. A ce propos, l'auteur lui confiera un rôle de premier ordre dans Better Call Saul. L'acteur et l'auteur ont donc commencé à collaboré ensemble ici. Ce qui fait que, sans la saison 6, nous n'aurions pas eu Breaking Bad, ni sa série spin off. Finalement, oui, Fletcher est lui aussi un "petit" homme qui rêverait être un grand. Les deux segments nous démontrent qu'il est lâche, et qu'il est capable de balancer si ça lui permet de se sauver lui-même. Tout au long de l'histoire, il provoque le rire, mais aussi de la détestation. Son pathétisme est désarmant, tout comme ses éclairs de sincérité. Fletcher n'est pas un personnage unilatéral. Il est entier, et c'est clairement l'immense réussite des deux épisodes. 
Le duo qu'il forme avec Gillian Anderson est formidable. Le comportement décalé, voir passif-agressif, de Fletcher resplendit face à une Scully décontenancée.

Comme dit, Dreamland est vraiment un bon double segments. Il est rafraichissant et parfois très drôle. Cependant, sa place dans la sixième saison commençait doucement à inquiéter certains fans. Il faisait suite au déjà très déjanté Triangle, et sa deuxième partie sera suivi par le très décalé How The Ghosts Stole Christmas. Terms of Endearment ensuite sera l'unique loner premier degré, et il représentera plus une exception qu'autre chose, car il sera précédera le très léger The Rain King. La première partie de la sixième saison comporte donc un nombre anormal de segments plus doux et au ton humoristique. Lorsque j'ai découvert la saison, je n'ai pas été déstabilisé, car tous les épisodes avaient déjà été diffusé aux US. Les magazines résumaient toutes les histoires et, même si tous soulignaient le caractère hautement high concept de l'année, on constatait qu'un très grand nombre d'épisodes sérieux parsemaient tout de même la saison. Mais, il faut se mettre dans la peau d'un fan qui découvre la saison, semaine après semaine, sans savoir exactement de quoi allait être composé l'année en cours. Je peux comprendre qu'une frange de la communauté ait eu peur que X-Files ne se métamorphose en une comédie fantaisiste, avec deux agents du FBI amoureux qui enquêtent sur des événements insolites. Comme je l'ai dit dans mon introduction, une partie du fandom avait surnommé cette sixième saison en "X-Files Lite", en signe de protestation. Et même si aujourd'hui, la saison 6 semble faire consensus, et que la plupart des gens saluent son audace et son incontestable réussite, on peut comprendre que, sur le moment, elle ait pu s'aliéner une partie des fans.
Il y a longtemps, j'avais lu une critique de Dreamland qui dressait un parallèle entre la crise de la quarantaine de Morris Fletcher et celle de X-Files. Et effectivement, vue sous cette angle, la saison 6 donne l'impression que le show traversait une crise existentielle également. La série tentait de démontrer que, malgré ses six ans dans les pattes, elle était toujours aussi cool et inventive. Qu'elle n'était pas has been et rouillée. Sa crise l'avait fait déménager à Los Angeles, et elle dépensait beaucoup d'argent, comme l'attestent des opus aussi audacieux que Drive ou Triangle. Elle envoyait même valdinguer toutes les limites qu'elle s'était fixée pour paraître sérieuses et réaliste auparavant: Plus en détails, la saison 6 incluait un grand nombre de guest stars prestigieuses, mais elle se permettait de proposer plusieurs histoires de voyages dans le temps, et autres extravagances comme cet étonnant épisodes en deux parties. Autant de propositions que Chris Carter avaient longtemps refusé de céder.

Dreamland est intéressant car il extériorise effectivement cette crise de la quarantaine, notamment à travers plusieurs scènes. Tout d'abord, il imagine une nouvelle vie à notre héros. On a comme l'impression qu'il s'agit d'une parenthèse qui donne le loisir de voir ce qu'aurait donné un choix de carrière totalement différente à son personnage central. Le temps de deux épisodes, la série se perd à vivre par procuration. L'intrigue du diptyque a beau se couvrir d'un verni humoristique plutôt léger, le trio de scénaristes, John Gillnitz (le mot valise pour les trois noms rappelons-le) insuffle une certaine profondeur à l'ensemble. 
Cette crise existentielle transparait dès le teaser, lorsque Mulder et Scully roulent en voiture dans le désert. A un moment, Scully s'interroge sur la nécessite qu'ils ont de toujours continuellement rouler. Elle se demande même: "Tu n'as jamais envie d'arrêter ? Sortir de cette foutue bagnole ? Se poser et vivre une vie presque normale ?" Il est vrai que, à ce stade de la série, les deux agents passent leur vie à traquer des monstres et des complots extraterrestres. Si on si fie aux dates auxquelles se déroulent les épisodes, on se rend compte qu'ils enchaînent les enquêtes paranormales, dont certaines se montrent indéniablement dangereuses pour leur vie. Ils ont passé un temps considérable à rouler à travers tous les Etats-Unis, en anéantissant toute parcelle de vie intime. Dreamland offre ce doux moment introspectif, et propose une sorte de bilan sur la satisfaction ou non de leur vie. Exactement comme pourrait le faire un tout jeune quadragénaire. On a l'impression qu'X-Files se demande ce qu'elle pourrait accomplir de plus. Malgré l'aspect léger de certains de ses opus, cette saison cache en réalité ses angoisses les plus profondes. La "nouvelle vie" de Mulder, avec femme et enfants, est une occasion d'entrevoir une des multiples possibilités qui aurait pu s'ouvrir pour l'agent, s'il sortait enfin de sa voiture. 
Dans ce pré-générique, Scully étale ses angoisses en résumant les milliers de kilomètres qu'ils ont parcouru. Une jolie métaphore d'une série qui s'interroge ici sur toutes les histoires qu'elle a déjà livré. Elle avait déjà dépassé le stade de la syndication, et donc du 100ème épisode. Elle avait déjà tant accompli, tant raconté d'histoires. Pourquoi continuait-elle encore ? La sixième saison exprime sa peur de stagner, de répéter les mêmes actions.
La crise de la quarantaine que traverse Fletcher peut représenter une partie de la dynamique de cette nouvelle année: Lorsque l'homme s'amuse avec le corps de Mulder, par exemple, en flirtant avec la secrétaire de Kersh, il offre un joli parallèle à la frivolité (apparente) et à la folie qui animent la saison.



5. DREAMLAND II (Zone 51 partie 2)

Comme tous les épisodes en plusieurs parties, il y a eu une vidéo qui fut sortie sur ce diptyque, bien avant la diffusion de la saison 6 en France. J'avais été déstabilisé qu'il ne s'agisse pas d'un mytharc. Traditionnellement, les gros morceaux en multiple chapitres ont toujours été réservé à la mythologie. Pourtant, Dreamland commence comme un épisode sérieux, du moins dans son teaser. Mulder explique même la raison pour laquelle les deux agents sont sur la route, à savoir partir à la rencontre d'un informateur qui veut lui révéler une preuve extraterrestre, près de la Zone 51. Le début met donc le spectateur habitué sur une mauvaise piste. La suite déjoue intégralement nos attentes. Le fan est déstabilisé face à la nature même de l'histoire. Il y a comme une volonté claire de saper les conventions de la série, quitte à se mettre à dos une partie de la fanbase. C'est évidemment audacieux et salutaire. Il y avait un autre détail qui m'avait perturbé: L'absence de Walter Skinner, mais surtout la présence d'un nouveau patron: Kersh. Il faut dire que, à ce moment là, The Beginning n'avait pas du tout été diffusé chez nous. J'avais même pris Kersh comme une manière délirante d'intégrer un faux Skinner. Je ne savais juste pas que Mulder et Scully n'étaient plus sous ses ordres.
Dreamland est amusant, car il donne l'occasion à Mulder de voir la conspiration de l'intérieur. En se mettant dans la peau dans homme en noir, il constate que beaucoup de ces agents de l'ombre s'ennuient dans leur travail. Fletcher incarne un cadre intermédiaire de la zone 51, cet endroit qui a longtemps fait fantasmer les théoriciens de tous bords. Une base militaire top secrète qui cacherait de sombres vérités, dont des restes d'OVNIs. Finalement, dans les couloirs de cette zone, Mulder découvre surtout un travail plutôt conventionnel.

A l'instar de Small Potatoes, le double segments se moque de Mulder. En intégrant le corps de ce dernier, Morris Fletcher constate qu'il n'a pas de chambre. C'est d'ailleurs le twist le plus mémorable de l'épisode: Mulder a une chambre, mais elle est ensevelie par un gros bazar. Le teaser de Dreamland II inclut une voix off de Fletcher qui résume ironiquement la vie de Mulder, en insistant sur sa trajectoire déséquilibrée et pathétique. Fake Mulder revient sur la brillante carrière qu'il a mis de côté, mais il suggère que notre héros aurait commencé à perdre la boule au moment de la disparition de sa soeur. On peut y voir l'introduction de cette voix off comme une façon pour les trois auteurs de se moquer gentiment de leur showrunner qui adore incorporer des monologues intérieurs un peu pompeux. 
De surcroit, les deux parties pointent du doigt l'incapacité de Mulder à exclure le moindre compromis. Même si Fletcher s'écrase devant Kersh, le récit suggère que Mulder pourrait se sortir de certaines situations s'il s'excusait parfois, ou s'il acceptait un ou deux compromis. Dreamland s'amuse donc en imaginant une version alternative d'un Mulder plus conciliant et moins borné. Néanmoins, l'égoïsme et l'hypocrisie de Fletcher ne sont en aucunement des qualités. Mais l'intrigue met en exergue le fait qu'il pourrait subsister un entre deux qui faciliterait la vie de notre agent. Cependant, Dreamland se moque gentiment de Mulder, mais il démontre également que sa loyauté sans faille est une vertu. En effet, il protégerait ses alliés, même s'il doit se mettre à dos ses supérieurs. En guise d'exemple, son honnêteté et son empathie l'empêche de ne pas tenter de sauver le gérant de station service, dans la première partie.

Bien entendu, les passages de Mulder en père de famille dépassé sont savoureux, même si les enfants et Joanne, la femme de Fletcher, sont clairement caricaturaux. En revanche, même si cette dernière est dépeinte comme colérique et acariâtre, on sent sincèrement qu'elle veut sauver son mariage. On imagine également que Fletcher ne doit clairement pas être quelqu'un de facile à vivre non plus. De plus, l'égoïsme de l'homme est identifié par l'histoire. Néanmoins, la scène où ce dernier, grimé en Mulder, lui révèle des détails de leur vie commune est vraiment touchante. De même, pendant la scène dans le bar, l'homme est sincèrement touché par la tristesse de sa femme, en pleurs et assise à une table. McKean est vraiment un excellent interprète, car il a beau camper un Fletcher beauf, égoïste et même malveillant, ces petites scènes arrivent malgré tout à rendre son personnage attachant.
Dreamland ne cesse donc de s'amuser avec ses têtes d'affiche. La séquence où Duchovny et McKean miment la même danse synchronisée (un hommage à La Soupe Aux Canards des Marx Brothers) est très rigolote. Les deux acteurs ont dû réaliser 12 prises pour parfaire la scène. Mais l'exploit le plus étonnant demeure le passage dans les toilettes du bar. En effet, fake Mulder entre dans le bar et voit le reflet de fake Fletcher. Le plan séquence suggère la nécessité à Michael McKean de se retrouver à deux endroits en simultané. C'est ce genre de petits effets discrets qui impressionnent.
Les deux parties bénéficient de l'excellente réalisation de Kim Manners, mais également de Michael Watkins, un nouveau venu dans le show. Et il réalise un sacré bon boulot dans plusieurs scènes mémorables: comme celles avec fake Mulder et Scully sur le water bed de ce dernier, mais également les scènes dans le bar. Malgré l'aspect comédie loufoque, les deux Dreamland contiennent quelques images cauchemardesques: notamment via ces bugs de torsions temporelles qui font fusionner deux objets ensemble. La vision de ce gérant de station service qui fusionne dans le sol m'avait fortement marqué, ainsi que le couple qui se disloque après s'être embrassé. C'est terriblement gênant, et donc efficace.  En revanche, cela donne lieu également à l'échange de corps entre cette vieille dame et ce soldat. Un moment assez rigolo.
Dreamland II est fameux aussi pour sa confrontation entre les Lone Gunmen et Morris Fletcher. Et puis, certains dialogues sont vraiment bien sentis, comme lorsque le vrai Mulder demande à Scully si ce serait un meurtre ou un suicide s'il tuait son alter égo. 
Il y a donc beaucoup de passages excellents. Mais il faut reconnaître que le diptyque aurait à y gagner s'il avait été amputé de quelques minutes, car il subsiste quelques petites baisses de régime ici et là. Rien de très problématique, mais il est indéniable que le rythme de l'ensemble pâtit de la longueur de ce grand épisode comique.
Je dois reconnaître avoir été déçu de la résolution de l'intrigue qui réinitialise presqu'intégralement les événements des deux chapitres. C'est un procédé qui m'a toujours frustré dans les fictions, car ça donne vraiment l'impression que tout ce qui s'est passé n'a aucun valeur, ni aucune conséquence sur les personnages. Bien entendu, Dreamland II reste volontairement flou sur les fragments d'événements qui restent concrètement après ce duo. Scully découvre les deux pièces fusionnées, et Mulder est stupéfait de retrouver un appartement propre et une chambre avec water bed. Néanmoins, cette pirouette scénaristique semble presque être une note d'attention qui souligne le fait que de nombreux loners n'ont pas de répercussions propres sur le long terme. Ils n'existent que dans les contours de leur scénario. Ce n'est, bien entendu, pas toujours le cas, car Mulder et Scully mentionnent parfois certaines de leurs vieilles enquêtes, ou nous voyons parfois des allusions à certains dossiers X, comme ces rappels visuels au début de The End, par exemple.

Le trio de scénaristes ont commencé à planché sur le script de Dreamland, vers la fin de la saison 5. Ils avaient écrit le rôle de Fletcher pour l'acteur Garry Shandling, qui était un ami de David Duchovny. Malheureusement, l'artiste n'était pas disponible au moment du tournage de l'épisode.
C'est finalement Michael McKean qui décrocha le rôle. A l'origine, l'homme participa à la saison 94-95 du Saturday Night Live. Et c'est lors de sa dernière apparition qu'il rencontra David Duchovny, lors de la présentation de ce dernier à l'émission. C'est alors que le premier confia au second son admiration pour X-Files, et son souhait d'y participer un jour. A ce sujet, la guest star déclara: "Je suis devenu fan d'X-Files en participant au SNL, car l'émission avait lieu le vendredi soir, au départ, jour des répétitions de dernière minute pour l'émission. ça veut dire qu'on arrive à, je ne sais pas, 18h30, et on nous fait bosser jusqu'à ce qu'on décide de nous laisser rentrer, généralement vers 3h du matin. Et s'ils ne s'occupent pas de nos affaires tout de suite, tant pis, il faut être là. J'étais donc dans ma loge, et si les autres ne faisaient rien, on traînait ensemble. J'appréciais tout le monde dans la série, mais parfois, j'étais seul, assis dans ma logue, à regarder X-Files. [...] C'était une série tout simplement merveilleuse. Alors, quand ils ont appelé... en fait, je pense que j'ai dû dire non la première fois, mais je suis content de l'avoir fait, parce que cela signifiait que j'avais dit "oui" quand Morris Fletcher est arrivé." A noter que Nora Dunn, qui campe Joanne Fletcher, est aussi passé dans le Saturday Night Live. 
Même si le tournage s'est plutôt bien déroulé, l'équipe a dû déménager près d'un petit ranch cinématographique, le "Club Ed", notamment pour concevoir l'environnement désertique de la Zone 51. Le jour, les températures pouvaient atteindre 43 degrés, tandis que les nuits étaient très fraîches. Le vent, la poussière et le sable interrompaient sans cesse le tournage. Lors d'une matinée maussade, David Duchovny est sorti de sa caravane et a demandé: "Quand la série revient-elle à Los Angeles ?" Et en quelques jours, plusieurs membres de l'équipe arboraient des t-shirts affichant la même question avec humour. Ce fut visiblement un des moments les plus mémorables de la saison 6.

Gillian Anderson a trouvé très amusant de devoir composer avec un autre acteur pour jouer une version alternative de Mulder. Elle n'a pas été tellement déstabilisé de devoir donner la réplique à McKean comme s'il c'était Mulder, le partenaire avec qui elle évolue depuis plus de cinq ans. En revanche, elle avait plus de mal à se forcer à considérer David Duchovny comme un étranger. A ce propos, elle avoua: "Traiter David comme le personnage de McKean ? C'était un défi. J'ai une histoire intense avec David. Il y a beaucoup d'énergie et d'alchimie entre nous, et j'ai dû travailler dur pour ne pas tomber dans ces schémas, en ne le traitant comme si je ne le connaissais pas. Finalement, je pense que nous y sommes parvenus. Mais c'était très délicat, très intéressant."
Mais Dreamland a longtemps alimenté les débats sur les forums en ligne. Non pas pour parler de la qualité de l'épisode, mais parce que beaucoup de gens se sont demandés quelle était la chanson country qu'on entend dans le bar. Ce mystère a demeuré sans réponse durant des années et des années. Elle n'a été identifié qu'en 2023 via un fil Twitter: La chanson s'intitule "Staring At The Stars", et elle a été écrite par Glenn Jordan et Dan Marfisi spécialement pour l'épisode. Marfisi expliqua que l'équipe désirait une chanson country qui parlait d'un extraterrestre ou d'un humain. Jordan, lui, déclara qu'il s'agissait d'une chanson d'amour d'une victime d'enlèvements extraterrestre à l'alien disparu.
Dreamland et Dreamland II sont deux segments extrêmement attachants, et plus introspectifs et angoissés que ses contours légers peuvent laisser paraître. Sa durée est peut être un poil longue, mais il est rarement ennuyant. Décidément, la saison 6 est un sans faute pour le moment.




6. HOW THE GHOSTS STOLE CHRISTMAS (Les Amants Maudits)

Deuxième épisode écrit et réalisé par Chris Carter himself. Et si on excepte son excellent travail sur The Red And The Black, l'auteur prouve une nouvelle fois qu'il est un showrunner voulant dynamiter sa propre création. En effet, après son étonnant The Post-Modern Prometheus et son délirant Triangle, il nous livre ici un nouveau morceau totalement à part. Et ses trois oeuvres se complaisent dans une imagerie résolument rétro. En effet, l'auteur apprécie piocher dans le cinéma classique, que ça soit dans l'horreur ou ailleurs. Et comme à l'accoutumée, son travail sur How The Ghosts Stole Christmas est impressionnant. C'est un épisode formellement impeccable et audacieux. Il est étonnant que Carter ait eu le temps de mettre en boite déjà deux X-Files en si peu de temps. Il devait encore gérer le déménagement à Los Angeles, superviser la série, mais il trouve tout de même certains créneaux pour pondre deux des segments les plus identifiables de la série, et surtout deux histoires entièrement centrées sur la romance qui germe entre Mulder et Scully. How The Ghosts Stole Christmas est un épisode qui démontre à quel point les intentions de Chris Carter ont évolué au cours du temps. En effet, il faut se souvenir qu'il a longtemps rejeté une quelconque relation amoureuse entre ses deux personnages. En outre, il refusait les récits trop extravagants et fantaisistes. Il désirait ancrer X-Files le plus dans le réel. Et pour finir, l'homme ne voulait pas céder aux traditionnels épisodes " spécial Noël "qui alimentaient bon nombres d'émissions, ni inviter de guests stars trop prestigieuses. How The Ghosts Stole Christmas vient faire voler en éclats toutes ces résolutions. Il donne l'impression que le showrunner a envoyer ses fiches en l'air et déclarer "Aller ! On fait ce qu'on veut maintenant ! On s'amuse un peu là !"
Il est d'ailleurs amusant de comparer cet épisode avec Christmas Carol de l'année passée. Ce dernier fêtait Noël au sein d'une histoire mythologique introspective des plus déprimantes, et entièrement centrée sur Scully. How The Ghosts est un loner totalement décalé et dynamique, centré sur le duo d'agents. Les deux œuvres semblent tellement éloignées l'une de l'autre. Pareillement, il est intéressant de comparer Triangle et How The Ghosts. Le premier avait explosé le budget, et intégrait énormément d'acteurs. Le second a été conçu comme un bottle épisode, c'est à dire un épisode peu onéreux à produire, et qui se déroule le plus souvent dans un lieu unique. En outre, ce chapitre contient le plus petit casting de X-Files vu à ce jour. Pour être précis, seul quatre acteurs hantent les pièces de cette histoire. Triangle avait pour défi de réduire au maximum le nombre de plans, tandis que How The Ghosts Stole Christmas les multiplie pour générer du rythme et éviter la lassitude de n'avoir qu'un seul lieu à proposer. A contrario, les deux oeuvres ont des points communs thématiques: ce sont deux histoires sur le temps et l'amour. Ils célèbrent également la relation entre Mulder et Scully. Il est donc très amusant que les deux chapitres, situés aux deux extrémités du diptyque Dreamland, se reflètent l'un l'autre. Cet épisode continue également de créer un fossé entre la saison 2 et 6, en terme de tonalité. Bien que les deux agents ne soient techniquement plus assignés aux X-Files, on constate que cela n'a que peu d'impacts significatifs sur leur humeur. Ces derniers trouvent tout de même le moyen d'enquêter sur des phénomènes étranges. L'effronterie de la saison démontre que seul compte le plaisir de voir ces deux âmes soeurs évoluer ensemble. Qu'importe le contexte, les deux parviendront toujours à se retrouver pour aller chasser du monstre, et ce même sur leur temps libre.

Oui parce que, finalement, How The Ghosts nous raconte comment Mulder emmène Scully dans une maison hantée, le soir de Noël. Le début nous montre le premier raconter cette histoire d'amants maudits qui hanteraient le manoir qui se trouve devant eux, mais de la même façon qu'il l'aurait fait autour d'un feu de camp. Retirer les X-Files leur donne l'occasion de flirter plus souvent ensemble. A ce propos, Chris Carter prend soin de filmer le couple de dos, dans leur sombre voiture, comme pour souligner le caractère romantique de leur rendez-vous.
Une fois dans le manoir, les deux protagonistes seront tourmentés par les deux amants maudits: Lyda et Maurice. Ces deux derniers vont fait office de fantômes psychologues qui vont essayer de rendre dingues les deux agents, afin de leur signifier la véritable signification de cette fête de fin d'année. Ils vont le effrayer à travers trois phases distinctes: Tout d'abord, en leur jouant des tours de passe passe plus ou moins subtils, comme les lumières qui s'allument, les squelettes des deux agents dans le plancher, ou encore la pièce principale qui semble se dupliquer à l'infini, à chaque fois qu'ils franchissent la porte. Cette première partie est très ludique et rigolote, car on voit Scully lutter contre sa peur irrationnelle. On a vraiment l'impression que certains gimmicks ici pourraient être transposés dans une attraction de maison hantée, dans un parc d'attraction. L'ambiance générale renvoie à quelque chose de résolument rétro. Un sentiment appuyé par la superbe bande son au clavecin de Mark Snow. Pour sa musique, le compositeur a avoué s'être inspiré de La Symphonie "Toy" de Joseph Haydn. 
La seconde phase réside dans l'apparition de Maurice et Lyda qui prennent soin de séparer Mulder et Scully pour que les deux fantômes puissent psychanalyser chacun leur victime en tête à tête, donnant lieu à de savoureux échanges. Bien entendu, les deux âmes maudites ont pour but de retourner le cerveau des deux agents, afin que les deux s'avouent mutuellement leurs sentiments, tout en insistant sur leur solitude pathétique. Bien sûr, Maurice et Lyda exagèrent les traits de personnalité des deux héros pour parvenir à leur fin. Lyda surligne le plaisir que prend Scully a toujours tenter de prouver que son partenaire à tord, malgré le fait qu'elle le suive tout le temps. Idem pour Mulder qui est dépeint par Maurice comme un être égocentrique et pathétique qui se raccroche au rationalisme de sa moitié. Oui, je dis "moitié" car le scénario de Carter sous entend clairement que les deux agents forment un couple. D'ailleurs, les deux fantômes ne hantent que des couples venant s'abriter dans cette grande maison.

How The Ghosts Stole Christmas est une histoire sur le temps qui passe. Maurice et Lyda vivent un amour inconditionnel depuis des décennies, et ils semblent toujours aussi fusionnels. On pourrait y voir là un miroir sur la relation entre Mulder et Scully: deux êtres qui s'aiment éperdument, malgré leurs dysfonctionnements. Leur amour a l'air de résister à l'épreuve du temps, et tend même à se renforcer d'année en année. La vision des squelettes des deux agents, usés par le temps, peut être comparer à la matérialisation d'une possible immortalité pour la série. Le fait que les deux héros ne parviennent pas à s'extirper du même décor semble extérioriser l'angoisse existentielle de voir Mulder et Scully répéter les mêmes actions, les mêmes enquêtes, semaine après semaine. Dreamland rejoignait cette réflexion à travers une Scully songeuse qui se demandait s'ils étaient condamnés à rouler inlassablement en voiture. C'est aussi un pied de nez aux détracteurs de la romance naissante entre les deux têtes d'affiche: La série exprime son parti pris de faire évoluer la relation entre les deux personnages. De la laisser grandir, quitte à remettre un peu en cause un statu quo apparemment immuable.
Même si les critiques émises par le couple Maurice et Lyda ont déjà été formulé ou fortement suggéré antérieurement, l'épisode est suffisamment malin pour démontrer que cette "psychologie populaire" ne fonctionne pas ici. Et c'est comme cela que le duo passe à la phase 3, beaucoup plus directe et violente, où les fantômes vont user d'artifices et d'illusions, afin que Mulder et Scully se tirent dessus. Un dernier acte étonnamment plus sanglant, presque premier degré. Mais même si le duo est à deux doigts d'appuyer sur la détente, le lien qui les unit semble tellement fort qu'ils résistent à la tentation. Le climax souligne la fiabilité de leur relation si particulière, malgré son caractère dysfonctionnel. Mulder et Scully se soucient l'un l'autre sincèrement, au delà de leurs défauts.
Comme il s'agit d'un bottle épisode, How The Ghosts Stole Christmas mise avant tout sur la performance de ses acteurs. Une bonne partie est consacrée sur l'alchimie indétrônable entre David Duchovny et Gillian Anderson. La propension qu'a Mulder de tout faire pour faire peur à sa coéquipière représente une dose suffisante de satisfaction. De même, Scully qui tente de se rassurer en ne faisant que parler est touchant. A côté de ça, l'épisode ne serait rien sans les prestations incroyables de Lily Tomlin et Ed Asner, deux acteurs multi récompensés. Ils sont ici fabuleux en fantômes blasés et cyniques, mais également très touchants en amants maudits. Décidément, la saison 6 enquille les guest stars de qualité. Et c'est assurément une de ses plus grandes forces.

A ce titre, Lily Tomlin désirait jouer dans X-Files depuis un bon moment. Elle avait contacté la production depuis plusieurs années, mais c'est lors de l'élaboration de la sixième saison que Chris Carter pensa à l'actrice pour le rôle de Lyda. Et justement, lors d'une interview, Tomlin expliqua que le refus initial venait du showrunner qui ne voulait pas de stars trop reconnaissables pour sa série. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, et le créateur lâcha du leste sur cette directive. Et c'est tout à son honneur.
Même si ce chapitre a eu le budget le plus faible de la saison, ce n'est pas pour autant qu'il a été facile à réaliser, d'après les dires du showrunner lui-même. En effet, il a dû travailler avec des contraintes de production plus strictes que d'habitude. En outre, un très gros incendie s'était déclaré aux alentours. Heureusement, pas dans la maison où l'équipe tournait, mais l'inquiétude était palpable. Le régisseur Ilt Jones relata les événements: "C'était comme au Vietnam, car il y avait six gros avions largueurs d'eau jaunes et rouges qui tournoyaient autour de la colline, puis environ six hélicoptères qui faisaient la même chose. A un moment donné, le feu s'est approché à moins de 150m de la maison, et nous étions dans le jardin avec les pompiers du comté de Venture, à regarder ces énormes flammes de 9m jaillir derrière les eucalyptus, et à se demander: "Vous êtes sûr que tout va bien se passer ?" Ils ont répondu "Oh bien sûr, ça va s'éteindre tout seul dans une heure". Et visiblement, ça a été le cas. Le feu s'est vite estompé.
How The Ghosts Stole Christmas contient de chouettes effets spéciaux, notamment les trous présents dans le corps des deux fantômes. L'effet est saisissant, surtout lorsqu'on voit Scully à travers leur corps. Une petite touche d'humour noir qu'on pourrait croire hérité de La Mort Vous Va Si Bien de Robert Zemeckis. Bill Millar, directeur des effets spéciaux, a reconnu cette chouette inspiration justement.
Le département artistique n'a pas chômé en ayant eu la lourde tâche de construire cette demeure, et notamment l'impressionnante bibliothèque reconstituée, avec cheminée fonctionnelle. Et le tout en huit jours seulement. Plusieurs membres de l'équipe sont restés longtemps à contempler cette réussite. 
Christine Peters, la costumière, a expliqué qu'elle a dû confectionner la réplique de la robe du début du XXe siècle de Lily Tomlin, afin de donner un cachet antique à son allure. Mais des complications sont survenues, car les auteurs n'étaient pas totalement sûrs et certains que l'actrice serait présente pour l'épisode. En effet, sa présence n'a été confirmé que le jour du début du tournage. Peters expliqua: "Elle est venue le vendredi soir pour un essayage, et a travaillé le lundi après-midi. Nous avons décidé à quoi ressemblerait le costume avant même que l'actrice ne soit choisie. Nous avons triché et avons appelé une autre maison de costumes pour obtenir les mensurations de Tomlin. Nous savions quasiment que ce serait elle alors nous avons commencé sans elle. Nous avons décidé que si quelque chose changeait, nous le modifierons en conséquence."
How The Ghosts Stole Christmas est un très mignon conte de Noël. Un brillant et solide morceau romantique d'X-Files, même s'il continue d'ancrer la série vers une atmosphère indéniablement plus détendue qu'à l'accoutumée. Les détracteurs des "X-Files Lite" ont beau de quoi râler, il faut reconnaitre que, pris indépendamment, chaque épisode qui constitue cette saison 6 jusqu'ici aura été non seulement surprenant, mais également brillant. Un quasi sans faute pour l'instant...




