X-Files (Saison 5) + Fight The Future

 X-Files (Saison 5)

+ Fight The Future


La fiche de route est désormais toute tracée: La saison 5 va devoir aboutir au projet Fight The Future. En attendant, cette année marque définitivement l'apogée de la série. Pour preuve, le film est donc presque prêt à débouler dans les salles obscures, et d'éminentes plumes ont prêté main forte à Chris Carter et son équipe, témoignant de l'immense popularité du programme. Pour couronner le tout, la saison a enregistré les meilleures audiences de toute la série, sur le long terme. On tient là une nouvelle salve d'épisodes de très hautes volées, avec une mythologie qui temporise toujours, mais qui, subitement, progresse dans sa seconde partie. Les loners se permettent même certaines expérimentations salutaires. Cependant, on sent tout doucement une certaine routine s'installer. Mais, heureusement, rien de bien méchant. La saison 5 marque également une date importante: elle sera la dernière tournée à Vancouver. La série s'en retrouvera bouleverser, mais ce n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle...

Articles sur les autres saisons:



L'âge d'Or détendue

D'après Chris Carter, David Hasselhoff aurait déclaré qu'il y en avait marre d'X-Files. Qu'il n'y avait pas que X-Files dans la vie. Il est vrai que depuis quelques temps, David Duchovny et Gillian Anderson s'affichaient partout dans les magazines, et ils étaient à la une de tous les journaux. En France, Mad Movies mettait régulièrement la série en avant, car ça leur permettait de booster leurs ventes. A chaque été, c'était souvent l'effervescence chez nous, puisque c'était à ce moment là qu'on pouvait avoir droit à des informations croustillantes sur la nouvelle saison inédite. Parallèlement, plusieurs éléments témoignaient de l'immense popularité de la série, comme l'atteste le single, Extremis, qu'enregistra Gillian Anderson, aux alentours de 1997. Hé oui... Et c'était un délire à cette époque de devoir pousser la chansonnette quand tu cartonnais. Le succès de la série s'est même immiscé au sein du véritable FBI, puisque, lors des visites guidées, les visiteurs demandaient parfois où se trouvait le département des X-Files. Alors que pour les agents, c'est juste une sorte de placard dans lequel sont rangés de vieux dossiers. L'année précédente a même bénéficié de l'ultime consécration: à savoir un épisode des Simpsons entièrement dédié à Mulder et Scully !
Cinq ans... Cinq longues années... Chris Carter a longtemps pensé que sa série aboutirait à une conclusion au terme de la saison 5, pour ensuite muter en franchise cinématographique. Et il est vrai que 5 saisons, c'est pas mal dans la vie d'une série. C'est l'équivalent de déjà 15 ans de vie d'un chat. Cependant, la FOX n'allait pas laisser sa poule aux d'or glisser entre ses doigts. Le showrunner a donc dû prolonger son contrat, mais aussi celui de ses acteurs. En revanche, la saison 5 marque tout de même la fin d'une étape: En effet, comme suscité, elle deviendra la dernière tournée à Vancouver. L'épisode finale s'intitule même "The End" comme pour souligner la fin d'une époque, et comme pour signifier que la série aurait dû se conclure ici.  Ce déménagement prochain a été motivé par la pression de David Duchovny qui désirait se rapprocher de sa femme, Tea Léoni, avec qui il venait de se marier. Les habitants de la ville furent polarisés par cette nouvelle; certains commerçants ont carrément placardés des messages désobligeants du style "Duchovny ! Rentre chez toi !" dans leur enseigne, en guise de mécontentement. Heureusement, une autre partie comprenait que l'acteur souffrait de plus en plus d'être éloigné de sa femme. D'autant plus qu'il avait sacrifié plusieurs années de sa vie sur X-Files.
Les observateurs les plus fins auront probablement remarqué que la cinquième saison ne compte "que" vingt épisodes, donc quatre de moins que toutes les saisons jusqu'ici (à l'exception de la deuxième qui en comportait vingt cinq). Cette "courte" durée a permis au staff d'expérimenter des concepts, ainsi que d'étaler convenablement la production. Plus globalement, cette nouvelle année a été produite de manière résolument plus détendue que la précédente. Il n'y a pas eu le chaos ambiant qui a alimenté la saison 4. Non, les coulisses ici se sont déroulées sans encombres, notamment grâce à des choix d'organisations plus souples: Chris Carter a confié les clefs de Millenium à Glen Morgan et James Wong et le film a été écrit et quasiment tourné. Il n'y a pas eu non plus la valse des épisodes qui a émaillé à de nombreuses reprises la précédente saison, à part un ou deux cas. Bien entendu, des problèmes sont survenus, mais disons que l'équipe ont pu avancer avec une confiance et une assurance qui transparaissent dans les différents épisodes.

Les loners sont aussi riches que variés. Il y en a pour tous les goûts: Chris Carter puis Vince Gilligan reprendront donc le flambeau laissé par Darin Morgan afin de développer leur propre sensibilité humoristique, à travers les étonnants Post Modern Promotheus et Bad Blood. Parallèlement, l'équipe a eu l'immense privilège d'accueillir deux véritables stars pour écrire deux scénarios: Le maitre de l'horreur Stephen King, véritable fan de la série, a pu s'atteler à écrire Chinga. William Gibon, papa du cyberpunk, à de son côté pu concevoir l'étonnant Kill Switch. Ces deux contributions constituent donc un formidable rappel de la popularité du show. Bien évidemment, quelques ombres se dressent sur cette belle année, comme il en arrive ponctuellement. On y trouve même un énorme plantage similaire au fameux Teso Dos Bichos de la saison 3. Mais c'est la tradition: chaque nouvelle salve d'épisodes apporte ses quelques petits dérapages. C'est la vie... Néanmoins, mon ratage ne sera peut être pas le même que le tien, car les fans ne sont clairement pas tous d'accord sur les chapitres les plus faiblards de cette saison. En règle générale, la plupart des gens sont d'accord pour considérer Space (s1) comme nul. Peu de personnes s'extasient sur "3" (s2) ou Excelsis Dei (s2). Même la production s'accorde pour citer Teso Dos Bichos (s3) comme un spectaculaire naufrage. En revanche, le saison 5 a créé des débats sur ses quelques ratés... Rétrospectivement, Chris Carter a déclaré, lors d'une interview, qu'il avait une attache particulière envers cette cinquième saison. En effet, l'artiste se dit ému lorsqu'il évoque cette année là, notamment parce qu'il y a son épisode le plus personnel, à savoir The Post-Modern Prometheus.

Du côté du grand fil rouge, la série doit donc plus que jamais amener au prochain film, à l'instar de la dernière année. Cependant, c'est d'autant plus vrai ici: le développement mythologique doit impérativement servir de prémices au contexte de Fight The Future. Cette manière de procédé va se révéler particulièrement problématique à plus d'un titre. On dirait presque la consigne d'un travail de rédaction qu'on avait à l'école: "Vous connaissez la fin. Maintenant, vous devez imaginer tout ce qui précède". Chris Carter doit donc élaborer ses arcs narratifs encore plus minutieusement qu'auparavant, et il va se planter dans les grandes largeurs. Non pas que la cinquième saison soit raté du côté mytharc. Non, bien au contraire, elle va ironiquement damner le pion à l'intrigue du film. 
En attendant, le début de la saison va venir conclure l'intrigue laissée en suspend par Gethsemane. Les croyances de Mulder étant ébranlées, ce dernier va passer une partie de l'année à douter de l'existence des extraterrestres. Mais le fil rouge va continuer à temporiser en apportant peu de preuves. Le diptyque Christmas Carol et Emily représentent le point de rupture de cette logique, car le mytharc se met carrément en pause. Même si on pouvait déjà reprocher à des segments comme Herrenvolk, Tunguska ou encore Memento Mori de se recentrer presque exclusivement autour de ses personnages, ils permettaient tout de même de distiller des éléments importants, même si nébuleux. Cependant, l'autre gros morceau mytharc de la saison, Patient X et The Red And The Black, donne un giga coup d'accélérateur octroyant un véritable sentiment de progression dans l'intrigue principale. L'équipe créatrice semble même trop zélée, car cet étonnant mytharc se montrera beaucoup plus satisfaisant que le film à venir. Rétrospectivement, l'adaptation au cinéma se retrouvera coincée entre la saison 5 et 6, et vampirisée par ces dernières. A côté de tout ça, de nouveaux protagonistes importants sont introduits, pendant que d'anciennes figures repopent de temps à autre, pour le plus grand plaisir des fans.

Cette cinquième année s'amuse régulièrement à séparer nos deux agents, à plusieurs reprises. Il y a carrément plusieurs épisodes qui mettent en vedette qu'un seul des deux héros. Unusual Suspects et Travelers ne mettent en scène que Mulder. Christmas Carol se concentre exclusivement sur Scully. Chinga ne comporte qu'une poignée de scènes avec Duchovny. Dans les saisons précédentes, ce cas de figure demeurait extrêmement rare. Mais cette séparation se matérialise également sous une dimension plus sentimentale, comme l'attestent The Pine Bluff Variant ou Folie à Deux. Ces astuces scénaristiques ont été justifié par les absences ponctuelles des deux stars. Et cette façon de procédé a très certainement contribué à nous offrir des formats "hors série" comme justement Unusual Suspects et Travelers. Deux rafraîchissants segments construits sous forme d'un flashback géant. Une excuse toute trouvée pour revenir sur les origines des origines, à savoir des événements qui ont eu lieu bien avant le pilot. En effet, la saison 4 appréciait revenir aux fondamentaux de la série, en multipliant les clins d'oeil à la première saison. La saison 5 va s'intéresser à l'origine des X-Files eux même, et notamment traiter les moments où Mulder est tombé dedans. Une excitante manière de broder autour de la chronologie de la série. 
Durant cette année, X-Files est passé en syndication, ce qui signifie que le programme a largement dépassé le seuil du centième épisode, permettant à la chaîne de pouvoir rediffuser la série durant toute l'année. En définitif, la saison 5 constitue donc une solide fournée de chapitres. Et c'est un sacré exploit étant donné la longévité de la série.

De mon côté, j'étais encore giga supra fan de la série, et je n'en pouvais plus d'attendre la saison, comme chaque année. Mais j'ai une affection particulière pour la saison 5 uniquement parce que, juste avant sa diffusion, j'ai pu faire découvrir la série à un copain. Pour parfaire son éducation, chaque mercredi matin, on s'achetait un lot de frites à faire cuire au micro onde, puis on passait la journée à regarder le mytharc, puis quelques loners. Mon copain est vite tombé amoureux de la série et, très vite, il trépignait lui aussi d'impatience de découvrir les nouveaux épisodes. Ma découverte de The End, le grand final de la saison, fut également un moment très particulier, car j'ai découvert l'épisode avec quatre ou cinq autres ami(e)s, eux aussi à fond dans la série. Ce fut une expérience très singulière. L'impression d'être dans un mini événement entre fans, puisqu'on applaudissait quand Mulder balançait une vanne, ou on criait de joie à l'apparition d'un personnage secondaire. Assurément un souvenir très cher et absolument unique dans ma vie. Et il n'aura duré que 45 minutes... avant la fin...




1. REDUX (Le Complot)

Débutons donc tranquillement la saison avec cet épisode d'ouverture qui a la lourde tâche de résoudre le suicide de Mulder, le fameux cliffhanger de l'année précédente. Bien entendu, on s'en doutait, notre héros n'avait pas du tout mis fin à ses jours, mais lui et sa coéquipière ont échafaudé un plan pour simuler sa mort, afin de dénicher la taupe dissimulée au sein du FBI. La même qui discrédite leur travail depuis plus de quatre ans. Scully, de son côté, est convaincue que le traitre est Skinner. A ce stade de la série, il est tout de même délicat de créer un suspense décent autour de la loyauté du patron du FBI, étant donné les risques insensés que le patron a pris pour protéger Scully, notamment dans Memento Mori et surtout Zero Sum. La série devient même lassante à tenter de nous faire douter sur la loyauté de Skinner, surtout à ce niveau là dans l'histoire. Une telle question aurait pu encore se poser en saison 2, mais la trilogie Anasazi a définitivement balayé nos doutes. Déjà que des chapitres comme One Breath et End Game nous avaient déjà clairement suggéré à qui l'homme prêtait allégeance. A la rigueur, le personnage se retrouvait coincé entre son devoir envers ses hautes responsabilités et aider nos deux agents dans leur quête de la vérité. Deux chemins à priori irréconciliables. 
La narration de l'épisode se révèle assez inédite dans la série. En effet, l'intrigue explicite des événements que nous n'avions pas vu au terme de Gethsemane. Des scènes intercalées qui nous ont été caché dans le final de la saison précédente. Comme si Mulder et Scully avait tâché de camoufler leurs méfaits aux spectateurs, comme ils l'ont caché aux conspirateurs. En l'occurence, Redux vient combler les trous scénaristiques de la précédente histoire. Nos deux agents sont donc clairement déterminés à duper ceux qui les espionnent et jouent avec eux depuis si longtemps. Nous avions déjà constater une évolution flagrante de Scully défiant l'autorité, notamment à travers les arcs Tunguska et Terma. Ici, elle ment éhontément à un panel de supérieurs du FBI sans sourciller. Sa compromission et sa détermination ressemblent de plus en plus à celles de Mulder. Elle est prête à élaborer un immense stratagème pour mettre à mal les hautes instances qui les ont manipulé. Rien que pour ça, Redux est fascinant. Il est même amusant de se repasser les tous premiers épisodes, juste après ce triptyque, pour que le changement saute véritablement aux yeux. Redux renforce Gethsemane en démontrant que le méticuleux montage de ce dernier a servi de trompe oeil pour ainsi duper le spectateur. Un second visionnage donne de la puissance supplémentaire au premier segment de cette trilogie, car nous avons à l'esprit toutes les séquences cachées qui se déroulent entre les scènes de l'épisode inaugural. 

Redux est un second segment mytharc qui détonne de par sa structure narrative. En effet, les monologues internes des deux héros occupent une place prépondérante durant tout l'épisode. Chris Carter, adorateur de ces proses violettes, s'en donne à coeur joie, allouant un aspect plus poétique et littéraire à l'ensemble. Cependant, le procédé peut paraître prétentieux, en plus d'alourdir la progression de l'intrigue. Concrètement, pendant ces longues phases de voix off, nous voyons longuement Mulder déambuler dans les couloirs ternes du Pentagone. Ces séquences ne sont pas dénuées d'intérêt, puisque l'homme fait de stupéfiantes découvertes, comme cette immenses salles qui abritent des femmes enlevées et endormies, comme l'a été Scully. En outre, Mulder découvre la mythique pièce dans laquelle L'Homme à La Cigarette cachait des preuves, lors des conclusions du Pilot et de The Erlenmeyer Flask. Des rappels toujours intéressants pour donner du poids à la continuité du grand fil rouge. Ce ne sont pas toujours de simples éléments disparates qu'on ne voit qu'une seule et unique fois. Pour ce qui est des voix off en continue, elles ont leur charme. Certaines critiques ont fustigé cet aspect, le considérant comme lourdingue. Et je peux le comprendre. Mais j'ai toujours apprécié la rythmique qu'elles octroient à l'ensemble. Les monologues permettent aux deux personnages de "se poser", et de réfléchir sur les conséquences émotionnelles de leur quêtes de la vérité. Bien entendu, si Gethsemane ou Redux II avaient proposé un procédé similaire, l'écoeurement aurait sûrement été de mise. Mais les avoir placé judicieusement au beau milieu du triptyque sert de joli pivot narratif, afin de cimenter élégamment le lien entre la première et la dernière partie. Pour rappel, The Blessing Way se montrait lui aussi plus lent et contemplatif par rapport à Anasazi et Paper Clip. Redux propose une idée plus ou moins similaire, mais en rajoutant une surcouche introspective. Evidemment, Chris Carter temporise en faisant courir ses personnages afin de garder ses plus grosses cartouches pour Redux II. Et selon moi, l'effet fonctionne plutôt bien. Néanmoins, l'épisode peut tout de même sembler trop dense en exposition et explications, comme en témoigne la longue tirade de Kritchgau à Mulder, lorsqu'il démystifie plus de 50 ans de mythes sur les OVNIs. Pas inintéressant mais un peu surchargé tout de même. Dans ce même ordre d'idées, revenir sur les mensonges opérés par le gouvernement pour faire croire aux extraterrestres peut paraître un peu poussif à ce stade. L'effet fonctionnait bien mieux dans Gethsemane. Il n'était probablement pas nécessaire d'en remettre une couche, avec un Kritchgau qui se donne autant de mal à prouver au public le bienfondé de ses théories. Contrairement aux multiples lectures de Gethsemane qui donnaient matière à apprécier l'histoire, malgré le caractère "dégonflé" du twist, Redux n'arrive tout simplement pas à ménager cette thématique
Dans les coulisses, on souligna l'exploit de l'acteur John Finn (Michael Kritchgau) qui a dû reciter son colossal monologue face à Mulder. D'après RW Goodwin, le réalisateur du métrage, les lignes de dialogues du personnage ressemblaient "aux pages jaunes" dans le script papier. Plus précisément à un énorme pavé que l'interprète dût mémoriser avant de tout recracher à David Duchovny. Tout le monde retenait son souffle, pendant le tournage de ces scènes. Finn plaisanta par la suite en affirmant que, à chaque fois qu'il omettait son texte, et marquait une pause trop longue, Duchovny répliquait d'un: "Ouais, et après, que s'est-il passé ?" afin de meubler et aider son collègue. Lorsque l'acteur termina sa longue tirade, toute l'équipe le récompensa de chaleureux applaudissements.

A plusieurs reprises, Chris Carter a admis être admiratif du travail d'Oliver Stone. On pourrait clairement identifier Redux et Redux II comme une sorte d'hommage à ce réalisateur. A bien des égards, la longue explication de Kritchgau à Mulder ressemble à certaines séquences du film JFK qui utilisaient également le même procédé de montage. Comme pour éradiquer les éléments les plus extravagants de science fiction, auxquelles la mythologie nous avait habitué, le métrage s'ancre davantage dans la réalité. A ce titre, Redux contrebalance avec les décors naturels ambitieux auxquels la mythologie nous avait habitué. Ici, tout est terne, gris et triste, comme pour souligner la morosité des deux protagonistes. Il n'y a guère de de paysages aussi fabuleux que le désert du Nouveau Mexique d'Anasazi, l'Alaska enneigé d'End Game ou encore les grandes plaines du Dakota du Nord d'Apocrypha. Non, ici, seuls subsistent des environnements cloisonnés, comme les couloirs du Pentagone, la commission du FBI ou encore l'hôpital. Il n'y a que le grand hippodrome où se déroulent les rencontres entre L'Homme A La Cigarette et Le Premier Doyen qui offrent de petites touches en extérieur. Cet enfermement des deux personnages principaux donne la sensation qu'ils sont prisonniers dans des dédales, comme pour illustrer les doutes qui les traversent.
A ce sujet, Redux convie plusieurs personnages secondaires, contrairement à Gethsemane: Comme le second chapitre n'a plus besoin de clôturer la saison comme un rappel à la première saison, l'épisode intègre enfin Skinner, les Lone Gunmen, le Premier Doyen et donc le Smoking Man. A ce titre, ce dernier se montre particulièrement affecté par la "mort" de Mulder, dynamitant à nouveau la représentation de l'antagoniste: En effet, Memento Mori et Zero Sum l'avaient façonné comme l'incarnation du mal absolu, mais Redux tente de l'adoucir en laissant transparaître son humanité. Il y a quelque chose d'émouvant lorsqu'il déclare au Premier Doyen "qu'il n'a jamais sous estimé Mulder". Sa sincérité dans la scène semble très étonnante, et contraste avec l'aspect vil et manipulateur auquel il nous avait si longtemps habitué. Idem en ce qui concerne la scène où il regarde la photo de Mulder et de sa soeur, enfants: l'homme semble déstabilisé et, par ricochet, nous aussi.
En définitif, Redux est un très chouette épisode d'ouverture, et une intéressante suite au cliffhanger de Gethsemane, même s'il bénéficie du même problème qu'ont les seconds segments d'une trilogie: à savoir de servir de pivot scénaristique entre deux gros morceaux.



2. REDUX II (La Voie De La Vérité)

Redux et Redux II représentent une jolie inversion entre titres originaux et titres français. Invariablement, la traduction ne s'est jamais foulé pour renommer les épisodes en deux parties. En général, ils ont souvent le même nom avec "Partie 1" et Partie 2" ajouté à la fin. C'est en suivant cette logique qu'on a eu Ascension qui s'est transformé en "Duane Barry Partie 2", pendant que End Game devenait "La Colonie Partie 2", par exemple. Il est donc étonnant que M6 ait fait l'effort de chercher des noms différents pour Redux et Redux II.
La seconde partie nous avait laissé Mulder et les Lone Gunmen face à l'immense déception de trouver de l'eau déminéralisé, au lieu d'un remède pour guérir le cancer de Scully. Et nous voici donc avec un long récit sur Mulder qui doit trouver un moyen de se sortir de plusieurs situations délicates: Il a abattu un homme de sang froid, et doit répondre à une commission d'enquête du FBI. Son unique amie est mourante et il est face à un choix cornélien que lui propose L'Homme à La Cigarette, son ennemi juré.
En définitif, son but ultime dans cette trilogie est de trouver le moyen de sauver Scully. A ce titre, lorsqu'il trouve Kritschgau dans le Pentagone, dans le précédent chapitre, à la question "Vous pourriez trouver ici ce que vous désirez le plus désespérément", le spectateur serait tenter de penser que Mulder songerait à Samantha. Mais, lorsqu'il répond "Un remède pour Scully ?", nous voyons à quel point cette dernière est devenue l'élément essentiel à sa vie, bien plus que la recherche de sa propre soeur.
La scène d'ouverture nous montre l'homme exploser de colère dans l'hôpital, où se trouve sa collègue. Une situation qui sert de miroir à son comportement dans One Breath, lorsqu'il découvre l'état dans lequel se trouve Scully.  

Redux II adopte principalement le point de vue de Mulder, contrairement à l'épisode précédent qui épousait simultanément les visions des deux têtes d'affiche. Notre agent est attaqué de toutes parts ici, comme dit plus haut. Par exemple, il y a cette confrontation terrible entre lui et Bill Scully. Ce dernier lui assène moult reproches, et parfois à juste titre, comme tenir Mulder comme responsable du drame familial qui est en train de se dérouler. Et il lui reproche même la mort de son autre soeur, Melissa. C'est très dur à encaisser. Moralement, ça ne va donc pas très fort pour Mulder. 
Redux II regorge assurément d'images emblématiques comme la scène où ce dernier et le Smoking Man marchent tous les deux dans la rue, mais aussi celle qui présente le retour de Samantha Mulder. La série joue d'ailleurs à titiller le public, au moment où la jeune femme décrit le fumeur comme étant son père. Cette séquence est riche en émotion, mais le fan se montre également troublé par une telle révélation: S'agit-il réellement de Samantha ? Ou alors est-ce encore un clone ? Chris Carter adore brouiller les pistes, et ce dernier segment semble adorer rester dans le flou. Mais en attendant, la scène des retrouvailles fonctionnent furieusement bien, tout en étant aussi déchirante: notamment lorsque la soeur craque et refuse de revoir sa mère, qu'elle pensait morte. On ne peut que partager son émotion après de telles révélations. Ensuite, Mulder ne veut pas lui lâcher sa main. En y regardant de plus près, la conclusion de cette rencontre laisse un goût amer. On a l'impression qu'il ne pourrait pas y avoir un dénouement heureux à toute cette histoire.

Le climax fonctionne furieusement bien: Lorsque le ton monte d'un cran entre Mulder et la commission d'enquête dans laquelle il doit comparaître pour meurtre, et où on lui a précédemment demandé d'accuser Skinner comme étant la taupe au FBI. La séquence alterne habillement entre les passages où Scully est en phase terminale, sur son lit d'hôpital, mais aussi celui où L'Homme à La Cigarette se fait tirer dessus par un sniper, quand il est chez lui. Mais la grande chute provient de Mulder qui désigne le chef de section Blevins comme étant le traitre; juste avant que ce dernier se fasse assassiner. Pffiiou ! Quel moment intense ! Sûrement un des climax les plus impressionnants de toute la série. A noter que Mulder évite tout compromis, comme à son habitude. Par deux fois, on lui propose de sauver la mise: La première lorsque l'Homme à La Cigarette lui propose un pacte. La seconde lorsque Blevins lui propose d'accuser Skinner pour sauver ses miches. Et les deux fois, il refuse catégoriquement. Nous sommes loin de l'ambiguïté d'un Skinner capable de se compromettre en concluant un marché avec le Smoking Man. Une manière de considérer Mulder comme un être profondément loyal. Je l'avais mentionné lors de la saison 4, mais même si X-Files présente un monde cynique et pessimiste, les deux héros se révèlent résolument bons, au milieu de toute cette ambiance délétère. 
A côté de ça, les allusions bibliques aux titres des trois chapitres trouvent échos dans la foi de Mulder en train de vaciller. Sa croyance en l'existence d'une vie extraterrestre a été son moteur depuis si longtemps qu'il est confronté à sa remise en question. En revanche, Scully, elle, trouve refuge dans la foi catholique. Sa mystérieuse rémission peut être corrélée à un miracle divin. A ce propos, le personnage paraît tellement fatigué et diminué, lorsqu'elle est présentée comme agonisant dans son lit d'hôpital. C'est si surprenant de voir Scully dans un tel état. Malgré toutes les incertitudes posées depuis Gethsemane, Redux II nous redonne foi en ces deux personnages: Ici, ils ne se jugent pas, ne se critiquent pas. Ils s'inquiètent désespérément l'un pour l'autre. Ils sont assurément plus forts ensemble pour affronter toute l'adversité du monde.

L'intrigue se conclue ensuite par l'annonce de la rémission du cancer de Scully. Une note positive qui donne l'occasion à Skinner de sourire, ce qui est assez rare pour mériter d'être souligner. Prélablement, le patron venait annoncer à Mulder la mort du Smoking Man. Le plan final nous laisse entrevoir un Fox Mulder regarder la photo de sa soeur et lui que l'antagoniste conservait, juste avant d'être abattu. Notre héros craque et pleure ensuite. J'ai toujours eu du mal à interprété ces pleurs: Etait-il soulagé pour Scully ? Est-ce qu'il relâchait la pression ? Ou alors pleurait-il la mort de L'Homme à La Cigarette ? Cette dernière théorie m'a toujours paru étrange, mais je dois reconnaitre que cela m'a traversé l'esprit plus d'une fois. Au terme des deux chapitres, le titre "Redux" peut autant désigner la résurrection de Mulder, après son supposé suicide, mais également celle de Scully qui semble gagner son combat contre la maladie. Une façon de démarrer la saison sur des bases plus "saines".
Malgré toutes les éloges que je puisse adresser à Redux II, il faut reconnaître qu'il était bien plus fort à l'époque, avant qu'il ne se fasse damner le pion par des épisodes ultérieurs qui allaient quelques peu lui voler de sa grandeur. J'évite de trop spoiler car je sais que certaines personnes lisent mes articles, en même temps qu'elles découvrent la série. Mais pour rester flou, disons qu'il y a des éléments de cette trilogie qui sont indiscutablement affaiblis par d'autres futures développements scénaristiques. En revanche, certaines révélations seront confirmées ultérieurement. Je reviendrai bien entendu sur ces points, le moment venu... Néanmoins, les trois segments restent des morceaux de télévision incroyablement rythmés et singuliers. Et ils offrent une grille d'explication alternative intéressante. Une autre manière d'appréhender le grand fil rouge narratif, davantage ancré dans le réel. Une version de X-Files plus terre à terre, sans tueur alien polymorphe, ni huile noire. 
Redux II se révèle nettement plus convaincant que Redux, notamment parce qu'il conclut brillamment l'arc scénaristique de ces trois gros morceaux mythologiques. De quoi poser les bases des développements futurs pour la saison. L'épisode brille également par toutes les interactions entre les personnages, notamment les deux héros. Toute la fin est absolument dantesque ! Du climax jusqu'à la toute dernière scène avec Mulder à bout de nerfs

EDIT: En plus, Mulder bouffe la main de Scully à un moment !