7. TERMS OF ENDEARMENT (Pauvre Diable)

Terms of Endearment est là pour rassurer le public que, malgré l'aspect hautement expérimental de la saison 6, X-Files n'avait pas non plus renié ses origines. Cet épisode représente un retour au source plutôt bienvenue à ce stade du show.  Nous avons de nouveau un teaser intrigant et effrayant, et le récit met l'accent sur le premier degré. Néanmoins, et malgré l'aspect plus "conventionnel" de l'enquête, Terms of Endearment est parfaitement situé dans cette saison 6. Par exemple, il dépeint son principal antagoniste comme un être ambigu. Le démon Wayne Weinsider n'est pas une créature assoiffée de sang ou un monstre unilatéral. Son portrait est beaucoup plus nuancé et plus "humain", malgré ses atours démoniaques. Pour démontrer l'étendu de son ambivalence, l'épisode adopte régulièrement son point de vue, couplé à celui de Mulder, créant un effet de dualité entre les deux protagonistes. A travers le regard de Weinsider, l'agent Mulder apparaît comme une sangsue un peu trop collante. Hungry (saison 7) réutilisera ce parti pris d'épouser le point de vue du monstre, mais de manière plus radicale encore. C'est absolument très drôle de voir débarquer notre héros pour venir enquiquiner ce "pauvre" démon. La scène où ce dernier roule à côté de la voiture de son suspect est jubilatoire. Idem lorsque l'agent du FBI permet à des gamins de venir s'amuser avec la voiture de Weinsider juste pour le faire chier. Ce sont des petites touches humoristiques bien senties. De même, le fait que Mulder déniche cette affaire en fouillant littéralement la poubelle de Spender renforce son côté fouine désobéissante. Notre agent paraît très en forme dans ce segment, jouant d'une espièglerie à toutes épreuves. Une attitude légère qui rappelle le caractère détendue de cette année particulière. En définitif, il n'est peut être pas évident d'imaginer cet épisode dans une saison antérieure. Disons plutôt que les saison 3, 4 et 5 séparaient plus distinctement les enquêtes conventionnelles des loners décalés. Terms of Endearment vient signaler que même les chapitres, que l'on pourraient ranger dans les X-Files classiques, ne rentreront jamais totalement dans le moule traditionnel de la série, à l'exception d'Alpha et Trevor, peut être. A ce sujet, il est intéressant de noter qu'Alpha constitue peut être l'élément le plus faible de la saison 6. Comme si les auteurs étaient moins exciter par la perspective de raconter exactement les mêmes histoires, avec les codes usuels de la série. Et c'est tout à leur honneur. On verra par la suite que la motivation à revenir à des formats classiques, en réponses à la frange mécontente de la fanbase, est ce qui aura certainement affaiblit (en partie) la saison 7. Plus concrètement, on sent que la saison 6 a été un plaisir pour l'équipe, car elle a pu laisser libre cours à son imagination, en élargissant le spectre des possibilités. Tandis que la saison 7 sera une tentative de renouer aux origines de la série, comme si les scénaristes se forçaient un peu à revenir en arrière, pour faire un peu plaisir aux fans. Mais tout ça, nous le verrons le moment venu...
Du coup, oui, Terms of Endearment est sûrement l'épisode qui ressemble le plus à un X-Files "normal", mais il y a plusieurs subtilités de tons et de partis pris scénaristiques qui le classent tout de même comme un segment à part.

Une autre réussite de l'épisode provient de ce démon qui ne désire qu'une seule chose: avoir un bébé dépourvu d'attributs démoniaques. Comme le récit s'attarde grandement sur les émotions et les états d'âme de son antagoniste, le résultat final nous dresse une image d'un monstre de la semaine plus nuancé que d'habitude. Nous avions déjà eu des créatures ambivalentes comme Leonard Betts, mais finalement, sur une centaine d'épisodes, les monstres étaient souvent décrits principalement comme des dangers ambulants. Il y a plus d'humanité se dégageant de Wayne que de Flukeman ou Virgil Incanto. Non pas que Weinsider ne représente pas une menace. C'est tout de même un type qui arrache des bébés du ventre de ses femmes pour aller ensuite les enterrer vivant. De même, il est capable de tuer Laura, pour éviter que son secret ne s'ébruite. A de nombreuses reprises, l'intrigue insiste bien sur la dangerosité du personnage. Elle revient sans cesse sur son caractère démoniaque. Néanmoins, l'histoire nous permet tout de même de compatir sur ses échecs et sur son aspiration à une vie normale. Il y a quelque chose de poétique, voir de romantique dans la manière d'écrire le personnage de Weinsider, et qui s'intègre parfaitement avec la tonalité plus douce de la saison 6. Le final lui permet même de se racheter en partie en rendant la vie de son épouse.
Terms of Endearment revêt des habits de conte d'horreur classique, avec ses imageries de démon en flamme, de yeux rouges et autres bébés démoniaques. De l'aveu de David Amann, nouveau venu dans l'écurie des scénaristes, le postulat de départ du script a été "Rosemary's Baby inversé". En effet, contrairement au film précité, l'intrigue ici adopte le point de vue du démon, au lieu de celui de la malheureuse jeune femme enceinte. A ce sujet, il est intéressant de constater que l'épisode reprend certains sous texte de ce film, et notamment sur l'idée de la contraception. Même si Terms of Endearment s'attarde sur Wayne, il aborde néanmoins les thèmes du contrôle masculin sur le corps féminin. "L'homme" va même jusqu'à "avorter" les bébés de ses femmes en leur donnant un cocktail douteux. Il ira ensuite accuser sa propre femme, ainsi que démontrer sa culpabilité, sur la perte de leur enfant. Avec une bonne dose de manipulation, il jouera après le rôle du mari inquiet qui ne désire que la protéger. Par la suite, les autorités pointeront du doigt la culpabilité de la pauvre jeune femme. Mais comme souvent, Mulder se place à contre courant pour protéger les victimes d'injustice. Un nouvel exemple du personnage qui se révèle comme un allié de toutes ces femmes blâmées pour des crimes qu'elles n'ont pas commises. 

Terms of Endearment contient également un twist de taille qui remet en question une partie de son histoire: à savoir que sa deuxième femme présentée, Betsy, est en réalité encore plus démoniaque littéralement que lui. Qu'elle l'avait utilisé depuis le début car il était le seul à pouvoir lui offrir un bébé démon. Cette subversion jouissive remet les pendules à l'heure et s'apparente à une punition pour lui. La révélation sur Betsy rejoint élégamment l'aspect féministe du métrage, notamment lorsque Wayne essaie de retirer le bébé qu'elle porte, mais qu'elle se dresse devant lui pour lui signifier que c'est elle qui a le choix. Elle se place comme parfaitement capable de disposer du contrôle de son autonomie corporelle. La conclusion est d'ailleurs superbement mis en scène, avec la jeune démone qui s'éloigne avec son bébé, dans sa voiture rouge décapotable. Une image de femme, mère célibataire et libérée.
L'épisode présente un sous texte pertinent sur le fait que Weinsider est un immigré tchécoslovaque venu aux Etats-Unis pour vivre une "vie normale". Il n'aspire pas à l'exceptionnalité. Non. A la place, la normalité est tellement une obsession pour lui qu'il veut même que son enfant soit tout à fait normal, dépourvu de malformation, comme une petite analogie sur la peur compréhensive que peuvent ressentir les parents, lorsqu'ils vont avoir un bébé. L'empathie pour le personnage réside d'ailleurs surtout dans ces moments d'appréhension: lorsqu'il constate que sa progéniture naitra avec des cornes, cela renvoie aux mêmes craintes d'avoir un enfant en mauvaise santé. Parallèlement, Wayne n'est qu'un rouage pathétique du système. C'est un assureur itinérant qui cherche à se ranger, à vivre une petite vie tranquille, dans sa paisible petite banlieue. Le personnage exprime sa quête de normalité tout du long de l'histoire, quitte a semer la destruction dans son sillage. Terms of Endearment suggère les ravages causées par cette normalité revendiquée. X-Files a plusieurs fois critiquer l'homogénéité des banlieues américaine, une caractéristique pourtant décrite comme très "typée" communiste, que le pays a longtemps conspué. Des lieux noyés dans la conformité, où tout se ressemble. Eve (saison 1) ironisait là-dessus en présentant la maison et Teena Simmons et Cindy Reardon comme parfaitement symétriques et similaires. Plus tard, dans la saison, Arcadia sera une parodie cinglante de ce mode de vie. Chimera (saison 7) continuera d'explorer ces endroits à priori sans histoires. Il est d'ailleurs amusant de constater que ce dernier exemple sera également écrit par David Amann. La série pointe donc du doigt à de nombreuses reprises la supercherie du rêve américain. Une désillusion de ce mode de vie qui ne cesse de grandir, au fur et à mesure. 

Bien entendu, l'un des tours de force de l'épisode provient de la performance subtile de Bruce Campbell qui campe un Wayne Weinsider ambivalent et discret, finalement très loin des rôles déjantés qu'il avait l'habitude de jouer. Un acteur très apprécié dans la culture pop, notamment pour avoir joué Ash dans la saga Evil Dead. Son visage était donc très reconnaissable. L'acteur continue d'alimenter une longue liste de vedettes invitées venues grossir les rangs de la saison. Il est donc admirable qu'il joue ici un personnage tout en nuances, à contre-emploi de son jeu habituel. L'intégration de la star au sein d'un épisode plus "normal", au beau milieu d'une saison déjantée, ressemble à une pointe d'ironie.
Même si Wayne et Mulder ne s'entendent pas dans l'épisode, on ne peut pas en dire autant de David Duchovny et Bruce Campbell. Apparemment, les deux acteurs n'ont pas arrêté de faire les cons durant tout le tournage. A ce sujet, la guest star relata dans sa biographie (dont l'extrait a été trouvé sur un fil Reddit): "Quand la plupart des gens pensent à X-Files, ils pensent à la paranoïa, au mystère et à la science fiction. Moi, je pense aux pets. David Duchovny, connu pour ses performances sobres à l'écran, était en réalité un drôle de type. Un soir, sur le plateau, il a mis la main sur un gobelet à pets. Vous savez ces gobelets en plastique remplis d'une substance gluante. Et il n'a pas pu s'en détacher." Les deux hommes ont ensuite organisé un concours de pets. Plus globalement, le duo n'arrêtait pas de faire des blagues et des farces aux autres membres de l'équipe. Bon, cependant, ils étaient tellement intenables que ça a fini par agacer certaines personnes. Les deux acteurs ont ensuite arrêté, comme des enfants bien sages.
Il est également amusant de noter que Campbell jouait dans la série The Adventures of Brisco County Jr, propulsé en 1993 par la FOX, durant la même saison qu'X-Files. C'est à cette occasion que l'artiste rencontra Duchovny et Anderson. A l'époque, le président de la chaîne était persuadé du succès garanti de Brisco Country, vantant la présence de Bruce Campbell. A contrario, pour beaucoup de membres de la FOX, X-Files n'était qu'un programme obscur. Une curiosité modeste d'horreur et de science fiction qui allait peu attirer les projecteurs. Finalement, Brisco County Jr a été annulé au terme de sa première année, tandis que X-Files a grimpé. Plusieurs membres du staff de la série ont atterri ensuite dans le bercail du show de Chris Carter, dont le prolifique Kim Manners. Lorsqu'il tourna Terms of Endearment, Campbell avait finalement l'impression de revenir à la maison. L'équipe a tellement apprécié travailler avec l'acteur qu'il avait été envisagé pour tenir le rôle de John Doggett dans la saison 8. Malheureusement, une impossibilité contractuelle a mis fin à cette potentielle collaboration.
Chris Owens, lui de son côté, a eu une expérience étrange suite à la diffusion de l'épisode: Plusieurs personnes l'ont reconnu dans la rue, l'ont insulté, et lui ont des doigts d'honneur. Quelqu'un en colère lui a même crié dessus en proférant: "Destructeur de documents !" Ces incidents sont tout de même très étranges, car ils rejoignent malheureusement la longue lignée d'acteurs qui se sont fait harceler ou menacer de mort, par des gens incapables de séparer les artistes de leurs personnages. Ce sont des comportements qui me dépassent, car ces personnes sont des adultes supposés être civilisés, et avoir la tête sur les épaules. Cela me rappelle justement le harcèlement que l'actrice Anna Gunn (Skyler White) s'était prise, à cause de son rôle dans Breaking Bad.

Terms of Endearment a connu un autre incident d'une toute autre nature: Le retrait d'un acteur invité pour des raisons religieuses. L'événement a eu lieu le jour même où le réalisateur Rob Bowman tournait la naissance de l'enfant démon de Wayne et Laura. La mère du vrai bébé engagé pour cette scène assistait à la répétition. Mais, à un moment, elle a immédiatement serré son enfant, puis discuté avec l'assistante sociale et l'infirmière, avant de se retirer dans sa loge. Elle a confié ensuite: "X-Files est ma série préférée, mais on ne peut pas faire ça. ça parle du diable et je suis catholique pratiquant" a relaté Harry Bring, directeur de production de la deuxième équipe. La femme s'est excusée par la suite. Bring et Bowman se sont montrés très compréhensifs, et l'ont accompagné avec son bébé jusqu'à la porte du studio. Ils ont ensuite contacté les parents de deux autres bébés qu'ils avaient en réserve pour tourner la scène.
Comme déjà mentionné, c'est David Amann qui écrit ici son premier scénario pour la série. Il expliqua que le processus d'apprentissage a été moins difficile que ce qu'il avait imaginé. L'homme s'est particulièrement bien adapté au rythme de la série. Il deviendra très vite un des membres les plus importants du show. Il héritera même du rôle de superviseur et producteur. De son aveu, c'est Chris Carter qui a eu l'idée du twist du dernier acte. A l'origine, le script était plus linéaire et prévisible, avec cet homme qui tuait sa femme, lorsqu'il n'obtenait pas son enfant normal. Puis, on voyait sa seconde femme qui vraisemblablement aurait subit le même sort. Et c'est Carter qui suggéra: "Et si la seconde femme voulait exactement le contraire de ce que l'homme voulait ?" Et c'est comme ça qu'on a obtenu la savoureuse touche finale du scénario.
Terms of Endearment est un très chouette épisode, au scénario très malin et bien vu, en plus d'être mis en scène avec élégance. Il arrive parfaitement à distiller des moments purement horrifiques, mais avec une certaine poésie et de douceur. Un mélange plutôt bienvenue. Mulder est la caution légère du métrage. Un épisode qui ne se concentre pas du tout sur la dynamique entre les deux héros, mais se complait ailleurs. 




8. THE RAIN KING (Le Roi De La Pluie)

The Rain King conclut un arc d'épisodes très étranges, mais audacieux, de la saison 6. Drive et Terms of Endearment étaient ce qui se rapprochaient le plus des loners traditionnels. Cependant, même ces deux exemples subvertissaient plus ou moins l'aspect procédural des enquêtes classiques, auxquelles la série nous avait habitué. Néanmoins, et malgré son côté attachant, The Rain King peut tout à fait être considéré comme le premier relatif faux pas de la saison. Il n'est pas vraiment honteux. Non. C'est même un petit épisode tout à fait charmant, mais qui ne révèle aucune réelle ambition. De surcroit, il intervient après une ribambelle de segments excentriques infiniment plus convaincants que lui. Pourtant, je le trouve plus agréable que Small Potatoes, par exemple. Mais en toute honnêteté, The Rain King est sûrement un des épisodes les plus faibles de la saison. On est évidemment à des kilomètres de How The Ghosts Stole Christmas, Triangle, Dreamland, Bad Blood ou même The Post-Modern Prométheus pour citer la plupart des segments les plus loufoques. Néanmoins, malgré ses quelques lourdeurs, ce nouveau chapitre recèle une bonne dose de mignonitudes. Car oui, il s'agit probablement de l'épisode le plus léger de tous les temps, à tel point que, à part une malheureuse vache volante, le scénario brille par son absence de mort. A ce titre, le teaser nous montre Daryl Mootz avoir un grave accident de voiture, à cause d'une  étrange pluie de grêles en forme de coeurs. Il s'agit d'une des rares entrée en matière qui ne se termine pas par un homicide sordide. Si on excepte, les teasers flash forwards à la Tunguska ou Unrequited, il y a très peu d'exemples de pré-génériques qui ne tue pas une malheureuse victime.
Même si j'ai commencé mon texte en ayant l'air amer, j'apprécie tout de même The Rain King. C'est juste que, au beau milieu d'une saison à la qualité exceptionnelle, il fait office d'élément un peu faiblard. Finalement, son placement chronologique le dessert indéniablement. S'il avait été diffusé il y a deux ans, il aurait été un rafraichissement. Mais si on essaie de le juger indépendamment de sa place, son esprit de conte fantastique demeure plutôt chouette. En outre, l'intrigue décrit un phénomène paranormal de façon plus positive, même si le pouvoir de Hardt lui pourrit la vie, et qu'il a causé l'infirmité de Daryl. Mais les climats changeant sont tout de même dépeints comme des manifestations romantiques et merveilleuses. La grêle en forme de coeurs, les nuages rieurs ou encore la neige en plein été sont toutes des images cocasses et enchanteresses. Le plan final enfonce le clou, avec cette fenêtre qui donne sur un arc en ciel, sur fond de cieux de dessin animé, tout droit sortis du Magicien d'Oz. Une référence tellement assumée que le Somewhere Over The Rainbow du film musical accompagne cette conclusion. Après Triangle, c'est la seconde fois qu'un épisode de la saison 6 rend quelques hommages au Magicien d'Oz.

The Rain King met clairement l'accent sur la petite ville de Kroner, un coin paumé du Kansas. A de nombreuses occasions, l'épisode souligne le côté "plouc" de sa galerie de personnages: A leur arrivée, les deux agents arrivent dans ce lieu via un petit avion, et sont accueillis modestement par le maire du coin. La scène se révèle assez drôle par son côté décalé. De même, Daryl est clairement pointé du doigt comme un sale con et beauf. Son ex-femme, Sheila est une extravertie un peu à côté de la plaque, par moment. Cela dit, l'ambiance générale est si bienveillante que le récit prend soin de les rendre attachants. Il n'y a pas de cynisme, ni de condescendance dans leur portrait. Ils sont archétypaux mais s'intègrent bien dans cette histoire fantastique un peu mièvre. X-Files continue là de s'intéresser à ces petites villes plus ou moins paisibles qui semblent exister dans un autre espace temps. L'absence d'aéroport dans les alentours de Kroner renforce allègrement cette sensation d'isolement. Il y a comme un parfum de nostalgie qui se dégage de l'ensemble. En effet, on a l'impression que, mise à part le centre de météorologie, le temps semble s'être détourné de cette petite ville. Plus généralement, et quoiqu'on en pense, The Rain King regorge d'images mémorables qui empêche l'épisode de sombrer dans l'oubli. Il est vrai que, malgré ma déception initiale, c'est un chapitre auquel je me surprends à y repenser. Le teaser est à ce titre magnifiquement réalisé par Kim Manners, qui troque son tablier de maitre de l'horreur pour emprunter celui de conteur de contes de fée. La chanson de The Carpenters: Rainy Days and Mondays capte suffisamment bien ce moment pour créer une atmosphère éthérée. De même, toute la séquence dans le gymnase, à la fin, est superbement mis en scène. Le plus gros problème de The Rain King vient surtout de son manque réellement d'enjeu. Même si Triangle et How The Ghosts Stole Christmas étaient légers et déjantés, ils plaçaient des enjeux ayant suffisamment d'épaisseur pour tenir la route. Ce nouvel épisode, lui, pousse les potards plus loin, car ni Mulder, ni Scully ne semblent en danger, ni même personne concrètement. L'enjeu le plus significatif réside dans le fait de démasquer la supercherie de Daryl Mootz. En effet, il est clairement identifié comme une fausse piste, et la seconde partie du métrage évacue totalement le personnage. On croit ensuite que c'est Sheila qui influence la météo, mais très vite, Mulder comprend que c'est Holman Hardt, le météorologue, qui fait ironiquement la pluie et le beau temps. Effectivement, sa grande sensibilité, et surtout son amour envers Sheila, chamboule les conditions météorologiques de la région. Cette succession de petites révélations ponctue un récit qui aurait probablement été un poil plus ennuyeux sans cet apport. Mais peut être qu'on attend trop d'un X-Files qu'il y ait trop d'enjeux ?

Évidemment, tout cela ne sont que des prétextes pour le coeur de l'épisode qui se résume à Mulder et Scully dans le rôle d'insolites entremetteurs. Durant la seconde partie, ils tentent de prodiguer quelques conseils à Holman et Sheila, même si, dans un premier temps, cette dernière tombera amoureuse de Mulder, donnant lieu à quelques quiproquos assez mignons. A ce titre, The Rain King représente sûrement l'épisode le plus ouvertement explicite sur la nature amoureuse entre les deux héros. Dans une histoire qui célèbre la Saint Valentin, le contraire aurait été étonnant. En effet, plusieurs personnages les prennent pour un couple romantique. Par exemple, Holman soupçonne Mulder et Scully de s'échanger des regards. Mais l'évidence provient dans le discours de Scully, lorsqu'elle donne des conseils en amour à Sheila en expliquant que, selon elle, les meilleures relations, celles qui durent sont souvent celles qui sont ancrées dans l'amitié. Elle précise même sa pensée: "Vous savez, un jour, vous regardez la personne et vous voyez quelque chose de plus que la veille. [...] Et la personne qui n'était qu'un ami devient... soudain, la seule personne avec laquelle on peut s'imaginer". Impossible de ne pas voir Mulder à la place de cet "ami". Une des saynettes les plus marquantes demeure celle où le duo d'agents se balancent ensemble doucement, comme s'ils dansaient légèrement, lors du bal final. Une forme une jolie indication sur l'aspect fusionnel de leur relation. De surcroit, c'est une image parfaitement drôle. The Rain King est probablement la dernière véritable fois où la série taquine le public aussi frontalement sur la potentielle liaison amoureuse entre Mulder et Scully. Même si d'autres segments mettront l'accent sur la solidité et la puissance de leur relation, ce ne sera pas nécessairement dans une optique de prouver qu'ils sont amoureux. Même Arcadia n'insistera pas autant que cette première partie de la saison 6. Par ailleurs, The Rain King conclut également ce long arc nettement plus léger. Le reste de l'année comportera encore plusieurs high concepts et autres segments formellement étonnants, mais le ton général redeviendra nettement plus sérieux et premier degré.
Le résultat a essuyé de violentes critiques lors de sa diffusion, car les fans commencèrent à trouver que la surabondance d'épisodes à la tonalité plus légère affaiblissaient la série. Ils estimèrent que X-Files ne ressemblait plus du tout à la fiction d'horreur dont ils étaient tombés amoureux. Il est vrai que la radicalité de cette saison a dû laisser plus d'un fan sous le choc. En outre, The Rain King semblait peut être moins audacieux que les autres opus qui l'entourent. Frank Spotnitz se confessa à ce sujet: "Je sais que ce n'était pas un favori en ligne, mais je l'ai adoré. C'était un peu plus étrange que d'habitude, mais c'était une histoire très touchante et tout le monde y était charmant. ça m'a plu." Lors d'une autre interview, avant la conception de la saison 7, il précisa: "C'est un peu bizarre, car on ne sait pas vraiment si on va se lancer dans une série d'épisodes comiques avant de le faire. Ce n'était pas si prémédité. L'année dernière (saison 6), on en avait juste envie, parce qu'on avait fait le film, et c'était un soulagement pour nous tous d'avoir plus d'épisodes comiques. Je ne pense pas qu'il y aura autant d'épisodes comiques cette année." Cette confession explique la démarche dans laquelle l'équipe s'est attelée cette année. Cet état d'esprit rejoint celui de Kim Manners qui cite parfois plusieurs segments de la saison 6 parmi ses préférés, comme The Rain King, Milagro mais aussi Monday. On a vraiment la sensation que cette année aura été un terrain d'expérimentations pour le staff, et agissant comme un moment récréatif pour se faire plaisir créativement parlant. Et quoiqu'on pense de cette saison, elle dégage une énergie phénoménale qui évite à la série d'avoir l'air si vieille. 

The Rain King est le premier scénario signé Jeffrey Bell. L'artiste deviendra un membre important de l'équipe créatrice, par la suite. Il a envoyé trois scripts qu'il envoya à la production. Le noyau dur des scénaristes ont été impressionné par les histoires, et accepta d'abord d'acheter celle de The Rain King, en tant que script freelance. Initialement, Bell ignorait que le personnage de Daryl Mootz allait voler la vedette. Dans le scénario original, il n'était pas autant mis en avant. En outre, la relation entre Holman et les deux agents était moins importante. Le scénariste a voulu dresser un parallèle entre l'état émotionnel de Mulder et Scully et celui du météorologue. A ce sujet, il expliqua: "Voilà un type qui influence le temps parce qu'il refoule ses émotions et qui pourrait mieux l'aider que deux personnes dont les émotions sont réprimées, et qui n'expriment jamais leurs sentiments l'une pour l'autre ?"
Une des séquences les plus mémorables de The Rain King est celle de la vache volante. Lorsque l'équipe se préparait à concevoir la scène, Ilt Jones contacta le propriétaire du Sierra Plaona Motel, à Canyon Country, dans la vallée de Santa Clarita, afin de lui proposer de laisser les membres du staff percer un grand trou dans son toit, et d'en refaire un tout neuf, plus tard. L'homme accepta. Duke Tomasick, le coordinateur de construction, expliqua que: "Le plus amusant, c'était d'appeler les couvreurs locaux pour obtenir des devis, et de leur expliquer précisément le type de dégâts qu'ils allaient réparer." C'est ensuite Bill Millar, le producteur des effets spéciaux, qui a animé une des vaches d'un troupeau, qui se fait aspirer vers le haut. Plus tard, en plateau, une marionnette de vache a été filmée de l'intérieur. Sauf que, en arrivant sur le tournage, Millar constata que cette reproduction de bovin était brune, alors que le scénario prévoyait une en noir et blanc. Milla affirma: "J'ai donc demandé à tout le monde pourquoi la vache avait changé de couleur, et personne ne semblait savoir quoi que ce soit. Tout ce que je savais, c'est que je devais refaire le rendu de la mienne en marron, et vite."
Kim Manners a eu un seul regret sur cet épisode. Il a déclaré que s'il devait tout recommencer, il modifierait un détail: "J'ai fait une grosse erreur et je m'en suis rendu compte deux mois plus tard, alors que je roulais sur l'autoroute de Ventura. Quand cette vache a percé le plafond, j'aurais dû demander à David Duchovny d'improviser un "Got Milk ?" Je m'en veux encore de ne pas l'avoir fait."
Victoria Jackson, qui joue le rôle de Sheila Fontaine ici, est la troisième actrice du Saturday Night Live à apparaître dans un X-Files cette année, après Michael McKean et Nora Dunn. C'est vraiment l'année du SNL x X-Files.
Par ailleurs, il s'agit là de l'épisode qui a été le plus vu de toute la saison, à tel point que ce sera l'ultime fois que la série a un aussi haut score dans les audiences. 
Voilà. Au final, The Rain King est un charmant petit opus, aux indéniables qualités, mais assez mal placé dans cette nouvelle salve d'épisodes. Néanmoins, et malgré son côté "inoffensif", il reste longtemps en tête.




9. S.R 819 (Compte à Rebours)

SR 819 marque le retour à l'ambiance sombre et sérieuse. En plus, il s'agit d'un nouveau segment entièrement centré sur Walter Skinner. Cela dit, saison 6 oblige, l'épisode reste formellement singulier. C'est un récit construit sous la forme d'un thriller conspirationniste assez sombre. Même si Avatar et Zero Sum plaçaient le directeur adjoint dans une position délicate, SR 819 le met carrément face à la mort. Cependant, le teaser présente une petite filouterie: En effet, il est évident que les téléspectateurs étaient censés penser que les médecins parlent de Mulder, lorsqu'ils utilisent la mention "agent du FBI" suivi de "appeler Scully". Finalement, on constate rapidement que c'est Skinner qui est littéralement en train de mourir. Il faut savoir que, à la base, John Shiban, scénariste ici, avait d'abord esquisser les contours de son scénario en plaçant Mulder dans cette situation. Mais Frank Spotnitz lui aurait dit: "On ne peut pas faire ça ! On est au milieu de la saison. Le public ne pensera jamais qu'on va tuer Mulder. Ils sauront qu'il s'en sortira". Puis, il a suggéré qu'on empoisonne Skinner à la place. Il est vrai qu'un membre du casting secondaire est plus enclin à trépasser que le duo de héros, surtout en plein milieu d'année. En plus, mettre en danger Skinner ici est plutôt judicieux vu l'affaiblissement du personnage cette saison. En effet, il n'est plus le supérieur officiel de Mulder et Scully depuis The Beginning. Peut être que sa mise en danger aurait été moins crédible dans la saison 4 ou 5. 
Skinner s'est toujours montré comme le plus fidèle allié des deux agents depuis le début, avec l'apport non négligeable des Lone Gunmen. Il a tiré d'affaire le duo un nombre incalculable de fois. Il a beau osciller entre son devoir envers le bureau et épouser la quête de vérité de Mulder et Scully, les dernières saisons ont clairement révélé qu'il penchait davantage sur sa loyauté envers ses deux subordonnés. Au fil des années, les scénaristes ont commencé à croire que Skinner avait tellement aidé les deux agents que sa raison d'être disparaissait. Il comptait tellement pour eux qu'il n'était plus une figure mystérieuse et insaisissable. Il faisait partie de la famille, ce qui scénaristiquement changeait beaucoup de choses. C'est une des raisons qui ont poussé à l'élaboration du directeur adjoint Alvin Kersh. Une façon d'édifier un nouvel obstacle bureaucrate face à Mulder et Scully. Néanmoins, la nouvelle place du personnage de Skinner est intéressante à niveau là: les deux agents, mais également les fans, regrettent l'absence de l'ancien patron. Ils peuvent même ressentir une forme de nostalgie les rares fois où le protagoniste est évoqué, comme ses apparitions remarquées dans Triangle. Comme les scénaristes ne savaient plus exactement quoi faire concrètement avec le personnage ici, l'épisode est une nouvelle façon de redynamiser son rôle, et éviter qu'il ne devienne trop superflu.

SR 819 est construit comme un gros flashback. Passé le teaser, la chronologie fait un bond en arrière de 24 heures pour relater la dernière journée de vie du personnage, après qu'il se soit fait empoisonner mystérieusement. C'est une accroche très efficace et effrayante: On sait désormais que l'ancien boss des X-Files n'a que peu de temps pour découvrir ce qui lui est arrivé. Le sentiment d'urgence est palpable tout du long. Quand l'homme commence à se sentir mal, et qu'il se repose dans son bureau, j'adore toute la séquence où Mulder passe lui faire un petit coucou amical, en passant. Toute cette séquence dans les bureaux, quasiment plongés dans la pénombre vu l'heure tardive, demeure atmosphérique et stylée. C'est également un intéressant rappel que Mulder se soucie toujours des X-Files et de son bureau. Il est toujours agréable de voir les deux vedettes se démener pour sauver Skinner, comme à la bonne vieille époque d'Avatar. A côté de tout ça, SR 819 est admirablement mis en scène. Malheureusement, il s'agit même d'un épisode plutôt sous estimé (je trouve). Il est globalement apprécié (et tous les Skinner centric le sont), mais on ne mesure pas assez l'excellence de sa réalisation. C'est Daniel Sackheim qui s'y colle. L'artiste a été très peu présent dans le show. Pourtant, tous les épisodes dont il avait la charge ont tous comme point commun une tenue visuelle exemplaire, que ça soit Deep Throat, Conduit, The Host ou encore Kitsunegari. SR 819 sera sa dernière collaboration dans la série. L'homme est très doué pour créer un ambiance particulière dans ses histoires. La scène de boxe est à ce titre exemplaire: La salle paraît étrangement éthérée et les premiers symptômes qui envahissent Skinner créent un sentiment d'étouffement. Idem en ce qui concerne toute la séquence dans le parking. Au final, Sackheim plonge vraiment son métrage le plus possible dans la pénombre. Il y a quelque chose de crépusculaire dans son approche. Sa tonalité sombre et claustrophobe dénote totalement de tous les épisodes qui l'entourent.
Lorsque Skinner est mourant à l'hôpital, la confession qu'il fait à Scully est émouvante, d'autant plus que la série ne nous a pas souvent habituée à voir l'homme parler de la sorte. Dans son dialogue ici, il s'excuse de ne pas avoir été un allié suffisamment loyal, pendant que Scully réfute en affirmant qu'il les a toujours aidé. Ce petit moment introspectif est suffisamment rare qu'il mérite d'être souligné. Le problème est que, avoue-le, la conclusion de l'épisode nous refait le coup du "Skinner ambigu", lorsqu'il est assis derrière son bureau en face de ses deux ex-agents. En effet, à ce moment précis, il cache volontairement les preuves de l'auteur direct de son empoisonnement, parce que le scénario l'y contraint. Mais ce volte face dans son comportement, après s'être justement confessé sur sa loyauté, peut facilement irrité. Personnellement, la première fois que j'ai vu l'épisode, ça ne me faisait ni chaud ni froid, car son ambiguïté définissait son personnage. Cependant, si ça ne m'atteignait pas, c'est que l'effet escompté ne fonctionne pas. C'est donc un problème. Comme si le fan invétéré savait pertinemment que son refus de livrer le Jésus Christ qui le malmène n'était qu'une façon artificielle de maintenir le personnage dans son statut quo habituel. Cette fin paraît donc irrémédiablement forcée. En revanche, le véritable twist réside dans l'apparition d'Alex Krycek. C'est lui l'homme chevelu qui contrôle les nanomachines de Skinner. Avec sa télécommande hi-tech, le Ratboy peut faire chanter le supérieur comme il le désire. Un postulat scénaristique riche en possibilités. A noter que les crédits du début ne mentionne aucunement la présence de Nichola Lea, histoire de préserver la surprise de son retour ici. Et il est vrai que l'effet de surprise marche assez bien. SR 819 se permet même de faire revenir le sénateur Matheson qu'on n'avait pas revu depuis Nisei (saison 3), même s'il apparaît comme un relatif antagoniste, lui même victime des machinations de Krycek. Le scénario cache donc bien ses cartes en ne révélant son aspect mythologique que lors de sa conclusion. C'est assez malin, malgré l'effet poussive de revoir Skinner être compromis une énième fois.