3. UNUSUAL SUSPECTS (Les Bandits Solitaires)

En réalité, Unusual Suspects a été le premier épisode de la cinquième à avoir été produit, afin de permettre à David Duchovny et Gillian Anderson de tourner quelques scènes de Fight The Future. Cependant, il sera logiquement diffusé en tant que troisième épisode, faisant de lui officiellement le centième chapitre de X-Files. Une date importante dans la vie d'une si longue série. Afin de combler l'absence des deux vedettes, Vince Gilligan a donc eu la tâche de construire une histoire autour de la rencontre des Lone Gunmen et de Mulder, justifiant l'absence totale de Scully et l'apport limité de Mulder. De ce fait, la création d'Unusual Suspects a été motivé uniquement par des contraintes de production. Et c'est ce genre d'événements imprévus qui a vu naitre de superbes oeuvres. L'épisode ici en fait partie. Comme il s'agit des origines du trio, l'épisode adopte un ton volontairement plus léger, malgré un sujet de conspirations très sérieux. Un rafraichissement après une trilogie résolument dramatique et lourde. Unusual Suspects démontre à quel point la série a énormément évolué, à tel point qu'elle peut se permettre de consacrer une histoire entière autour du casting secondaire. Jamais on aurait pu imaginer cela à l'époque de la première saison, lorsque la seule figure réellement régulière était Gorge Profonde. On n'aurait même pas pu envisager de tels développements durant la saison 2, même si les personnages réguliers ont véritablement explosé, au même moment que la mythologie prenait son envol. Très vite ensuite, Skinner a été le personnage central de deux opus (Avatar et Zero Sum), tandis que l'Homme à la Cigarette a eu droit à sa biographie non officielle (Musings of A Cigarette Smoking Man). Ces morceaux hors format sont toujours un peu excitants, car elle casse un peu la structure narrative des épisodes "traditionnels", avec Mulder et Scully qui enquêtent sur des phénomènes étranges. Les fans réclamaient depuis longtemps un épisode sur les Lone Gunmen, et c'est Vince Gilligan qui allait donc concrétiser leur rêve.

Tout d'abord, Unusual Suspects se montre incroyablement ludique, car il y a un vrai plaisir de découvrir la manière dont le trio s'est constitué. On y découvre que, à l'origine, ce ne sont pas des gens qui s'appréciaient particulièrement. Point intéressant, l'intrigue adopte principalement le point de vue de Byers. Un choix audacieux qui nous permet de suivre son évolution. Effectivement, au début du flashback, l'homme travaille consciencieusement pour le gouvernement, à tel point qu'il se révèle même pro gouvernement d'ailleurs. C'est bien entendu très étonnant de voir Byers dépeint comme un être parfaitement confiant et crédule envers ses dirigeants, quand on a appris à le connaître aussi cynique et paranoïaque. Avoir placer ce membre précisément du trio au centre de l'affaire est particulièrement pertinent, car le scénario prend soin à nous montrer, au fur et à mesure, les désillusions profondes de l'individu. Frohike et Langly, eux, sont déjà décrits comme des marginaux, dès le début. Il est même intéressant de dresser un parallèle entre Scully et Byers: La première aussi est arrivée dans le monde des X-Files en étant optimiste et confiante envers son gouvernement, et même de sa hiérarchie. Et puis, on l'a vu devenir de plus en plus méfiante, à cause des preuves qui accablent les méfaits des puissants. Byers a une trajectoire à peu près similaire, sauf que sa confiance est ébranlée à la moitié de l'épisode, puis détruite à la fin. Le pivot d'un tel changement se résume à leur rencontre avec la fugitive Susanne Modeski, la femme qui va changer à jamais le destin du trio. Vince Gilligan est un parfait candidat dès qu'il s'agit d'axer une intrigue autour des personnages. 
Unusual Suspects est étonnant car il alterne avec brio ambiance légère, puis atmosphère tendue. En outre, centrer une intrigue complète autour de ce trio a permis de considérablement développer leurs propres caractères: Byers, Langly et Frohike ont chacun des contours bien distincts. Ils ne forment plus un seul bloc, même si les saisons précédentes insistaient sur quelques différences entre les trois individus. Frohike semblait celui qui était le plus proche de Mulder, comme l'atteste sa sincère tristesse, lorsqu'il pense que ce dernier est mort dans The Blessing Way. En outre, on savait qu'il en pinçait pour Scully. En revanche, Langly et Byers semblaient un peu moins définis, même si leur look et leurs gestuelles offraient quelques indications sur leur personnalité. Unusual Suspects creuse donc davantage la singularité des trois comparses. On y apprend même leur prénom. A ce sujet, Kim Manners, réalisateur ici, se souvient que Tom Braidwood détestait que son personnage s'appelle Melvin Frohike. il expliqua en interview: "Quand il a dû dire "Salut, je suis Melvin Frohike" durant les répétitions, l'acteur disait: "Je suis Mel Frohike" et il a ajouté un petit côté macho. Je lui ai dit: "Tommy, viens une minute. Tu es Melvin Frohike. Apprends à vivre avec" et il a detésté ça."

Vince Gilligan a toujours reconnu qu'il n'avait jamais été très à l'aise avec la mythologie. Comme il le révèle lui-même, sa seule réelle contribution à ce sujet a été Memento Mori, qu'il a co-écrit avec Frank Spotnitz et John Shiban. En revanche, l'auteur a prouvé sa maitrise du lore de la série, comme le témoigne les détails parsemés dans son brillant Paper Hearts. Pourtant, Unusual Suspects peut clairement s'intégrer dans le grand fil rouge. Il n'y a peut être pas de Smoking Man, ni même de Skinner, mais l'histoire nous permet de revenir sur la génèse des X-Files. Et c'est là la filouterie de l'écrivain car, à l'instar de la trilogie mythologique qui le précède, l'intrigue suggère une nouvelle fois que les croyances de Mulder ne seraient pas réellement fiables. En effet, à la fin de l'épisode, le personnage est pris d'une étrange crise de paranoïa, après avoir été exposé à un produit délirant, introduit dans des inhalateurs. L'homme se retrouve nu et n'arrête pas de crier "Ils sont là !" à tout bout de champ. A la toute fin, il annonce aux Lone Gunmen qu'il n'arrive pas à se libérer "d'idées très bizarres". De manière non explicite, le scénario sous entend qu'on ne devrait peut être pas croire totalement la parole de l'agent Mulder. Peut être que le produit dangereux qu'il a inhalé est en partie responsable de sa paranoïa. Partant de ce constant, il est donc intéressant que l'épisode se situe en 1989, avant que l'homme ne découvre les affaires non classées. Peut être les a-t-il ouvertes dans cet état second ? Pour enfoncer le clou, la cassette de thérapie de régression de Mulder, que Scully écoutait dans Conduit (saison 1), a été enregistré seulement quelques semaines après les événements d'Unusual Suspects. Comme si l'épisode cherchait malicieusement à distiller le doute sur la véracité des souvenirs de Mulder sur l'enlèvement de sa soeur. Rétrospectivement, on pourrait se demander si "ces idées bizarres" inclus cette tragique disparition.
A ce titre, il est tellement délicieux de voir notre agent avec une coupe de cheveux un chouia plus rétro, renforçant presque l'innocence du personnage, juste avant de devenir un parano compulsif. On sent que le métrage prend plaisir à dissimuler divers éléments très ancrés fin 80, comme la discrète touche d'humour qui nous montre Mulder sortir son énorme téléphone portable. Une scène attestant le sens du détail de Gilligan, étant donné que Mulder semble s'adresser au téléphone à Reggie Purdue. L'épisode est également fameux pour nous présenter un cross over avec la série Homicide, en conviant le détective John Munch qui interroge Byers, lors de sa garde à vue. La présence d'un tel protagoniste renforce l'aspect réaliste du métrage. Un réalisme qui s'empare finalement de toute la mythologie depuis le triptyque Gethsemane/Redux/Redux II. Concrètement, Unusual Suspects débute comme une petite comédie, puis va se revêtir des atours de thriller paranoïaque. Il n'y a aucun élément paranormal à l'oeuvre ici. Seulement un complot qui cache de terribles expériences sur la population. L'intrigue suggère aussi que Mulder, Frohike, Byers et Langly évoluent dans un monde très réaliste jusqu'à ce moment précis, mais la dernière ligne droite vont les faire plonger de plein fouet dans le monde des X-Files: A savoir, un monde triste, peuplé de sinistres complots et d'expériences inhumaines, où la morale est renversée. A ce sujet, notons la surprenante apparition de Mr X, presque un an après sa mort dans Herrenvolk, venant confirmer la phrase de Chris Carter qui affirmait: "Personne ne meurt vraiment dans X-Files".  Sa présence au sein d'un épisode consacré aux Lone Gunmen est évidemment très surprenante. De plus, c'est une très agréable surprise de pouvoir revoir ce mystérieux personnage à l'oeuvre, et, qui plus est, dans un rôle très actif. Et il y a une délicieuse ironie révélant l'influence indirecte du futur informateur sur le nom du trio.

Byers se révèle absolument touchant lorsqu'il s'attache de plus en plus à Susanne. Pire encore, il a le coeur brisé lorsqu'elle se fait enlever par Mr.X, à la toute fin. Puis, bien entendu, il se sent galvanisé par les derniers mots criés par la jeune femme, juste avant qu'elle ne se fasse embarquer dans la voiture. L'ultime scène avec les Lone Gunmen racontant toute l'histoire à Mulder demeure assez mémorable. Gilligan adore raconter des histoires sur des gens normaux à qui il arrive des choses extraordinaires. Il apprécie ces "petits citoyens" qui tentent de se façonner de l'importance. Les Lone Gunmen vont continuer à dénicher complots et autres machinations du gouvernement. Il y a là un parallèle qu'on pourrait dresser avec les véritables complotistes qui sont souvent des petites gens qui se croient importants, juste parce qu'ils se convaincs d'être dans l'élite "qui sait". Heureusement pour notre trio, ils vivent dans le monde des X-Files dans lequel certaines théories du complot pourraient être vraies. Mais cela rejoint les personnages de Gilligan, comme Robert Modell (Pusher), un type qui était carrément qualifié par Scully comme étant un "petit homme qui rêverait d'être un grand". Mais on peut également citer Gerry Schnauz qui se matérialisait avec des jambes longues sur ses photos psychiques, mais aussi Eddie Van Blundht, cet être pathétique qui usurpait le visage d'autres gens pour se rendre intéressants auprès des femmes qu'ils convoitaient. 
D'ailleurs, je me suis toujours demandé ce que pensaient Glen Morgan et James Wong de cet épisode. Je ne sais même pas s'ils l'ont vu. Mais il faut se rappeler qu'ils sont les créateurs des Lone Gunmen, lorsqu'ils les ont introduit dans leur scénario de EBE, dans la première saison. Il est amusant que, quelques années après, c'est un tout autre auteur, avec une plume très différente, qui s'est attelé à leur origins story.

Dans le script original, Vince Gilligan avait développé toute une histoire autour de la nanotechnologie, mais Chris Carter lui suggéré de laisser tomber cette voie, en lui disant: "C'est peut être notre seule et unique chance d'avoir un épisode avec uniquement les Lone Gunmen, et je ne pense pas que tu en profites au maximum". Du coup, l'auteur se concentra ensuite exclusivement sur la manière dont ces personnages se sont rencontrés, avant de devenir inséparables. John Shiban aida Gilligan a travailler le script. A un moment, ils ont même posé un storyboard dans le jardin du premier, et ils n'arrivaient pas à justifier pourquoi cet assassin ne tuait pas le trio, à la toute fin. Et puis, à un moment, Shiban eut l'idée de réintégrer X. L'auteur suggéra donc: "L'assassin est X ! X a d'autres intentions ! C'est parfait, notre X ! On ne sait pas quelles sont ses allégeances. Il ne tuerait pas les Lone Gunmen, parce qu'il essaie d'aider Mulder !"
Tu te souviens de l'anecdote du dentiste de Gilligan que j'avais glissé dans mon texte sur Unruhe (saison 4) ? Hé bien, le nom du dentiste de Susanne dans l'épisode, le docteur Michael Kilbourne, est directement emprunté à celui du vrai dentiste de l'écrivain. 
Pour continuer les mignonnes anecdotes, le compère de Byers en début d'épisode, celui qui joue à Dig Dug, est en réalité Ken Hawryliw, le chef accessoiriste attitré de la série. Il fait donc ses débuts de comédien de télévision ici, et la petite phrase qu'il prononce: "Peu importe" est un petit clin d'oeil mignon, car il la répétait tout le temps, dans la vraie vie. 
Kim Manners était très satisfait du résultat final. Il était particulièrement content d'avoir pu diriger Dean Haglund, Tom Braidwood et Bruce Harwood. Les trois acteurs étaient assez nerveux à l'idée d'avoir le poids entier d'un épisode d'X-Files sur leurs épaules. Et ils se sont bien débrouillés d'ailleurs. Le metteur en scène a apprécié la scène où Susanne Modeski s'introduit dans la chambre d'hôtel du trio, et où ces derniers se cachent dans un coin, effrayés par la jeune femme. Manners s'est inspiré du Magicien d'Oz et de cette image de l'Epouvantail, de l'Homme de Fer Blanc, et du Lion qui tremblent derrière Dorothy.
Unusual Suspects a beau ressembler à un épisode de remplissage, servant à combler l'absence des deux stars, il se révèle finalement être extrêmement plaisant à suivre. De surcroit, il prouve qu'il y a matière à créer tout un spin off autour des Lone Gunmen. Oh wait !




4. DETOUR (Détour)

Oh ! Un titre original en français. Il était temps ! X-Files a toujours apprécié donner des noms parfois cryptiques ou hautement symboliques à ses épisodes et, parfois même, traduits dans d'autres langues.  Voilà donc cocorico "Détour", un loner purement atmosphérique. Bien entendu, le terme évoque le détour que font Mulder et Scully, car, au début de l'histoire, ils devaient se rendre à un séminaire de team building du FBI. Ils tombent ensuite sur d'étranges disparitions par pure hasard sur leur chemin, une parfaite occasion pour Mulder d'échapper à ce séminaire ennuyeux. Mais le titre "détour" peut également indiquer la place qu'occupe l'épisode au sein de ce curieux début de saison: En effet, il arrive après les très dramatiques Redux, et après l'origins story des Lone Gunmen, mais il se place avant le très décalé The Post-Modern Prometheus (et avant le diptyque Christmas Carol et Emily). Detour représente l'unique épisode au format traditionnel, pendant cette longue période. Une enquête "banale" comme Mulder et Scully en ont déjà connu des tonnes, depuis le début de la série. Les deux agents semblent donc effectuer un petit détour ici, entre deux épisodes hors format. Un moyen de s'éloigner des excentricités du début de saison. Et il est vrai que ce retour au source paraît presque rafraichissant. L'épisode ne brille pas nécessairement par son scénario, mais il demeure un exercice ludique très excitant. Plus précisément, l'alchimie entre les deux héros resplendit du début jusqu'à la fin. Les voir faire la tronche, à l'arrière de la voiture, lorsqu'ils se rendent à leur séminaire compte parmi les plus savoureux moments de la saison. Ensuite, Scully ramène à boire dans la chambre du motel (qu'elle partage avec son collègue), pour fêter le fait qu'ils aient réussi à s'extirper de leur ennuyeux voyage. Et enfin, bien entendu, il y a ce fameux moment où les deux personnages se retrouvent isolés et en danger, entourés par cette forêt qui abritent ces créatures invisibles. Tous ces passages soulignent à quel point les deux héros se sentent véritablement à l'aise ensemble. On est tellement loin du malaise et de la toxicité de leur relation, comme suggéré par Never Again. La fameuse scène où les deux discutent ensemble, durant cette longue nuit à dormir à la belle étoile, évoque furieusement celle de Quagmire (saison 3), dans laquelle les deux agents discutaient également à coeur ouvert, au beau milieu de l'hostilité de la nature.
Detour nous prouve à quel point les interactions entre Mulder et Scully constitue un ingrédient essentiel à la réussite d'X-Files. Toute l'intrigue sert presque de prétexte pour multiplier les petites phrases entre les deux vedettes. Très vite, ils vont partir en "randonnée" à essayer de chasser des monstres invisibles aux yeux rouges. En comparaison, les deux autres agents qui les accompagnent sont résolument insipides, mais ce n'est pas grave. L'intérêt repose exclusivement sur les épaules des deux agents. Et l'épisode excelle vraiment dans cet exercice.

Il faut également rappeler qu'il s'agit du premier épisode post-cancer de Scully. On avait quitté les deux héros après avoir été sacrément malmené dans la trilogie Redux. De plus, ils étaient séparés la majeure partie de ces trois épisodes. Ensuite, Unusual Suspects brillait par l'absence de Gillian Anderson. Detour agit donc en véritable bol d'air frais, car cela semble être une éternité que nos deux agents n'ont pas eu tout un épisode ensemble. Et je pense que ce n'est pas étranger que Frank Spotnitz ait écrit l'intrigue d'une façon aussi "légère". Sa réussite permet également de prouver que la série excelle toujours pour de nouvelles histoires à base de "Mulder et Scully partent à l'aventure pour dénicher un nouveau monstre"; démontrant que la formule traditionnelle fonctionne toujours du feu de dieu. Un constat qui animait tout Quagmire justement. En effet, ce dernier plongeait lui aussi les deux agents dans un lieu naturel, pour ensuite capituler sur leur alchimie. L'équipe a travaillé très dur pour cimenter la relation entre les deux. A ce stade, Mulder et Scully semblent essentiel à l'ADN de la série. C'est évidemment une force, mais aussi une faiblesse, car cela signifie aussi qu'il est inenvisageable de songer à X-Files sans Mulder et Scully, même si quelques épisodes sans eux peuvent tout de même subsister. Mais imaginer avoir tout un arc saisonnier sans l'un ou l'autre paraît délicat. L'équipe créatrice a donc trouvé la parfaite recette pour pérenniser le succès de la série, mais qui se révèle également être un talon d'Achille. Heureusement que les scénaristes ont eu le bon goût de davantage mettre en avant son casting secondaire ponctuellement, comme un roue de secours salutaire, donnant lieu à de formidable segments, par ailleurs. 
Du coup, Detour semble étrange, car il est tellement enthousiaste à mettre en avant la bonne humeur des deux personnages qu'on ne ne sent jamais trop en danger pour eux, notamment lors du point culminant qui voit Mulder et Scully être coincés sous terre. Effectivement, même à ce moment précis, ils continuent de blaguer, alors qu'ils sont entourés de cadavres, ainsi que des predators qui les guettent. Mais très sincèrement, osef ! L'épisode procure tellement de plaisir que ce genre de défauts relève du détail insignifiant.
A ce sujet, il est d'ailleurs très amusant que l'épisode débute avec le séminaire de team building, auquel les deux agents doivent se rendre, car l'épisode se donne du mal pour souligner à quel point ils travaillent définitivement en parfaite harmonie.

Même si l'enquête peut paraître superflue, elle n'en demeure pas moins relativement intéressante. Le nouveau monstre de la semaine intrigue, en plus d'être réellement effrayant. La scène avec le petit garçon se faisant poursuivre par la créature invisible, chez lui, représente un des moments les plus effrayants de la série, selon moi. Rien que ce plan sur ses yeux rouges, brrrrrr. En outre, l'effet de camouflage est vraiment stylé. Bien entendu, comme je le sous-entends juste au-dessus, nous sommes obligé de penser à Predator. Mais Spotnitz s'est visiblement surtout inspiré du film Delivrance, après l'avoir revu. Il désirait placer Mulder et Scully dans un environnement hostile, et voulait utiliser cette idée oppressante de quelque chose cachée dans les buissons qu'on ne peut pas voir. Il est intéressant de noter que ce n'est que la seconde fois que l'écrivain s'aventure sur les terres des loners. La dernière fois, ce fut à l'occasion d'Our Town, à la fin de la saison 2. Depuis, il est surtout devenu un des architectes de la vaste mythologie. On peut donc imaginer qu'écrire un tel scénario a dû se révéler être une agréable pause pour notre Mytharc Man. 
Detour nous présente cette immense et étrange région naturelle en train de repousser les envahisseurs. Darkness Falls (saison 1) était déjà une histoire aux accents écologiques qui relatait la manière dont la nature se retournait contre les humains. Ici, cette dernière tente d'éloigner une civilisation en perpétuelle expansion, comme en témoigne le teaser dans lequel elle se défend face à deux géomètres venus prendre des relevés. Ce thème trouve un écho à un autre très fort des X-Files, à savoir la disparition des petits coins tranquilles, dépourvus jusqu'ici de toutes traces de mondialisation. On retrouve ce même type d'idées dans l'épisode: Les immenses et splendides paysages sauvages américains se font grignoter par la civilisation. Les deux monstres à l'oeuvre ici défendent seulement ce qu'elles considèrent être leur territoire. A ce titre, le chasseur qui se fait agresser par les créatures, sous les yeux de son fils, est la seule victime qui réchappe du carnage. Et il est intéressant de noter qu'il s'agit de la seule victime qui avait l'air sincèrement soucieuse de respecter la nature, comme l'atteste la discussion sur ses ancêtres qu'il partage avec son enfant. Cependant, je me suis toujours demandé si les autres victimes sont vivantes ou non. L'épisode n'a jamais été clair à ce sujet. Quoiqu'il en soit, le récit insiste sur le fait que le père s'en sortira, et c'est le plus important.
Detour se montre donc respectueuse de cette gigantesque forêt, mais l'épisode suggère également qu'il vaudrait peut être mieux ne pas s'y aventurer non plus. La nature y est dépeinte d'une façon romantique, mais également comme une force dangereuse, auquel il ne faudrait pas trop s'y frotter.

Comme on pouvait s'en douter, l'épisode se déroule principalement en extérieur. Et qui dit paysage naturelle, dit aussi tournage compliqué. En effet, ce dernier a nécessité onze jours supplémentaires, notamment à cause des pluies incessantes qui se sont déversées dans la forêt. Visiblement, il pleuvait tous les jours, générant un calvaire à gérer, et faisant boucler sans arrêt les cheveux de Gillian Anderson. Comme c'était l'automne, et que la plupart des scènes se déroulent en plein jour, le soleil se couchait vraiment plus tôt, obligeant l'équipe à se dépêcher de tourner les scènes. D'autres membres de l'équipe ont des souvenirs très vifs de Detour, à l'instar de la maquilleuse Laverne Basham qui se rappelait des moments où elle devait maquiller les acteurs sous un parapluie, avec un maquillage humide. Marty McInally, le caméraman, trébucha dans un trou, lorsqu'il devait tourner avec sa steadicam, endommageant par la suite le matériel. Le mixeur du son, Michael Williamson galérait pour camoufler le bruit de la pluie qui n'arrêtait pas de tomber sur les feuilles, perturbant ainsi les dialogues des personnages. Et enfin, le producteur Ron French fit la désagréable découverte que quelqu'un avait volé pour 1500 dollars d'écorce d'Hévéa artificielle qui était posée sur un arbre.
Kim Manners a dû prêter main forte au réalisateur Brett Dowler, et une partie de l'épisode a dû finalement être tourné en studio. Historiquement, Dowler était le réalisateur de la seconde équipe, depuis trois saisons. Il a dû être ravi d'avoir un métrage rien qu'à lui, avant de déchanter sur ce qui ressembla finalement à un cadeau empoisonné. Detour a malheureusement conduit à des retards dans la production des autres épisodes. Dowler a confié qu'ils ont eu un peu mal, lorsqu'ils ont vu les factures arriver au fur et à mesure. A terme, Frank Spotnitz déclara qu'il pensait avoir trouvé un concept assez simple à mettre en boite. Finalement, il n'avait pas du tout anticipé le tournage calamiteux. 
Ceci dit, l'équipe a été très satisfaite du travail sur l'épisode. Au moins, toutes ces mésaventures ont donné lieu à un chapitre très chouette. Detour est célèbre pour avoir donner l'occasion à Scully de chanter, ce qui paraissait presque surréaliste. Dans la version originale, le personnage chantait Joy To The World, mais dans notre version française, nous n'avions pas eu ça. J'imagine que c'était parce que la chanson originale n'était pas si connu que ça, par chez nous. Je ne sais pas... Gillian Anderson a volontairement chanté plus faux, insistant ensuite qu'elle est bien sûr capable de chanter bien mieux que ça.
Detour est une escapade très solide. Malgré l'adversité de cette forêt, Mulder et Scully font plaisir aux fans, et avoir un petit retour au source, après une série d'épisodes inhabituels ou mythologiques fait un bien fou.



5. THE POST-MODERN PROMETHEUS (Prométhée Post-Moderne)

Je me souviens de l'époque où je critiquais beaucoup les scénarios de Chris Carter, dans la saison 1. Puis son style s'est clairement affiné, même s'il subsistait quelques traces un peu lourdingues ici et là. Cependant, je trouve que l'artiste s'est révélé avoir un don indéniable pour la réalisation, lorsqu'il passa derrière la caméra pour pondre l'incroyable Duane Barry, au début de la saison 2. Depuis The List (saison 3), il n'a jamais remis en scène d'autres épisodes, et c'est vraiment dommage. L'homme dût attendre jusqu'à la saison 5 pour écrire et réaliser de nouveau. Et il accoucha une nouvelle fois d'un morceau d'X-Files visuellement sublime. L'auteur souhaitait rendre hommage au Frankenstein de Mary Shelley, mais surtout de l'adaptation de James Whale, sorti en 1931. C'est même plus globalement un hommage aux films de monstres d'Universal, totalement indiqué pour une série qui se complait à dépeindre le destin de "monstres de la semaine". Et stylistiquement, Post-Modern Prometheus est très marqué: Déjà, il a été intégralement tourné en noir et blanc, mais il bénéficie aussi d'audacieux plans de caméra, et le tout baigne dans un style rétro absolument adorable. Même le ciel a été créé de façon à évoquer les vieux films.
Bien entendu, il s'agit d'un épisode d'X-Files totalement décalé, peut être même plus que Humbug ou encore Jose Chung's From Outer Space, deux oeuvres pourtant très singulières. Je pense même que c'est encore plus déjanté que le Small Potatoes de Vince Gilligan, la saison d'avant. On sent que Chris Carter a voulu s'amuser à fond, d'où l'envie de repasser derrière la caméra. De surcroit, de l'aveu même du showrunner, ce chapitre a été également créé pour adoucir une cinquième saison assez sombre. Il estimait que la mythologie était assez lourde, et c'est vrai que l'épisode se place juste avant un nouveau mytharc déprimant: Christmas Carol et Emily. The Post-Modern Prometheus dégage une énergie incroyable et une vitalité communicative. Il est vraiment difficile de totalement détester cet épisode. En général, les fans s'accordent à le considérer comme un des sommets de la série, et je suis bien d'accord. Mais je pense que même les avis dissidents ne peuvent pas intégralement le rejeter. Pourtant, il subsiste quelques problèmes comme je vais m'expliquer plus bas...