Néanmoins, intégrer Skinner et Matheson en même temps est intéressant, car le récit s'interroge sur la définition même de l'allié. Matheson est destiné à être un contrepoids à Skinner. Les deux ont été des alliés hauts placés dans la hiérarchie, et ont pris des risques pour épauler Mulder. Matheson est ici prêt à sacrifier la vie de Skinner pour le bien commun. Finalement, l'épisode semble suggérer que le sénateur est dans une position inconfortable, comme a pu l'être Skinner dans Zero Sum. Lors de leur ultime confrontation, Mulder a l'air de considérer Matheson comme un traitre qui devra payer pour ce qu'il a fait. Ce à quoi, ce dernier répond qu'il n'est qu'une victime dans toute cette histoire. Mulder a horreur des compromis, mais les deux guest stars de SR 819 ont, un jour ou l'autre, osé franchir cette ligne morale pour sauver des vies. La juxtaposition de Skinner et Matheson est pertinente car elle rappelle que les deux hommes ont eu une position similaire. Ils constituent des vestiges d'une certaine époque d'X-Files. Leurs apparitions sont finalement assez rapprochées: Skinner apparaît pour la première fois à la fin de la saison 1, tandis qu'on découvre Matheson au début de l'année suivante. Malgré toutes leurs bonnes volontés, ces deux hommes relativement influents vont être broyés par la conspiration qui les entoure. Cependant, si on joue aux jeux des petits comptes, Skinner semble être un allié plus fiable que Matheson. Il s'écrase face à Krycek, oui, mais uniquement parce que ce dernier pourrait le terrasser via un bouton. Plusieurs fois dans la série, il prend des risques pour sa vie pour aider les deux héros, comme son combat contre X dans End Game.
A ce sujet, intégrer Krycek octroie un contraste intéressant avec les deux hommes suscités. Lui, sa morale, il y a longtemps qu'il l'a compromis, et même anéantie. Il se situe très loin sur le fil de la loyauté. Une manière de tempérer les positions et les choix de Skinner et Matheson. Et il est intéressant de constater que Krycek lui même est apparu à la même période que ces deux hauts fonctionnaires.
Les nanorobots qui empoisonnent le sang de Skinner est un ajout assez sympa. Visuellement, l'effet des veines gonflées est assez spectaculaire. Bien entendu, cette idée d'une contamination est une analogie de la corruption. C'est un thème qui parsème la série depuis ses débuts, mais il y a là un parallèle rigolo, car c'est Krycek, un être totalement corrompu, qui corrompt à son tour le corps de Skinner. L'état de ce dernier agît comme une punition pour avoir hésité à de nombreuses reprises d'aider Mulder et Scully.
Formellement, SR 819 est un épisode très solide, à tel point qu'il a été nominé deux fois aux Emmy Awards, notamment Heather McDougall pour son excellent montage, mais aussi Mark Snow pour sa bande originale. A ce titre, il est vrai qu'il y a des relents très cinématographiques au métrage. A tel point que le compositeur se permet même de réintégrer quelques passages de la BO de Fight The Future.

Mitch Pileggi a bien entendu été ravi d'avoir un nouvel épisode centré sur Skinner. Il a même été content de pouvoir faire un peu de boxe, lui qui était familier de la discipline, car son père était boxeur professionnel, et que lui même a pratiqué. Par contre, l'acteur n'a pas eu une bonne expérience pour les heures de maquillage nécessaires pour l'application des effets spéciaux des nanomachines. L'homme précisa: "Ils ont fait un travail magnifique et c'était génial, mais franchement, j'ai détesté ! Je ne sais vraiment pas comment ces types de Star Trek ou de Babylon 5 peuvent supporter de se faire ça tous les jours. Je ne travaillerais pas si c'était le prix à payer. Il y avait un point positif cependant: J'étais tellement épuise par le processus que ça m'a vraiment aidé à faire le mort. Vous vous souvenez de ce plan où la caméra s'éloigne de mon oeil ouvert ? En vérité, j'avais du mal à garder ne serait-ce qu'un oeil ouvert." Pour Mitch Pileggi, son principal bourreau sur l'épisode était John Vulich, le superviseur du maquillage des effets spéciaux.
Le régisseur des extérieurs, Ilt Jones se souvient de SR 819 comme de "l'épisode du parking". D'un ton bougon, il expliqua: "Il y avait trois ou quatre de ces satanés trucs dans le scénario. En surface, en sous-sol. Grands, petits. Vous n'imaginez pas le nombre de repérages que nous avions effectués, pour chaque choix final ! Je suis maintenant le plus grand expert mondial des parkings de Los Angeles. J'ai commencé à me réveiller en hurlant à propos des barrières, des contraventions, des entrées et des sorties."
A l'origine, il devait y avoir un long combat entre Krycek et Skinner, mais pour des raisons budgétaires, la scène fut annulée, ce qui est dommage. Tout le monde aurait aimé voir un tel combat entre ces deux personnages emblématiques.
En définitif, SR 819 est un très solide épisode, très atmosphérique et parfaitement rythmé. Il permet en outre de donner un peu d'air à la conspiration habituelle en la déplaçant sur d'autres enjeux. A ce titre, la présence du sénateur Matheson donne un cachet "saison 2" plutôt agréable à l'ensemble. L'imminente mort avortée de Skinner, l'aspect course contre la montre, la réapparition de Krycek, et l'ambiance crépusculaire préfigurent la fausse conclusion de l'arc conspirationniste qui va arrive d'ici peu, via Two Fathers et One Son, donnant du crédit supplémentaire que cette saison 6 ressemble, à bien des égards, à un season final. 

EDIT: il y a même une petite référence à Chinga dans l'épisode.




10. TITHONUS (Photo Mortelle)

Tithonus est un segment étonnant pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il s'agit d'un récit introspectif résolument sombre et tragique. Une histoire sur la vie et la mort, et sur le temps qui passe. En bref, un nouveau terreau existentialiste pour une saison 6 beaucoup plus angoissée que ce que ses sourires de façade ne laissent transparaître. C'est également un épisode très poétique qui n'est pas à proprement parlé un monstre de la semaine, mais une nouvelle itération de raconter une histoire d'un homme prisonnier du temps. Tithonus décrit la mort de façon poétique, à travers Alfred Fellig, cet individu devenu immortel, car ayant échappé à la mort. Pour être plus précis, cette dernière l'a littéralement oublié. Le récit souligne l'importance de la mort dans le processus de la vie, et que, sans la première, la seconde ne vaut pas la peine d'être vécue.  Tithonus est une histoire sur l'empathie et la solitude profonde. Au fil des décennies, Fellig a vu tous ses proches périr, puis il s'est lui même isolé du monde. Il semble errer comme une âme en peine, oubliée de tous. Mais sa très longue vie a rendu le vieux photographe cynique et désabusé. Lorsqu'il montre à Scully qu'il effectue juste quelques photos des personnes qui vont mourir, cette dernière lui rétorque, plus tard: "Vous m'avez montrés un manque de compassion méprisable envers l'être humain. Vous m'avez montrés que vous tirez profit de la mort des gens." Fellig ne se laisse pas démonter par cet argument et lui explique qu'il ne veut pas faire semblant d'avoir pitié pour eux. Qu'ils ont tous de la chance. Une chance qu'on lui a volé: le droit de mourir. Son immortalité est un fardeau qu'il doit endurer. Une malédiction qui lui a même fait oublier le nom de sa propre femme. 
A un moment donné, l'homme explique à Scully que c'est une infirmière, à l'époque de la fièvre jaune, qui lui a pris sa place. Il décrit cette femme comme un être extraordinaire qui est restée là à soigner les malades. Ensuite, la mort l'a prise à la place de Fellig. Pendant des décennies, l'homme est devenu peu à peu froid et cynique, mais il est libéré seulement quand il retrouve une once d'empathie pour Scully, lorsqu'elle est en train de mourir. Ce n'est donc que lorsqu'il ressent ce sentiment pour un autre être humain qu'il a la permission de quitter ce monde. Il a fini par revendiquer la mort qui lui était destinée. Son voyage s'achève que lorsqu'il a renoué avec le reste de l'humanité.

La chute finale de l'épisode a suscité de vives réactions de la part des fans, à l'époque: En effet, beaucoup y ont vu un énorme clin d'oeil à la supposée révélation de Clyde Bruckman dans le bien nommé Clyde Bruckman's Final Repose (saison 3). Souviens-toi, à un moment, Scully se retourne vers le médium pour lui demander comment elle allait mourir. Ce à quoi, l'homme lui répondit, un sourire tendre: "Vous survivrez." Une phrase qui a fait couler beaucoup d'encre, pendant longtemps. Certains ont suggé que c'était une phrase destinée au développement de l'arc du cancer de Scully. D'autres se demandaient si le personnage était réellement immortel ou non. Et puis d'autres, pensaient juste que c'était une petite phrase mignonne, rien de plus. Vince Gilligan, excellent auteur de Tithonus, a l'air de titiller la fanbase avec cette fin. Si la mort a pris Fellig à la place de Scully, comme ce fut le cas pour l'infirmière, cela peut signifier que notre héroïne est devenue immortelle. D'après le guide officielle, c'était bien l'intention des auteurs, comme le relate Frank Spotnitz: "Nous avons eu l'idée de faire de Tithonus une sorte de conclusion à Clyde Bruckman's Final Repose dans lequel Bruckman avait dit à Scully qu'elle ne mourrait jamais. Ici, nous pouvions en quelque sorte répondre à cette question, et c'était très satisfaisant". Cet ajout est amusant dans le processus d'écriture pour une série à plusieurs plumes, car un auteur peut s'appuyer sur le travail d'un autre pour l'emmener dans une direction spécifique. Bien après son passage dans X-Files, quand on posait la question sur l'immortalité de Scully, Darin Morgan fut étonné car, pour lui, ce n'était qu'une petite phrase innocente prononcée dans son Final Repose. Dans une série, les scénaristes écrivent des histoires sur des personnages qui ne leur appartiennent pas. D'autres plumes peuvent emmener ces histoires et ces protagonistes dans des directions auxquelles certains créatifs n'avaient même pas envisagé. Quand Darin et Glen Morgan et James Wong ont quitté le show, ils n'imaginaient pas que les saisons ultérieures à leur participation allaient emprunter autant de sentiers différents. En outre, la puissance du fandom d'X-Files a irrémédiablement aidé à façonner et à orienter le show. Sans eux, les Lone Gunmen n'auraient pas eu autant de poids. Et sans eux, Vince Gilligan n'aurait peut être pas envisager de glisser ce clin d'oeil sur l'immortalité de Scully ici. De surcroit, comme nous l'avons déjà vu, l'écrivain, friand de télévision, a une appétence particulière pour la continuité, comme l'attestent ses travaux sur Paper Hearts, Pusher, Kitsunegari ou encore Unusual Suspects.
Il est d'ailleurs amusant de constater à quel point ce script de Gilligan fonctionne en miroir avec Clyde Bruckman's Final Repose. Tous les deux mettent l'accent sur des vieux hommes hantés par la mort. Bruckman était capable de deviner comment allait mourir les gens qu'il rencontrait. Fellig devine la mort imminente des gens qu'il croise. Scully se prend d'affection pour les deux protagonistes. Et enfin, les deux oeuvres célèbrent l'humanité, la mort et la compassion, à travers une histoire tragique. La seule différence est que le scénario de Darin Morgan était plus humoristique et sarcastique, tandis que Tithonus est résolument maussade et triste. Mais les deux sont des oeuvres indéniablement poétiques. 

Le script est également admirable dans sa façon de gérer Scully, mais aussi Mulder. Il revient clairement sur leur séparation des X-Files. Ce dernier s'ennuie fermement à sa nouvelle affectation, mais donnant lieu à des scènes un peu plus légères et rigolotes, comme quand il appelle sa partenaire, en prenant une voix de vieux et dit "On a travaillé ensemble pendant très longtemps". C'est mignon. Et le statu quo est bouleversé par Kersh qui met Scully avec un nouveau partenaire, à savoir l'agent Peyton Ritter. Sa configuration inédite alloue un dynamisme inédit à la série. Une lubie dont la saison 6 se complait intelligemment. Bien sûr, ce nouveau duo est là pour créer un manquement pour le public, et pour souligner la force des deux fidèles équipiers. A ce sujet, le nouveau partenaire de Scully lui fera part, lors d'une dispute, qu'elle et Mulder ont visiblement une sulfureuse réputation. 
Tithonus dépeint Scully comme une agent du FBI profondément humaine et empathique. Elle ne se jette pas sur le suspect idéal juste pour le coffrer et être débarrassée. Assez vite, elle éprouve de la compassion pour Alfred Fellig. Cette dernière se révèle d'ailleurs être la véritable héroïne de l'épisode; Mulder ne faisant que de la figuration amusante. Autre élément important: Scully accepte presque de croire en l'immortalité du vieillard. C'est assez touchant car, même si le personnage est dépeint en sceptique depuis toujours, ce trait de caractère s'est clairement assoupli depuis la saison 5. Mis à part quelques exceptions, elle ne se montre pas forcément dédaigneuse ou fermée dans toutes les enquêtes. Non, à la place, elle s'ouvre davantage à envisager d'autres possibilités que celles purement scientifiques. Il est vrai que son scepticisme pouvait agacer au bout d'un moment. Il était compréhensif dans notre monde réel, mais passé autant d'années à être témoin de phénomènes paranormaux ne peut pas laisser la place à un scepticisme aussi endurci. Heureusement que Chris Carter et sa team ont adoucit cet aspect là, même si, on sent qu'ils se sentent parfois obligés de ramener Scully à se dresser "contre" Mulder, juste parce que la formule X-Files a toujours fonctionné comme telle. L'évolution est notable, mais parfois un poil maladroite, il faut le reconnaître. Tithonus donne un aperçu de la manière dont Scully met de côté la rationalité, même si elle y tient toujours. En effet, elle a l'air de vouloir croire Fellig, mais elle lui demande une preuve scientifique et tangible, de quoi s'accrocher, pour accepter les affirmations de l'homme. Mais quoiqu'il en soit, elle se montre beaucoup plus compréhensive.

En filigrane, Tithonus continue de puiser dans les grands thèmes de la saison 6, comme le temps, l'amour, et l'immortalité. Alfred Fellig n'est plus du tout le même homme qu'il a été, il y a des décennies. Son don l'a usé et épuisé. Il erre comme une ombre, au milieu de ses concitoyens. Le personnage semble représenter les angoisses de la série quant à sa longévité. La sixième saison constate le vieil âge d'X-Files. Une série qui a peur de demeurer immortelle, et peur de ne devenir que l'ombre d'elle même: Une série has been qui n'a plus la vivacité et la jeunesse d'antan, lorsqu'elle a débuté. Elle était une institution. Une oeuvre incontournable. Le film avait marché, et la série continuait a enregistrer de très bons scores. X-Files craignait que la FOX ne la laisse vivre sous perfusion. Peur également que le public s'en détourne et ne l'aime plus comme avant, la laissant errer dans les méandres de la télévision, sans évolution, sans dynamisme. Chris Carter avait signé un contrat pour aller jusqu'à la saison 7, voir peut être envisager d'autres films. Il était donc normal que les auteurs commencent à matérialiser certaines de leurs angoisses dans le show. Drive, Triangle, Dreamland, How The Ghosts Stole Christmas et Tithonus sous entendent tous les préoccupations des artistes liés à la série. D'autres segments de cette curieuse saison viendront emboiter le pas en distillant ces thématiques. 
Kersh confie l'enquête à Scully car il pense qu'elle peut encore changer. Cela sous entend que la jeune femme ne peut se libérer de l'ombre de Fox Mulder. Mais finalement, les choses sont plus compliquées que cela, et il ne suffit pas que Scully "reboot" et revienne à son point de départ, comme lorsqu'elle était vouée à une brillante carrière, pour que cela fonctionne réellement. Elle a tellement travaillé avec Mulder que ce dernier a totalement déteint sur elle, et vice versa. Les X-Files les ont complètement changé. A tel point que même lorsqu'ils ne sont plus relégués aux sous sols, le paranormal continue de les hanter. Ils ne peuvent plus s'en défaire. Malgré le statu quo que la série s'efforce de conserver, imaginer Scully repartir de zéro, avec le même état d'esprit que dans le Pilot, est peine perdue. Sa collaboration avec Ritter démontre à quel point son partenaire a eu une influence sur elle. Ici, elle se dresse contre son nouveau partenaire, en héritant de l'humanité et de l'obstination de Mulder. 

Même si Tithonus n'est pas un épisode frontalement effrayant, il n'en demeure pas moins dérangeant: Il y a quelque chose de troublant de voir ce type tellement déconnecté de la mort, qu'il prend des photos de gens en train de mourir avec un air impassible. Il y a quelque chose d'invasif dans ces passages morbides, comme si Fellig leur volait la dignité auquel ils ont le droit. Il prend une photo d'eux sans leur consentement, dans un moment d'extrême vulnérabilité. L'appareil photo constitue une barrière pertinente entre lui et la souffrance de ces mourants.
Cependant, et à l'instar de Terms of Endearment, un peu plus tôt, l'intrigue ne représente pas le photographe comme un être purement négatif (ha ha ha). Il se révèle même finalement inoffensif, contrairement à Wayne Weinsider. C'est juste une étrangeté que le monde a oublié, comme beaucoup de monstres de la série, à l'instar de Tooms, des papillons humains de Detour, de la famille Peacock de Home, de Leonard Betts ou encore des cannibales d'Our Town. X-Files démontre une nouvelle fois que le monde moderne les met en lumière, quitte à les détruire. Il n'y a plus de place pour ces êtres excentriques. 
Vince Gilligan signe là un de ses scénarios les plus puissants, même si plutôt sous estimé. On cite souvent Pusher, Paper Hearts, Bad Bood, et Drive dans ses scripts les plus emblématiques, mais il ne serait pas déconnant d'y ajouter Tithonus. Je le trouve nettement plus pertinent et mieux foutu que le X-Cops que l'auteur signera l'année d'après. 

Bien entendu, l'épisode bénéficie de l'exceptionnel présence écrasante de Geoffrey Lewis, une guest star de premier choix. La saison 6 ne s'arrête plus niveau vedettes d'exceptions. L'acteur a particulièrement apprécié sa contribution. Pourtant, ce n'était pas gagné car Rick Milikan, le directeur de casting, a dû batailler pour l'avoir. D'après Gilligan, l'acteur était très impliqué dans son rôle, à tel point que, avant le tournage, il appelait l'écrivain pour discuter des subtilités de son personnage: "Nous sommes même restés en contact un moment, après la fin de l'épisode. C'était un homme très intéressant et talentueux. Et un type sympathique aussi" déclara Gilligan.
Michael Watkins propose une réalisation très élégante et douce, malgré la tristesse et la noirceur de l'ensemble. A ce titre, c'est un épisode particulièrement sombre, d'un point de vue formel: Effectivement, il y a beaucoup de scènes de nuits, les bureaux du FBI sont plongés dans les ténèbres, et l'appartement de Fellig n'est pas très éclairé. Les rues de cette New York fictive contribue réellement à donner une singularité au résultat final. Même si Tithonus est un métrage centré sur les personnages et les dialogues, contribuant a allégé les dépenses, cela ne signifie pas qu'il a été si aisé à le finaliser. Le responsable des biens immobiliers, Tom Day, se souvient qu'on l'avait prévenu, quelques semaines avant le tournage, qu'il serait un élément essentiel pour l'élaboration de l'épisode.
A côté de ça, une attention toute particulière a été porté sur la véracité des photographies des documents que Scully et Ritter découvrent dans les archives. Le département des accessoires ont étudié différentes polices de caractères, et les technologies d'impression courantes de l'époque, et estimer correctement le moment où la photo d'identité judiciaire de Fellig passerait du noir et blanc à la couleur. Ils ont ensuite jauni chaque document en fonction de son âge supposé. Le service des coiffures et maquillage ont ensuite pris soin de changer l'apparence du personnage, avec éclairage, décors, costumes, maquillage, etc. Toutes les photos ont été adaptés à l'époque où elles étaient censées avoir été prises. 
Il a fallu trouver toutes les caméras que Fellig utilisait réellement. C'était un travail colossal. On n'imagine pas forcément que ces images que l'on voit fugacement ont bénéficié d'un temps de conception et de minutie aussi chronophage. 
Dans le même ordre d'idées, le décorateur Tim Stepeck a été chargé de garnir la chambre noire d'Alfred Fellig de l'équivalent d'un siècle de photographies. Il était visiblement impossible de se procurer tout cela via les canaux habituels des fabricants. Pour résoudre ce problème, Stepeck a demandé à Corey Kaplan, chef décoratrice d'X-Files, qui avait enseigné au Musée de la Photographie de l'Université de Californie à Reiverside. Ils ont donc pu mettre la main sur une collection de 10 000 appareils photos et de matériel très anciens. Stepeck déclara: "Je crois qu'ils ont vidé tout le musée juste pour nous". 
Les scénaristes d'X-Files ont longtemps voulu écrire un chapitre sur l'immortalité, mais sans jamais parvenir à trouver un moyen de trouver une histoire effrayante à raconter avec un tel concept. Gilligan regroupa trois principales idées pour la création de son scénario: Le premier était l'histoire d'Arthur "Weegee, Fellig, un célèbre photographe dont le nom a inspiré Alfred Fellig. Le deuxième était le mythe de Tithonus, qui a servi de titre pour l'épisode. Et le dernier était l'épidémie de fièvre jaune.
Tithonus est un brillant X-Files, très touchant et exceptionnellement habité. Malheureusement, il semble éclipsé par beaucoup d'autres épisodes qui concourent pour le prix d'excellence.



11. TWO FATHERS (Toute La Vérité Partie 1)

Nous y voilà. Nous sommes en face du diptyque Two Fathers et One Son, deux épisodes mythologiques qui ont pour ambition de clarifier six ans de mytharc. Un projet bien entendu très casse-gueule, car les séries à mystères peinent souvent à résoudre les nombreux noeuds scénaristiques de leur grande épopée feuilletonnante. Parallèlement, il est toujours moins satisfaisant de répondre aux questions plutôt que de les poser. Le risque étant que les fans peuvent se montrer hautement déçus de la résolution des énigmes. Lost a essuyé les plâtres avec ses intrigues à tiroirs. X-Files a négocié cela très bien, mais le problème est que la mythologie a continué au delà de son "droit de réponses", diluant un peu de son aura, il faut le reconnaître.  
Two Fathers et One Son ont pour but de répondre à un maximum de questions sur le projet du syndicat et des extraterrestres. Il se permet même de ramener des éléments dont on ne mesurait pas l'importance qu'ils avaient. Avant sa diffusion, le diptyque a bénéficié d'une énorme campagne promotionnelle pour fêter l'événement, notamment avec une affiche de Mulder et Scully titrée: "5 ans de questions. 2 nuits de réponses".  La chaîne et la production multipliaient les promesses de "divulgation complète" à la télé, dans les journaux. Durant deux semaines, FX a diffusé tous les épisodes mythologiques, lors d'un marathon. Difficile de nier que Two Fathers et One Son ont été sacrément attendu.
Ce duo d'épisodes est également une réponses de l'équipe créatrice qui désirait rectifier le tir des fans qui se sont sentis désabusés par le film. A ce sujet, Frank Spotnitz révéla: "Je pense que nous avons rencontrés un problème. Lorsqu'ils ont annoncé le film, avec le slogan "La Vérité est Révélée", je n'y ai pas fait d'objection, mais j'ai alors réalisé à quel point c'était dangereux, car chacun avait sa propre conception de la vérité. A mon avis, le film dévoilait très explicitement la vérité sur les tenants et aboutissants de la conspiration. Mais ce n'était pas la vérité que beaucoup de gens pensaient que le film allait révéler. Ils s'attendaient à ce que la vérité porte sur autre chose, comme Samantha. a vérité avait une signification différente pour chacun des spectateurs."
David Duchovny était du même avis, comme l'atteste une de ses déclarations: "Je pense que les fans étaient frustrés, parce que les publicités du studio ("La Vérité est Révélée") laissaient entendre que tout allait être figé. Et puis, ce ne fut pas le cas."
Quoiqu'on pense de la mythologie, il faut reconnaître que le spectateur lambda, qui aurait pu louper un ou deux mytharcs, pouvait se perdre dans cette gigantesque toile scénaristique. Chaque saison s'amusait à complexifier l'ensemble en apportant de nouvelles pièces au puzzle, en intégrant un nouveau personnage, en multipliant certaines fausses pistes, ou en spéculant.
Chris Carter et Frank Spotniz ont admis que Fight The Future n'avait pas su attirer de nouveaux fans d'X-Files. Ils se sont donc concentrés sur la façon dont ils allaient refermer un maximum de portes durant les saisons 6 et 7. C'est un procédé très louable. En répondant frontalement aux questions laissées en suspens, les auteurs arrêtent donc de faire tourner en bourrique les fans qui n'en pouvaient plus d'attendre. Two Fathers et One Son représentait donc une forme de cadeau qui leur était adressé. Une sorte de "pardon" de la production envers ses fans qui se sont sentis floués par le film. Plus pragmatiquement, il s'agissait tout simplement une façon de récompenser la fidélité des spectateurs qui sont là depuis toujours.
Chris Carter désirait également conclure l'arc de la conspiration car, à ce stade de sa vie, le programme devait s'arrêter au terme de la saison 7. Le showrunner commençait à s'inquiéter du peu d'épisodes restants pour tout remettre en ordre. 

Two Fathers commence par un monologue de L'Homme à La Cigarette. Le personnage viendra régulièrement saupoudrer les deux épisodes par sa douce voix fumeuse. A ce titre, ses premières paroles sonnent comme un écho de la volonté, ainsi que des pensées de Chris Carter: "C'est la fin. Je n'aurais jamais cru m'entendre prononcer ces mots après toutes ces années. On investit sa vie dans quelque chose... on le construit, on le protège. La fin est aussi inimaginable que sa propre mort ou celle de ses enfants. Je n'aurais jamais pu prédire les événements qui nous ont conduits là. Aucun de nous n'aurait pu. Tous ces hommes brillants... le secret que nous avons gardé. C'est simplement comme ça."
On a l'impression que le discours de L'Homme à la Cigarette reflète les mots qu'auraient pu déclarer les scénaristes. La sincérité de l'antagoniste détonne, comme celles des auteurs. On dirait que l'heure des petites phrases mystérieuses, des non-dits et des sourires malicieux laissent la place à une franchise la plus transparente. Il y a une sensation que la mythologie a fait son temps. Encore une fois, il semblerait que la série continue sa crise de la quarantaine, et qu'elle exprime désormais son bilan. Elle se remémore ce qu'elle a accompli en revenant sur ces cinq années de conspiration. Elle se pose et regarde en arrière, en espérant qu'une partie de son oeuvre, le mytharc en l'occurrence, traversera le temps. Que tout cela n'aura pas été vain. C'est évidemment un moment émouvant pour Chris Carter et son équipe. Ils voient leur oeuvre trouver une résolution au terme de ces deux segments. A un moment, le docteur Openshaw confesse au Smoking Man: "Un homme ne devrait jamais vivre assez longtemps pour voir ses enfants... ou son oeuvre détruits". Il y a là comme une certaine amertume qui renvoie à ce que pouvaient ressentir les scénaristes, lors de l'élaboration de cette "conclusion".
Fausse fin oblige, Two Fathers et One Son convoquent la plupart des personnages secondaires encore actifs à ce stade de la série, de L'Homme à la Cigarette, le reste du syndicat, à Krycek et Marita, Jeffrey et Cassandra Spender, mais également Skinner, Diana Fowley et les Lone Gunmen. Il y a même un peu de Kersh à la toute fin. Et bien entendu, au centre de tout ce foutoir, il y a un certain Mulder et une certaine Scully qui tentent de démêler toute cette histoire.

Afin de condenser un maximum d'informations en 1h30, Two Fathers et One Son s'articulent beaucoup autour de scènes d'exposition: les personnages expliquant frontalement les tenants et aboutissants du grand projet. Il y a quelque chose de résolument foutraque, mais c'est un joyeux bordel. Le diptyque revient sur de nombreux épisodes mythologiques, leur octroyant une portée rétroactivement beaucoup plus importante. Cassandra Spender revient et révèle à Mulder à Scully que l'autre nom de l'huile noire est "pureté", un terme déjà évoqué dans The Erlenmeyer Flask, le final de la saison 1. One Son ramène même le petit foetus alien vu dans l'épisode précité. Two Fathers commence par une expérience d'hybridation réussie dans un des wagons à l'oeuvre dans Nisei et 731. Bien entendu, on y parle des abeilles, du vaccin, des poinçons contre les aliens et nous avons même le retour des rebelles sans visage, véritables grains de sel qui vont tout faire dérailler ici. Les deux épisodes arrivent étonnamment bien à clarifier tous les éléments qui ont été dispersés tout au long de la série. A ce stade de la série, c'est admirable de réussir à rendre logique certains pans scénaristiques à priori difficilement conciliables. Dans la partie 2, il y a même des petites phrases qui semblent presque être des blagues censées démontrer la confusion de la mythologie pour un esprit distrait, notamment lorsque Mulder demande à Marita si les expériences qu'elle a subit servaient le projet des hybrides. Ce à quoi, la jeune femme rétorque que non, elle a été le cobaye pour la recherche d'un vaccin. Les pièces du puzzles semblent s'imbriquer plutôt correctement, si on excepte un ou deux points qui restent dans l'ombre. Il est tellement agréable d'avoir un duo si franc et direct dans ses révélations que ça en devient désarmant. Comme pour Patient X et The Red And The Black, mais aussi Colony et End Game, la mythologie épouse totalement son côté science fiction, même si les personnages parlent avec un langage parfois soutenu, tentant de camoufler l'aspect série B (pourtant pas honteux du tout).
Cette sorte de simili conclusion permet de revenir sur les thèmes chers de cette vaste mythologie. Elle met à l'honneur cette histoire d'héritage de parents qui ont des répercussions sur la vie des générations suivantes. Le destin de l'humanité toute entière est sur le point de sombrer, sur fond d'une famille dysfonctionnelle, elle même en train de s'effondrer. Car oui, même si le diptyque joue la course contre la montre pour éviter la fin du monde, elle n'en reste pas moins une tragédie relatant l'histoire de deux pères qui ont fait des choix terribles, ayant eu des conséquences gigantesques sur la vie de leurs enfants, mais également du monde. Deux pères, mais aussi deux maris, qui ont une relation tumultueuses et tragiques avec non seulement leurs enfants, mais également leur femme. Bill Mulder a obligé la sienne a faire un choix cornélien en choisissant un de ses enfants, tandis que L'Homme à La Cigarette, ou CGB Spender comme il est révélé ici, a sacrifié la vie de sa propre compagne. Depuis la saison 3, le destin de Mulder se réfère vraiment à une quête héroïque traditionnelle comme relaté dans le Héros au Mille Visages, des écrits de Joseph Campbell. La figure paternelle, dont il doit se débarrasser, va dans cette direction. Bill Mulder est le père direct du personnage, mais L'Homme à La Cigarette représente lui aussi une figure paternelle, certes bien plus néfaste, qui rappelle indéniablement celle de Dark Vador. Bien entendu, le titre de la première partie, "Two Fathers", suggère que notre héros est pris entre ces deux pères, finalement très différents. Cependant, Gorge Profonde pourrait rejoindre cette course, car il a été un père de substitution bien plus sympathique, et qui continue d'apparaître sporadiquement dans la série, que ce soit dans l'au delà dans The Blessing Way ou en flashback dans Musings of A Cigarette-Smoking Man. Mais malgré toutes leurs divergences, et leur personnalité différente, ces trois hommes se sont compromis dans une conspiration qui les dépasse. Ils ont comploté avec une force supérieure et joue la vie de milliards de personnes.