On peut aisément considérer qu'il s'agit d'une oeuvre particulièrement personnelle pour Chris Carter. On ressent l'amour qu'il a eu à rendre ce genre d'hommage. La mise en scène est si méticuleuse qu'on ne peut que ressentir à quel point l'auteur était grandement inspiré. Son travail ici est totalement différent de ce qu'il avait conçu pour Duane Barry et The List, à savoir des oeuvres stylisées mais tout de même assez posées. The Post-Modern Prometheus est une ode à la création dans un sens large. L'histoire traite de la création des mythes, mais également des expérimentations scientifiques ou encore la reproduction biologique. Le tout enrobé d'une célébration de la narration en générale. Pour un créatif comme Carter, ce thème doit résonner en lui: En effet, Le Grand Mutato est une création qui a totalement échappé à son géniteur, et qui évolue indépendamment de la volonté de ce dernier. En somme, il vit sa propre vie. On pourrait presque dresser un parallèle avec X-Files, la série de Chris Carter, qui a évolué vers une forme auquel le showrunner n'avait pas nécessairement anticipé. La série s'est nourrie d'autres plumes qui ont façonné sa propre personnalité et ses goûts propres, comme le Grand Mutato a appris et grandi auprès des biens culturels des autres habitants de la ville. Dans le même ordre d'idées, l'épisode se permet de rappeler à quel point X-Files est une oeuvre aventureuse. A ca stade précis, elle aurait pu facilement devenir plus "plan plan" et devenir une institut très policé. Il est presque étonnant, rétrospectivement, de constater qu'il y a clairement de la place pour les expérimentations de toutes sortes dans cette série, même au firmament de son succès, et après autant de saisons. X-Files prouve qu'elle ne se repose en rien sur ses lauriers. Elle demeure une oeuvre profondément organique, possédant une appétence pour plusieurs styles d'écriture, de réalisations, et de tonalités. The Post-Modern Prometheus vient rappeler à quel point l'oeuvre globale de Carter est animé d'un intarissable dynamisme.

Pourtant, une telle prouesse n'aurait pas été possible, deux ou trois ans auparavant. Le showrunner a eu le feu vert uniquement parce que la série était un insolent succès auprès de la Fox. Concrètement, jamais il n'aurait pu produire dans un format en noir et blanc, à une heure de grande écoute, lors de la saison 1 ou 2. En outre, l'aspect hautement stylistique, voir surréaliste, évoquant les vieux films d'horreur des années 30, a dû déstabiliser les nouveaux téléspectateurs. On pourrait penser la même chose d'épisodes comme Jose Chung's: From Outer Space, Small Potatoes, ou encore Bad Blood. Il y a forcément des gens pour qui ces segments décalés ont été leur première expérience dans la série. Ils ont dû être sacrément surpris lorsque, la semaine suivante, Mulder et Scully enquêtent de manière totalement sérieuse sur de sordides affaires, en mode full premier degré. Le contraste a dû être une expérience très étrange et soudaine. 
Néanmoins, l'épisode offre un des meilleurs monstres de la semaine. Un monstre clairement pop, puisque l'épisode commence avec les pages d'une BD. En outre, Le Grand Mutato voit le monde à travers les objets de la pop culture auxquels il a été abreuvé durant toutes ces années. A ce titre, il est irrésistiblement fan de la chanteuse Cher, à tel point que l'épisode est ponctuellement baigné des chansons de la star. Une des scènes les plus étonnantes montre la créature en train de chanter, et de se trémousser en chantant une des chansons de Cher, un renvoi rigolo au film Risky Business. Il est intéressant d'avoir contrecarré les attentes envers la créature: Au début, le spectateur épouse la vision effrayante du monstre, en la présentant comme un silhouette étrange et menaçante. Mais le récit bascule ensuite pour montrer son humanité et sa tristesse, lorsqu'on découvre son père de substitution en train de lui apporter à manger. Par la suite, on est ému lorsqu'il enterre et pleure ce dernier qui vient de mourir.
Globalement, tous les personnages de l'épisode sont des stéréotypes sur pattes: Les villageois sont décrits comme rustres mais attachants, tandis que le docteur Pollidori est un être foncièrement mauvais, une sorte de cliché ambulant du savant fou. Un être qui aime donner naissance à des aberrations scientifiques, comme ces mouches mutantes aux pattes qui leur sort des yeux. Pour l'anecdote, Chris Carter a eu cette idée de mouches, lorsqu'il a rendu visite au docteur Thomas C. Kaufman, un ami d'Anne Simon (la conseillère scientifique de la série) qui venait justement de manipuler génétiquement des mouches pour leur faire pousser des pattes à partir des yeux.

Bien entendu, l'immense force de The Post-Modern Prometheus réside dans son excellente réalisation: Le métrage multiplie les grand angles et les effets très appuyés, comme des contre-plongée ou encore des scènes laissant apparaître que des silhouettes. Il y a également les moments d'ambiance qui joue beaucoup sur la réussite du petit film, à l'instar de ces violents éclairs qui ne cessent d'éblouir les lieux. L'épisode contient une bonne dose d'humour bien sentie et, mine de rien, assez visuelle, comme l'atteste cette déglutition rapide de Mulder, juste après le plan sur la journaliste tiquée qui bouge constamment la tête, ou encore le rapide plan sur Mulder et Scully, qui ont l'air shooté, presque affalés sur une table. La musique de  Mark Snow contribue grandement à l'atmosphère générale, avec ce motif musical fort mignon qui revient régulièrement dans l'épisode. Le compositeur compare cette petite musique à "une sorte de valse méchante très sombre, macabre et insidieuse". En outre, ce morceau reste longtemps en tête après visionnage. 
A titre, personnel, j'ai été plusieurs fois touché par le monologue du Grand Mutato, à la fin, lorsqu'il se justifie auprès des habitants du villages; ces derniers étant précédemment descendus afin de lyncher le monstre. Et bien entendu, impossible de passer sous silence cette magnifique conclusion, sur fond de la chanson Walking in Memphis, lorsque Mulder et Scully emmènent la créature à un concert privé de Cher. La scène demeure électrisante, venant convier les fans à s'émouvoir à la vision des deux agents en train de danser ensemble, avant que l'épisode ne se referme, comme un livre de contes. Une fin magistrale, assurément une des plus marquantes de toute la série.
A propos, cette dernière scène souligne le rapprochement entre les deux héros. On a l'impression que depuis Detour, les auteurs aiment distiller le doute quant à une relation potentiellement romantique entre les deux héros. Au sein d'un chapitre résolument romantique, il n'est pas absurde d'aborder le romantisme qui s'immisce entre Mulder et Scully. Dans cet ordre d'idées, le showrunner a déclaré qu'il espérait que cette histoire resterait fidèle aux racines romantiques de Frankenstein, lui qui a toujours été fan de ce type de littérature. L'auteur a d'ailleurs affirmé: "En créant Mulder et Scully, je savais qu'ils pouvaient être comparés à des héros romantiques". Alors, bien entendu, l'homme parle de "romantisme" dans un sens large, et non forcément "amoureux". Mais il est intéressant que leur relation diffère légèrement dans cette saison, tout en souvenant que Carter s'était opposé avec véhémence à l'éventualité d'une relation amoureuse entre les deux. La saison 5 se lâche légèrement sur cet aspect là. Bien entendu, il s'agit toujours d'une relation platonique, mais on ne peut s'empêcher de se dire qu'il y a bien plus que du respect mutuel, à ce stade du feuilleton.

En revanche, The Post Modern-Prometheus comporte quelques grosses fausses notes, comme cette histoire de viols non consentis. En effet, le "père" du Grand Mutato, avec la complicité de ce dernier, endort certaines femmes du village, pour les féconder ensuite, sans leur demander leur avis. Bien entendu, il ne s'agit pas de viols directs, car ces femmes sont inséminées autrement. Mais il n'empêche que l'épisode se retrouve dans une position inconfortable, car il résout ce point d'intrigue en justifiant que, de toutes façons, "ces femmes ne pouvaient plus avoir d'enfants". On repense à la femme de Pollidori, Elizabeth, qui explique à son mari à quel point elle désire avoir un enfant. Puis, la scène suivante nous suggère que son souhait sera exaucé "magiquement" via l'intervention du Grand Mutato et de son père adoptif. De surcroit, la conclusion nous rappelle (heureusement) que le monstre va aller en prison, à l'instar du docteur Pollidori. Néanmoins, Mulder et Scully prennent soin d'emmener la créature à un concert de Cher. Il est donc un peu curieux de traiter le sujet de victimes non consentantes à quelque chose de frivole, et ayant finalement peu d'impact dans l'histoire. Exactement les mêmes dissonances repérées dans Small Potatoes, à la fin de la saison 4. Cependant, ces problèmes ne demeurent pas aussi grave que le cas d'Eddie Van Blundht qui violait directement ses victimes. Encore une fois, ce n'était pas quelque chose qui me faisait tiquer, lorsque je découvris l'épisode, lorsque j'étais ado. Malgré ce ton inadéquat sur ce sujet, The Post-Modern Prometheus est suffisamment attachant pour qu'on puisse apprécier le reste. Mais je pense qu'il est important de pointer du doigt ce genre de problème, même s'il s'agit d'une série des années 90. 
Néanmoins, il est également important de souligner à quel point cette histoire de "femmes infertiles" exerce un miroir sur le personnage de Scully qui, rappelons-le, ne peut plus avoir d'enfants, comme l'a démontré la fin de Memento Mori. En effet, ses ovules ont été prélevés, pendant son enlèvement.

Chris Carter a écouté en boucle les albums de Cher, durant tout l'été où il a écrit son scénario, ce qui a ensuite découlé une obsession pour la chanteuse. Il est amusant de se souvenir que ce scénario a été écrit à la base pour Cher, mais aussi Rosanne Barr, qui ont toutes deux exprimées leur intérêt pour la série. Pour info, cette dernière devait jouer Shaineh Berkowitz, la mère d'Izzy. Mais manque de bol, les deux stars n'ont pas pu participer à l'épisode, à cause de conflits d'emploi du temps qui ont empêché leur présence à l'écran. Pour la chanteuse, elle soutient qu'elle avait initialement refusé l'invitation car elle ne voulait pas jouer son propre rôle. Lorsqu'elle découvrit l'épisode, elle a avoué regretté de ne pas avoir participer au tournage. La star déclara: "Je voulais qu'ils me demandent de venir jouer, puis ils voulaient juste que je vienne et que je chante... Juste venir et être moi-même n'était pas quelque chose que je voulais faire, avant d'avoir vu l'épisode terminé. Si j'avais vu la qualité de celui-ci, je l'aurais fait en un clin d'oeil." C'est finalement l'imitatrice de stars, Tracey Bell, qui prête sa silhouette à la Cher fictive que l'on voit à la fin. En revanche, c'est le vrai Jerry Springer que l'on aperçoit, lors de cette conclusion.
A l'instar de Never Again, qui avait invité Jodie Foster à prêter sa voix pour le tatouage maléfique (et qui devait convier Quentin Tarantino pour la réalisation), The Post-Modern Promotheus aurait dû afficher une galerie de stars. Et c'est amusant de se rappeler que Chris Carter a longtemps été contre l'idée d'inviter des têtes trop connues pour X-Files. A l'apogée de la série, force est de constater qu'il est revenu sur cette décision. 
A noter que le Grand Mutato est campé par Chris Owens qui jouait déjà la version jeune de l'Homme à La Cigarette, vue dans Musings of A Cigarette-Smoking Man et Demons. L'acteur a dû passer des heures à se faire maquiller, puis d'autres longues heures coincé avec cette grosse tête difforme. C'est Chris Carter qui suggéra à l'acteur de jouer le monstre "de manière digne", en insistant clairement sur son humanité.

The Post-Modern Prometheus est incontestablement un des meilleurs épisodes de toute la série. Il prouve que Chris Carter demeure toujours un des meilleurs metteurs en scène de sa propre création, et le petit film est parsemé de citations visuelles très chouettes. Et malgré certains aspects de son scénario clairement problématiques, l'histoire sait se montrer tendre avec cet étonnant monstre. Au final, ce petit conte de fée très singulier a été accueilli tellement chaleureusement, même si quelques détracteurs ont pu résumer tout cela a un exercice stylistique un peu prétentieux. C'est mal connaître Chris Carter qui a véritablement mis ses tripes dans ce projet. Il offre un moment de rupture et d'évasion absolument délicieux.



6. CHRISTMAS CAROL (Emily Partie 1)

Et nous revenons de plein fouet dans le mytharc. Mais détail étonnant: il s'agit de la toute première fois que la thématique de Noël apparaît dans un épisode d'X-Files. Pendant longtemps, Chris Carter se refusa d'utiliser le traditionnel chapitre de Noël dans sa série. Il est encore plus étonnant que, pour l'inauguration de ce thème, les auteurs ont opté pour l'intégrer au sein d'un segment mythologique.
Christmas Carol est un mytharc formellement atypique. Il nous permet d'apprécier Scully en dehors de son travail. En effet, ici, elle passe les fêtes de fin d'année chez sa famille. Et on constate qu'elle fait toujours la gueule, même auprès de sa famille. On dirait presque qu'elle se sente mal à l'aise, comme si elle n'était pas à sa place auprès des siens. Il est intéressant de se souvenir de la Scully de la saison 1, lorsqu'on la voyait active socialement, comme auprès de ses collègues dans Squeeze, ou bien de ses amis comme le démontrait Jersey Devil. Dana n'était pas une jeune femme aussi froide et distante, à cette époque. On peut expliquer son comportement dans Christmas Carol comme les retombées de son cancer. Peut être que cet événement l'a quelque peu isolé auprès de sa famille. A contrario, pendant Detour et The Post-Modern Prometheus, le personnage semblait plutôt épanouie avec son partenaire.
Christmas Carol est un épisode très lent et contemplatif. Il s'agit d'un mytharc qui ne révèle ses éléments mythologiques qu'à la toute fin. Avant cela, il s'agit d'une histoire qui alterne entre les passages de Scully dans sa famille, puis ceux où cette dernière enquête sur le suicide effroyable d'une femme, ou plutôt sur un meurtre déguisé. Le lien entre les deux parties est une série d'appels étranges que reçoit Scully. Cette dernière a l'impression que la personne au bout du fil a la voix de Melissa, sa défunte soeur. S'agit-il du fantôme de cette dernière ? Comme c'est Noël et comme le titre de l'épisode est "Christmas Carol", il semble tout indiqué que notre héroïne reçoive la visite de poltergeists.
D'ailleurs, dans cet épisode, j'ai toujours été troublé lorsque Scully explique à sa mère que, suite à son enlèvement et son cancer, elle ne pourrait pas avoir d'enfants. Je n'ai jamais compris comment elle a été mise au courant, puisque Mulder ne lui a pas parlé des ovules qu'il a trouvé dans Memento Mori. On peut supposer que, hors champ, la femme a dû effectuer des tests de son côté pour vérifier.

Christmas Carol a la particularité d'être un épisode sans Mulder. Enfin.. presque, puisqu'il apparaît très brièvement, lorsque Scully l'appelle à son domicile. A ce moment là, David Duchovny devait tourner le film Playing God, ce qui expliqua son absence ici. Ce morceau mythologique devait donc composer exclusivement avec l'autre moitié du duo. Et c'est une configuration totalement inédite étant donné que, en règle générale, Mulder demeure le principal moteur des mytharcs. C'est souvent lui qui démarre ces enquêtes, en plus d'endosser la caution "action" de ces chapitres. Scully a plutôt tendance à suivre, ou à travailler parallèlement de son collègue.  Ici, cette dernière va devoir dénicher une affaire et la mener à bien toute seule. D'où cette dynamique très différente de ce qu'on a pu voir jusqu'ici. Et c'est là que l'on perçoit les différences fondamentales entre les deux protagonistes: En effet, Scully est un personnage réfléchi et posé. Elle ne va pas partir au bout du monde, sur un coup de tête, comme peut le faire soudainement son coéquipier. Elle ne va pas sauter d'un train, grimper des montagnes, partir à Hong Kong ou encore en Russie. Non, à la place, Scully préfère enquêter sur une étrangeté locale, mais sans sacrifier ses devoirs familiales. L'aspect introspectif est totalement assumé par les trois auteurs de l'épisode, à savoir John Shiban, Frank Spotnitz et Vince Gilligan. Le premier a confié qu'ils s'étaient inspirés de la version anglaise de Christmas Carol de Dickens. Et comme il s'agissait justement d'une histoire d'introspection et de renaissance, ils ont décidé de placer Scully dans une situation similaire. Pour accentuer le parallèle avec le conte, la famille Sim, présentée dans l'épisode, est un clin d'oeil à l'acteur Alastair Sim qui jouait dans le film précité. 
A noter que de nombreux flashbacks parsèment l'histoire. dont un glauque où Scully se revoit enfant et découvre le cadavre de son petit lapin, mais aussi le moment où sa mère lui offre son pendentif qu'elle porte toujours autour du cou. Fait amusant: l'actrice qui joue cette version de Scully, âgée de 14 ans, est jouée par Zoé Anderson, la propre soeur de Gillian Anderson.

L'élément le plus troublant de cette affaire est que la petite fille, Emily, qui vient de perdre sa mère, ressemble comme deux gouttes d'eau à Melissa Scully, lorsqu'elle avait le même âge. Après moult péripéties et examens, le twist de fin est que cette fillette n'est pas l'enfant de Melissa mais de Dana. Il faut reconnaître que la chute fonctionne indéniablement bien car, à l'époque, je ne l'avais pas vu venir. Il faut cependant reconnaître que le test ADN a été super rapide et que le coursier est bien aimable d'apporter les résultats à Scully, le jour de Noël. Christmas Carol profite de l'occasion d'avoir un mytharc exclusivement dédié à Scully pour dépeindre les différents hommes du chapitre comme des figures problématiques. Tout d'abord, Bill Mulder apparaît comme quelqu'un d'assez intrusif et relou (je trouve personnellement). Mais surtout, tous les hommes liés au décès de Roberta Sim sont dépeints comme autoritaires, désagréables ou louches: l'inspecteur Kresge se révèle en premier assez désagréable auprès de notre agent (même s'il s'excuse de son comportement à la fin). Parallèlement, le pathologiste qui examine la défunte écarte très rapidement la piste criminelle, malgré les doutes de Scully. Ces deux protagonistes font donc figure d'autorité qui minimisent les intuitions et les théories de notre agent. Il y a également bien sûr le docteur Calderon qui ne voit en Emily qu'un cobaye pour ses expériences douteuses. Et ne parlons pas de Marshall Sim, le mari de Roberta, qui complote avec le docteur afin de maintenir Emily au centre ses recherches. En somme, tous les hommes ici se comportent comme des connards à un moment ou à un autre du scénario, et se dressent comme des obstacles face à Scully.
De surcroit, l'épisode place cette dernière elle-même comme un fantôme, au sein de sa propre famille. Elle ne semble jamais totalement présente. On est tellement loin de la Scully réservée mais tout de même plus sociale de la saison 1. On constate ici tout ce que les X-Files lui ont pris. Les coups de fils mystérieux, supposément passés par sa soeur, sont étranges. Ils octroient une dimension résolument fantastique au récit; en plus d'être un point d'intrigue jamais vraiment résolu. Durant la série, Scully a plusieurs fois vu des fantômes: Elle a vu son père tenter lui parler, au début de Beyond The Sea (saison 1). L'infirmière Owens veille sur elle pendant qu'elle est dans le coma dans One Breath (Saison 2). Elle voit l'apparition d'une des victimes de l'infirmière Innes, dans Elegy (saison 4). Et enfin le fantôme de Melissa semble s'adresser à elle ici.
En outre, depuis la saison 4, plusieurs épisodes préfigurent cette expérience de maternité du personnage. Dans Home, Scully se montre choquée de ce nouveau-né qu'ils retrouvent enterré, et elle éprouve de l'empathie pour la mère qui l'a mise au monde. Lors d'une discussion, Mulder lui suggère qu'il y a un mère qui sommeille en elle. Plus tard, la mère de Leonard Betts, dans l'opus éponyme, lui explique qu'elle comprendra certaines choses quand elle sera elle-même mère. Et enfin, The Post-Modern Prometheus traite de l'insémination artificielle, un sujet dressant une analogie avec les expériences subies par Scully. Et il est même troublant qu'il soit placé juste avant Christmas Carol.

Le trio de scénaristes ont été dans une impasse, lorsqu'ils ont essayé de créer un parallèle avec l'histoire classique "Christmas Carol" de Dickens. Au lieu de rencontrer des fantômes, Scully serait plutôt "visitée" par des versions antérieures des différents membres de sa famille, ainsi que d'elle-même.
A ce titre, il est tout de même très étonnant qu'on n'ait jamais encore vu Charles, le second frère de Scully. Il est tout juste mentionné à un moment donné dans l'épisode. Au final, nous ne le voyons que brièvement enfant, aux côtés du reste de la fraternité, dans le flashback d'ouverture de One Breath. Il y a un autre protagoniste qu'on ne voit jamais, mais qui aide pourtant nos deux agents, depuis le début de la série: il s'agit du mystérieux "Danny" que les deux agents appellent de temps à autre, lorsqu'ils ont besoin d'informations spécifiques. Chris Carter plaisanta parfois en déclarant qu'il s'agissait d'un petit lutin qui vivait dans les tiroirs du bureau de Mulder. 
Globalement, le tournage de l'épisode s'est assez bien déroulé. La prestation de Gillian Anderson est toujours autant poignante. Elle arrive parfaitement à nous faire ressentir la mélancolie de son personnage. Malheureusement, on ne pourra pas en dire autant dans la seconde partie... Mais c'est un autre sujet qu'on va aborder ensuite.
Christmas Carol se révèle être un étrange segment mythologique. Il est intéressant pour ses partis-pris, notamment d'offrir une histoire introspective à Scully, baignée dans un petit film au rythme lent. En revanche, on ne peut pas non plus dire qu'il s'agit d'un épisode passionnant pour autant. Cependant, il est amusant de noter que pour une traditionnelle histoire de Noël, l'équipe créatrice à opté pour une approche résolument déprimante.




7. EMILY (Emily Partie 2)

Et soudain, c'est le drame. Si Christmas Carol a su insuffler une ambiance éthérée et mélancolique assez saisissante, Emily affaiblie considérablement les efforts fournie par cette première partie. En effet, l'épisode se révèle finalement être très différent de son prédécesseur, autant dans son contenu que dans sa tonalité. L'ambiance mélancolique et douce de Christmas Carole s'efface pour laisser place à un récit conspirationniste beaucoup plus commun. Emily essaie d'embrasser plusieurs éléments mythologiques, mais sans apporter quelque chose de concrètement nouveau. Mulder apparaît enfin dans ce second segment, métamorphosant littéralement la dynamique instaurer par Christmas Carol. Le point agréable est que, comme le personnage était absent durant tout le premier chapitre, il est présenté comme une figure héroïque dès sa première apparition. Plus encore, il se révèle être plein de sagesse, lorsqu'il s'adresse à Scully, puis au juge au sujet de l'adoption de la petite fille. Plus globalement, la structure narrative d'Emily adopte plus ou moins celle qui émaille le fil rouge depuis la seconde saison, mais l'impression qui en ressort ici est qu'on a une impression de pastiche. L'épisode coche toutes les cases des tropes mythologiques de la série, mais sans convier aucun des seconds rôles habituels. Il n'y a pas d'Homme à La Cigarette, ni Krycek, pas même Skinner. En revanche, on voit du Mulder qui court partout, qui s'infiltre dans des endroits faiblement éclairés, et découvre des foetus chelous dans des cuves. On retrouve des aliens polymorphes au sang vert (qui continuent de mettre à mal le bienfondé des théories terre à terre de la trilogie Redux), et, plus globalement, cette partie tente de renouer avec la corde sensible instaurée par Memento Mori. En effet, impossible de ne pas penser à ce dernier segment, lorsqu'on voit Emily: Déjà, il s'agit du même trio de scénaristes crédité, à savoir Shiban, Spotnitz et Gilligan, mais il emprunte également la même tonalité et les mêmes thématiques que Memento Mori. Cependant, l'exercice en ressort globalement raté ici. En fait, l'épisode semble banal dans son déroulement. L'intrigue feuilletonnante ne progresse pas d'un iota. Pour preuve, on peut amplement zapper Christmas Carol et Emily d'un marathon X-Files sans problème. L'absence de ces deux épisodes n'empiètent nullement sur la compréhension du long fil rouge. On pourrait décemment comparer ces deux opus à Tempus Fugit et Max, qui tentèrent eux aussi de ramener la mythologie à quelque chose de plus intimiste. Néanmoins, Christmas Carol/Emily font de même, mais en y plaçant cependant des éléments scénaristiques plus significatifs de la conspiration. Cela dit, même si on s'ennuie beaucoup, il y a une ou deux scènes rigolotes dans l'épisode, comme celle qui montre Mulder maltraiter le docteur Calderon. C'est toujours surprenant et plaisant d'avoir ce genre d'accès de colère chez notre héros, surtout envers ces hommes qui n'ont aucun scrupule à maltraiter la population pour leurs expériences. Et puis, il y a "monsieur patate" et rien que pour ça, l'épisode mérite d'exister.
En outre, l'épisode est intéressant pour la confirmation que l'homme n'avait toujours pas dévoiler à Scully qu'il avait trouvé ses ovules, à la fin de Memento Mori. En tout cas, vu la tête qu'elle fait lorsqu'il annonce cela devant le juge d'adoption, on peut supposer que non. Mais il semble qu'elle savait déjà qu'elle était déjà stérile vu qu'elle en parle à sa mère dans Christmas Carol. Ce n'est pas très clair ici.

Comme mentionné au dessus, on sent un désir conscient de reproduire le succès de Memento Mori ici, mais la sauce ne prend absolument pas. Pour commencer, les deux oeuvres proposent un long monologue d'ouverture de Scully, sauf que celui d'Emily se révèle être incroyablement lourdingue et pompeux. De quoi lever les yeux au ciel, pendant toute la séquence. On a vraiment l'impression d'écouter le texte d'une adolescente de 15 ans, et c'est vraiment embarrassant. Ensuite, la structure place Scully dans un hôpital la majeure partie de l'histoire, sauf que là, ce n'est pas elle qui est mourante mais sa petite fille. La même ambiance mortifère se diffuse dans les deux scripts. A vrai dire, il n'est pas honteux d'avoir voulu réitérer le succès de Memento Mori. Ce dernier a été un succès foudroyant et un point culminant de la quatrième année. C'est un opus qui a été énormément apprécié par les fans et la critique, à tel point qu'il a été nominé de nombreuses fois aux Emmy Awards, et Gillian Anderson a reçu la récompense de la meilleure actrice pour une série dramatique. Cependant, la comparaison rend l'échec d'Emily d'autant plus vertigineux. Ici, l'actrice passe la majeure partie du métrage à faire la gueule, et à avoir l'air très triste en contemplant le vide, ou sa fille. Anderson n'y peut rien, et fait ce qu'elle peut avec ce qu'on lui propose. Mais c'est indéniablement redondant. En outre, la relation entre Scully et Emily ne fonctionne pas car l'intrigue n'accorde pas assez d'espace pour que ce lien puisse germer. Evidemment, la jeune femme n'a pas forcément le temps, puisqu'elle ne connait cette fillette que depuis quelques jours, et que, malheureusement, elle apprend très vite que l'enfant est condamnée à mourir. Difficile de créer un lien dans un tel contexte. Cependant, il y avait moyen de réduire les scènes avec Mulder qui court partout pour se recentrer sur la relation mère/fille. Force est de reconnaitre que le script n'offre pas vraiment de passages très intimes entre les deux personnages. Des moments de complicités qui auraient permis de donner bien plus de poids à l'ensemble. En définitif, rien ne fonctionne ici: Les passages conspirationnistes avec Mulder sont redondants, car il ne s'agit que de redits des éléments déjà abordés dans la mythologie, et les scènes de Scully ne proposent pas de progressions intéressantes, puisqu'elle reste à croiser les bras, l'air triste. On peut comprendre que l'absence de Duchovny a probablement donner envie aux trio de scénaristes d'allouer une importance accru à son personnage pour cette seconde partie. 
Emotionnellement, tout ce segment semble donc répétitif. Il n'y a pas de fulgurance qui se dégage à un moment particulier, pas d'émotion nouvelle auquel se raccrocher, ni de révélations significatives dans cette histoire de grand projet de colonisation. Seule subsiste une longue attente, en attendant que cette gamine meurt. Pourtant, il y a quelques fulgurances ici et là, comme la maladresse d'une Scully qui ne sait pas toujours comment se comporter face à Emily. Ce sont de très brefs instants qui auraient mérité davantage de développement. Gillian Anderson elle-même fut décontenancée par sa prestation. Dans le guide officiel de la saison 5, elle déclara: "Au final, j'avais l'impression d'être un peu démotivée, un peu trop mélancolique. Il était difficile de trouver la bonne attitude pour Scully face à un enfant qui semblait être le sien; de trouver la relation idéale avec elle et cette maladie qu'elle traverse, le tout mêlé à une dimension paranormale. Un autre problème était qu'elle n'avait aucun antécédent avec cet enfant, ce qui m'empêchait de jouer le genre d'attachement que je ressentirais si ma propre fille, Piper, traversait la même épreuve." 