Two Fathers et One Son sont étonnants dans leur manière de mettre Mulder et Scully de côté. En effet, compte tenu de la complexité de devoir composer avec autant de personnages, et de répondre à autant de questions, on a l'impression que les deux héros ont peu de place pour réellement respirer. Cet aspect peut décevoir, mais le rôle alloué à Mulder et Scully n'en demeure pas moins intéressant. Tout d'abord, cette mise à distance permet de mettre l'accent sur le syndicat. On en voit bien davantage: comme plusieurs discussions entre les différents membres, mais aussi le travail de nettoyage que doivent exécuter les "agents de nettoyages" comme Krycek. La scène où L'Homme à La Cigarette demande à son fils, Jeffrey, de tuer un rebelle sans visage est assez chouette: Spender doit jouer le rôle des subalternes qui effectuent parfois ce genre de sale besogne. Il se fera épauler par Alex Krycek pour mener à bien cette mission. A ce titre, Two Fathers est étonnant, car il nous montre une facette de ce dernier qui ne semble ni cynique, ni manipulateur. On dirait juste qu'il fait juste son job. Dans One Son, il se révèle même sincèrement démuni et paniqué face à la disparition du foetus. Nous n'avons pas eu l'habitude de voir Ratboy avec des sentiments qui transpirent autant la sincérité. Plus généralement, tous les personnages semblent très humain, même L'Homme à La Cigarette se révèle étonnant franc, comme expliqué en début de texte. Lorsqu'il se confie à son ex-femme, il a l'air vraiment touché. Au terme de cette discussion houleuse, l'homme est prêt à craquer et à pleurer, car incapable de tuer Cassandra. C'est assez étonnant et cela renforce le côté anxiogène de cette fin de tout. Le dilemme moral auquel il a été confronté apparaît plus fermement ici. Et même si le personnage demeure incontestablement un type qui a sacrifié des vies, sa position inconfortable le rend bouleversant. A ce titre, son incapacité a tué Cassandra scellera le destin de l'humanité étant donné que les rebelles la découvriront et l'enlèveront. Mais au final, L'Homme à La Cigarette a juste des comportements humains. Comme il le révèle lui même, c'était trop de prendre la vie de la mère de son fils. L'élément humain est toujours ce qui a fait capoter les plans du syndicat et des colons extraterrestres, et c'est probablement une des plus grandes réussites de la mythologie. En effet, que ça soit dans Anasazi, Tunguska, Piper Maru ou encore Zero Sum, le mytharc a toujours démontré que le plan des collaborateurs des aliens a toujours paru fragile. Plusieurs erreurs se sont empilées au fil du temps, à contrario des colons qui semblent ne former qu'un bloc monolithique, même si des voix dissidentes parmi les aliens n'ont pas tardé à pointer le bout de leur nez, comme dans Talitha Cumi et Patient X. Cet élément humain est ce qui manquera cruellement par la suite, dans ce qui constituera la nouvelle mythologie des saisons 8 et 9.

Une grande partie des deux épisodes devait comporter de nombreux flashback, avec plusieurs scènes importantes se déroulant dans les années 70, présentant Bill Mulder, L'Homme à La Cigarette et les autres membres du syndicat. Mais d'après Spotnitz, cela ne fonctionnait pas à plusieurs niveaux. Les scénaristes ont donc opté pour les monologues narratifs du Smoking Man.
David Duchovny fut ravi de tourner ses scènes de Mulder en train de jouer au basket, car, comme nous l'avions vu dans Paper Hearts, l'acteur adorait ça. Malheureusement, ils ont dû tourner le match en intérieur, car la pluie a perturbé le tournage en extérieur. Tous les dribbles sur le parquet étaient tellement bruyants que tous les dialogues entre Duchovny et Anderson ont dû être réintégré plus tard.
Veronica Cartwright fut ravi de son retour dans la série. Elle estimait que travailler pour X-Files comptait parmi les expériences les plus enrichissantes. Les gens l'interpellaient dans la rue pour lui demander si son personnage avait été enlevé, si elle était encore vivante. Quelqu'un lui a même demandé: "Avez-vous vraiment pu être mariée à ce crétin qui fume ces cigarettes ?" L'actrice fut nominée une nouvelle fois pour son rôle ici, et c'est amplement mérité, car elle a pu présentement développer d'autres facettes de son personnages.




12. ONE SON (Toute La Vérité Partie 2)

Un fils. Mais de quel fils parle le titre ? En réalité, il vraisemblable qu'il y ait trois fils distincts qui parsèment l'épisode. Tout d'abord, Fox Mulder qui doit subir le poids des choix perpétués par l'héritage de son père. Toute sa vie a été chamboulé par le choix initial de son père qui a sacrifié sa fille, Samantha. Sans cet événement, Mulder n'aurait pas été obsédé par sa quête de la vérité, et il n'aurait jamais découvert le syndicat et les secrets de son paternel. Mais on peut aussi voir l'agent comme un fils spirituel pour L'Homme à La Cigarette qui s'est toujours pris d'affection pour lui. Il a toujours été son préféré, même si la loyauté de Mulder l'a empêché de le rejoindre. Et bien entendu, CGB Spender a toujours vu un peu de Bill en lui: Quelqu'un qui ne baisse pas les bras face à la fatalité. Car oui, finalement, c'est Bill qui a initié le projet du vaccin pour sauver un maximum de personnes.
Jeffrey Spender est le second fils: le fils biologique de CGB. Il est d'abord présenté comme un fils plus dévoué qui essaie de marcher sur les traces de son père. Malheureusement, les événements du diptyque vont tout changer: l'homme épousera la cause de Mulder, et se dressera contre L'Homme à La Cigarette.
Mais il y a un troisième fils, plus officieux: Alex Krycek. Malgré ses relations houleuses avec le syndicat, et sa morale à géométrie variable, les deux épisodes le décrivent comme un fils prodige, capable d'accomplir de grandes choses. Il connait parfaitement les rouages de la conspiration, et demeure un allié efficace pour l'Homme à La Cigarette. En outre, dans la première partie, il semble avoir été assigné à Spender comme une sorte de "grand frère", destiné à l'épauler pour s'immerger dans le monde du syndicat. Mes propos ne tombent pas d'un pommier, puisqu'un scène coupée du DVD présente Krycek s'adressant audacieusement au Smoking Man afin qu'il le désigne pour être son héritier présomptif. Et tous ces différents arcs contribuent à décrire Two Fathers et One Son comme une histoire d'une grande famille qui se déchire.
Nicholas Lea se souvient de ce mytharc car, après avoir lu le scénario, il a demandé à ce qu'on lui explique environ quatre fois, car il ne comprenait pas tout. Au sujet de Krycek, Frank Spotnitz était déçu de devoir couper la fameuse scène entre ce dernier et L'Homme à La Cigarette qui suggérait qu'il était une sorte de troisième fils. Il précisa: "La scène était un vrai plus pour le personnage de Krycek, car elle révélait une certaine vulnérabilité qu'on ne voit jamais autrement. [...] cette suppression a été douloureuse."

Ces deux segments mythologiques fonctionnent bien mieux selon le rapport qu'on entretient avec Jeffrey Spender, étant donné qu'une partie non négligeable du métrage le place comme un personnage central. C'est en outre à travers son regard et son évolution fulgurante qu'une bonne partie des deux opus s'appuie. Personnellement, j'ai toujours apprécié ce protagoniste, comme je l'ai déjà expliqué dans mon dossier sur la saison 5. Sa progression dans le double épisode est touchante: il fait tout pour sauver sa mère, et il déchante peu à peu sur le rôle qu'a eu son père dans les enlèvements de cette dernière. Il se transforme presque en une sorte de justicier. Même si à partir de The End, le protagoniste s'est révélé être une figure antagoniste à Mulder, j'ai toujours pensé qu'il n'était pas si mauvais. Indéniablement, Chris Owens joue merveilleusement bien. C'est un acteur clairement sous estimé, et il est vrai que son personnage disparaît de la série un peu vite. Il y avait moyen de le mettre encore en avant durant quelques épisodes. Plus globalement, le casting brille de mille feux: que ça soit la prestation de William B Davis, mais surtout celle de Veronica Cartwright qui campe une Cassandra Spender lucide et meurtrie de ce qu'on lui a fait subir. Son retour détonne par rapport à l'optimisme qu'elle dégageait dans Patient X et The Red And The Black. 
Comme Two Fathers et One Son ressemblent à une grande fête, et qu'il représente un instant crucial dans la série, ils ont été réalisé par les deux plus talentueux réalisateurs de la série: Kim Manners pour Two Fathers, puis Rob Bowman pour One Son. Ce qui est amusant car ce dernier est plus orienté action, dans sa dernière partie, tandis que les longs moments introspectifs ont été réservés à Manners. Ce sont deux oeuvres magistralement mis en scène et qui bénéficient des forces des deux artistes. Ce sont des épisodes qui comportent un nombre ahurissants d'images marquantes: Krycek qui vient secourir Spender qui manque de se faire tuer par un rebelle sans visage. Les gros plans sur Cassandra quand elle révèle à Mulder et Scully sans détour que les aliens veulent nous éliminer de la planète. La scène très atmosphérique de la confrontation entre Mulder et L'Homme à La Cigarette. Le teaser de One Son avec le syndicat des années 70 qui attendent l'arrivée des colons aliens. Et sans oublier la conclusion de Two Fathers avec Cassandra suppliant Mulder de la tuer, afin de préserver l'avenir de l'humanité. Il y a une ambiance si crépusculaire et un sentiment d'urgence si tenace qu'on peut aisément penser qu'on a affaire là à la conclusion de la série. La musique de Mark Snow, encore une fois très cinématographique (on dirait qu'il s'est prit de passion pour des VSTs qu'il a sûrement utilisé pour Fight The Future), contribue à renforcer l'inquiétude et l'appréhension que l'on peut ressentir à la fin du projet, synonyme d'apocalypse à en devenir.

A ce titre, cette fausse fin a beau être magistrale, elle se révèle également frustrante, car elle demeure bien plus convaincante que toutes les "autres" fins que la série tentera de produire. C'est bien plus satisfaisant que Requiem (saison 7) ou Existence (saison 8). Car oui, ces épisodes précités ont également été élaboré comme des conclusions potentielles. Mais malgré leurs défauts, ils se montreront tous infiniment plus convaincants que l'horrible The Truth (saison 9). Même si Two Fathers et One Son demeurent riches en exposition, ils n'oublient pas non plus de raconter une histoire. The Truth ne sera qu'une gigantesque exposition. Mais bon, c'est une autre histoire... Mais quoiqu'il en soit, force est de constater que ce brillant duo mythique aura des conséquences sur la suite de la série qui ne s'en relèvera jamais complètement. Attention, après ce point, X-Files proposera des mytharcs très chouettes, mais disons qu'ils seront noyés au milieu de développements pas réellement convaincants. A partir de là, la mythologie deviendra très étrange: La conspiration se mettra en mode zombie, tentant désespérément de renouer avec le pic de la popularité du mytharc. Il est vrai que le placement de Two Fathers et One Son est curieux: Il se place au bout milieu de la saison 6. Il aurait été plus judicieux de la placer en fin de saison, quitte à placer un cliffhanger frustrant. De l'aveu de Spotnitz, le placement incongru était délibéré afin de générer un effet de surprise. C'est louable, mais j'imagine que l'énorme campagne publicitaire ont clairement dû évincer la surprise.

Après, même si les deux oeuvres se montrent exemplaires, leur radicalité est toute relative. Chris Carter et Frank Spotnitz répondent à beaucoup de questions, ils relient les différents arcs scénaristique, et détruit le syndicat à la fin, mais il n'en demeure pas moins qu'ils évitent de tout conclure réellement. La série évacue Jeffrey et Cassandra Spender, et annihile le syndicat, mais elle conserve L'Homme à La Cigarette, Krycek ou Skinner. On a l'impression que plus le show avance dans le temps et plus X-Files se montre très sentimentale, lorsqu'il s'agit de se séparer des membres de son casting secondaire. Même Skinner échappe de peu à la mort au terme de SR 819.  En outre, Chris Carter s'était formellement opposé à ce que Glen Morgan et James Wong abattent Frohike à la fin de Musings of A Cigarette-Smoking Man. La dernière grande mort mémorable aura été Mr.X, lors de l'ouverture de la saison 4.
Malgré les éloges que j'adresse à ce duo, il faut reconnaître qu'il se montre très démonstratif dans ses explications, et inclue une densité assez vertigineuse. Il n'est pas évident à suivre, surtout si on se lève pour aller faire pipi. Une des conséquences est qu'il y a comme une sensation de précipitation qui plane légèrement sur le résultat. Ce sont deux palpitants segments, mais peut être aurait-il fallu ajouter une troisième partie, pour laisser un peu d'air passer. Après, le but de ces deux épisodes étaient de clarifier la mythologie, et de refermer des portes, afin que le grand fil rouge ne s'écrase pas sous son propre poids. Spotnitz déclara à ce sujet: " Nous avions le sentiment que la mythologie devenait trop complexe pour que les gens puissent continuer à la suivre. Et par définition, chaque nouvelle histoire doit la complexifier ; on ne peut pas se contenter de répéter les mêmes informations. En nous concentrant sur les épisodes mythologiques de février, nous avons senti que nous avions atteint une masse critique. [...]
Même si nous clôturons la conspiration, les événements des six premières saisons continueront de se répercuter sur ce qui se passe dans la dernière saison de la série. Je pense simplement qu'il y a beaucoup moins de fardeau à porter maintenant. Il n'est plus nécessaire de se souvenir de toutes les couches complexes qui ont entouré la conspiration que nous avons démantelée." Donc, effectivement, Two Fathers et One Son, malgré ses atours de fin de série, a été conçu pour marquer la fin d'une ère, d'où l'idée de ne pas tout clôturer, ce qui est logique. Chris Carter lui même concéda qu'il y a une période pré-Two Father/One Son et une période post-Two Father/One Son.

Je trouvais l'idée intéressante de rendre Mulder et Scully impuissants face à l'ampleur des événements. Cela les remets un peu à leur place d'observateurs, comme celle qu'ils empruntent dans certains loners. Dès lors, on évite la figure héroïque qui, mal négociée, aurait pu semblé malavisé. Finalement, ils découvrent des photos, des preuves, discutent avec d'autres personnages, mais leur présence n'a que peu d'incidence concrète sur le déroulé du récit. Néanmoins, le plus surprenant est le choix final de Mulder, après sa longue discussion avec L'Homme à La Cigarette. Face à Scully, il semble baisser les bras. Il est prêt à capituler, et à rejoindre les conspirateurs afin de sauver sa peau. L'abandon du personnage est une décision étonnante. Thématiquement, c'est intéressant car cette situation prouve qu'il ressemble de plus en plus à son père, un homme qui a été écrasé par d'immenses responsabilités, et qui a dû faire des choix cornéliens terribles. A cet instant, Mulder a l'air d'accepter l'héritage de son paternel. A contrario, Scully apparaît comme plus combative, lorsque, au téléphone, elle lui demande de le rejoindre. Elle refuse catégoriquement d'abandonner, devenant finalement plus héroïque que son partenaire.
De l'aveu de Spotnitz, la décision de Mulder de capituler a consciemment été écrit pour surprendre le public. Il expliqua ensuite: " C'était très surprenant pour le héros de votre série télévisée ; et c'est vraiment Scully qui l'a ramené à la raison, qui l'a éloigné de Diana Fowley [...] Il était clair que Mulder avait l'intention d'abandonner et de survivre. C'était Mulder qui basculait du côté obscur."
A propos de Scully dans la scène, il observa: "Quand Scully a appelé Mulder, elle était à nouveau dans son rôle 'mulderesque' poussant Mulder à l'action, le poussant vers sa dernière chance d'être héroïque, sa dernière chance d'arrêter tout en arrêtant le wagon."

Par extension, Two Fathers et One Son continuent de considérer les hommes des ces histoires comme ayant des comportements problématiques. Comme déjà expliqué plusieurs fois, le mytharc dans sa globalité traite de puissants hommes blancs qui s'octroient le droit de disposer du corps de femmes non consentantes, notamment en contrôlant leurs choix reproductifs. Cassandra Spender en est la représentante ultime ici: Lors d'un point culminant dans One Son, elle a beau se débattre et de crier, les hommes qui l'entourent ne s'écoutent pas, et ne s'arrêtent pas. Au contraire, ils continuent leurs expériences, comme si de rien n'était. La scène qui suit montre le Smoking Man, son propre ex-mari, entrer dans la pièce, provoquant l'amertume et la colère de la femme enchaînée. Finalement, même Mulder et Spender n'apparaissent pas à leur avantage. Pour le premier, son choix final peut être remis en question, mais il semble régulièrement vouloir parler au nom de sa partenaire. Jeffrey, lui, a beau se montrer héroïque, il est prêt à abandonner Marita Covarrubias à son sort, lorsque cette dernière implore de lui venir en aide. Ce n'est que lorsqu'elle lui annonce détenir des informations concernant sa mère qu'il accepte de l'aider. La compassion de Spender ne s'étend pas au delà du bien être de sa mère. En effet, il n'a pas l'air d'avoir de considération pour le reste. Il existe des écrits qui expliquent en détails en quoi X-Files a été une série qui faisait imploser la famille traditionnelle en la présentant sous un jour peu glorieux. La série traite de l'aliénation et la subversion de la famille patriarcale qui revient énormément dans la mythologie. Finalement, Two Fathers et One Son résument les dysfonctionnements fondamentaux de deux familles traditionnelles: Celle des Mulder et celle des Spender. Bien entendu, ce sont des gens qui ont été impliqué dans une conspiration d'une ampleur gigantesque, mais X-Files ébranle tout de même l'image de la famille biologique. En outre, Mulder et Scully sont des personnages qui mettent clairement en avant leur carrière, et ne semblent pas forcément très intéressés par le fait de fonder une famille.
Un autre parallèle intéressant dans ce grand complot demeure dans cette idée récurrente que l'humanité est aliénante: Les êtres humains seraient aussi étrangers que les extraterrestres. On peut comparer les colons aliens aux colons européens blancs venus en Amérique. Ces derniers ont envahit le pays en sous entendant qu'ils en avaient parfaitement le droit, à l'instar des extraterrestres qui estiment ici qu'ils ont des droits sur la Terre aussi légitimes que l'humanité. Dans un autre d'ordre d'idées, il est clair que le syndicat représente une nouvelle itération du gouvernement de Vichy, collaborant avec les aliens pour sauver leur propre peau. Ces renvois au passé insufflent une certaine crédibilité au milieu de ces histoires de petits gris venus du ciel, et de rebelles au sang vert.

One Son donne un rôle plus déterminant à Diana Fowley, un personnage très controversé qui trouve une place un poil plus ambitieuse ici. En effet, Scully révèle à Mulder que la femme supervisait le réseau MUFON, et qu'elle récoltait des informations sur les femmes enlevées. Pour être plus précis, Fowley ne travaillait pas sur n'importe quelle section du complot. Non, elle était activement complice de l'exploitation du corps des femmes. Un membre féminin de cette infernale machine misogyne. C'est une image très parlante du fonctionnement de ce genre de sexisme institutionnalisé. Un système tellement puissant et présent qu'il convainc aisément des femmes du bienfondé de son existence. On peut bien entendu y déceler là une analogie à la misogynie intériorisée d'autres femmes. En tout cas, cette orientation est bien plus satisfaisante que le triangle amoureux qu'elle formait avec Mulder et Scully. Malheureusement, les scénaristes auront toujours du mal à implémenter organiquement ce protagoniste.
La scène avec les Lone Gunmen est étonnante, car c'est une des rares occasions où Scully utilise le trio contre Mulder, pour prouver qu'il avait tort au sujet de Diana Fowley. Les prises de position de ce dernier sont agaçantes, par ailleurs: Il est face à quatre personnes qui lui certifient des activités louches de cette dernière, mais il n'en tient pas compte. C'est une nouvelle preuve des contradictions de Mulder: Il a beau être paranoïaque et scander "Ne faites confiance à personne", il octroie finalement sa confiance parfois si facilement à certaines personnes que c'en est désarmant. Mais cette complexité rend le personnage intéressant. 

L'équipe fut ravie des dialogues entre l'Homme à La Cigarette et Mulder, une confrontation qui renvoie clairement à celle issue de One Breath. A ce propos, Spotnitz expliqua: "C'était un autre cadeau incroyable que de tomber sur William B. Davis. Il adorait jouer les scènes avec Mulder et les exécutait avec une apparente facilité. Ce n'était pas facile de prononcer ce genre de mots et de les rendre naturels. C'était un discours très formel et il était l'homme idéal pour ce rôle. La scène entre Mulder et CSM était intéressante, car Mulder était très moralisateur et persuadé d'être du bon côté", a déclaré Spotnitz. "Mais CSM a présenté des arguments très crédibles et convaincants pour expliquer pourquoi ils ont déposé le drapeau américain aux pieds des extraterrestres, pourquoi ils ont sacrifié leur honneur personnel au nom de leurs propres intérêts. Cet argument était que l'espèce humaine allait perdre, que les extraterrestres nous étaient bien supérieurs, qu'ils avaient un pouvoir bien plus grand, qu'ils auraient pu nous anéantir. CSM a expliqué qu'ils avaient conclu un pacte avec le diable qui leur a permis de gagner du temps : ne nous détruisez pas maintenant, laissez-nous le temps de travailler sur ce projet de recherche et de créer un hybride humain extraterrestre afin que l'humanité puisse survivre sous la forme d'une race d'esclaves qui servirait les extraterrestres une fois la colonisation commencée. Cela semblait être un marché assez catastrophique", poursuivit Sponitz, "mais si l'on considère l'alternative, le Syndicat et le CSM avaient de bonnes raisons de faire valoir leur position. Le père de Mulder, idéaliste comme son fils, s'y opposait, mais sa position était totalement irréaliste. Son père a donc fini par se ranger du côté du Syndicat et a accepté à contrecœur de livrer sa fille Samantha, tout comme les autres avaient accepté de livrer des membres de leur famille en guise de garantie. Ils ont livré des membres de leur propre famille en échange du fœtus extraterrestre que nous avons vu dans la première saison. Quand on essaie de l'expliquer, c'est très compliqué !" observa Spotnitz.

A la toute fin, après la mort du syndicat dans le hangar, voir Spender approuver et défendre Mulder et Scully représentait une scène vraiment émouvante. Je me souviens avoir découvert l'épisode avec un copain fan, et il était tellement content qu'il s'était exclamé: "AAhh ! C'est notre pote maintenant !"
Et puis, mince ! Il se fait ensuite abattre par son père. Coup dur... C'est probablement une des choses les plus abjectes qu'a pu faire L'Homme à La Cigarette: Tuer son propre fils.
Chris Owens, l'interprète de Spender, se souvient que son téléphone a sonné, avant le début du tournage: "Juste avant de recevoir le scénario, j'ai reçu un message me demandant d'appeler le bureau de Chris Carter" raconte-t-il. "Il était très calme. Il m'a dit "j'ai quelque chose à te dire sur l'épisode. Écoute, je ne veux pas que tu sois contrarié, mais tu te fais tirer dessus dans cet épisode, mais ils ne trouvent pas de corps, donc tu peux revenir. " Il m'a dit de lui faire confiance, que ce serait une mort très noble." Je lui ai répondu: "Je te fais entièrement confiance". Et Carter m'a répondu: "Ne faites confiance à personne."
Par la suite, Owens se souvient avec tendresse de la colère de William B. Davis (Smoking Man), au moment de filmer la scène où il tue Spender: "Bill m'a dit: "Je ne veux pas te tirer dessus ! J'aime travailler avec toi" Bon bien sûr, il n'a pas hésité à me gifler" déclara-t-il.
En définitif, Two Fathers et One Son représentent l'aboutissement de ces six dernières saisons. Assurément le mytharc le plus ambitieux à ce jour. Globalement, les deux parties ont bénéficié d'un accueil très chaleureux, autant de la part des fans que des critiques. Je pense aussi que les auteurs se sont admirablement bien sortis, d'autant plus que répondre à des questions peut se révéler risqué, en plus d'être décevant, voir incohérent. Mais malgré l'excellence des deux opus, l'exercice était tellement dense qu'on a l'impression de suffoquer. Il aurait peut être fallu quelques minutes de plus pour laisser à l'ensemble plus de respiration. Mais ce ne sont que de menu défauts.
Un diptyque pivot qui changera à jamais la suite de l'arc mythique de la série, pour le meilleur et pour le pire...




13. AGUA MALA (Agua Mala)

Après la chute du syndicat, nous revenons sur un petit loner. Cependant, après six ans d'existence, les fans ne sont plus troublés de retrouver une enquête paranormal traditionnelle juste après un gros morceau mythologique. Mais le plus étrange est que la réaffectation de Mulder et Scully n'est jamais vraiment abordé ici. Même sans y faire directement allusion, on imagine qu'on aurait pu avoir au moins une scène dans le bureau de Mulder pour souligner le retour à la normale. Au lieu de ça, les personnages sont balancés sous la pluie, pour aller retrouver Arthur Dales (le vieux agent de Travelers) et l'aider à résoudre une disparition mystérieuse. En réalité, l'épisode n'a pas été tourné directement après One Son, d'où cette impression étrange. En revanche, Arcadia, l'opus suivant "Monday"y fait une petite allusion à ce retour au X-Files.
Pourtant, il est amusant de noter que Dales, l'homme qui a découvert les X-Files à l'origine, intervient dans le chapitre où nos deux agents réintègre le département. C'est symboliquement rigolo. Par contre, ce n'est qu'une pure coïncidence, car la place allouée à l'épisode est un pur accident.
Sinon, j'ai été surpris de découvrir qu'Agua Mala avait plutôt mauvaise réputation. Il est souvent considéré comme un des segments les plus faibles de la saison. Certaines personnes lui vouent une détestation étonnante. Il est vrai que je ne le classerai pas dans le top 10, mais j'ai toujours personnellement apprécié cet épisode. Suis-je anormal ? Je me sens presque honteux et minoritaire, car je trouve qu'il regorge de moments mémorables, en plus d'être stylistiquement très intéressant. Pour preuve, Mulder et Scully sont plongés dans un immense ouragan qui sévit en Floride, allouant à l'ensemble une atmosphère totalement inédite pour la série. Les scènes où les deux agents essaient de conduire péniblement sous les fortes pluies sont incroyables. Idem, cette idée de confiner nos héros dans un immeuble sans électricité et bercé dans l'obscurité donne lieu à des plans assez stylés. C'est Rob Bowman qui réalise l'épisode. Et il a dû être ravi, car l'homme avait la réputation de voir jusqu'où une scène pouvait être assombrie. D'ailleurs, Frank Spotnitz le décrivait en ces termes: "Rob est connu pour se promener sur le plateau et éteindre les lumières, repoussant toujours les limites pour voir jusqu'où l'on peut aller dans l'obscurité. Il ne raconte pas d'histoires tape-à-l'oeil, ne cherche pas à attirer l'attention. Il veut maintenir un cadre précis et laisser l'image et les acteurs vous entraîner dans l'histoire. Il faut beaucoup d'assurance en tant que réalisateur pour réaliser de cette façon."
Il est vrai que Rob Bowman est un metteur en scène qui multiplie les séquences de bravoure, comme l'ont démontré des épisodes comme 731 ou Kill Switch, mais il excelle également dans l'art de placer ses personnages dans le décor, et les laisser interagir organiquement. Et Agua Mala excelle dans ce domaine. Le teaser est fascinant d'un point de vue atmosphérique: Il nous présente une mère et son fils tenter de se barricader. A priori, on peut se demander si c'est pour se protéger de l'ouragan, mais assez vite, et comme on est dans X-Files, on se dit qu'il y a peut être un autre danger qui rôde. Et la chute survient lorsque l'enfant se fait étrangler par les tentacules d'une créature étrange. Cette mise à mort d'un enfant (une rareté même dans cette série) contrebalance totalement avec la dualité de tonalités du métrage.

Plus précisément, Agua Mala se retrouve le cul entre deux chaises, comme on dit: il oscille entre légèreté et premier degré. Malgré l'affection que je lui porte, il faut reconnaitre qu'il ne brille pas côté humour. A part une ou deux exceptions, tous les traits humoristiques ont tendance à tomber... à l'eau. Du running gag "Tous les cons se donnent rendez-vous en Floride" en passant par la présence de la colérique Angela, l'épisode peine à déclencher le sourire. Et c'est dommage au beau milieu d'une saison plutôt bien servie à ce niveau là. Plus globalement, la saison 6 a une conscience de soi assez étonnante qui ne se manifestait qu'occasionnellement auparavant. Même dans certains de ses épisodes les plus sérieux, elle distille des petites touches ironiques qui semblent dynamiter le ton des années antérieures. Même si les blagues n'esquissent pas le moindre sourire, la plupart du temps, quelques petits instants valent le détour, comme Mulder et Scully qui tentent de parler, une lampe torche à la bouche, Puis cette dernière qui montre sa carte du FBI au shérif local, en souriant. Mais très honnêtement, c'est à peu près tout. Grosso modo, dès que nos héros sont coincés dans l'immeuble avec d'autres habitants, c'est à ce moment là que la bascule dans l'humour excessif et de mauvais goût pointe le bout de son nez. Mais même cette partie reste sympathique. Elle rappelle les concepts de Mulder et Scully bloqués dans un environnement hostile, avec d'autres victimes d'infortune. Dans cette catégorie d'épisodes, on pourrait ranger Ice, Darkness Falls mais aussi Firewalker. Dans cette seconde partie, les personnages invités arrivent trop tard pour qu'ils aient le temps d'être correctement développés, à cause d'une présentation trop tardive dans l'intrigue. En résulte donc des stéréotypes sur patte. On a l'impression que l'équipe n'était pas bien sûr du ton à adopter. Visiblement, plusieurs membres du staff craignaient que la créature marine n'allait pas être suffisamment effrayante. Sûrement une raisons du changement de cap dans la tonalité de l'ensemble. Dans le guide officiel, Rob Bowman le confessa à demi-mot: "Il y avait quelques éléments délicats. Le premier était le gros calma. Je ne savais pas s'il allait être effrayant. Le deuxième était le reste de l'histoire. Je ne savais pas s'il serait suffisamment captivant. Mais, au final, on a fait bouger la caméra, et on a fait apparaître et disparaître rapidement la créature sous les lumières pour la rendre plus effrayante. Ensuite, on a joué sur l'humour pour faire comprendre au public que tout cela n'était pas censé être un drame brutal, et je pense que le résultat est excellent, bien meilleur que ce que je craignais." Je n'irais pas jusqu'à dire que le résultat est aussi bon que ce que Bowman prétend, mails il est indéniable que l'épisode a souffert d'un développement plutôt hasardeux. Ce qui l'empêche de se hisser parmi les meilleurs segments de la saison. 