A ce sujet, il est presque mesquin d'avoir offert une enfant à Scully pour la lui retirer un épisode plus tard. Bien évidemment, il s'agit d'une manière un peu artificielle pour que, à terme, la série puisse continuer avec le statut quo habituel. On se doute bien que l'équipe n'était probablement pas à l'aise avec l'idée d'intégrer une enfant, dans le développement au long cours. Plus précisément, lors des prochains loners, les scénaristes ne s'imaginaient pas intégrer la dynamique Emily à l'ensemble de la série, en obligeant par exemple Scully de devoir laisser sa fille à la crèche, pendant qu'elle parte ensuite avec son collègue chasser du monstre. Et cela peut totalement se comprendre étant donné la manière dont X-Files est construite. Vince Gilligan reconnaitra ce problème en déclarant: "J'avais le sentiment, comme nous tous je crois, que nous faisions quelque chose de dangereux en nous mettant dans une situation difficile." Il ajouta également: "Nous avons donc dû nous débarrasser de l'enfant, et cela nous a valu de nombreux ennuis avec les téléspectateurs. Certains ont détesté. Je ne les blâme pas. Tout le monde adore Scully, et nous lui avons fait subir beaucoup de choses ces dernières saisons, non pas parce que nous voulions la torturer, mais parce que Gillan est une actrice formidable. Nous voulions lui donner un rôle formidable. Christmas Carol et Emily étaient censés être bouleversants".
Et à la vue de ces déclarations, on peut comprendre pourquoi avoir élaborer un double épisode qui donnerait la part belle à Scully. Surtout que, comme nous l'avions vu, la saison 5 devait temporiser son récit avant l'arrivée du film. Un voeu qui ne sera pas tenu étant donné que le deuxième duo d'épisodes viendra bousculer les lignes Mais nous verrons tout cela le moment venu...
Mais aussi compréhensif qu'ait été le choix de tuer Emily, on ne peut s'empêcher de se dire qu'il y a quelque chose de cynique dans cette démarche. Peut être qu'il aurait mieux valu que cette petite fille n'existe pas, comme le suggère Mulder à un moment dans l'épisode. Au final, cet arc scénaristique n'est pas du tout satisfaisant. Pourtant, son postulat de départ était éminemment ambitieux. Mais le problème est qu'Emily n'évolue qu'en vase clos, uniquement confinée à cette histoire (ou presque). Un parti pris narratif qui octroie une désagréable sensation, comme un coup dans l'eau qui aurait pu se transformer en tsunami.

Pour noircir l'ensemble, le tournage ne s'est pas particulièrement bien déroulé: En effet, la fillette qui avait été choisi à l'origine pour jouer Emily a déclenché une phobie aux hôpitaux pile au moment de l'épisode. Et comme elle devait majoritairement joué dans ce décor, cela a clairement posé problème: La jeune actrice était tellement terrifiée qu'elle est devenue inconsolable. Pourtant, tout se déroulait bien, lors du tournage de Christmas Carol, et elle avait noué de bonnes relations avec Gillian Anderson. Elle passait même son temps, entre deux prises, à jouer avec Piper, la fille de la star. Mais lorsqu'il a fallu tourner les scènes médicales, même les câlins de Gillian Anderson n'ont pas suffi à calmer la fillette.
Le réalisateur Kim Manners appela le producteur exécutif RW Goodwin en lui disant: "On est dans le pétrin, mon pote ! Cette petite actrice ne coopère pas du tout." Ils ont ensuite décidé de changer d'actrice, puis de remplacer toutes les scènes de Christmas Carol en y mettant la nouvelle petite fille.
Au final, Emily sonne comme une occasion manquée. Un segment terriblement banal qui sera finalement occulté par la suite. Il n'y a rien de nouveau à se mettre sous la dent, et la relation entre Scully et Emily semble trop survolée et superflue pour qu'on en ressorte réellement marqué. Et pourtant, le potentiel était là. Cela dit, je tempère quelque peu ma critique, car je ne suis pas un monstre, tu sais. Evidemment, la tragédie qui se déroule sous mes yeux m'a un peu attristé, mais je n'ai pas pu m'empêcher de trouver l'ensemble très poussif et maladroit. Personnellement, je vois Christmas Carol et Emily comme les deux premiers gros faux pas de la mythologie. On a vraiment l'impression de faire du surplace ici, et c'est d'autant plus malencontreux que ce diptyque se retrouve coincé entre la trilogie Gethsemane/Redux/ReduxII mais aussi les prochains Patient X et The Red And The Black. Deux gros morceaux qui bousculent un peu la série, chacun à leur manière. Très sincèrement, à ce stade de la série, je pourrais comprendre qu'on commence sérieusement à être lasser par la mythologie. Heureusement que la série se rattrape énormément par la suite...




8. KITSUNEGARI (Kitsunegari)

Kitsunegari est un curieux épisode. Il s'agit tout d'abord d'une des très rares occasions de faire revenir un méchant mémorable. En effet, il n'y a eu que Tooms qui avait eu droit de revenir dans un second scénario. Cependant les motivations qui ont poussé à la création de Tooms et de Kitsunegari diffèrent totalement. Le premier était né d'une volonté de Glen Morgan et James Wong qui n'avaient pas été pleinement satisfait de leur travail sur Squeeze. En l'occurrence, ils ont voulu incorporé certaines idées qui n'avait pas été mis en boite dans le premier épisode mettant en scène le célèbre mutant. En outre, il permettait de mettre en relief l'évolution de la relation entre Mulder et Scully. En définitif, il s'agissait donc de rectifier des insatisfactions. Le second est né dans la précipitation: En effet, comme le révèle Tim Minear, coscénariste à l'oeuvre ici, Kitsunegari devait mettre en scène un criminel, condamné et athée, qui aurait entendu la voix de Dieu en prison. Ce dernier lui aurait ordonné de tuer un homme véritablement mauvais, provoquant ainsi l'évasion du prisonnier. Mais l'équipe avait besoin d'un scénario rapidement, et c'est Frank Spotnitz qui souffla l'idée de remplacer le prisonnier par Robert Modell. Comme le Pusher était la création de Vince Gilligan, ce dernier aida Minear à l'écriture. Cependant, la sauce ne prend pas complètement dans cette séquelle, malgré quelques pistes très intéressantes.
Tout d'abord, Kitsunegari prend à contrecourant les attentes du public. Ce dernier s'attend à ce que Modell continue son petit jeu qui avait été interrompu dans Pusher. D'ailleurs, même Scully met en garde Mulder que le tueur pourrait reprendre la partie là où il l'avait laissé. Finalement, c'est une fausse piste, et le scénario préfère s'aventurer sur d'autres sentiers. Et c'est tout à l'honneur des deux scénaristes qui s'efforcent consciemment de refuser le moindre fan service trop évident. Effectivement, offrir une suite à l'un des monstres de la semaine les plus marquants de la série allait forcément susciter l'intérêt des fans. Ces derniers allaient pouvoir jubiler et fantasmer sur toutes les possibilités que pouvait offrir un tel retour. Mais non. Kitsunegari se joue d'eux en préférant se questionner sur l'intérêt même d'une suite. Vince Gilligan le concéda lors d'une interview: "Cet épisode m'a rendu un peu méfiant quant aux suites, car les suites de films préférés sont très difficiles, tout comme celles de films à succès. Que fait-on pour un rappel ? Comment surpasser le premier ? Ce que j'aime dans Kitsunegari, c'est qu'on n'a pas donné deux fois la même chose au public. On a essayé de leur faire une surprise." Et cette manière de procéder semble donc parfaitement salutaire. Il aurait été fortement délicat de pouvoir surpasser le Pusher de la troisième saison. Cette approche de vouloir explorer d'autres pistes fut donc une bonne option.

Concrètement, Kistunegari regorge d'images fortes et mémorables: Comme ce meurtre presque comique où l'on retrouve Nathan Bowman aspergé de peinture bleue. Pareillement, le climax dans lequel Mulder ne sait pas si c'est Scully qui se retrouve devant lui, dans l'usine, est une scène parfaitement exécutée. Oui mais voilà... ce n'est pas Modell qui tue. Et le fan ne peut qu'être déçu. En réalité, ce dernier rôde dans cette histoire comme un fantôme du passé qui n'a plus rien à réaliser. Il revient seulement pour se révéler complètement épuisé. Et c'est logique dans un sens, puisque la fin de Pusher avait laissé l'antagoniste grièvement blessé. Il semble donc presque miraculeux qu'il ait réussi à s'en sortir. Durant une grosse partie du temps, le récit rappelle les événements de Pusher, et s'amuse à mettre les héros sur la défensif au sujet de Modell. La mise en scène insiste clairement sur le côté événementiel d'un tel retour. Pour preuve, le teaser met beaucoup de temps avant de révéler le visage de cet "homme dangereux" comme le décrit l'un des deux gardiens. Mais finalement, ce dernier évolue presque en marge de toute cette histoire. Il tente même de prévenir Mulder de laisser tomber et de ne pas d'entrer dans le jeu. Le public est surpris de trouver une version "gentille" du bad guy. Kitsunegari a tellement peur d'échouer et de se montrer indigne de son prédécesseur qu'il ne tente même pas d'être une réelle suite directe.

Le petit twist de l'épisode réside dans le fait que c'est Linda Bowman, la soeur cachée de Modell, qui se révèle être la tueuse dans toute cette histoire. Une commodité scénaristique clairement tirée par les cheveux. Et au premier abord, on pourrait aisément pointer du doigt cette facilité, surtout quand on sait que Gilligan est crédité en tant que coscénariste. Il y a une étrange impression qui se dessine lorsqu'on visionne l'épisode: Comme si les auteurs avaient totalement rendu hommage aux suites, notamment ceux des films de genre, et plus précisément dans l'horreur. On aurait très bien pu changer le titre par "La Soeur du Pusher", même si, évidemment, le mystère aurait été éventé très rapidement. Mais le fait d'avoir introduit un autre bad guy sorti de nulle part, et doté des mêmes pouvoirs, inscrit clairement Kitsunegari au sein d'une mouvance résolument pulp. Il pousse le bouchon du grotesque tellement loin que cette soeur a la même aisance à tuer que son frère. C'est effectivement une suite de Pusher, seulement Robert Modell ne constitue pas le centre de l'histoire. Tout du moins dans la seconde partie. Quand il hypnotise, il est amusant qu'il oblige ses victimes à répéter la phrase: "Il devait partir", comme une indication de la place accordée à l'antagoniste ici. Kitsunegari est tellement ambivalent dans ses intentions que la mort de Modell se révèle hautement anticlimatique. Juste avant, ce dernier force Skinner à lui tirer dessus, puis, à l'hôpital, sa soeur arrête son coeur, par sa volonté. Une scène d'euthanasie relativement douce qui laisse le champ libre à Linda Bowman pendant la dernière ligne droite, prouvant une nouvelle fois qu'il ne s'agit pas de l'histoire de Robert Modell ici. Bien entendu, Kitsunegari est plus intéressant que réellement palpitant. Il faut reconnaitre que l'intrigue se révèle assez fade, finalement. Le chapitre tente de s'émanciper de son modèle, mais sans parvenir à créer quelque chose de réellement concluant. Pourtant, il y a vraiment des moments qui fonctionnent, notamment la superbe réalisation de Daniel Sackheim qui hisse clairement le métrage vers le haut. Le final, même s'il n'égale pas l'incroyable roulette russe de Pusher, demeure très stylisé. Idem en ce qui concerne la mise à mort de la thérapeute de Modell qui est spectaculaire, même si la coïncidence que Mulder se trouve là, au même moment, peut faire tiquer. Et c'est un autre problème de Kitsunegari: il est remplit de facilités et d'invraisemblances. Au même titre que le coup de la soeur cachée, l'intrigue oblige le spectateur à durcir sa suspension consentie d'incrédulité. Mais encore une fois, lorsque je rewatche la série, je prends tout de même grand plaisir à revoir l'épisode, surtout parce qu'il est visuellement saisissant. Sackheim n'est pas vraiment un réalisateur régulier de la série, mais ses quelques faits d'armes sont vraiment notables. C'est à lui qu'on doit Deep Throat et Conduit, deux des premiers opus conspirationnistes de la série. Mais il est surtout responsable de l'aspect poisseux et sombre de The Host. Il aura la charge de mettre en image le visuellement très chouette S.R. 819 de la saison 6.