Agua Mala souffre également d'un problème de rythme. Comme nous l'avons déjà vu, l'emprisonnement dans l'immeuble arrive tardivement, mais aussi tous les moments de tensions sont aussitôt désamorcés, comme ce climax qui dévoile Scully ordonnant à Walter de tirer sur les arroseurs, en l'air, quand ils se font attaquer par les tentacules. En effet, au lieu de continuer sur sa lancée dramatique, l'épisode affiche une image noire, puis passe à une ellipse montrant Mulder et Scully chez Arthur Dales. On a l'impression que l'intrigue repousse sans arrêt les moments les plus tendus hors écran. Pourtant, il y a des passages assez réussis et mémorables dedans: comme le propriétaire en train de se liquéfier dans les toilettes, et lorsque le shérif se fait agripper par la bestiole. Globalement, le fait que cette dernière se matérialise via de l'eau salée est un élément plutôt intéressant.
Arthur Dales encadre l'épisode de sa présence. Il est la porte d'entrée des deux agents qui leur permettent de connaître l'affaire, et il vient ensuite refermer le récit. Cependant, on le revoit au milieu de l'intrigue en train d'écouter l'appel de Scully. Il ressemble à un observateur omniscient qui vit cette affaire par procuration, lui qui était autrefois un acteur actif des X-Files. C'est un vrai plaisir de retrouver ce personnage, et presque inattendu, car, j'imagine que, comme moi, beaucoup de spectateurs pensaient qu'il resterait cantonné à son apparition dans Travelers. Sa présence sert surtout à souligner l'importance de Mulder et Scully. A la fin de l'épisode, il ne tarit pas d'éloges cette dernière en se montrant admiratif de la façon dont elle a sauvé la situation, en secourant son partenaire, après avoir mis un enfant au monde. L'agent à la retraite continue en confessant que s'il avait eu quelqu'un comme elle pour l'épauler toutes ces années au FBI, il n'aurait probablement jamais pris sa retraite. Agua Mala continue de suggérer le lien unique qu'entretiennent Mulder et Scully.

Il s'agit de la seconde contribution de David Amann au scénario, après Terms of Endearment. Bien entendu, son travail se montre ici nettement moins maitrisé que sur son premier essai. A l'origine, on lui avait demandé d'imaginer une histoire avec Arthur Dales, après qu'il songea à écrire quelque chose sur un monstre en liberté dans une grotte abandonnée. Spotnitz appréciait le concept d'une créature coincée dans un espace clos. Le contexte de l'ouragan est arrivé après. Par la suite, le staff d'écriture a dû trouver le moyen de faire parvenir le monstre dans le bâtiment. Amann expliqua: "Ensuite, il a fallu faire entrer Mulder et Scully dans le bâtiment; la disparition de Shipley en a résulté. Ensuite, nous avons imaginé les personnages secondaires et leurs problèmes. Et comme personne ne s'entendait vraiment bien parmi ceux pris au piège, cela nous a permis de développer diverses tensions, et de trouver des moments d'humour quand nous en avions besoin."
En outre, le scénariste ignorait tous les problèmes qui allaient découler lorsqu'il tapait le mot "pluie" dans son script. A ce sujet, il précisa: "Je n'ai pleinement réalisé mon travail qu'une nuit, en arrivant sur le plateau. Ils tournaient en extérieur, avec six ou huit tours de pluie et une rampe suspendue à une grue, et ils arrosaient tout ce qui se trouvait sur leur passage, avec des éoliennes partout qui soufflaient de l'eau presque horizontalement. C'était vraiment un spectacle à voir. Impressionnant."
Lorsqu'on leur demande de se souvenir du tournage d'Agua Mala, la plupart des membres du staff se remémoraient: "Très sombre et très humide". Gillian Anderson relata brièvement: "On était complètement trempés. On se serait cru de retour à Vancouver." Afin que les acteurs évitent d'attraper une pneumonie, la créatrice des costumes, Christina Peters, a apporté sur le plateau plusieurs exemplaires de chaque article de garde-robe prévu pour être porté par un acteur mouillé.
David Duchovny, lui, fut impressionné par le jeu d'acteur du chat (Reggie) de l'épisode. Lors de son passage dans le Tonight Show d'avril 1999, il raconta avoir dit au dresseur à quel point il était impressionné par le fait que le petit chat levait la patte, semblant indiquer à Mulder la voie à suivre pour résoudre l'enquête. Le dresseur expliqua ensuite que le minou était spécialisé dans l'art de poser la patte sur des boîtes de nourriture pour chats, dans des publicités. Et comme il n'appréciait pas être mouillé, il essayait simplement de faire le tour qu'il pensait qu'il devait faire pour se protéger de la pluie.
Au final, Agua Mala n'est clairement pas brillant, c'est sûr. Mais il n'en demeure pas moins assez sympathique tout de même. A titre personnel, je l'ai peut être trouvé plus satisfaisant que The Rain King, et largement plus qu'Alpha.




14. MONDAY (Lundi)

Le teaser commence comme un moment très choc: Mulder en sang, gisant dans les bras de Scully, dans une banque. En face d'eux se trouve un type visiblement responsable d'un hold up qui a mal tourné. Mais la tragédie survient lorsque la police arrive, et que l'homme appuie sur la bombe situé sur lui, faisant exploser toute la banque, et Mulder et Scully avec. Générique. Après l'entêtant thème de Mark Snow, l'épisode semble nous raconter, en flashback, comment les deux agents en sont arrivés là. On y voit Mulder commencer très mal sa nouvelle semaine, à cause de son matelas d'eau qui a crevé. Et à la fin, nous retrouvons la scène de la banque... qui explose. Et hop ! Le récit reboote de nouveau. Et là, nous comprenons que, ce qu'on avait pris pour un flashback était en réalité une des boucles temporelles qui se répètent sans cesse. Le procédé narratif qui nous a induit en erreur est juste une brillante idée pour un brillant épisode. Probablement un des meilleurs de la saison, voir de la série toute entière. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, Vince Gilligan et John Shiban, auteurs de cette intrigue, n'ont pas été inspiré d'Un Jour Sans Fin, mais d'un épisode de La Quatrième Dimension, une inspiration télévisuelle on ne peut plus indiquer pour Gilligan, cet écrivain fasciné par la télévision. A ce sujet, les deux scénaristes ont conçu Monday sous la pression, pendant la période de Noël.
Dans Monday, les deux agents sont donc piégés dans une boucle temporelle, revivant indéfiniment un lundi. Cependant, la petite subtilité réside dans le choix narratif qu'ils ne s'en rendent pas compte, à l'instar de la plupart des personnages. Non, la seule personne à conscientiser ce cauchemar est Pam, la petite amie de Bernard, l'auteur du hold up sanglant. Monday est un épisode très ludique qui s'amuse à rejouer les mêmes scènes, mais avec de subtils changements, comme des dialogues différents, des gestes pas effectués au même moment que dans la boucle précédente, etc... Le récit commence de manière légère, comme le démontre les passages dans l'appartement de Mulder, mais le point de vue de Pam est résolument sombre et anxiogène. Des impressions confirmées par les chutes dans la banque. Au final, Monday n'est pas du tout un épisode léger ou rigolo comme peut le suggérer le début. 

Non, Monday est une tragédie profonde au relents indéniablement cyniques. La malédiction de Pam est parfaitement retranscrite, notamment grâce à son interprète, feu Carrie Hamilton, qui joue admirablement bien. Son angoisse et son désespoir sont palpables à chacune de ses apparitions: Elle a les yeux mouillés, elle tremble, semble toujours angoissée au plus haut point. On ressent vraiment sa souffrance. Monday arrive intelligemment à placer son contexte avec quelques plans et quelques mots. Rick Milikan a commenté qu'ils avaient minutieusement cherché une actrice qui soutienne la compassion des téléspectateurs. Selon ses termes, ils désiraient que ces derniers doivent "se sentir désolés devant la terrible détresse de cette femme prise au piège de cet enfer sans croire à un seul moment qu'elle est folle". Concrètement, on n'en sait jamais trop sur Pam et Bernard, mais la modestie de leur appartement, leur style vestimentaire, et les motivations du petit ami permettent de deviner très vite les enjeux. 
A travers de petites phrases ou de discrets jeux de regards, on peut deviner la nature dysfonctionnelle de leur relation, même en écartant les conséquences de cette boucle temporelle. L'ironie de la situation ne débute que parce que Bernard a un grand besoin de changement. Et ce sont ses actions qui vont figer le monde dans un éternel présent, sans changement. Il refuse de terminer sa vie dans un travail monotone. Il en a assez d'être un être petit. Il désire autre chose, de plus grand. On retrouve donc ici plusieurs thèmes chers à Vince Gilligan, comme le portrait de "petits hommes qui rêveraient être des grands", mais aussi une critique acerbe et désenchantée du système capitaliste.
Finalement, nous voyons la plupart des personnages occupés à leur monotonie de leur travail habituel. Mulder et Scully vont devoir aller à une réunion quelque peu ennuyeuse avec Skinner et d'autres cadres du FBI. C'est un épisode qui nous montre un peu les coulisses, quand les deux héros ne courent pas après des monstres ou des conspirations. A la place, nous avons un aperçu de ce à quoi ressemble leur vie, entre deux enquêtes X-Files. Des moments situés usuellement hors champ. 
En replaçant sans cesse ses personnages à revivre éternellement le même présent, Monday suggère qu'il n'y a pas d'avenir. Que ce monde est condamné à répéter les mêmes actions routinières, avec des travailleurs qui ne font qu'enchaîner les mêmes tâches, confinés dans des bureaux ou ailleurs. Le titre "Lundi" évoque sans équivoque le début de la semaine de travail. Un moment vécu comme désagréable pour bon nombre de salariés. Combien de personnes se plaignent de ce jour maudit ? Invariablement, ce jour évoque le retour au monde capitaliste. Chaque personnage de Monday revit la même journée de travail, avec quelques changements mineurs. Une façon de souligner que c'est le cas de beaucoup de gens. A un moment donné, Pam déclare à Mulder: "Tu ne comprends donc pas ? On est tous en enfer." C'est une vision peu reluisante d'un monde dans lequel on ne peut s'extirper. Monday ne cesse de faire échos à nos réactions conditionnées face au capitalisme. Bernard est rassuré quand Mulder lui dit que c'est lui le patron. Avant ça, notre héros doit absolument déposer un chèque sur son compte en banque, car il est poussé à la faire pour régler les dégâts qui ont couté à son propriétaire. Bernard désire plus que tout se libérer de ces rouages infernaux, mais sa rébellion lui coutera cher. Pam a conscience de sa condition dans le récit, mais seule la mort lui permet d'échapper à ce monde. Elle a l'air d'avoir sauvé tout le monde, même si personne n'en saura jamais rien. L'intrigue se conclue par un Mulder réveillé par le même bruit de journal qui tape sur sa porte, suggérant que, même si nous sommes Mardi, rien ne semble avoir changé. La mort de Pam figure juste sur un paragraphe dans un journal. La vie reprend donc sa routine aliénante.
En écrivant sur cet épisode, je me rends compte à quel point Monday est terriblement déprimant et sombre. On y trouve donc beaucoup de thèmes de Gilligan qu'on avait déjà vu dans Folie à Deux et Drive. Deux autres oeuvres étonnamment rapprochées qui taclaient en sous-texte le côté néfaste du capitalisme.

A côté de ça, le scénario est plutôt malin car il révèle que la boucle débute à cause du water bed percé de Mulder. Ce lit constitue un des seuls éléments qui est resté tangible à la fin de Dreamland II, un autre récit sur une boucle temporelle qui a vu ses événements rebooter de plusieurs jours. Monday bénéficie de l'immense apport de Kim Manners qui livre une de ses meilleures performance de réalisateur. Il ne joue pas sur l'obscurité ou sur des plans astucieux pour générer de la peur comme dans les traditionnels "monstres de la semaine". A la place, et grâce au script très malin de Shiban et Gilligan, Manners arrive habilement à maintenir l'intérêt du public, malgré les multiples itérations d'une même journée. Avec des plans différents, des dialogues remaniés, et même des situations qui changent quelque peu, le metteur en scène ne rend jamais l'épisode ennuyeux. Au contraire, on se demande toujours comment la nouvelle routine va être altérée. Manners appréhendait de devoir répéter plusieurs fois les mêmes séquences. Pour éviter l'ennui, il a schématisé chaque angle et mouvement de caméra dans le but d'offrir un regard rafraichissant à chaque renouvellement. Il est vrai que l'un des plaisirs de l'épisode réside dans la découverte des petits changements subtils dans toutes les scènes rejouées. Monday a bénéficié d'un travail spécifique de continuité: notamment en élaborant une chronologie très pointue permettant de suivre les activités de chaque personnages, et les moments où ils les accomplissaient, afin d'éviter les incohérences entre chaque version de la journée.
On sent vraiment que les auteurs s'amusent énormément avec ce concept. En outre, on espère toujours que Pam trouvera un moyen efficace de prévenir les agents ou autre. Bien entendu, cela n'aboutit jamais à rien, tel un Vil Coyote condamné à élaborer les mêmes inventions pour tenter d'attraper Bip bip. Et quelle belle transition pour aborder l'autre thème de l'épisode, à savoir Mulder et Scully coincés dans une routine qui les propulsent chaque semaine à enquêter sur de nouveaux cas paranormaux. En filigrane, Monday démontre toutes les peurs exhibées par la saison 6. Concrètement, le scénario décrit nos deux héros qui semblent répéter inlassablement les mêmes actions, avec quelques variations, comme une manière résumer cyniquement les mécaniques du show. Présentement, X-Files a peur de demeurer éternellement, à fournir en boucle des épisodes chaque semaine, et pour une durée indéterminée. En d'autres termes, le script ici tente d'exorciser l'incertitude qui plane sur la série, à savoir devoir produire des épisodes, avec le même statu quo présentant Mulder croyant et Scully sceptique, passant le reste de leur vie à théoriser sur de multiples mystères. Tithonus traitait de la potentielle immortalité de la série. Dreamland présentait une sorte de crise de la quarantaine, avec une Scully qui s'interrogeait sur l'utilité de rouler indéfiniment sur des kilomètres. Triangle suggérait que Mulder et Scully se retrouveront toujours à combattre ensemble, que ça soit en 1939 ou dans le présent. How The Ghosts Stole Christmas plaçaient nos deux héros à demeurer bloqués dans la même pièce, quoiqu'ils fassent, pendant que leurs cadavres se reposaient éternellement sous le plancher. La saison 6 a de plus en plus peur que la série ne connaisse jamais de véritable conclusion. La fausse fin de l'arc Two Fathers et One Son conscientisait un tel constat. 
Monday est incontestablement un des scénarios les plus malins de toute la série. Un roman d'horreur sur le capitalisme basé sur un high concept rudement bien approfondi. Un des meilleurs épisodes de la saison 6, et même de la vie.




15. ARCADIA (Bienvenue en Arcadie)

Si X-Files a toujours été fasciné à l'idée d'égratigner l'image des petites banlieues du pays, et de son "rêve américain", Arcadia représente l'ultime affront. C'est clairement un récit servant à se moquer de ces petits lieux en apparence tranquilles, avec ses voisins aux sourires de façade, et qui passent leur temps à être serviables. Des endroits aux maisons qui semblent toutes dupliquées, et où rien ne dépasse pour n'offenser personne. Arcadia a pour thème l'homogénéité de cette vie en banlieue, et de ses habitants qui aspirent aux mêmes buts. Il y a là la même peur du conformisme qu'alimentait l'arc mythologique, avec cette invasion d'extraterrestres qui voudraient nous réduire dans le même moule, sans parler de ces autres histoires de clonage. Comme déjà mentionné, d'autres segments tels que Eve, Our Town ou plus récemment Terms of Endearment capitulaient sur les dysfonctionnements de tels endroits identiques. X-Files n'était une pionnière sur ces questions de ce mode de vie. Plusieurs oeuvres des années 90 et début 2000 commençaient à se montrer nettement plus virulentes sur ces lotissements. Arcadia offre aux spectateurs la vision d'une banlieue, mais en majorant ses traits les plus problématiques: comme cette obsession de l'ordre et de la tranquillité. Gene Gogolak, le propriétaire des lieux maintient ses habitants dans la peur, avec des centaines de règles à respecter, sous peine d'avoir un monstre poubelle qui sort du sol pour les éliminer. L'intrigue devient même très gênante lors du diner entre les anciens résidents qui dinent ensemble pour discuter des nouveaux résidents, ou plutôt de Mulder ou Scully. On a l'impression d'avoir une vision de ces villages où chaque habitant est épié et jugé. La séquence atteint le comble du malaise lorsque Gogolak demande aux femmes présentes de se lever pour aller débarrasser, et faire la vaisselle. Arcadia semble être un fantasme d'un esprit fachiste et conservateur qui ne trouve de plaisir que dans le maintien maladif de l'ordre. Un endroit où les gens n'auraient pas le droit d'avoir leur propre plaisir, comme Mulder interdit de jouer avec un ballon de basket, dans sa propre maison. Arcadia démontre les effets pervers d'avoir un type exercer ses pleins pouvoir afin d'imposer sa vision d'un monde stérile. 

La créature à l'oeuvre dans l'épisode a souvent été critiqué par son absurdité. A la base, l'équipe ne savait pas à quoi pourrait ressembler le tulpa décrit ici. Elle oscillait entre créer un monstre à partir de la personnalité de son créateur, ou bien en faire un monstre poubelle. Globalement, la nature même de la créature a provoqué beaucoup de rires. Plusieurs membres le surnommaient "Gumby sous stéroïdes", M.Butterworth" ,"Fecal Fred" ou encore "le Monstre de Merde". L'assistant réalisateur Bruce Carter appréciait le concept de base, mais il expliqua que personne ne parvenait vraiment à imaginer à quoi devait ressembler cette étrange bête faite d'un amas d'ordures, et qui se matérialisait psychiquement. La team opta pour la deuxième option, en prenant soin de réduire ses apparitions afin de la rendre plus effrayante. Et je trouve que c'est plutôt réussi. Après, je suis un être étrange, car j'ai tendance à me montrer plus dérangé par certaines choses que d'autres trouvent absurdes. A contrario, certains films ont terrorisés beaucoup de personnes de mon entourage, pendant que moi ça ne m'a provoqué qu'un haussement d'épaule. Je ne dois donc pas être dans la norme, à ce niveau là. Au contraire, le monstre poubelle d'Arcadia m'a pas mal dérangé, mais notamment grâce à la judicieuse mise en scène de Michael Watkins qui, si il avait été plus présent, aurait pu exceller dans les récits d'horreur, à l'instar de Kim Manners. Le teaser fonctionne à merveille, avec ce couple se faisant assassiner par la créature. Mais l'intérêt de la bestiole réside dans son analogie avec les habitants: Elle semble représenter les pulsions malveillantes de la communauté. En effet, l'ironie de l'épisode est que Les Chutes d'Arcadia ont été bâti sur une décharge, sous entendant donc que ces jolis lotissements sont littéralement construits sur un véritable dépotoir. Les belles boites aux lettres, le gazon synthétique et ces maisons à la peinture parfaitement immaculées ne sauront cacher la saleté cachée au plus profond. En d'autres termes, malgré les faux sourires et la fausse serviabilité de ses habitants, il y a quelque chose de pourri en eux.

A l'origine, Arcadia devait se placer juste après One Son. Mais les problèmes de production inhérents d'Agua Mala et Monday ont décalé la diffusion de l'épisode. Mais du coup, Arcadia aurait dû être la première enquête de Mulder et Scully après leur réaffectation aux affaires non classées. A ce titre, les agents font mention de leur réintégration, au début du récit. En somme, l'épisode se serait montrer bien plus irrévérencieux, car il aurait servi à troller les détracteurs des "X-Files Lite", affichant leur deux héros en faux mariés, dans ce qui semble être un nouveau chapitre léger. Bien entendu, la seconde partie se montre nettement plus premier degré que ce que laisse présager les prémices du métrage.
Même si le début présente Mulder et Scully comme un faux couple récemment marié, on sent le désir de venir titiller les fans, en refusant de totalement leur donner ce dont ils voulaient: à savoir le retour strict du statu quo. On a le sentiment que les scénaristes n'en font qu'à leur tête, en ayant marre d'écouter la minorité probablement bruyante du fandom. Comme si l'équipe se disait: "Hé oui ! Mulder et Scully sont de retour aux X-Files. Mais vous voulez des enquêtes traditionnelles ? Hé bien non non non !" Une sorte de pied de nez qui démontre une nouvelle fois la totale liberté de ton que l'équipe s'est octroyée, tout au long de cette année, tout en remettant une couche sur le caractère romantique de la relation entre les deux héros.
Les premières discussions entre Mulder et Scully dans l'épisode illustrent les scissions qui se sont créées au sein de la fanbase. D'un côté, les frustrés de ce qu'était devenu leur série. Et de l'autre, ceux qui s'enthousiasmaient de la fraicheur et des parti-pris radicaux de la saison. Mulder exprime à Scully sa frustration d'être sur une telle affaire. Il continue en expliquant qu'ils auraient dû être sur un dossier X et non se retrouver ici. Scully rétorque: "C'est inexpliqué. Qu'est ce qui tu manques ? Des extraterrestres ? Des rayons tracteurs ?" Mulder enchaîne avec un sarcastique "Avoue-le: Toi tu veux juste jouer à la poupée." A travers ce dialogue, on retrouve ce qui animait les forums en ligne: avec d'un côté ceux qui voulaient un retour aux enquêtes purement procédurières, et ceux épousant la fantaisie et la nouvelle dynamique des deux héros. En définitif, Arcadia se montre plus impertinent à travers cette grille de lecture. Néanmoins, l'épisode essaie tout de même à prendre soin de plaire à un large spectre de fans: Il contient des images rigolotes de Mulder et Scully jouant aux faux mariés, mais qui revêt également des atours on ne peut plus sérieux, lorsqu'il s'agit d'aborder les homicides. A ce titre, il s'en sort bien mieux qu'Agua Mala qui peinait parfois à jongler entre les deux tonalités. L'humour d'Arcadia fait souvent mouche, malgré quelques lourdeurs. En effet, les quelques fausses notes sont surtout concentrées dans cette scène entre les deux héros, dans leur maison: Par exemple, quand Scully sort de la salle de bain avec un masque sur le visage. Puis, Mulder faisant mine de demander à cette dernière de s'allonger près de lui. Et citons Scully qui râle car ce dernier oublie de rabattre la lunette des toilettes. J'ai toujours trouvé ce passage très forcé et lourdingue dans son humour. En revanche, dès que Mulder essaie de faire tourner en bourrique ses voisins, c'est jubilatoire. Quand il tape sur sa boite aux lettres, qu'il installe un mignon petit flamand rose ou qu'il joue aux basket, tous ces moments sont très jouissifs. Mulder agit en agitateur. Un grain de sable dans les rouages apparemment bien huilés de cette communauté rigide. Le clou du spectacle demeure lorsque l'agent du FBI creuse un énorme trou avec une pelleteuse.

Même si les deux héros sont présentés comme un faux couple, Arcadia fantasme un monde alternatif dans lequel Mulder et Scully pourraient être mariés et vivre dans une de ces banlieues, comme une façon d'imaginer à quoi ressemblerait une vie rangée. L'épisode suggère que la vie tranquille ne serait que temporaire pour ces deux héros poursuivis par le paranormal. En effet, malgré leur nouveau statut marital, ils pourraient toujours continuer à aller chasser du monstre. Mais l'idée rejoint la petite lucarne que la saison 6 ouvre pour s'imaginer des mondes parallèles qui viendraient briser en partie le statu quo habituel, à l'instar de Mulder en père de famille dans Dreamland. Il est évident que l'épisode tend à démontrer le décalage entre la vie réelle des deux agents, et celle qu'ils font semblant d'avoir ici. Il est clairement amusant de les voir habiller en tenue plus décontractée, et en train de diner pour parler banalités avec leurs voisins. Même si Mulder semble s'amuser de la situation, on sent qu'ils se forcent à se fondre dans la masse, contrastant avec leur réelle vie, en marge avec ce que la société nous dicte d'accomplir pour paraître "normal". Finalement, la série nous a tellement rarement montré ses héros en dehors de leur travail que les voir accomplir des choses banales ici paraît très saugrenu. Bien sûr, après cette affaire, Mulder et Scully reprendront leur vie d'antan, en n'ayant pas dans l'optique de vouloir continuer à goûter une telle vie "paisible" et normatif. Terms of Endearment se montrait critique des sacrifices entrepris par Wayne pour avoir une vie "normale". Arcadia n'est qu'une nouvelle variation de cette critique.
Daniel Arkin, scénariste ici, a eu l'idée du script en se remémorant l'époque où il avait emmenagé dans un appartement coopératif dans le Greenwich Village de Manhattan. L'auteur expliqua que: "Nos déménageurs étaient en retard, et nous n'avons commencé à emménager qu'à 16h. Nous ne savions pas, n'ayant pas lu les 300 pages de notre contrat que nous allions être condamnés à une amende pour avoir emménagé après 17 heures. Cela nous a coûté 1000 dollars."
Arkins raconta avoir vu plusieurs de ses amis proches quitter leur appartements et leurs vieilles maisons pour aller s'installer dans des lotissements résidentiels austères. Une évolution que l'auteur a trouvé plutôt effrayante. Et c'est cette peur qui lui a donné l'idée d'Arcadia.

Pour donner vie à cette vision des banlieues, l'équipe d'artistes et de techniciens ont trouvé une zone pavillonnaire, pas loin des comtés de Los Angeles et Ventura. Les maisons étaient rigoureusement coordonnées et elles s'alignaient parfaitement bien. Pour amplifier cette harmonisation, Tim Stepeck, le décorateur, a installé une trentaine de lampadaires, et trente boîtes aux lettres identiques. L'intérieur des maisons a été ensuite reproduit en plateau.
Arcadia a eu droit à la chouette présence d'Abraham Benrubi, un habitué d'Urgences. Ici, il campe Big Mike, le malheureux vétérinaire qui deviendra une des victimes du tulpa. Rick Milikan a travaillé dur pour libérer l'acteur car, au même moment, ils tournaient le dernier épisode d'Urgences avec Georges Clooney, et l'équipe ne voulait pas lâcher Benrubi. Mais ce dernier a pu tourner dans X-Files pendant ses jours de congés. D'après les maquilleurs, l'acteur a été une crème, lors de ses longues séances de maquillage, pour parfaire son apparence défigurée et débraillée, après sa première attaque contre le monstre. Apparemment, Benrubi ne s'est jamais plaint, lors de ces séances pénibles. Cheri Montesanto-Medcalf, responsable du département maquillage, a déclaré que l'acteur désirait même conserver son maquillage pour surprendre des convives qu'il devait voir à une fête.
Dans l'ensemble, le tournage s'est bien déroulé et les acteurs ont particulièrement apprécié la nature même de l'épisode. Gillian Anderson déclara à ce sujet: "J'ai adoré cet épisode ! J'ai adoré m'assoir à côté de David et faire toutes ces petites choses pour faire semblant d'être mariés. J'ai aussi aimé l'appeler "Poopyhead". Les fans, eux, ont globalement aimé Arcadia. Ils ont apprécié le délire de mariage imaginaire qui ne compromettaient pas les fondamentaux de leur relation platonique. 
Le nom d'emprunt de Mulder et Scully: Rob et Laura Petrie est un clin d'oeil à la série The Dick Van Dyke Show, dont un des épisodes a, je le rappelle, inspiré Vince Gilligan pour son excellent Bad Blood.
Arcadia est un très chouette X-Files qui arrive parfaitement à allier légèreté et horreur. Encore un exemple que les créatifs de la série s'amusent encore avec des concepts visant à transformer le statu quo.




16. ALPHA (Entre Chien et Loup)

Ecrire un texte sur Alpha est un exercice délicat car... je me souviens de peu de choses le concernant. Pourtant, je l'ai vu plusieurs fois, mais il se révèle être un tel non événement qu'il ne reste plus rien après son visionnage. C'est terrible. Il fait vraiment partie de ces épisodes qu'on a tendance à zapper lors des marathons.
Alpha constitue assurément le gros point noir de la saison 6. Un épisode malheureux. Un désastre. Un ennui total. Pourtant, ce n'est pas un opus scandaleux ou terriblement problématique. Par exemple, il ne présente pas de très gros problèmes structurels comme Excelsis Dei, All Souls ou Teso Dos Bichos. Il n'est pas aussi à côté de la plaque qu'El Mundo Gira. Et il n'est pas aussi vilain visuellement que Space. Mais il ne bénéficie pas non plus d'une réalisation et d'une atmosphère qui hausseraient légèrement le niveau comme pour Schizogeny. Il est amusant de noter que les ratages de chaque saison semblent situés toujours à la même période, soit entre le milieu, mais avant la fin de l'année. Grosso modo, cela correspond souvent à un moment où l'équipe est rincée et n'a plus trop d'idées. De surcroit, certains scénarios pour la fin de saison accaparent certains scénaristes. Alpha semble avoir été écrit "à l'arrache", dans un moment de désespoir; l'équipe se forçant à respecter les délais. Pourtant, de nombreux formidables épisodes ont germé suite à une pression énorme, mais ce ne fut pas le cas pour ce dernier cas. Alpha semble avoir été formellement bâclé. Tant pis. Ce n'est pas grave. Il en faut toujours un ou deux dans l'année. Ce n'est pas évident de maintenir un tel niveau de qualité constant, même au sein d'une saison excellente. Et ce degré de haut niveau offre un contraste qui joue en la défaveur d'Alpha. Son échec est d'autant plus cuisant qu'il est entouré d'épisodes plus mémorables comme Monday, Arcadia mais également Trevor et The Unnatural.
Non, ici l'épisode est profondément ennuyeux, en plus d'avoir de grosses lacunes scénaristiques.

Dès l'introduction, il y a de grosses lourdeurs, comme l'apparition apparemment fortuite du docteur Deitweler, qui apparaît magiquement derrière la caisse qui contient une créature, et juste avant que ce type ne se fasse attaquer par le chien magique. Le spectateur peut aisément soupçonner que le coupable est justement le fameux docteur apparu deux minutes auparavant. En plus, son nom ressemble à "Rottweiler" pour bien mettre sur la voie. Mais le scénario reste très confus sur la manière dont le Wanshang Dhole se matérialise:  Detweiler a-t-il voyagé enfermé dans cette caisse tout le long ? Pourquoi a-t-il été enfermé ? Le docteur a-t-il tué les gardes et s'est enfui, pour ensuite se faufiler derrière la caisse pour préparer son entrée ? Globalement, il y a de nombreux trous et incohérences scénaristiques. Ce n'est pas la première fois que la série laisse quelques trous qu'elle ne vient jamais combler, mais dans Alpha, cela semble poser problème, car ils se remarquent beaucoup. Comme précité les capacités de Deitweler ne sont jamais bien délimitées. Il se retrouve à des lieux géographiques à priori non conciliables. Plus précisément, la créature tue à un endroit, pendant que l'homme se retrouve ensuite à des kilomètres. Le personnage se trouve là où le scénario l'exige. C'est très étrange. Globalement, la caractérisation même de cet antagoniste ne fonctionne jamais. Il a l'air de pouvoir se métamorphoser quand ça lui chante. Est-il poussé par un instinct animal qui l'oblige à tuer ? S'est-il transformé en psychopathe avant ou après sa malédiction ? Les contours demeurent beaucoup trop flous pour qu'on s'intéresse pleinement à suivre cette chose. Alpha ressemble à une histoire vaguement horrifique et ultra conventionnelle ponctuée de points de passage obligatoires: Homicide. Puis Mulder et Scully enquêtent jusqu'au prochain meurtre, et ainsi de suite. C'est terriblement mécanique et peu enthousiasmant. Les scènes de morts se déroulent sans panache et sans virtuosité. Tout est terriblement mou. Il est dommage d'avoir une guest star comme Andrew J. Robinson pour lui donner un rôle avec si peu d'épaisseur. Même si ce dernier a apprécié son passage dans X-Files, il fut étonné de ne pas avoir eu une seule scène de morphing. Et il a raison: Alpha s'apparente à une sorte de récit de loup garou, mais l'épisode éclipse tous les aspects visuels qui auraient donner plus de corps à l'ensemble.

Deitweiler est dépeint comme un être frontalement brutal. A l'origine, il traquait le Wanshang Dhole, mais Mulder révèle que c'est la créature qui l'a attrapé. Ce faisant, le docteur est devenu un prédateur unilatéral qui sème la mort. Alpha ne s'intéresse jamais à lui insuffler une once de nuance. Il ne le présente jamais souffrir de ses transformations, ni s'interroger sur une quelconque dualité que sa nouvelle condition pourrait lui faire subir. En somme, le récit évite au maximum le moindre trait d'humanité auquel se raccrocher. Deitweiler n'a finalement pas l'air d'être spécialement affecté par sa nouvelle vie. Plus globalement, Alpha représente la première véritable tentative de renouer totalement avec l'esprit originel de la série. C'est une affaire procédurale qui présente plusieurs crimes paranormaux. On y voit Mulder et Scully échanger quelques phrases dans le bureau au sous sol, puis ils partent enquêter sur ces morts mystérieuses. Même des épisodes comme Drive, Terms of Endearment, Tithonus, Agua Mala ou Arcadia, subvertissaient l'aspect "formula show" traditionnel de la série. Comme si la saison 6 refusait consciemment à dupliquer le succès passé. Et c'est tout à l'honneur de l'équipe qui a pu écrire des choses qui sortaient quelque peu des sentiers battus. Malheureusement, l'événement se révèle être une occasion manquée, car l'épisode aurait pu fêter le côté événementiel de la formule d'antant. Detour de la saison 5 arrivait justement à vraiment s'amuser de son côté "traditionnel", étant donné qu'il était encadré par des bizarreries comme Unusual Suspects et The Post-Modern Prometheus. Alpha, lui, choisit d'être un morceau de télévision incroyablement terne. Il aurait dû célébrer le statu quo des premières années. Malheureusement, il en devient un nouvel argument des fans qui adoraient l'aspect aventureux de la sixième saison. L'unique moment un tant soit peu émouvant demeure à la toute fin, lorsque Mulder reçoit une nouvelle affiche "I Want To Believe", offerte par Karin Berquist. La scène prend bien son temps pour nous faire comprendre l'importance symbolique de l'affiche: comme un retour au source imminent. Quelque part, on a l'impression que l'affiche représente un message adressé aux fans, pour leur signifier: "Ne vous inquiétez pas. Dès qu'on aura fini notre petite crise, on reviendra à des affaires plus communes." Bon, il faudra véritablement attendre la saison 7 pour voir ce retour aux sources s'opérer plus durablement, même si il subsistera toujours quelques épisodes plus high concepts.

Parlons-en justement de la relation entre Mulder et Karin. Cette dernière discute en ligne avec notre agent depuis un petit bout de temps, visiblement. Cependant, le personnage est à peine esquissé, ce qui rend la compassion et l'empathie plus difficile. On ne voit jamais de scène significative entre les deux protagonistes. Rien qui puisse donner matière et rendre tangible leur relation. Pourtant, elle représente pile le genre de figure isolée auquel Mulder est habituellement sensible. L'homme s'est souvent révélé être une bonne âme qui a un besoin compulsif d'aider des gens dans la détresse. Il n'y a pas d'enthousiasme qui se dégage dans les échanges entre Mulder et Karin. En somme, dans tous les domaines, Alpha manque d'énergie et d'entrain. Et c'est terriblement voyant, quand on se situe dans une saison qui a présenté des opus aussi vivaces que Triangle, How The Ghosts Stole Christmas, Drive, Dreamland, Monday ou encore le duo Two Fathers et One Son.
Mais pire encore, Alpha essaie d'activer le mode jalousie de Scully de manière la plus lourdingue et maladroite. C'est bien pire que dans Syzygy, The End ou One Son par exemple. L'épisode ne met clairement pas en valeur son personnage, reléguant l'agent à un ressort passif-agressif dès qu'on parle de Karin. Au final, elle se montre juste dédaigneuse face à Mulder. De nombreux segments ont révélé la possessivité et la jalousie de Scully. Bien entendu, le personnage doit avoir des défauts qui peuvent irriter ou agacer. Nous ne sommes pas obligé de tout apprécier dans un personnage, et c'est tout à fait normal même. Mais là où sa jalousie était un peu rigolo dans War of The Coprophage ou compréhensif dans The End, ses réactions face à Karin paraissent disproportionnées. On a l'impression que ces passages forcés ont été implanté pour mettre en relief un épisode on ne peut plus ennuyeux. Comme si le staff avait conscience qu'il était en train de produire une heure de télévision un peu pénible. Scully aurait pu pisser sur Mulder pour marquer son territoire, histoire de coller au plus près au thème de l'épisode, soutenant que l'alpha en question était finalement Scully.
Plus globalement, l'introduction de Karin a l'air de servir de prétexte pour continuer à creuser l'idée que Mulder et Scully forment un couple. Le personnage invité en est réduit à une fonction alimentant les théories des shippers. 

Peter Markle fait ce qu'il peut avec ce qu'on lui propose, mais il sauve ce désastre avec quelques plans vraiment stylés. Il avait déjà effectué un travail intéressant sur Christmas Carol l'année précédente. Mais le problème est qu'il n'arrive pas à rehausser le niveau de façon satisfaisante. Les morts sont peu intéressants et, globalement, c'est un épisode qui aimerait être effrayant mais qui ne l'est pas du tout. Même Arcadia et Agua Mala arrivaient à être plus flippants, alors qu'ils s'amusaient à jongler entre plusieurs tonalités. Alpha (le troisième épisode en "A") ne joue que sur une corde, mais sans jamais concrétiser la moindre idée pertinente. Vraiment, il n'y a rien à sauver dedans. En comparant, j'arrive à trouver de chouettes moments dans des chapitres épouvantables: Teso Dos Bichos avait sa séquence des chats. Alors, certes, elle a été très controversé, mais, quoiqu'on en pense, elle a fait débat. "3" est mou mais il avait du style. Schizogeny avait des idées et une atmosphère vraiment singulière. El Mundo Gira avait des effets spéciaux très stylés et un teaser intrigant. Teliko et Fearful Symmetry avaient tous deux des scènes intéressantes. 
"Chiens effrayants dans la ville". Ces mots étaient inscrits sur une fiche accrochée durant des mois, dans le bureau de Jeffrey Bell, le scénariste. Ce dernier avait déjà écrit The Rain King en freelance. Il a eu l'idée lorsqu'il a vu une meute de chiens traîner près d'une autoroute, à Los Angeles. Il se disait: "Personne ne possède ces chiens, et pourtant, ils survivent tant bien que mal." Cependant, l'écrivain se retrouvera régulièrement face à des impasses scénaristiques, le forçant à réécrire plusieurs histoires différentes avant d'aboutir à quelque chose. L'une de ces idées (et la plus rigolote sur le papier) était une adaptation flippante du film familial L'Incroyable Voyage, mais dans laquelle une famille désespérée déménageait à 5000 kilomètres pour échapper à leur animal de compagnie. La bête sanguinaire les attendait ensuite dans leur nouvelle maison, furieux. C'est Spotnitz qui trouva l'idée du chien qui s'échappe d'un navire. Et c'est également lui qui suggéra la "romance" en ligne entre Mulder et Karin, l'experte canine. Moi perso, j'adore l'idée de L'Incroyable Voyage vénère.
Néanmoins, le script a été réexaminé et réécrit de nombreuses fois à la hâte par la majorité des scénaristes, et ce jusqu'au début du tournage. Pendant ce temps, le reste de l'équipe galérait à transposer l'épisode en images. En résulte donc cette impression d'inconsistance: C'est la conséquence d'une équipe qui ne savaient pas donner corps à ce projet.
Le directeur de casting, Rick Milikan se souvient avoir vu beaucoup de femmes passer l'audition pour le rôle de Karin Berquist. Mais c'est finalement, Melinda Culea, la propre épouse du réalisateur Peter Markle, qui a été retenu.
On peut se demander si le nom du saint bernard, Duc, que l'on aperçoit n'est pas un clin d'oeil à David Duchovny. En effet, l'acteur a joué un antagoniste dans le film Beethoven, et son surnom à l'école était "Duc" justement.
Une autre anecdote mignonne réside dans l'exceptionnelle mémoire de Duchovny. En effet, Andrew J. Robinson (qui jouait donc Detweiler) expliqua: "J'ai pris conscience de l'immense capacité de David à se souvenir de tout ce qu'il avait vu. Chaque film, chaque scène. Ce soir là, il a commencé à me donner mon curriculum vitae. Il se souvenait de presque tous mes films, y compris des scènes et des dialogues précis, qu'il me citait des choses que j'avais même oubliées."
On ne se souviendra pas d'Alpha, c'est sûr. Il est assurément le segment le plus faible de la saison 6. Il ne dégage aucune saveur, ni aucune énergie. Il sera déjà oublié au moment même d'écrire un texte sur le prochain épisode. Cependant, je suis étonné d'avoir réussi à écrire quelque chose dessus.




17. TREVOR (Trevor)

Il est amusant de coller Alpha et Trevor ensemble, car les deux représentent deux tentatives de renouer avec les origines de la série. A bien des égards, Trevor se montre infiniment plus réussi qu'Alpha.  Le premier a été conçu avec un soin et un panache particulier qui manquait cruellement au second. A la fin de l'épisode, Mulder répète la phrase que June lui avait dit auparavant: "Il voulait seulement une nouvelle chance." Trevor peut raisonnablement être considéré comme une nouvelle chance de concevoir un épisode à l'ancienne qui tienne la route. Et effectivement, le spectacle vaut le coup d'oeil. Malheureusement pour lui, il est isolé au milieu d'une saison qui comportent un nombre hallucinant de bangers. Il se fait donc emporter dans cette tornade de chefs-d'oeuvre. C'est sûrement une des raisons qu'il semble plutôt sous-estimé parmi les fans.
Trevor est donc une nouvelle enquête très directe: Mulder et Scully redeviennent de simples observateurs d'une histoire d'un ancien prisonnier qui, après s'être fait emporter par une tornade, a le don de pouvoir traverser les murs. En résumé, nous avons là un monstre de la semaine "passe-muraille". C'est vrai que cette faculté n'avait pas encore été coché dans la série. Plus généralement, il y a une délicieuse ironie d'avoir un prisonnier passe-muraille. Bien entendu, ce qui rend X-Files intéressante, c'est son aisance à ancrer cette idée farfelue au sein de notre monde réaliste. Mulder explique que Pinker Rawls ne passe pas magiquement à travers les murs. Non, il change "seulement" la composition de certains métaux pour pouvoir les traverser. En revanche, l'agent du FBI déduit également à un moment que le prisonnier ne peut pas traverser les isolants. Donc une simple vitre ou miroirs peuvent le bloquer. Ces petites explications, même si bien sûr demeurent tout de même insensées, permettent d'allouer une certaine crédibilité, et une certaine épaisseur aux capacités extraordinaires des monstres dépeints. Le pouvoir de Pinker donne lieu à des mises à mort diablement plus pertinentes et effrayantes que celles perpétuées par le Wanshang Dhole. Même Mulder semble dégoûté de la découverte de la victime dépourvue de visage. En effet, notre héros lâche même un "Dégueulasse". Il y a donc un premier degré et un esprit très direct qui, à ce stade de la série, se révèle rafraichissant.
Plus globalement, la dynamique entre les deux héros fonctionne à merveille ici: Ils bénéficient de dialogues bien sentis, notamment au tout début, lors de l'autopsie de Scully. En effet, à un moment, cette dernière suggère une combustion spontanée à l'oeuvre ici, provoquant l'illumination du visage de son partenaire qui la taquine en déclarant: "Oh Scully !" Puis suivi d'un "Cher journal, mon coeur a bondi lorsque l'agent Scully a parlé de combustion humaine spontanée". Ces petits moments et idées témoignent encore de la vivacité d'écriture des scénaristes. X-Files avoir entamé sa sixième année, elle démontre qu'elle s'amuse toujours autant avec ses deux vedettes.

Trevor est un épisode atmosphérique très sombre. Malgré le soleil de la Californie, beaucoup de scènes se déroulent de nuit, ou dans des pièces très obscures. Il est construit sous forme d'un récit d'horreur assez classique. Rawls est finalement décrit come un fantôme. La première piste le suggère d'ailleurs. Mais le prisonnier demeure même un fantôme dans la mémoire collective: Il croupit en prison, et il est clairement désigné comme de l'histoire ancienne aux yeux de June, son ancienne compagne. Même après avoir survécu à la tornade et s'être évadé de prison, il évolue en marge du monde, comme une forme spectrale qui, à priori, cherche à se venger. Métaphoriquement, Rawls vient également briser les nouveaux murs que June avait bâti pour se construire une nouvelle vie. Trevor multiplie les fausses pistes. On pense d'abord qu'il s'agit d'une histoire de fantôme vengeur, mais, très vite, il se révèle que l'antagoniste est bel et bien vivant. Il a juste un ptit truc en plus. Ensuite, l'enquête met en évidence son désir de probablement remettre la main sur les 90 000 dollars d'un ancien braquage. Argent que son ex-compagne a dépensé pour elle et son nouveau compagnon. Finalement, l'intrigue révèle que l'intérêt de Rawls penche davantage sur la récupération de son fils, Trevor. Effectivement, Pinker tente désespérément de nouer une relation avec ce dernier, juste après avoir appris son existence. A ce sujet, le personnage devient moins surnaturel et plus humain, à la toute fin. Pile au moment de mourir. Comme une façon qu'il fallait lui insuffler de l'humanité pour le rendre mortel. 
L'acteur chevronné John Diehl campe un Pinker Rawls pas évident à saisir. L'épisode le présente comme un type peu loquace et très violent, comme le démontre en quelques minutes le teaser. Il n'hésite clairement pas à tuer plusieurs personnes, et de manières terribles: le directeur de la prison est retrouvé démembré, tandis que Bo Merkle, un ancien ami du prisonnier, meurt après que le tueur lui ait "retiré" son visage. Diehl fait partie de ces seconds rôles de films et séries qui ont une gueule très particulière et reconnaissable. L'acteur évite de minimiser la violence de son personnage. Tout au long de l'intrigue, il apparaît comme un être profondément désagréable, à l'exception de ce passage presque saugrenu où Rawls semble enjoué, au moment de se faire menotter dans la superette. Même si le scénario démontre le désir de l'homme de vouloir retrouver son fils, il n'oublie jamais de souligner l'imprévisibilité et la dangerosité de son antagoniste. En définitif, l'épisode n'essaie jamais de le rendre sympathique.

A ce propos, tout le dernier acte est absolument bluffant. Rob Bowman signe assurément un de ses meilleurs travaux ici. Le passage où Jackie, June et Trevor semblent terroriser de la présence de Rawls est presque insoutenable. Le malaise et le danger devient terriblement palpable ici. Le regard traumatisé de l'enfant contribue a renforcer le profond malaise. Et bien entendu, l'arrivée de Mulder et Scully alimente le crescendo du climax. Le premier tentant de ralentir Rawls grâce à un fusil à pompe à balles spéciales (une image saisissante). Puis, Scully essayant de protéger Trevor en allant se cacher dans une cabine téléphonique, pour pas que le tueur ne les atteigne. A ce sujet, Trevor utilise intelligemment l'évolution de Scully: En effet, dans cette séquence, elle se cache dans la cabine, car elle fait le choix de suivre l'instinct de Mulder. C'est à dire adhérer à la théorie comme quoi Rawls ne peut pas traverser le verre. En somme, lorsqu'elle est en grand danger, elle suit le raisonnement de son partenaire. Ce passage, conjugué à celui de sa théorie sur la combustion humain spontanée, démontre l'évolution certain du personnage. Elle n'est plus la sceptique hardcore des premières saisons. Même si elle préfère toujours opter pour la rationalisation de tout ce qu'elle voit, elle accepte néanmoins de mettre de l'eau dans son vin, aux moments opportuns.
Pour revenir sur la tenue globale de l'ensemble, Trevor ne contient aucun élément superflu. Et l'intrigue avance à un rythme assez effréné. Visuellement, Bowman s'en sort admirablement bien, comme à l'accoutumée. La mort de Rawls est atroce, lorsqu'il se retrouve coupé en deux, à cause du pare-brise de la voiture de June.  Cette dernière, après l'avoir écrasé, se demande ce qu'il voulait. Ce à quoi Mulder rétorque: "Une seconde chance". Une phrase un peu curieuse pour un antagoniste qui a été dépeint comme un danger ambulant. En effet, si June n'avait pas été là pour l'arrêter, qu'aurait-il fait ensuite ? Tuer Scully et Mulder ? Et il aurait ensuite embarqué l'enfant avec lui, le traumatisant davantage. La conclusion fonctionne donc dans son rythme et ses images saisissantes. En revanche, elle échoue avec cette réflexion finale de Mulder, donnant l'impression que le récit voulait qu'on compatisse pour Rawls. 

Le scénario a été élaboré par Ken Hawryliw et Jim Guttridge. Pendant les années Vancouver, le premier était le responsable des décors de la série. C'est à lui qu'on doit de nombreux environnements et objets des premières saisons. On lui doit par exemple les documents d'identité du FBI, mais aussi le stylet du chasseur de prime extraterrestre. Après quelques propositions de scénarios, Trevor était né. Une fois qu'ils ont trouvé le concept du passe-muraille, l'histoire s'est doucement mis en place. Hawryliw se souvient qu'il a eu plusieurs conversations intenses avec un physicien théoricien, pour essayer d'ancrer harmonieusement cette idée de ce type capable de traverser les murs, dans un contexte réaliste.
Rob Bowman, de son côté, a essayé de ne pas présenter Pinker comme uniquement un tueur sanguinaire. Il le décrit comme un tueur dangereux, mais pas comme un monstre unilatéral. Il concède néanmoins qu'il est évidemment inapte à la liberté. Mais sa motivation première n'est pas foncièrement mauvaise. Le metteur en scène a particulièrement apprécié la scène tendue dans la voiture, entre June et Rawls, lorsque ce dernier ne dit pas un mot. Bowman a estimé que ce passage se hissait parmi les meilleurs moments dramatiques de la saison.
Rick Millikan avait l'acteur John Diehl sur sa liste d'acteurs à contacter depuis longtemps. A l'origine, le directeur de casting avait fait défiler plusieurs acteurs, mais ce n'est qu'à la dernière minute qu'il a eu l'idée de demander à Diehl, sans même lui faire passer d'audition.
Parmi les acteurs auditionnés, il y avait John Hawkes, un autre régulier des seconds rôles. Il n'a bien évidemment pas été retenu, mais les auteurs décidèrent de lui écrire un rôle exprès pour lui: celui de Phillip Padgett que l'on verra bientôt dans Milagro.
Paul Rabwin était satsfait de la scène dans laquelle Mulder pousse sur un mur, et où un gros morceau en forme d'homme tombe. La première fois, ils n'ont obtenu qu'un grand trou carré, ce qui n'était pas fameux visuellement. Rabwin continua: "Mais on ne voulait pas non plus que ça ressemble à Bugs Bunny avec les oreilles décollées". Et le résultat final proposa un parfait compromis.
Au final, Trevor est un solide épisode. Son monstre et son interprète sont très intéressants. En outre, il bénéfice d'une réalisation impeccable qui le rend très agréable à regarder.




18. MILAGRO (A Coeur Perdu)

Milagro se détourne à nouveau de son format traditionnel pour adopter un ton plus singulier. Cependant, il n'est pas du tout un épisode léger ou rigolo. Non, c'est un récit plus introspectif et méta ayant pour thème le pouvoir de l'écriture. L'étrangeté du teaser annonce même la nature singulier du projet: Nous voyons un écrivain assis à son bureau, fixant une page blanche. Finalement, au terme de la séquence, l'écrivain porte la main à sa poitrine et sort littéralement son coeur. Le ton est donné: Milagro ne sera pas drôle, et se placera comme un segment très à part. Plus globalement c'est un texte sincère sur l'acte d'écrire, ainsi que sur le pouvoir de la narration. Chris Carter, John Shiban et Frank Spotnitz ont mis du coeur à l'ouvrage sur ce récit. A l'instar de l'écrasante majorité des chapitres qui composent la saison 6, Milagro est une histoire touchante et poétique. Malgré le caractère gore du teaser, l'épisode se révèle finalement assez doux et délicat, même si peu subtil.
A priori, Milagro est structuré comme une histoire d'amour. C'est le récit de ce type, John Padgett, le voisin de Mulder qui tombe éperdument amoureux de Dana Scully. Mais c'est aussi une histoire d'amour de l'écriture. Padgett essaie d'écrire un roman paranormal centré sur Scully. Le hic est que les crimes décrits dans ses écrits ont l'air de se matérialiser dans la réalité. Cependant, une lecture plus terre à terre peut être valable: Il est également suggérer que l'auteur s'inspire de meurtres réels pour construire son histoire. L'épisode reste volontairement ambigu quant à la nature paranormale du récit. Bien entendu, certaines séquences tendent vers la première option: Lors du climax, Scully est incapable de tuer Ken Naciamento; les balles de son révolver passent en effet à travers lui, traduisant sa nature fictionnelle.
Mais le doute est tout de même permis: Par exemple, lorsque le tueur discute avec Padgett, on peut parfaitement considérer que l'écrivain imagine seulement cette discussion, comme le suggère la caméra cachée de Mulder. Idem en ce qui concerne la discussion qu'il a avec Scully, dans l'église, quand il se met à détailler certains détails de la vie de son interlocutrice. L'épisode a plutôt l'air de plutôt concéder qu'il n'est juste qu'un effrayant stalker perspicace qui n'a fait qu'observer Scully. Cette théorie est fortement influencé par le fait que l'homme est le voisin de Mulder, et qu'une scène le montre en train d'espionner Mulder et Scully via une bouche d'aération reliant son appartement, à celui de Mulder.

Pour être tout à fait honnête, Milagro n'est pas un de mes favoris. Pendant longtemps, il m'ennuyait beaucoup, pour ne pas dire qu'il me faisait royalement chier. Pas forcément parce que son rythme était lent et introspectif, mais plutôt parce que je n'étais pas particulièrement touché par les thèmes sous jacent, ni par la construction même de l'intrigue. J'ai revu mon jugement à la hausse, après de multiples visionnages. C'est une oeuvre toujours étrange et un peu bancal, mais assez intéressante. Un exercice de style de plus dans cette grande saison qui en contient un paquet. C'est un X-Files très intime et personnel, et qui a eu une certaine résonnance auprès de plusieurs auteurs, dont Sean Penn lui même qui a reconnu avoir adoré l'épisode. En fait, Milagro déstabilise car c'est une oeuvre résolument réflexive qui n'est pas facile à appréhender la première fois. Les trois écrivains ici abordent la relation qui subsiste entre un scénariste et son oeuvre. Plus précisément, ils couchent sur papier leur rapport à X-Files et ses personnages. Afin de rendre l'ensemble encore plus méta, Padgett utilise un tableau avec des fiches punaisés pour l'aider à construire son roman. En réalité, il s'agit réellement du tableau que Vince Gilligan, John Shiban, Frank Spotnitz et les autres utilisent pour élaborer les épisodes d'X-Files, au sein de leur salle d'écriture. Le parallèle se confond à tel point que c'est l'écriture de Spotnitz qui arbore les petites fiches. Milagro essaie d'exprimer en images et en mots l'obsession que subissent les scénaristes. Il explique que même en dehors de leur travail, ils continuent toujours à imaginer ou à réfléchir à des histoires et comment leurs personnages pourraient évoluer à l'intérieur. Certaines scénaristes d'X-Files ont reconnu que leurs obsessions pour la série étaient parfois envahissantes. Ils ont avoué qu'ils étaient en quelque sorte amoureux de Mulder et Scully. Qu'ils pensaient toujours à eux. Qu'ils occupaient une place non négligeable dans leur esprit, jour et nuit. On n'imagine pas nécessairement à quel point travailler sur une série puisse être aussi "aliénant". L'amour que ressent Phillip Padgett pour Scully traduit les obsessions des écrivains envers la série. A ce sujet, Frank Spotnitz confessa: "C'est incroyable à quel point la vie d'un écrivain est dévorante. Quand on écrit, on écrit sans cesse. Je me surprends à penser à des scénarios, à des intrigues et à des personnages quand je suis dans les embouteillages, en route pour le cabinet médical, tout le temps. Le vrai défi est d'empêcher que cela ne prenne le pas sur ma vie réelle. Parce que c'est ce qu'il veut." 
John Shiban, co-auteur de l'épisode, expliqua de son côté: "Nous passons tous ici de longues journées et de longues nuits à essayer de fouiller les recoins les plus sombres de notre imagination. Dans de nombreuses professions, et pas seulement dans l'écriture, je pense qu'il y a ce gros problème : être si proche de son travail qu'il devient plus réel pour soi que sa famille ou sa vie privée. Cette possibilité m'effraie vraiment. Et c'est précisément le but de X-Files , je crois : trouver ce qui nous effraie. Et ce qui nous effraie le plus, ce sont les choses dont nous savons qu'elles font partie intégrante de nous."
Avec de telles déclarations, il n'est finalement pas étonnant que les deux scénaristes aient planché sur le script de Milagro. Et effectivement, ils ont eu l'idée d'écrire l'épisode après avoir discuté du stress et des exigences particulières de leur métier. Cette discussion a donné lieu à écrire sur un type qui imagine si bien les choses qu'elles prennent vie ou deviennent réelles.

Milagro fait partie de ces très rares cas où le point de vue principale n'est pas celui de Mulder et Scully. On vit l'histoire à travers la matérialisation visuelles des écrits de Padgett. Ce qui est amusant car, au final, ce dernier peut très bien représenter symboliquement Chris Carter ou ses auteurs. Donc, en résumé, Chris Carter donne son point de vue dans l'histoire, alors que c'est lui même l'auteur de la série. Milagro pourrait très bien être vu comme une confession déguisée des écrivains, ou même comme une autobiographie. On y retrouve de nombreuses peurs que les auteurs d'X-Files ont ressenti, notamment au terme de cette saison 6 aussi engageante qu'angoissée. Concrètement, il y a des moments dans le script qui ont l'air de traduire les angoisses de Carter, Spotnitz, Shiban et sûrement Gilligan. La sixième saison est constamment en proie à des crises existentielles. Chris Carter se sentant presque prisonnier d'une série au succès qui semble le dépasser. Plusieurs fois cette année, les thèmes de l'immortalité et de la boucle sont abordés.
Joseph Campbell a expliqué que les gens ont besoin d'histoires pour survivre. Spotnitz a dit un jour: "Les histoires nous aident à comprendre le monde dans lequel nous vivons. Nous nous connectons à la vie émotionnelle des personnages de fiction d'une manière très intime, ce qui peut être incroyablement utile. C'est tout à fait vrai pour moi: les histoires et les personnages de fiction m'ont aidée à traverser des moments difficiles quand j'étais enfant, et ils me soutiennent encore de bien des façons." Il est vrai que, lorsque nous sommes passionnés d'une oeuvre, que ça soit un livre, un film, une série ou un jeu vidéo, on peut en être obsédé. Dans cette optique, Padgett pourrait très bien être une métaphore du fan lui même. La saison 6 a permis de réimaginer Mulder et Scully dans un cadre familial (Arcadia, Dreamland), mais parallèlement, on a eu droit de découvrir plus en détails leurs activités déstinées habituellement hors caméra (Monday). On les voit même passer du temps ensemble, hors travail, pour aller visiter une maison hantée (How The Ghosts Stole Christmas). Les scénaristes semblent donc intéressés par d'autres aspects du show. Milagro représente une sorte d'aboutissement, puisque le chapitre explore les deux héros sous le prisme méta de personnages fictifs, produits d'un écrivain frustré. De surcroit, la saison est fascinée par l'idée de fins qui n'en sont pas vraiment. One Son concluait le chapitre du syndicat, mais le scénario se permettait de conserver certains de ses personnages, juste au cas où. Nous le verrons plus tard, mais Field Trip aurait très pu constituer le dernier loner de la série. La fin de Milagro nous montre Padgett qui couche ses derniers mots sur le papier, mais explique qu'il faisait en sorte qu'ils ne devaient jamais être lus. L'écrivain ne désire pas vraiment conclure. Il détruit le script puis se suicide, notamment pour sauver Scully. Mais d'une manière métafictionnelle, ni Padgett, ni Naciamento ne peuvent tuer Scully. Elle est l'héroïne, donc incapable de mourir. Padgett ne peut pas non plus s'extirper de l'épisode qui lui est dédié. Il a beau avoir la capacité de manipuler le récit, le récit reste bien plus fort que lui. Dans ce même ordre d'idées, Chris Carter ne contrôle plus sa série. Déjà parce que, dès le début, il a confié une partie des clefs à son noyau dur de scénaristes, mais aussi parce que le succès de sa création le dépasse. Une des conséquences réside dans la Fox qui ne désirait pas de fin pour X-Files dans l'immédiat. Carter a signé pour 7 saisons, mais il semblerait qu'il ait parfaitement conscience que le programme pourrait aller au delà. Milagro suggère qu'il n'y aurait donc pas de finalité pour Mulder et Scully, ce qui rejoint l'idée de refaire jouer perpétuellement les mêmes actions à ces deux personnages, coincés dans une boucle qui n'en finit pas. 

Même si la saison 6 était prévu pour être l'avant dernière, elle est curieusement construite comme un season final. L'arc mythique n'a plus trop lieu d'être. Mulder et Scully vivent leur meilleure vie, à roucouler sous le soleil. Les scénaristes ont l'air de s'amuser une ultime fois avec des histoires beaucoup plus perchées et récréatives. Pareillement, Milagro peut être interprété comme un bilan. Chris Carter a sacrifié la fin "parfaite" (comme le dit Padgett) et la "vérité" qu'elle contenait pour que ses deux héros puissent perdurer à jamais. On a l'impression qu'au delà de cette année, X-Files ne pourra jamais se conclure de façon satisfaisante. Milagro est donc un chapitre très particulier, plus intéressant lorsqu'on le regarde avec une certaine grille de lecture.
C'est un épisode très ludique, comme beaucoup de chapitres cette saison, car structuré de façon à mettre en avant l'artifice du scénario. Par exemple, le début montre Mulder et Scully qui ne savent pas trop comment se démener avec leur nouvelle affaire, comme une métaphore du blocage de l'écrivain. L'intrigue en est au point mort, et les personnages n'avancent pas. Ce n'est que lorsque l'écrivain place volontairement un médaillon sur la route des agents que l'histoire se déclenche réellement. L'objet de l'auteur dans le récit est donc le même que les auteurs d'X-Files placent pour faire progresser cette intrigue. Plus globalement, Milagro s'interroge aussi sur des concepts plus philosophiques, comme la culpabilité et la responsabilité de l'auteur. Comme nous l'avions vu dans la saison 4, Chris Carter était effrayé d'imaginer que sa création puisse influencer des milices radicales, ou d'autres groupuscules dangereux. Lors de la saison 1, jamais il n'aurait pensé avoir ce genre de responsabilités. Il pensait juste créer un petit programme d'horreur et de science fiction paranoïaque, mais son oeuvre a marqué, et a influencé toute une décennie, pour le meilleur et pour le pire. Les auteurs ont reçu des courriers de fans qui expliquaient à quel point la série les avait aidé. Et puis n'oublions pas le Scully Effect qui a vu une augmentation croissante de femmes qui se sont orientées dans des filiales scientifiques et médicales, sous l'impulsion du personnage éponyme.
Milagro démontre également les multiples facettes d'X-Files. Depuis le début, c'est une série qui allie des éléments d'horreur et de science fiction qui sonnent très pop, comme l'huile noire qui évoque parfois Venom dans l'univers de Spiderman. Il y a également des extraterrestres polymorphes au sang vert toxique. Tous ces éléments côtoient des concepts philosophiques ou des inspirations plus littéraires. La mythologie notamment présente des dialogues parfois stylisés entre différents protagonistes. 
X-Files est une série plutôt cultivée et fière de l'être. La série joue régulièrement avec certaines conventions, comme la conscience de soi ou le postmodernisme. Il est donc amusant de voir qu'au sein d'une même saison, nous avons des épisodes aussi rythmés et ludiques que Drive, puis des segments lents et très intimiste comme Milagro. En résumé, X-Files ne renie pas ses origines un peu pulpeuses et pop culture, mais elle élargit le champ des possibilités avec des expérimentations audacieuses. 

A l'instar de How The Ghosts Stole Christmas, Milagro a été conçu pour économiser un peu le budget de la série. En effet, tourner à Los Angeles coûte cher. Cela dit, on ne ressent pas tellement l'économie de moyen dans le résultat. C'est un épisode tourné principalement en studio, en plus de quelques plans en extérieur. Finalement, une bonne partie se déroule soit dans l'appartement de Padgett, soit dans celui de Mulder. Et puis, plus généralement, Milagro est un segment centré sur les personnages et les dialogues. 
A noter également que l'épisode continue de suggérer l'inévitable entre Mulder et Scully. En effet, à un moment, Padgett s'adresse à Mulder pour lui signifier que l'agent Scully ne peut pas tomber amoureux de lui, puisqu'elle est déjà amoureuse de quelqu'un d'autre...
En revanche, Milagro est parfois un peu gênant dans son rapport à Scully. Bien entendu, Phillip Padgett est clairement dépeint comme un être inquiétant. D'ailleurs, Scully ne s'y trompe pas, puisqu'elle le trouve effrayant. A ce titre, John Hawkes saisit parfaitement les nuances de son personnage. Il est mystérieux et inquiétant, mais sans paraître trop sordide non plus. L'acteur insuffle suffisamment de complexité à son portrait d'écrivain pour éviter qu'il ne soit véritablement problématique. Justement, l'épisode le décrit comme un type assez pathétique. Un écrivain raté qui voit son humanité ressortir tout de même. Mais pour en revenir à Scully, il est bizarre qu'une partie du récit construise la séduction de Padgett sur Scully comme un suspense. Alors, oui, on ne sait jamais véritablement si le voisin de Mulder a réellement le pouvoir d'influencer les événements via ses écrits, mais Milagro se retrouve dans une position inconfortable: Il sous entend que Scully ne doit pas coucher avec n'importe qui. Mais finalement, c'est presque le cas de Mulder aussi. En effet, dans Syzygy, Scully fait irruption dans la chambre de Motel de Mulder, au moment où l'agent White lui saute dessus. X-Files n'est jamais très à l'aise lorsqu'il s'agit de sexualiser frontalement ses deux personnages principaux. En guise d'exemple, Never Again a animé plusieurs débats entre Glen Morgan, James Wong et Chris Carter, notamment pour savoir si Scully couchait avec Ed Jerse ou non.
En parlant de ça, il est troublant à quel point Milagro ressemble parfois à Never Again. Les deux oeuvres sont des métrages lents et introspectifs. Les deux sont plutôt centrés sur Scully, en plus d'aborder la sexualité de cette dernière via une fascination qu'elle développe pour un autre homme. Comme pour Never Again, l'épisode ici met en lumière la relation dysfonctionnelle entre Mulder et Scully. Milagro aussi exprime également les frustrations de cette dernière. Et les deux histoires offrent cette même image forte d'une fournaise au sein d'un immeuble.

Mention spéciale à la réalisation de Kim Manners qui crée une atmosphère particulière tout du long. Comme déjà dit, Milagro est un segment très lent, et le metteur en scène arrive à mélanger douceur et aspects effrayants, le tout bercé par des battements de coeur humain servant de percussions, et concoctées par Mark Snow. Même si nous voyons Phillip Padgett une grande partie de l'épisode, il demeure toujours une énigme. Ce que résume parfaitement le teaser: Dedans, nous le voyons tout le long, mais l'homme ne prononce jamais aucun mot. C'est un des rares pré-générique entièrement muet (si ce n'est le seul d'ailleurs). Le metteur en scène a expliqué qu'il ne voulait pas présenter Scully comme une femme en manque de sexe, d'où l'idée d'intégrer la curiosité intellectuelle et professionnelle dans ses motivation envers Padgett. Parallèlement, Manners désirait éviter de traduire l'obsession de l'écrivain comme trop malaisante. Il ne voulait pas qu'on prenne Padgett pour un psychopathe. Il fallait donc habillement générer du malaise envers ce personnage, tout en réussissant malgré tout à le rendre sympathique. Heureusement, l'équipe avait conçu Milagro en ayant l'acteur John Hawkes pour l'incarner. Comme déjà expliqué bien plus haut, l'artiste avait précédemment auditionné pour jouer Pinker Rawls dans Trevor. Mais il ne convenait pas pour ce rôle. En revanche, Chris Carter et Frank Spotnitz ont remarqué une dignité et une simplicité dans son allure qui empêcheraient le personnage de Padgett de devenir trop caricatural.
Pour accentuer l'aspect voyeurisme du métrage, Manners abusa des très gros plans, notamment sur les yeux, et les jambes de Scully, ainsi que de nombreux angles de caméra différents. Par ailleurs, le protagoniste passe beaucoup plus de temps en jupe tout du long, contribuant à sexualiser davantage son image.
Milagro est donc un épisode assez spécial. Il n'est pas si évident que cela à apprécier, aux premiers abords. C'est une oeuvre réflexive et méta, dans un cadre posé et résolument intimiste. Comme déjà dit, j'ai vraiment mis du temps avant de l'apprécier. Mais c'est un épisode très attachant qui continue de démontrer les multiples facettes de la saison.





19. THE UNNATURAL (Le Grand Jour)

The Unnatural représente une date important: En effet, c'est un épisode écrit et réalisé par David Duchovny lui-même. Comme la saison 6 est une année expérimentale, la covedette du show désirait s'essayer à l'écriture et à la réalisation. Duchovny avait déjà présenté un vif intérêt pour élargir ses compétences. Par exemple, il avait participé activement à l'élaboration de plusieurs intrigues de la série. Il a co-écrit Colony, Anasazi, Avatar et Talitha Cumi. Ses apports ont même été cruciaux dans le développement de la mythologie. C'est à lui que l'on doit l'apparition du chasseur de prime extraterrestre. Ce n'est donc pas étonnant que Duchovny ait voulu intégrer ce personnage important dans son The Unnatural. Il a en outre créer la dynamique familiale de la famille Mulder, et il est responsable de la figure héroïque traditionnelle de son rôle, initiée dans l'arc Anasazi. Enfin, il a eu l'idée de créer un segment entier sur le personnage de Walter Skinner via Avatar. Pour l'anecdote, son père était écrivain. On peut donc se dire qu'il a voulu suivre les traces de ce dernier, en essayant de voir ce que ça faisait d'écrire quelque chose. Hé oui, il n'était pas qu'un "faiseur de pets" comme l'a si bien décrit Bruce Campbell.
Aider à délimiter les contours de son personnage l'avait véritablement motivé à s'impliquer davantage dans la vie de la série. Cependant, même si l'acteur a été ravi que cette dernière se soit délocalisée jusqu'en Californie, il sentait poindre une certaine frustration et lassitude. Concocter son propre X-Files l'a aidé à rester impliquer dans le programme. Il faut dire que six années à tourner dans la même série, et jouer même rôle, peut se révéler épuisant. Néanmoins, l'épisode qu'il écrit ici se montre incroyablement touchant, et qui démontre une sincère affection pour la série qui l'a rendu célèbre. Duchovny semble donc lasser de toujours jouer Fox Mulder, mais ça ne veut en aucun dire qu'il rejette la série. Au contraire, son histoire se montre indéniablement romantique. Il s'agit même d'un joli conte de fée moderne sur la passion du jeu, et emprunt d'une nostalgie qui fait mouche. Même son portrait de Mulder et Scully rayonne ici. Effectivement, les deux héros apparaissent avec une grande complicité, doublée de beaucoup de tendresse l'un envers l'autre: Scully rigole, pendant que Muder la taquine. A ce niveau, leur relation paraît si idyllique.

A bien des égards, The Unnatural est contre toute attente une oeuvre brillante. Non pas qu'on ait douté des capacités de Duchovny à concevoir un premier essai convaincant, mais il faut avouer que c'est une chose de savoir écrire, mais c'en est une autre de savoir mettre en scène. Et l'épisode coche toutes les bonnes cases. Il s'agit avant tout d'un chapitre flashback qui se déroule en 1947, à Roswell. Il décrit une histoire passionnelle entre un alien et le baseball. Mais pour éviter d'éveiller les soupçons, il prend les traits d'un joueur noir, Josh Exley. The Unnatural constitue une déclaration d'amour envers ce sport. C'est un segment étonnamment optimiste, même sur les événements historiques qui servent de contexte à l'intrigue. En effet, X-Files a longtemps dénigré son pays d'origine, et encore plus lorsqu'il s'agissait de ressortir des aspects historiques peu reluisants. Des épisodes comme Paper Clip ou Nisei suggéraient que les Etats-Unis fricotaient avec des scientifiques venus de l'Axe. Des loners comme The Walk, Sleepless et Unrequited chargeaient durement le gouvernement qui semblait avoir abandonné ses anciens soldats, que ce soit après la guerre du Vietnam, ou de la guerre du Golfe. Même Travelers se moquait allègrement de la panique communiste des années 50. The Unnatural, lui, préfère dépeindre les années 40 tendrement et avec nostalgie. Le récit témoigne d'un profond respect, presque religieux, envers le baseball. Il présente son histoire dans l'histoire comme une légende urbaine qu'on se raconte depuis des décennies. Mais le script de Duchovny a beau être un loner très décalé, il prend soin de l'envelopper de quelques ornements mythologiques. En effet, comme mentionné plus haut, il convie le chasseur de prime extraterrestre, venu apparemment pour tuer Josh Exley. Effectivement, ce dernier a risqué de dévoiler le projet aux yeux de tous uniquement pour satisfaire son amour du sport. Cet alien appartient donc à la même race de ceux que l'on voit depuis le début de la série. Il s'agit d'un de ces petits gris qui pullulent le mytharc. Le seul qui sera au courant de sa véritable nature sera Arthur Dales. Alors, attention ! Pas le même Arthur que celui de Travelers ou Agua Mala. Non, il s'agit ici de son frère qui porte le même nom que lui. Ce curieux ajout scénaristique a été motivé par l'absence de l'acteur Darren McGavin. Pendant le tournage, il a été victime d'un AVC qui l'empêcha d'apparaître complètement. Il fut donc remplacé par M. Emmeth Walsh pour jouer son frère. En revanche, Frédéric Lehne prêtera encore ses traits pour le jeune Arthur Dales, comme il l'avait fait pour Travelers. 
Néanmoins, même si l'épisode convie plusieurs éléments mythiques, il refuse de s'intégrer réellement au grand fil rouge. David Duchovny préfèrant finalement s'amuser avec les codes de la série pour raconter une petite histoire toute simple. Pire, le récit semble même se moquer de l'obsession de Mulder pour la Vérité. Pour preuve, à un moment, Dales confie à quel point ce dernier a bassiné son frère avec ces histoires de conspiration, de tueur extraterrestre et de quête de la vérité, insistant à quel point cette poursuite semblait futile et dévorante. En outre, caser The Unnatural après la simili-conclusion Two Fathers et One est plutôt bien vu. L'épisode agit comme un dernier tour de piste à l'arc mythique, mais en se détournant totalement des tenants et aboutissants. Au lieu de ça, il en reprend les éléments pour raconter une histoire sur des acteurs qui vivent en périphérie de cette vaste conspiration. A ce titre, Josh Exley est un alien, au même titre que Jeremiah Smith, qui s'est détourné de ce grand projet de colonisation. The Unnatural laisse la place à un moment purement récréatif et amusant, en lieu et place des sombres manigances du syndicat et des aliens.

Le fait que cet extraterrestre choisisse de se fondre dans la masse sous les traits d'un afro-américain donne lieu à plusieurs métaphores intéressantes. Lors du teaser, il s'exclame à un moment: "Je ne veux pas être un homme célèbre. Je veux juste être un homme." Lorsqu'on découvre l'épisode, et sans connaître le synopsis exact, on peut interpréter cette phrase comme une façon pour Exley de revendiquer le même respect que les hommes blancs. Ce n'est que lorsqu'on connait sa vraie nature que la phrase revêt un autre sens. La fin se révèle d'ailleurs très émouvante, lorsque le personnage meurt dans les bras de son ami Arthur, juste après avoir été exécuté par le tueur polymorphe. Avant de mourir, ce dernier demande à Josh de lui dévoiler son vrai visage. L'alien décide donc de conserver son apparence d'afro-américain en déclarant que ceci est son vrai visage. Quand Exley est mourant, il ordonne à Arthur de le fuir, car son sang est toxique (faisant référence au sang vert qu'on a vu à partir de The Erlenmeyer Flask). Mais au final, il saigne du sang rouge, comme si son plus cher désir, et sa grande humanité, l'avaient magiquement métamorphosé en humain, conférant à l'intrigue des allures de contes féériques, comme une sorte de Pinocchio des temps modernes. La fin se révèle donc triste, mais également porteuse d'espoir: Il est mort en homme. 
Bien entendu, The Unnatural traite également du racisme et de la ségrégation qui sévissaient à cette époque. Les noirs sont clairement assimilés à des extraterrestres, à tel point qu'ils empruntent des bus différents. Aux yeux de la plupart des blancs, ils sont désignés comme un certain type "d'autre". Après avoir révélé sa véritable forme à Dales, Exley explique que son peuple protège jalousement sa vie privée, et qu'ils ne veulent se mêler aux humains; un sentiment partagé par les afro-américains des années 40. A un autre moment, Dales s'adresse à Mulder et compare les anciens joueurs de baseball noirs à des extraterrestres qui n'ont jamais su s'adapter aisément à la vie sociétale. Qu'ils ne sentaient pas à leur place. Finalement, Exley pouvait lui même sembler être un étranger aux yeux des extraterrestres issus de son propre peuple.

The Unnatural présente un sous texte quelque peu ironique sur la fanbase en ligne, notamment à travers les mignonnes discussions entre Mulder et Arthur Dales. Dans ces dialogues, le deuxième se moque gentiment du premier qui tente désespérément de relier absolument cette histoire à la mythologie. En effet, à un moment, Dales se moque ouvertement des critiques de Mulder sur sa façon de raconter son histoire, et de son obsession latente pour relier les points. Il calme ses ardeurs en lui certifiant que "toutes les histoires n'ont pas besoin d'avoir l'apparence de l'importance." Ces dialogues reflètent les réelles discussions qui animaient les fans, à l'époque. The Unnatural ne désire pas s'encombrer d'artifices visant à alambiquer son intrigue. De toutes évidences, l'épisode célèbre les "X-Files Lite", en défendant l'insignifiance du baseball. De ce point de vue, Mulder apparaît comme un fan trop absorbé par la continuité de la série, l'empêchant de se laisser porter par des récits plus légers.
David Duchovny a beaucoup eu de flair et de chance de compter sur l'apport de M. Emmeth Walsh, venu remplacer en catastrophe Darren McGavin. D'après la star, il a retenu un nombre important de répliques en très peu de temps.
L'acteur vedette a même pu compter sur la prestation excellente de Jesse L. Martin, pour camper Josh Exley absolument charmant. L'acteur, un habitué d'Ally McBeal à l'époque, insuffle une humanité vraiment touchante à son personnage. The Unnatural s'ouvre et se referme avec Mulder et Scully. Comme il s'agit d'un épisode principalement de flashback, on ne les voit que très peu. En effet, cela permettait à Duchovny de pouvoir se concentrer sur son travail de réalisation. De surcroit, Anderson bénéficiait d'une petite pause salutaire. Mais leurs scènes sont étonnamment mignonnes. La conclusion leur offre un moment de détente: Les deux s'amusent à jouer au baseball de manière enjouée. Ces scènes se révèlent très chaleureuses. 
En outre, une des images les plus marquantes demeurent ce moment où, dans l'hôtel, Dales découvre le vrai visage d'Exley. Voir ce petit être gris brandir une batte de baseball est tellement saugrenu qu'elle deviendra une séquence gravée dans le marbre.
Avec son script, Duchovny désirait rendre une sorte d'hommage à ces histoires de tous ces joueurs noires qui ont défié le racisme simplement en pratiquant le sport qu'ils affectionnaient. En effet, à l'époque de l'écriture de l'épisode, les USA ont assisté à un regain d'intérêt pour l'histoire des ligues noires qui, malgré l'adversité, ont continué à jouer. Le sujet a été fréquemment abordé par divers médias.

Plusieurs années se sont écoulées avant que l'acteur vedette commence à envisager d'écrire son propre scénario. Il se confia sur son manque de confiance initial qui l'empêcha de pleinement se lancer dans l'aventure. Il aura fallu attendre la saison 6 pour qu'il acquiert la confiance nécessaire pour s'essayer à la réalisation. Pour être plus précis, c'est à l'automne 1998 que Duchovny alla à la rencontre de Chris Carter pour parler de son futur scénario. Les deux hommes étaient de fervents fans de baseball, et ils partageaient le même désir de centrer un épisode autour de ce sport, mais ils n'avaient jamais réussi à trouver une idée convenable. Ce n'est que lorsque la star tomba sur un article de journal qu'il eut la première esquisse, exactement comme Mulder en début de l'épisode qui se lance dans l'enquête grâce à un article de journal. En effet, l'écrivain repéra le nom de Joe Bauman, un joueur de ligue mineure. En 1954, l'homme était propriétaire d'une station-service et ancien joueur des Roswell Rockets qui réalisa d'incroyables scores au baseball. Duchovny trouva ça hilarant que l'ancien joueur jouait à Roswell. Et il se dit "Et si ce type était un extraterrestre ? Il frappe 70 home runs et c'est un extraterrestre. Voilà mon histoire: on a un joueur de baseball extraterrestre". Il a ensuite expliqué l'idée à sa femme, puis le lendemain, au réveil, il lui a dit: "Et si ce type était noir, extraterrestre, et qu'il était noir parce qu'il ne voulait pas devenir pro, par peur d'être découvert ?" Le reste s'est enchaîné rapidement. L'origine ethnique d'Exley a dicté la structure en flashbacks du récit. Comme le décrit Duchovny: "Une fois Exley devenu noir, l'histoire n 'aurait eu aucun sens si elle se déroulait après l'intégration du baseball, car après son intégration, il aurait été découvert, qu'il le veuille ou non. J'ai aimé le sentiment de perte inhérent à l'héritage des joueurs noirs de ce pays. Il y avait des joueurs dont on ignore le nom, qui étaient tout aussi bons que Babe Ruth, Lou Gehrig et tous les autres. Josh Gibson était le prototype du joueur de baseball de la Negro League qui n'a jamais eu l'occasion de prouver au monde son talent. J'ai donc aimé cette idée d'une histoire invisible, inconnue de tous. Mais ce n'était pas quelque chose que je pouvais faire dans une histoire se déroulant au présent." La suite s'est parfaitement bien goupillé. L'acteur-scénariste intégra des éléments de la mythologie, puis a trouvé logique de réintroduire Arthur Dales afin de ne pas à avoir à introduire un nouveau personnage, avec la présentation qui va avec. L'intrigue pouvait directement passer à l'essentiel. Duchovny a écrit le scénario sans aucune aide. Il n'a pas eu de mal à structurer son récit en quatre actes. Car, oui, X-Files est conçu avec un système narratif bien structuré. Ses nombreux apports scénaristiques au cours des cinq années précédentes lui ont été d'une grande aide.
Grâce aux nombreux retours de Chris Carter et Frank Spotnitz, Duchovny se décida de le mettre lui même en boite. Le showrunner était très satisfait du travail de son acteur. A ce sujet, il ajouta: "David est un excellent scénariste. Cela l'aide autant comme acteur que comme réalisateur. C'est un conteur né. Je regrette seulement de ne pas avoir utilisé ses talents plus tôt." 
Lorsque Gillian Anderson a appris que son partenaire allait concevoir son propre épisode, elle a plaisanté en disant: "Je suppose que je vais devoir faire attention à le féliciter et à ne pas lui trouver trop de défauts. Quand le scénariste et réalisateur est aussi la co-star, c'est un ennemi assez redoutable à se faire !" Mais l'actrice était particulièrement fier du travail et du comportement de son partenaire, durant tout le processus.

L'équipe a de bons souvenirs de ce nouveau réalisateur né. A son sujet, Ilt Jones, le régisseur d'extérieurs décrivit l'acteur: "C'était agréable de voir à quel point il était humble. Vous savez, j'ai déjà travaillé avec des réalisateurs débutants, et parfois ils essaient de vous mentir, de vous faire croire qu'ils en savent plus qu'ils n'en savent réellement. Pas David. Ayant travaillé dans le milieu, il connaissait évidemment beaucoup de choses sur le cinéma, mais il n'avait jamais peur de le montrer lorsqu'il réalisait quelque chose pour la toute première fois. Ce qui était aussi intéressant, c'était de voir à quel point ce type était une éponge. Je me souviens l'avoir entendu parler le premier jouer de la période de huit jours de préparation, puis le dernier, et avoir réalisé qu'il avait radicalement changé et qu'il comprenait soudain les rouages de la mise en scène." Duchovny remercia également Kim Manners, Rob Bowman et Barry Thomas, son premier assistant réalisateur, de l'avoir aidé en prodiguant de précieux conseils. Michael Watkins également épaula l'acteur tout du long.
La scène dans le stade de baseball, dans le flashback a nécessité l'aide de fans locaux qui ont pu assister à la séquence, avec des costumes d'époque. Pareillement, des fans figurants ont pu suivre le tournage de la scène finale entre Mulder et Scully. Les fans ont rapporté que les deux acteurs s'étaient échauffés à la batte, pendant un bon moment. Des témoins ont rapporté un passage filmé, mais n'apparaissant pas dans le montage final, qui montrait Mulder touché au derrière par une balle lancée. Pendant qu'il hurlait de douleur, Scully lui demanda: "Mulder, clarifie-moi quelque chose. Tu es vraiment censé frapper la balle avec ton derrière ?"
Duchvony a vu dans les deux scènes entre Mulder et Scully, l'occasion d'écrire quelque chose de chaleureux et très éloigné de leurs dialogues habituels: "J'en avais assez d'entendre la conversation entre Mulder et Scully, où Scully disait: "Hé bien, je suis scientifique. Je crois en la science, et la science me le dit", et Mulder répondait: "Hé bien, je suis mon instinct. Mon instinct me le dit". Je voulais qu'ils aient une conversation où qu'ils soient réellement dans leur dialogue plutôt que de dire qui ils sont".
L'acteur ajouta ensuite que son contrôle total dans l'épisode lui a permis d'offrir de chouettes scène à jouer pour sa partenaire à l'écran.
Jesse L. Martin a de super souvenirs du tournage, et de Duchovny. Il décrivit même une mignonne anecdote dessus: "Duchovny m'a même donné son manteau un soir où il faisait très froid. J'étais là, debout, essayant de faire le malin, d'être macho et de ne pas frissonner, mais je tremblais terriblement, et il m'a donné son manteau. C'était très gentil."

The Unnatural connut un succès fulgurant auprès des fans de la série. Pourtant, l'épisode aurait largement été une cible facile pour les détracteurs des "X-Files Lite". A ce sujet, l'acteur raconta: "Dans la saison 6, il y a eu quatre ou cinq épisodes fantaisistes ou drôles d'affilée, et certains fans se sont plaints. Ce n'est pas venu d'en haut. C'est arrivé comme ça. ça n 'avait rien à voir avec le déménagement à Los Angeles. Je pense que c'était plutôt lié au fait que la série en était à sa sixième année. On devient auto-référentiel. On commence à faire des clins d'oeil au public, d'une certaine manière, simplement parce qu'on a une histoire avec lui. [...] La série est difficile à écrire, et quand les scénaristes ont une idée, ils remercient Dieu. Ils ne se disent pas "Mais pourriez vous m'en envoyer une moins fantaisiste ?" Ils sont simplement reconnaissant d'avoir une idée qui fonctionnera et qui leur permettra d'écrire. Oui, j'ai trouvé The Unnatural fantaisiste. Mais je l'ai aussi trouvé émouvant et très sérieux, à un niveau qui, pour moi, était allégorique et significatif."
Mis à part les fans, The Unnatural a reçu des critiques très élogieuses, dont celle du New York Daily News. 
C'est une jolie histoire d'amitié contre nature entre un flic et un alien. Une jolie fable allégorique qui fonctionne diablement bien. Je pense qu'il s'agit sans hésiter d'un des meilleurs segments de la saison.




20. THREE OF A KIND (Brelan d'As)

Three of A Kind est sur le papier est plutôt excitant. Il continue sur la voie de l'expérimentation, mais surtout il permet de conclure l'arc initié par Unusual Suspect, la saison précédente. A dire vrai, ce dernier n'avait pas nécessairement besoin d'une séquelle. Peut être même que Vince Gilligan et John Shiban, scénaristes de l'épisode, n'y auraient jamais songé si les problèmes de production ne les avaient pas poussé à imaginer une suite. En effet, David Duchovny était encore occupé sur son The Unnatural, donnant le champ libre à quelques apparition de Gillian Anderson pour le chapitre suivant. D'où cette idée de placer une nouvelle fois les Lone Gunmen comme personnages centraux d'une intrigue. Hormis un teaser superbement mis en images, Three of a Kind est un épisode finalement assez oubliable. Le pitch est pourtant rigolo: Placer Byers, Langly et Frohike à Las Vegas, pour les voir retomber sur Susanne Modeski, la femme qui est indirectement responsable de la création du trio, aurait pu donner lieu à un chouette segment. Mais finalement, le segment donne la désagréable sensation de servir de remplissage, pour combler artificiellement l'absence des deux stars. Certes, on pouvait considérer Unusual Suspects comme un épisode "bouche-trous" également. Ce dernier a été conçu justement pour palier l'absence des deux vedettes (même si on a un peu de Mulder). Cela dit, Vince Gilligan avait réussi à rendre son script très efficace et même pertinent. Il est amusant de constater que les deux épisodes se répondent: Three of a Kind se déroule dans le présent, et place le trio dans une ambiance nocturne à Los Angeles. Ils recherchent activement Modeski, et bénéficient de l'aide de Dana Scully. Unusual Suspects est construit sous forme d'un flashback géant, et place ses personnages majoritairement en plein jour. Susanne Modeski va à leur rencontre, et Mulder joue un rôle important. Ce dernier a été le troisième épisode de la saison 5, tandis que Three of A Kind est le troisième épisode avant la conclusion de la saison 6. Mais l'un des attraits d'Unusual Suspects résidaient dans la formation du trio, ainsi que de leur rencontre avec Fox Mulder. Ce postulat donnait du poids à l'ensemble, et l'intrigue revêtait une importance considérables sur tous les acteurs à l'oeuvre dans l'histoire. Grosso modo, ce segment flashback donnait une saveur supplémentaire à chacune de leurs apparitions ultérieures. Three of Kind ne bénéficient pas du même intérêt. Intrinsèquement, on n'a pas l'impression que les Lone Gunmen, ni même Scully, pourront être impactés par les événements relatés de cette nouvelle intrigue. On peut vraisemblablement supposer que lors de l'élaboration d'Unusual Suspects, Vince Gilligan était encore frais. Ce fut le premier épisode de la saison 5 à être produit. Three of a Kind est l'un des derniers. A ce stade, l'équipe est éreintée, et les scénaristes ont épuisé leur stock d'idées. 

Le seul réel apport de l'épisode résident dans la révélation que Byers n'a jamais cessé de rechercher la trace de Susanne Modeski. Il suggère que, hors champ, il continuait d'espérer qu'elle soit encore en vie. Bien entendu, Three of A Kind est l'occasion de rouvrir les blessures de ce pauvre homme au coeur brisé. Il retrouve donc la femme à Las Vegas, mais elle est cependant accompagnée. En outre, il semblerait qu'elle soit devenue une agent secret du gouvernement. Son personnage a évolué depuis sa dernière apparition, ce qui constitue un des points d'intrigue les plus intéressants selon moi. En outre, l'épisode contient quelques petites touchantes sympathiques ici et là, comme la compassion de Frohike qui resplendit, par exemple, lorsqu'il demande comment va Byers. C'est également lui qui protège Scully, lorsqu'elle a été drogué, et qu'elle "allume" plusieurs hommes. Un moment très étrange, mais un peu rigolo car la séquence brille par la présence de Morris Fletcher, l'invité spécial des deux Dreamland. La claque aux fesses que se permet Scully sur ce dernier est un rappel amusant. Mais très honnêtement, hormis les passages de notre héroïne, Three of A Kind n'est pas très drôle. Et c'est probablement un de ses principaux problèmes. S'il avait été amusant, on aurait pu passer outre son aspect "jetable". Pour ne rien arranger, il se situe après The Unnatural qui, lui, proposait de vrais moments drôles, en plus de les intégrer à une histoire largement plus captivante. Il est tout de même dommage que le passage qui soit le plus haletant soit la brève apparition de Michael McKean. Un passage amusant notamment parce que Gilligan excelle dans la continuité du show.
Après, malgré son côté dispensable, Three of A Kind n'en demeure pas moins désagréable. C'est toujours avec plaisir de voir les Lone Gunmen interagir, et déambuler dans un casino. Mais comme dit plus haut, on y sent l'épisode accidenté, qui a été livré par désespoir plutôt que mué par une réelle motivation. Il s'agit d'un petit segment plus ou moins fonctionnel. Il intéressant de noter que c'est cet épisode, et non Unusual Suspects, qui servira de base pour l'élaboration de la série spin off centrée sur les Lone Gunmen. L'échec relatif de ce segment est d'autant plus frustrant que l'incroyable plan séquence du pré-générique préfigurait quelque chose de nettement plus ambitieux. Le rêve de Byers constituait même un ancrage émotionnel qui manque cruellement au reste du métrage. La vision de ce dernier, perdu dans le désert, après avoir cru vivre une vie tranquille avec Susanne, octroie un sentiment doux amer. L'utilisation du plan séquence rejoint exactement celle de Triangle, à savoir créer un sentiment d'irréalité, soulignant le caractère onirique de ces scènes.

Après le déménagement à Los Angeles, les trois acteurs qui incarnaient le trio de geeks étaient incertains de leur avenir dans la série. Ils étaient apparus dans Triangle et One Son, mais ils ignoraient si leurs personnages allaient apparaître bien plus. Pourtant, ils étaient toujours aussi populaire auprès des fans, mais aussi de l'équipe. L'absence de David Duchovny motiva Gilligan et Shiban de revenir sur les intrigues non résolues d'Unusual Suspects. Gilligan expliqua qu'il avait beaucoup réfléchi à ce qui était arrivé à Susanne Modeski, après qu'elle soit entrée dans la voiture avec Mr.X. Les deux auteurs adoraient l'idée d'introduire les Lone Gunmen dans un casino, et les voir courir dedans. De surcroit, ils appréciaient les placer dans "la ville la plus surveillée du monde", de quoi revenir sur les thèmes du secret et de l'observation.
Les deux écrivains ont admis avoir écrit les scènes où Scully se transforme en "bimbo" pour révéler au monde le sourire éclatant et le rire inhabituel de Gillian Anderson. Un rire qui retentissait très régulièrement pourtant sur les tournages d'X-Files.
Charles Rocket, qui joue ici le mystérieux Ellis, est le quatrième acteur de la saison à avoir eu une apparition au Saturday Night Live. Malheureusement, en 2005, le corps de l'acteur a été retrouvé par la police, dans son jardin. Il avait la gorge tranchée. Sa mort a été déclarée comme un suicide.
Quelle conclusion horrible pour conclure sur un épisode oubliable, mais aucunement honteux. Oui car, finalement, Three of A Kind n'est pas terrible, mais il se déroule sans déplaisir non plus. Il souffre juste d'un scénario peu palpitant et d'un humour parfois embarrassant, hormis deux ou trois séquences. De plus, il se montre finalement peu concluant. Gilligan désirait revenir sur des arcs non résolues dans Unusual Suspects mais, en fait, je ne vois pas en quoi les événements relatés avaient besoin d'une conclusion. Bien entendu, l'épisode souffre d'arriver très tardivement dans une saison qui contient des loners bien plus drôles que lui.




21. FIELD TRIP (Spores)

Voici une oeuvre résolument crépusculaire et très surprenant. Field Trip est judicieusement placé dans la saison qui l'accueille. Effectivement, il fonctionne extrêmement bien comme une synthèse de la saison: Il revient sur les thèmes qui ont parcouru toute l'année. On pourrait même dire qu'il aurait fait un excellent dernier épisode isolé de toute la série. Le titre "Field Trip" évoque même la notion de voyage. Le voyage intérieur que Mulder et Scully effectuent durant la durée du métrage. Dans cette nouvelle intrigue, ils sont confrontés, et même absorbés, par un champignon géant qui leur provoque des hallucinations terribles L'épisode est tourné de façon à ce qu'on soit totalement déboussolé par ce qu'il se passe. A ce titre, le teaser est absolument terrifiant. Je pense que c'est une des mises en bouche qui m'a le plus stressé de toute la série. Et pourtant, on ne comprend pas grand chose. Concrètement, nous voyons juste un couple de randonneurs, Angela et Wallace Schiff qui rentrent chez eux, après une journée éreintantes. Cependant, lorsqu'elle se lave, Angela est pris d'une étrange hallucination qui lui fait voir uns substance jaunâtre coulant le long de la salle de bain. Quand elle se couche dans les bras de son compagnon, elle semble inquiète. Ensuite, la caméra effectue un panoramique arrière du couple enlacé, puis un fondu qui montre deux squelettes dans un champ, dans la même position que les Schiff. Un teaser des plus intrigants. Bien entendu, ensuite, nous voyons les deux agents enquêter sur cette très étrange affaire.
Plusieurs critiques ont noté que le scénario agissait comme un double négatif de Bad Blood, mais en beaucoup plus sérieux et angoissant. En effet, à l'instar de cet épisode humoristique, Field Trip dépeint les points de vue contrastés de Mulder et Scully. Pareillement, il n'est pas non plus déconnant d'y dresser un parallèle avec Folie à Deux qui, lui aussi, représentait le dernier loner de la saison précédente. Et les deux récits mettaient en relief la fiabilité du lien qui unit Mulder et Scully.

Field Trip est une réussite totale, et qui fonctionne à plusieurs niveaux. Tout d'abord, c'est une oeuvre résolument angoissante. Les séquences cauchemardesques arrivent à être atmosphériques et étranges. Pourtant, elles ne contiennent pas d'éléments farfelus, puisque la plante qui dévore ses victimes fait en sorte à ce que les "rêveurs" croient en leurs hallucinations. Il faut que ce qui est relaté soit crédible.
Après le teaser, nous voyons Mulder présenter à Scully un des fameux diaporama habituel. Une première depuis Bad Blood justement. La séquence insiste beaucoup sur son aspect mécanique et routinier: Mulder lui explique l'affaire mystérieuse et Scully se montre réticente à y déceler le moindre élément pertinent. Elle soupire même en lui demandant de ne pas tout rapporter aux OVNIs ou Big Foot. Mais tout à coup, Mulder arrête tout de suite sa partenaire froidement pour lui souligner à quel point son refus de croire commence à devenir ridicule. Il conclut même qu'après six ans ensemble, il ne s'est pratiquement jamais trompé. Elle pourrait donc décemment lui accorder le bénéfice du doute. Mulder a l'air de prendre son scepticisme personnellement ici. La scène surprend par sa soudaineté et sa franchise. On a l'impression que c'est la série qui s'examine ici. Bien entendu, c'est également une parfaite introduction à l'une des thématiques fortes de l'épisode, puisqu'ils vont devoir se faire mutuellement confiance pour réussir à surmonter les hallucinations respectives qu'ils vont subir. Mulder et Scully vont venir à se percevoir et à se percevoir l'un l'autre. A côté de cela, l'épisode semble conscient de sa nature fictionnelle. En d'autres termes, il s'agit d'une méditation sur la durabilité, ainsi que sur le succès de la série. Mulder et Scully se retrouvent piégés dans une réalité alternative. A plusieurs reprises, ils déduisent qu'ils évoluent dans une oeuvre fictive, avec son lot d'incohérences. Ils sont piégés dans une série télévisée qui les oblige à effectuer inlassablement les mêmes actions. L'introduction de l'enquête en est le parfait exemple, où les deux personnages se chamaillent au sujet des règles établies d'X-Files. Scully apparaît blasée, puis, comme nous l'avons vu, Mulder se vexe. Ils se lassent tout simplement. Les deux n'arrivent donc pas à s'extirper de la boucle dans laquelle ils perdurent éternellement. Monday incluait une boucle temporelle, mais Field Trip délivre un cycle malheureusement dénué de fantaisie. Les choses semblent se répéter sans arrêt. On en revient donc sur l'immortalité de la série qui semble planer sur les deux agents. 

Plus tard, lorsqu'ils se font dévorer par le gros champignon, ils déduisent la nature de ce qui se passe, et de ce qui cloche. Dans un niveau méta, la forme fongique serait une sorte de scénariste qui manipule ses personnages comme des marionnettes. De surcroit, elle se nourrit d'eux, comme un écrivain s'abreuve de mots. Dans cet univers fictif, Mulder et Scully commencent à se rendre compte qu'ils sont prisonniers de visions délirantes, ou bien, dans un tout autre niveau, comprennent qu'ils deviennent conscience qu'ils sont les protagonistes d'une série. Plusieurs fois, les deux reconnaissent les trous de l'intrigue, comme quand Scully qui demande à son partenaire pourquoi il frappe à la porte de son propre appartement avant d'entrer. Autre fait amusant, elle l'interroge sur comment il est parvenu jusqu'à chez lui, avant de réaliser qu'elle non plus ne s'en souvient pas. Une jolie note sur la nature des ellipses dans les fictions télévisuelles. On a le sentiment que les deux se demandent ce qu'ils font hors champ. Un peu plus loin, les deux rebondissent sur d'autres aberrances scénaristiques. Lors du dernier acte, Mulder souligne le caractère artificielle et expéditif de la fin. Pareillement, lorsque les deux se retrouvent dans le bureau de Skinner, Mulder se demande pourquoi ils n'ont pas de traces, ni de réelles blessures provoquées par le champignon, comme une façon d'insister sur le fait que les héros d'une série n'ont que peu de séquelles de leurs aventures.
Parallèlement, Field Trip introduit un autre couple de substitution, celui de Wallace et Angela, qui agit comme un miroir à celui formé par notre duo. Le fait que lui soit grand et brun et que elle soit petite et rousse n'est pas un hasard. Tout du long, la saison 6 n'a cessé de se délecter de sous entendre que Mulder et Scully forment un couple romantique. Certaines phrases prononcées par Wallace et Angela, dès le teaser, évoquent clairement la dynamique entre nos deux agents. Encore plus troublant, lorsque Mulder les découvrent dans la grotte, on a l'impression que le couple rejoue certains événements que nos deux héros ont vécu, comme l'enlèvement extraterrestre de Scully. Bien entendu, c'est logique que toute cette séquences soit étrangement familière, car elle est supposée refléter certains souvenirs de Mulder, nés de son subconscient.

Le plus troublant est que Field Trip s'efforce de proposer deux fins alternatives à la série, sous forme de voyage final. Néanmoins, chacun des deux personnages est invité à "vivre" l'expérience de son autre moitié viscéralement: Mulder est convié à entrer dans les hallucinations de Scully et vice versa. En d'autres termes, la relation entre les deux personnages est tellement consolidée que l'un peut voir à travers les yeux de l'autre. Ils ont beau se montrer lasser et se disputer au début dans l'introduction, l'intrigue ne trouve une résolution que lorsque les deux héros partagent leurs points de vue respectifs.
Le plus malheureux est que Field Trip suggère qu'il est impossible de proposer une fin qui satisfasse Mulder et Scully en même temps. Par exemple, le dénouement du premier se révèle plus lumineux que celui de la vision de Scully. Dans sa "fin", Mulder a trouvé ce qu'il cherchait. Il finit sa quête de la Vérité en ayant une expérience d'enlèvement extraterrestre, puis il en ramène un chez lui pour le montrer à Scully. Le point culminant présente cette dernière stupéfaite, avant de délivrer ses aveux à son partenaire, en lui expliquant qu'il a toujours eu raison et qu'elle avait tort. Un moment que Mulder n'espérait plus assister. En revanche, la fin de Scully se révèle sinistre: Elle révèle la mort de son coéquipier. Et l'ironie dans cette version est que le monde se range du côté de l'avis de Scully. Elle évolue dans un X-Files alternatif dans lequel la découverte des restes de Mulder trouve une explication rationnelle et logique. Un univers sans mystère, sans fantaisie, où Skinner approuve ses conclusions et, pire, les Lone Gunmen sont d'accords avec elle. La fin réaliste de Scully se révèle donc profondément pessimiste et malheureuse. Lorsque j'ai vu l'épisode la première fois, j'avais cette sensation d'avoir deux fins différentes d'un jeu vidéo, façon Silent Hill: Une conclusion lorsqu'on jouait Mulder, et une autre quand on terminait avec Scully. On en revient donc à l'aspect très ludique de la sixième saison, d'ailleurs.

Cela dit, Field Trip tente d'exprimer le fait que satisfaire les deux personnages serait une impasse. Au lieu de ne choisir qu'un seul dénouement, l'épisode se permet d'en proposer deux très différents. En résumé, la conclusion de Mulder va de pair avec la mentalité optimiste, et enclin à croire aux merveilleux. Néanmoins, l'aveu final de Scully vient briser son délire. En effet, un tel monde causerait un tort considérable pour le personnage de Scully. Ce serait un monde qui ne laisserait pas du tout la place à la science. Et Mulder a besoin de la science pour progresser. C'est encore pire pour sa coéquipière car, dans sa version d'un monde réaliste, Field Trip suggère que Mulder devrait être carrément mort. Un tel monde sans paranormal voudrait dire qu'il n'y aurait pas de place pour un personnage comme Mulder. Il n'aurait pas de raison d'être.
Cependant, les deux personnages arrivent à se démener de leurs étranges hallucinations à force de remettre en doute leur propre "fin". Mulder est troublé par certaines déclarations de Wallace et Angela, mais le coup de grâce est qu'il est choqué du comportement de Scully. Dans son monde, cette dernière se dresse contre toutes les personnages qui ont l'air de corroborer ses conclusions de la mort de son coéquipier. Grosso modo, dans sa vision, Mulder découvre la supercherie en adoptant la manière de penser de Scully, tandis que cette dernière doit trouver une explication alternative comme le ferait son partenaire, en temps normal. En définitif, ce n'est qu'en se mettant à la place de l'autre qu'ils arrivent à ne pas se laisser berner pas ces univers fictifs. Field Trip démontre que les deux doivent concilier leurs points de vue pour progresser efficacement. Le récit a beau mettre en lumière l'aspect routinier de la structure X-Files et la lassitude des deux agents, son dénouement révèle au grand jour à quel point les deux personnalités ont évolué au cours de ces années ensemble. Mulder est accepte plus volontiers à remettre en question ses croyances, tandis que Scully laisse plus de place en des explications plus irrationnelles. Leurs caractères sont compatibles. A un autre niveau, il continue de montrer à quel point Scully accepte d'épouser son point de vue, exactement comme elle l'avait fait dans Folie à Deux, puis Tithonus.

A titre personnel, Field Trip est un des épisodes les plus effrayants de la série. Et c'est amusant qu'il soit placé dans une saison aussi chelou. Cela dit, son concept audacieux et ses thématiques font qu'il réside à la meilleure place. Kim Manners est le réalisateur qu'il fallait pour mélanger ambiance éthérée et séquences flippantes.  C'est Frank Spotnitz qui est crédité en tant que scénaristes, mais il a été épaulé par ses compères John Shiban et Vince Gilligan. L'auteur se souvient des nombreuses transformations du scripts. A l'origine, il s'agissait d'une histoire centrée sur Mulder coincé dans une grotte avec un monstre. Ensuite, ça a été Mulder et Scully piégés sous terre. Puis, ils se croyaient coincés l'un l'autre, et seul Mulder comprenait peu à peu ce qu'il se passait. Spotnitz relata ensuite: "Et soudain, tout le monde s'est emballé. Car nous n'avions jamais vraiment réalisé de X-Files comme celui-ci. Nous pouvions explorer les différences entre Mulder et Scully, en observant les extrêmes de leurs deux hallucinations - une version plus sérieuse de ce que nous avions fait de manière comique dans Bad Blood." Au sujet du processus d'écriture, il précisa: "Une autre chose très importante que nous avons faite était de veiller à ce que le public ne pense pas que Mulder et Scully n'étaient pas vraiment en danger, que tout cela n'était qu'un rêve, comme toute cette saison de Dallas il y a quelques années. C'est pourquoi nous avons veillé à ce qu'ils comprennent que la substance visqueuse du champignon les tuerait s'ils ne comprenaient pas ce qui se passait." Spotnitz fut ravi de la collaboration avec Shiban et Gilligan, car il craignait que le scénario ne soit trop alambiqué pour le public. Ses deux comparses l'ont aidé à rendre l'intrigue beaucoup plus limpide.
Parallèlement, le chercheur Lee Smith passa une semaine à consulter des botanistes et des mycologues, pour en apprendre plus sur un potentiel champignon géant de 200 hectares.
Field Trip possède d'incroyables effets spéciaux de Scully et Mulder coincés dans le champignon. En revanche, il est vrai que lorsque les deux stars fondent, les effets numériques ne sont pas supra convaincants. A ce sujet, Bill Millar, producteur des effets spéciaux expliqua: "Lorsque nous avons examiné nos premiers tests, nous avons réalisé que nous ne pourrions pas faire fondre Mulder et Scully sans difficulté, car David et Gillian ne pouvaient pas simplement fondre. Ils devaient fondre comme des stars de cinéma, sans paraître grotesque, sans paraître comique [...] Nous avons donc recommencé et, en utilisant les mêmes données, nous avons réalisé une fusion de pointe où des parties d'eux ont fondu et se sont transformées en la substance visqueuse souterraine. Cette substance se serait infiltrée le long de leurs corps, laissant leurs traits du visage intacts jusqu'aà ce que la substance les rattrape."
Gillian Anderson et David Duchovny passaient des heures à être recouvert d'une substance verdâtre. Ils en avaient sur les yeux, les oreilles et les cheveux. Harry Bring, directeur de production de la seconde équipe, fut émerveillé par l'acceptation irréprochable de ces conditions de travail par les deux vedettes.
Lorsqu'ils ont écrit leur scénario, Vince Gilligan appréhendait de devoir annoncer aux deux acteurs: "J'avais vraiment peur quand on a tourné cet épisode, de recevoir un appel de David ou Gillian: "C'est quoi ce bordel ? Vous croyez que je vais me retrouver couvert de glu et m'allonger dans un trou au milieu d'un champ ?" Hé bien, on a juste entendu dire qu'il y avait eu des grognements bienveillants, mais le jour du tournage, ils ne se sont pas plaints du tout."
Comme il s'agit principalement d'un blog de jeux vidéo, il me semblait important de noter que l'épisode a utilisé des effets sonores du premier Star Craft. Hé oui !
En définitif, Field Trip constitue un des sommets de la saison, voir de la série. Il propose une intrigue subtile et alambiquée. Le plan final de Mulder et Scully, blessés, se tenant la main demeure une image symbolique du lien puissant qui les unit. Cette conclusion démontre qu'ils ont affronté cette situation ensemble, en mélangeant leurs esprits. Cet épisode aurait carrément pu constituer le meilleur dernier loner de X-Files. Il suggère désormais une parfaite harmonie entre les deux protagonistes.




22. BIOGENESIS (Biogénèse)

Le grand final de la saison arrive. Et même si Two Fathers et One Son ont refermé l'arc mythique, Biogenesis suggère qu'il y a encore des choses à raconter dans ce grand fil rouge. Bien entendu, l'épisode lui même l'explique frontalement via un dialogue entre ses deux personnages principaux. Au début, Scully se demande encore ce qui motive Mulder, étant donné qu'il a fini par démasquer le syndicat et leurs agissements. Ce à quoi ce dernier répond qu'il lui reste à retrouver sa soeur. A l'époque, sa réponse m'avait surpris car, pour moi, One Son révélait l'essentiel. Je me disais juste "Oh bah elle a été une monnaie d'échange et a été enlevé. Point". Je ne pensais pas qu'il y avait matière à en révéler davantage. Finalement, l'épisode ne revient absolument pas sur l'arc de Samantha. La réponse de Mulder semble être une justification de Chris Carter pour continuer d'explorer la mythologie.
A priori, on peut aisément comprendre pourquoi l'équipe désire toujours continuer l'arc mythique. Il s'agit toujours d'une partie intégrante de l'ADN d'X-Files. Une portion non négligeable du succès de la série lui est imputé. Privée de ses conspirations, des ses aliens et de ses hommes en noir qui cachent la vérité, la série serait bien différente. En outre, comment conclure une saison sans un traditionnel cliffhanger axé sur le mytharc ? Partant d'un tel constat, on peut comprendre que Chris Carter ne se sentait pas à l'aise de totalement abandonner la mythologie, même s'il l'avait évacué avec Two Fathers et One Son.
On débute le visionnage de Biogenesis d'abord en curieux: En effet, après avoir clôturé une bonne partie des arcs narratifs du mytharc, et avoir littéralement provoquer la chute du syndicat, que restait-il concrètement à raconter à ce stade ? Hé bien, il subsiste quelques tiroirs questions qui n'ont pas été totalement vidés. Biogenesis, ainsi que les deux épisodes d'ouverture de la saison 7, The Sixth Extinction et Amor Fati forment une trilogie du mytharc qui revient carrément sur les origines de l'humanité. Rien que ça. A vrai dire, ce sont des idées qui ont déjà été suggéré depuis le début de la saison 1, via Deep Throat et la mystérieuse phrase que l'informateur éponyme déclare à Mulder: "Monsieur Mulder, ils sont parmi nous depuis la nuit des temps." Bien entendu, à cette époque, ce n'était qu'une déclaration finale servant à alimenter le mystère d'une toute nouvelle et jeune série, qui n'espérait probablement pas survivre durant six saisons. Pourtant, ces idées sur l'origine de la vie ont perduré par petites vagues, tout au long de la série. Plus concrètement, la série a souvent établi que la quête de vérité de Mulder pouvait être comparée à une croyance religieuse, comme l'atteste le plan final de Conduit qui voyait notre agent, dans une église, pleurer la disparition de sa soeur. En outre, les aliens ont régulièrement été dépeints comme des divinités. Plus récemment, ce fut le cas dans Patient X, mais dès la saison 2, Fearful Symmetry démontrait que les extraterrestres étaient en train de construire leur propre arche de Noé. Gethsemane ébranlait la foi de Mulder, en plus de la comparer frontalement à celle de la catholique Scully. Et enfin, L'Homme Bien Manucuré dans Fight The Future expliquait à Mulder que les aliens étaient présents depuis toujours, faisant donc écho au final de Deep Throat. 
Mais même si Biogenesis est une suite logique à toutes ces thématiques soulevées jusqu'ici, le récit revient surtout sur ce qui avait été suggéré par The End et The Beginning, à savoir que Gibson Praise présentait des anomalies génétiques. En effet, la fin de l'épisode d'ouverture de la saison 6 montrait Scully expliquer à Mulder que le garçon constituait une sorte de chainon manquant. Qu'il était la preuve que nous avions peut être tous des origines extraterrestres. Il était donc logique que la conclusion de la saison revienne sur la révélation de son épisode d'ouverture.

Dans Biogenesis, Mulder et Scully découvrent une artefact aux pouvoirs étranges. Mais le plus bizarre est que notre héros semble se sentir mal en la simple présence d'un croquis dudit objet. Un peu plus tard, il semble capable de lire dans les pensées. Finalement, il détient exactement le même pouvoir que Gibson Praise. De surcroit, il est dit dans The End et The Beginning que l'enfant est "plus humain qu'un humain", en plus d'être en partie extraterrestre. 
Plus globalement, Biogenesis a l'air d'essayer de rassurer son public en conviant tous les survivants de One Son. On y retrouve donc L'Homme à La Cigarette, Alex Krycek, Diana Fowley. Mais il se permet même d'intégrer également Albert Hosteen, la star de la trilogie Anasazi. Oh ! Et comment ne pas mentionner le retour du docteur Chuck Burks qu'on n'avait pas revu depuis Leonard Betts (saison 4). The Sixth Extinction, le premier épisode de la saison 7, invitera même un autre vieil ami. CGB Spender continue de comploter. Krycek est toujours un homme de main qui, entre deux missions, continuent de faire chanter Skinner via les nanomachines de SR 819. Et Diana Fowley semble toujours se trouver là au moment opportun. Mais globalement, ce trio d'épisodes (t'inquiètes pas. Je prends soin de ne pas spoiler les deux premiers segments de la saison 7, si tu découvres la série) explore donc des thèmes qui avaient déjà été exploré, mais pas vraiment développé. Chris Carter se permet d'enfin exposer cette histoire d'origines de l'humanité au sein d'un mytharc au rythme très étrange, mais passionnant. Les auteurs n'ont plus le lourd bagage de toute la mythologie qui commençait à être trop dense. Si Biogenesis était sorti avant Two Fathers et One Son, il aurait sûrement commencé à énerver, même les plus fervents fans. Heureusement, ce grand final agît comme une extension plutôt salutaire. Il vient donc répondre à quelques dernières questions laissées en suspens. A ce titre, il s'appuie même sur des choses qu'on avaient oublié, comme les références à la théorie des anciens extraterrestres esquissée dans Anasazi. Effectivement, Scully reçoit un livre sur les Anasazi et la culture amérindienne "disparue sans laisser de traces". Biogenesis rassure même le public avec l'artefact qui a le même rôle de McGuffin que la cassette numérique de la trilogie précitée, ou que le poinçon extraterrestre de Talitha Cumi. La chute de l'épisode nous montre Mulder sombrer dans la folie et interné en hôpital psychiatrique. Une occasion pour Scully de se transformer en "sauveuse de Mulder" ici. Il est plutôt rafraichissant de voir cette dernière en action, pendant que son collègue est à l'hôpital. C'est un joli renversement après des segments comme Redux II, Memento Mori et même Emily. Bon, évidemment, dans ce dernier exemple, elle tentait d'aider sa fille... avec les yeux tristes.

Plus globalement, le rythme de Biogenesis (et de ses deux suites) est assez particulier. Ce ne sont pas des segments qui misent sur l'élan ou l'action, contrairement à beaucoup de mytharc. Biogenesis est plus réfléchit et lent que tous les season final de toute la série. Et c'est tout à son honneur car aucun autre chapitre mythologique ne propose une telle narration. C'est incontestablement une trilogie unique. Même le cliffhanger qui conclut la saison n'est pas construit autour d'un suspense insoutenable: Le plan final qui montre Scully découvrir l'énorme vaisseau spatial est plus conçu comme un moment d'emphase grandiose. L'équipe aurait pu élaborer une illustration finale choc avec Mulder en hôpital psychiatrique, mais non, elle a préféré terminer l'épisode sur une évocation plus "douce" et grandiloquente. En fait, on a l'impression que Chris Carter a profiter de la pseudo-conclusion de One Son pour partir dans une direction différente ici. Après six ans à construire des mytharcs à suspense, on sent le désir d'user d'une dynamique alternative. En outre, les thématiques soulevées allouent une ambiance plus mystique et poétique à la mythologie qui rejoint la tonalité générale de la saison 6. Comme le projet est en berne et comme il n'y pas d'histoires de colonisation ici, Carter est plus à même d'explorer des thématiques familières mais racontées d'une toute autre façon. C'est assez captivant au final. Auparvant, notre regard était rivé sur les détails du syndicat, et de leur complot avec les colons aliens. Mais Biogenesis va au delà de ces questionnements. Il préfère s'attarder sur le commencement de tout, sur nos origines, sur des notions nettement plus philosophiques et "intangible". C'est évidemment ambitieux, d'autant qu'avec un tel postulat de base, les scénaristes auraient carrément pu se casser les dents. Mais ce segment final a suffisamment de charme pour éviter le ridicule. Mais comme Biogensis aborde des concepts plus abstraits, il est sûrement plus délicat d'échafauder un cliffhanger frontal et direct, surtout avec le rythme proposé ici. Et il est agréable que Carter revienne sur ces questions d'origines qui n'ont été que dessiner sur un coin de table, durant toutes ces années. La fin du syndicat a permis de ne se concentrer que sur cette trilogie d'épisodes qui traite exclusivement de ces questions là. Justement, Biogenesis a des allures de médiations profondes probablement bien adapté, après avoir conclut l'arc du syndicat, plus tôt dans l'année. On se demandait comme Carter allait pouvoir rebondir et il le fait de manière plutôt bien vue. 

Chris Carter a reconnu s'être intéressé à tous ces questionnements depuis un bon moment. Il avait effectué des recherches sur les cinq grandes extinctions, ainsi que les nombreuses spéculations émanant de divers scientifiques. Il s'est alors imaginé: Et s'il existait des preuves que les extraterrestres étaient présentes lors de la création de l'humanité, en même temps que des indices d'une sixième extinction imminente ? Carter se disait que la recherche sur les extraterrestres aurait un fondement scientifique. Et donc, ce serait une occasion unique pour que les croyances de Mulder et le parti pris scientifique de Scully commencent à converger. Et il est vrai qu'un tel postulat aurait pu conclure en beauté la saison 7, si elle avait été l'ultime année d'X-Files.
D'ailleurs, Carter expliqua aussi que très tôt dans la production de la série, il a pu rencontrer un responsable du projet américain de cartographie du génome humain. Il est intéressant que le showrunner utilise plus en détail ses connaissances ici, même si, tout au long de sa création, il n'a de cesse de parler de génétique. Apparemment, Carter avait déjà planché sur une bonne partie du scénario, lorsqu'il était encore à Vancouver.
Frank Spotnitz abonde dans ce sens: "Beaucoup des idées majeures de l'épisode étaient celles dont Chris et moi parlions depuis deux ou trois ans. Il est donc devenu plus facile de les explorer une fois la conspiration dissipée". L'auteur rajouta: "C'était amusant pour nous, en particulier de travailler sur "Biogenesis", car nous avons pu aborder la question des extraterrestres et des humains sous un angle totalement différent. Nous n'avions plus à nous concentrer uniquement sur le pétrole noir et les hommes aux cheveux blancs en train de conspirer. Nous pouvions nous demander : "Et si un vaisseau spatial s'échouait en Afrique et qu'il contenait des passages de la Bible, du Coran et de tous ces textes religieux ? Qu'est-ce que cela signifierait ?" L'un des thèmes qui s'était également développé dans X-Files au fil des ans était le lien entre la recherche des extraterrestres et la quête de Dieu, et leurs similitudes à bien des égards. Elles posent beaucoup des mêmes questions, et leurs réponses – si on pouvait les trouver, elles auraient le même impact profond".
Biogenesis marque une date importante pour David Duchovny. En effet, lui aussi a connu une "génèse", car sa petite fille devait naître durant le tournage de l'épisode. L'acteur était donc tout inquiet et impatient. Heureusement pour lui, son bébé est venu au monde deux jours après la fin du tournage des scènes de Fox Mulder. Rob Bowman, réalisateur du segment, témoigna de l'état d'anxiété de l'acteur à l'arrivée imminente de son premier enfant, ce qui a distrait l'acteur à sa tâche. Pour le metteur en scène il était donc dans le parfait état pour jouer un Mulder également distrait et peu concentré durant tout l'épisode.
Généralement, le grand arc Biogenesis/The Sixth Extinction/Amor Fati a reçu des critiques positives, ce qui a presque étonné Frank Spotnitz. Comme il confessa, il pensait que l'équipe aurait reçu plus de messages de mécontentements, étant donné le sujet épineux de cette trilogie. Effectivement, le scénario suggère que Dieu était quand même extraterrestre, ce qui aurait pu offenser quelques personnes. Mais il est vrai que ce dernier et Chris Carter ont pris soin de traiter la religion avec respect. Cette trilogie devait initialement amorcé la conclusion de la série. Comme la saison 7 aurait dû être la dernière, Carter et sa team ont conçu cet arc comme le début d'un long épilogue. Malheureusement, les plans ne se sont pas déroulés comme prévu.

Biogenesis conclut admirablement bien une saison 6 exemplaire en tout point. Il y a quasiment peu d'épisodes à jeter. A ce stade de vie, c'est miraculeux. Mais cette réussite provient d'un alignement de planètes qui a joué en la faveur du programme. Malheureusement, cette réussite éclatante ne sera pas réitérée pour la saison 7. Comme nous le verrons, cette dernière sera entaché de plusieurs problèmes majeurs: L'excitation et la découverte de la Californie se fera moins ressentir. En cours de route, l'équipe naviguait en eaux troubles, ne sachant pas si la saison 7 serait vraiment la dernière. Il y a également eu un retour au source un peu poussif, juste pour plaire aux allergiques du "X-Files Lite". Et puis tout simplement que 7 ans, c'est long... terriblement long. En outre, la saison 6 avait tout l'air d'être un dernier tour de piste bien plus satisfaisant. Mais un des plus gros soucis proviendra des tensions entre David Duchovny, Chris Carter et la Fox, à cause d'une histoire de procès, d'argent et tout et tout... 

J'espère que ce long dossier sur la saison 6 t'a plu. J'y ai mis beaucoup de coeur dedans, car c'est une saison que j'affectionne particulièrement. Personnellement, elle représente même le sommet de la série, avant la descente (même si j'aime beaucoup la saison 8 aussi). Comme pour les autres saisons, j'ai adoré me replonger dans les coulisses de cette série. Cela m'a grave ramené à mes années collège, et reparler de certains détails m'ont rappelé les guides officiel et les livres de la série que je lisais en boucle. Sache que, avant de m'atteler à l'écriture de la saison 7, je vais faire une petite pause afin de recharger un peu mon esprit. Effectivement, constituer ces dossiers m'ont pris plusieurs mois d'écriture. C'est un travail colossal. Et même si j'ai apprécié l'exercice, c'est assez éreintant. Et je me dis que je serai bien plus frais pour m'attaquer à la saison 7 (et peut être la 8).
Je te fais donc des bisous en attendant, et on se retrouve dans quelques mois pour la saison 7. 

 

PS: Pour mes écrits, je m'appuie énormément sur tous les textes que j'ai pu lire depuis mon adolescence. Il y a de nombreux éléments que je tire de magazines (comme Mad Movies, Generations Series ou encore le magazine X-Files), mais aussi de tous les livres que j'ai pu acheter, notamment les biographies des deux acteurs principaux, mais également les guides officiels et même non-officiels. Par la suite, j'ai pu lire de nombreux dossiers ou articles rétrospectifs sur internet qui ont parfois étudié la série (notamment le site eatthecorner ou les commentaires des DVD, etc...).


Moggy



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