Cependant, le parti-pris de l'épisode n'a pas été bien reçu par les fans. Et on peut les comprendre. Moi même, j'avais été un poil déçu la première fois de ne pas revoir le Pusher en principal bad guy. Mais c'est un segment qui se bonifie quelque peu, à force de visionnage. Vince Gilligan a déclaré: "Robert Modell est en fait un bon gars dans cet épisode. Mais je ne pense pas que cette approche ait été bien accueillie, car le public espérait probablement voir l'un de leurs méchants préférés, Modell, reproduire les même scènes qui l'ont rendu célèbre." Comme expliqué plus haut, singer les forces de Pusher aurait très certainement desservi cette séquelle. De toutes façon, ça n'intéressait clairement pas les deux écrivains de procéder ainsi, comme le révèle Tim Minear: "Et puis, nous avons réalisé qu'il fallait mettre en lumière un autre aspect de son personnage pour que cela vaille la peine d'être réalisé".
On a presque l'impression que les scénaristes ont littéralement forcé le célèbre tueur de se réveiller de son piteux état, mais que cette condition physique l'empêchait d'accomplir quoique ce soit. En somme, Kitsunegari adopte un propos presque meta de ce que signifie réaliser une suite à une oeuvre marquante. Bien entendu, le petit film taquine le public en multipliant les références à l'épisode original: Linda Bowman force son mari a s'asperger de peinture, évoquant immanquablement l'agent Colin qui s'immole par le feu dans Pusher. De surcroit, la meurtrière utilise du bleu céruléan comme peinture, un clin d'oeil évident à la couleur préférée de notre pousseur national. Ensuite, Linda écrit "Nurse" sur un bout de papier, pour s'infiltrer dans l'hôpital, exactement comme l'écriteau "Pass" qu'avait griffonné Modell, lorsqu'il a voulu traverser les couloirs du FBI. Cette dernière arrête le coeur de son frère, comme lui-même avait fait de même à l'inspecteur Bosch, au téléphone. Sauf que le contraste entre les deux scènes est intéressante car Bowman stoppe le coeur du Pusher dans le but de le libérer, tandis que le passage dans la précédente histoire se présentait comme un meurtre douloureux. Et enfin, Mulder et Scully se confrontent, lors du grand climax de fin. Gilligan a intelligemment distillé ces renvois à l'opus original, afin de susciter des réactions pour les connaisseurs. Ces artifices ne rendent pas la copie meilleure, mais demeurent intéressants. Oh ! Il est également rigolo de noter que c'est dans cet épisode qu'on apprend officielle le prénom de la mère de Mulder:" Teena". Lors de la conclusion, Mulder prononce cette phrase "Je garde un sentiment d'échec", après que Skinner l'ait félicité pour son travail. Je me suis toujours demandé s'il s'agissait d'un aveu même des deux auteurs qui se sont efforcés de donner suite à l'un des plus importants loners de X-Files.
Le résultat de Kitsunegari se révèle plus réflexif et intéressant que réellement satisfaisant. Bien sûr, c'est un épisode assez faible, mais il n'est en aucun cas mauvais, ni même médiocre. Il semble juste un peu creux et vain, mais il demeure infiniment plus agréable que des chapitres comme Emily diffusé juste avant. Personnellement, j'apprécie toujours le relancer, malgré tout.




9. SCHIZOGENY (Schizogonie)

Oui, Schizogeny représente l'un des épisodes les plus faibles de la saison 5. Cependant, j'ai été étonné de constater que les fans le classaient parmi les pires épisodes de toute la série, si ce n'est le pire, pour certains d'entre eux. Je trouve ce classement très exagéré, car le métrage recèle quelques qualités. Très sincèrement, j'en vois des bien pire dans cette saison. En guise de comparaison, je le trouve plus intéressant qu'Emily ou que l'abominable All Souls, plus loin dans la saison. A côté de cela, il demeure bien plus intéressant, et visuellement plus ambitieux que de gros ratés comme Space ou Teso Dos Bichos. Il n'a pas la même lourdeur que Fearful Symmetry (que je trouve pourtant vaguement sympathique). Il n'est pas nauséabond contrairement à Excelsis Dei. Il n'a pas l'extrême fadeur d'un Born Again, ni l'ennui mortel de "3". Et je ne citerai pas certains horribles épisodes de la saison 7 et 9. Cependant, oui, Schizogeny rate énormément de choses qu'il tente d'entreprendre, mais tout n'est clairement pas à jeter. Mais force est de reconnaître que de nombreux éléments ne fonctionnent pas vraiment. Schizogeny hérite de la lourde tâche de raconter une histoire sur des arbres tueurs. C'est vrai que les X-Files manquaient singulièrement de bizarreries pour oser proposer une telle audace. Et cette principale menace a un coût dans cet épisode: le fait que les monteurs et réalisateur font du mieux qu'ils peuvent pour rendre les mises à mort le moins ridicule possible, et avec le budget alloué d'une série TV. Pour être plus précis, ambitionner un scénario horrifique autour d'arbres tueurs semble évidemment être une proposition casse-gueule. Si c'est mal amené, le résultat peut facilement devenir risible. Il faut donc parfaitement doser les apparitions des branches et autres racines. En résulte un sur-découpage de certaines scènes, comme celle du père de Lisa qui manque cruellement de clarté, pour le coup. On ne comprend pas du tout ce qu'il se passe dans cette séquence. Heureusement que, juste après, Mulder tente d'expliquer aux spectateurs ce qui a dû arriver: qu'une chose à l'extérieur de la maison a sûrement tiré le père par la fenêtre. Il est vrai qu'imaginer des branches qui secouent des humains dans tous les sens pourraient paraître si ridicule. La série ne pouvait bien évidemment pas verser dans le grotesque, surtout pour un loner très premier degré. La production se retrouve donc coincée: le métrage traite d'arbres tueurs mais la réalisation semble totalement réticente à les montrer, précipitant la confusion du scénario. Même le pré-générique demeure brouillon: On a l'impression que Phil Rich est juste tombé par terre, puis qu'il s'enfonce dans la boue ensuite. A l'époque, j'avais été perplexe car je n'avais pas compris qu'il se faisait "avaler" par le sol, tiré par des racines.

Pourtant, un tel concept peut créer une tonalité résolument gothique à l'ensemble. Et c'est un peu le cas dans l'épisode: ce dernier regorge de moments visuellement très singuliers. La réalisation de Ralph Hemecker donne un ton très particulier à l'ensemble. D'ailleurs, c'est probablement sa plus grande force. Le tournage a utilisé un véritable verger pour plusieurs scènes importantes, renforçant l'atmosphère très sombre et humide qui se dégage du résultat. Il y a ces passages où les arbres forment une sorte d'arche qui enferme littéralement les acteurs de cette histoire. Et comment oublier l'apparition de ce bucheron qui erre durant toute l'enquête. C'est bien sûr cliché, mais là encore c'est au service d'un conte horrifique qui se complait dans ses tropes du genre. Et ce n'est pas nécessairement un mal quand on apprécie ça. Vraiment, d'un point de vue environnemental, Schizogeny mérite le détour. C'est une histoire d'horreur assez classique, oui, mais à ce stade de la série, cela fait du bien malgré tout. On y perçoit presque des évocations à des écrivains comme Poe, par exemple. Même tout l'arc sur Karin Matthews, cette psychologue qui a connu des abus de son père, puise dans ce genre de références. Le fait que ses traumatismes se soient enracinées si profondément, à cause d'un père si mauvais, affectant par la suite la nature de la région, alloue des métaphores intéressantes, même si l'exécution laisse clairement à désirer. Plus généralement, l'épisode est baigné dans une ambiance résolument rétro: de cette horreur gothique jusqu'au style vestimentaire de Bobby Rich, qui arbore un blouson noir tout droit sorti des années 60. Il y a un parfum de kitch qui se dégage de tout le métrage. Une des références les plus appuyées provient directement de Psychose: En effet, un des twists est que, à un moment, Lisa est enfermée à la cave de sa propre psy, Karin. Puis elle se rend compte que les deux voix qu'elle entendait, en haut, provenaient en réalité de Matthews elle-même, de la même manière que Norman Bates. Le lien entre les deux oeuvres devient nettement plus explicite, lorsque la jeune adolescente découvre le cadavre du père de Karin, enraciné dans la cave. A l'époque, je n'avais pas encore vu Psychose, et ce n'est que lorsque j'ai vu le film d'Hitchcock que je me suis dit "Ah d'accord. ça venait donc de là". Pour être franc, j'avais presque été déçu, car je pensais que c'était une singularité intéressante de Schizogeny qui le rendait bien plus meilleur. Et en fait, non. Au final, il est révélé que c'est l'esprit du père de Matthews qui hante le corps de sa fille. D'où cette double personnalité qui jaillit de temps à autre. Et très sincèrement, je trouve que l'actrice Sarah-Jade Redmond s'en sort vraiment très bien, compte tenu du contexte. Sans son interprétation, l'épisode aurait davantage verser dans le grotesque le plus total. Au lieu de ça, elle joue son rôle très premier degré, et sans en rajouter non plus. Pourtant, elle hérite d'un rôle un peu ingrat. Et c'est d'autant plus agaçant que peu de gens ont salué son interprétation, alors que beaucoup ont loué le cabotinage de Kristen Clocke, et ses 50 personnalités distinctes dans The Field Where I Died. Je mourrais sur cette colline pour prouver que Redmond a été une révélation pour moi ici. Il est amusant de noter que Redmond avait déjà joué un petit rôle dans Aubrey (saison 2), un autre épisode mettant en scène une femme qui changeait de personnalité (celle de son grand-père, en l'occurrence).

Pareillement, on peut en dire autant de Chad Lindberg qui campe l'apathique Bobby Rich, l'adolescent maltraité par son beau-père. Celui qui sert de fausse piste, au début de l'enquête. Celui qui se fait accuser à tort du meurtre de ce dernier. Lindberg aussi hérite d'un rôle un peu délicat. Il semble être un cliché ambulant des adolescents. Une sorte de réminiscence de DPO, mais en plus lourdingue et grossier.  L'acteur a le regard fuyant durant tout l'épisode, créant un décalage assez étrange avec ce qui l'entoure. En outre, il marmonnait tellement son texte durant le tournage, que l'équipe a dû le redoubler en post-production, afin d'être sûr qu'on comprenne les répliques de son personnage. Cependant, sa prestation n'est en aucun cas catastrophique, comme j'ai déjà pu le lire. Sa façon de jouer naturaliste confère une personnalité à son Bobby. On sent vraiment que c'est un pauvre gamin désabusé et mal dans sa peau. Et, encore une fois, ce n'est pas la faute de l'interprète si le scénario l'oblige à jouer les clichés sur pattes. Il devient presque touchant lorsqu'il raconte ce qu'obligeait à faire Karin Matthews, lors de ses thérapies qui visaient à se mettre à la place de son beau-père. Le voir ensuite s'effondrer dans les bras de sa mère offrait un joli moment.
Enfin, Katharine Isabelle campe une Lisa, l'autre victime de Karin, de manière plus nuancée. Après, son personnage est plus réservé. Pour l'anecdote, elle est la fille de Graeme Murray, le chef décorateur de la série. Je n'ai appris que tardivement que l'actrice a connu un petit succès ensuite, notamment avec les films Ginger Snaps. 
Un des gros défaut de Schizogeny réside dans sa propension à rester dans le flou, à ne pas réussir à raccorder ses différentes idées pour créer un ensemble cohérent. En résulte un petit film pas très clair qui englobe de nombreux thèmes intéressants, mais sans parvenir à les lier convenablement ensemble. Les angoisses des adolescents étaient pourtant un bon point de départ. Et mélanger cela à une thérapeute qui projette ses propres traumatismes sur ces pauvres enfants aurait pu donner lieu à un épisode plus fort. Au demeurant, il subsiste des pistes intéressantes comme ces parallèles avec le père de Matthews, un homme tellement mauvais qu'il a contaminé le verger aux alentours. Sa mort a permis aux fruits de repousser abondamment, durant plusieurs années. Le mystérieux jardinier, Ramirez, explique qu'il existe un lien symbolique entre cette communauté et les fruits produits par le verger. Le récit aurait pu explorer ces thématiques qui sont, au final, juste esquissées. On a l'impression que l'épisode jette des idées en l'air et rattrape certains morceaux, pour ensuite les assembler, afin d'offrir un résultat au multiple arcs jamais développés. Tout paraît confus et flou durant les 45 minutes qui se déroulent sous nos yeux.

Il s'agit ici du premier fait d'arme des scénaristes Jessica Scott et Mike Wollaeger, qui avaient déjà travaillé pour X-Files, mais à des postes différents. Les deux auteurs ont mis beaucoup de temps avant de finaliser leur script. A tel point que de nombreuses plumes issues de l'équipe ont révisé plusieurs fois le scénario, d'où cette sensation de ressentir les nombreux rafistolages. A ce sujet, même l'équipe se moquait affectueusement de ce chapitre en le surnommant "l'épisode de l'arbre tueur". Quelque part, même eux avaient probablement conscience que l'idée de base semblait vraiment saugrenue.
La réplique de Scully qui déclare: "400 pouces de pluie par jour" provient d'une référence à un réel commentaire qu'avait dit David Duchovny sur Vancouver, lorsqu'il est apparu dans l'émission Late Night With Conan'O Brien. Cette petite phrase lui a valu de nombreux soucis avec les habitants de la ville. La réponse de Mulder à Scully à ce commentaire est "C'est un peu exagéré, non ?" Ce qui constitua une parfaite réponse à ce mignon clin d'oeil. Mark Snow a révélé avoir énormément apprécié son travail sur ce métrage, et il est vrai que la musique reste un des points forts ici. Il s'agit même probablement d'une des meilleurs musiques de la saison.
Pour l'anecdote, il y a eu une curieuse coïncidence à l'époque de la diffusion de Schizogeny, en France. En effet, la fameuse scène dans laquelle un arbre tombe sur la voiture de Mulder me faisait furieusement penser à la publicité pour Ford Mondeo qui passait, à la même période, dans laquelle David Duchovny manquait de se prendre un arbre. Je m'étais toujours demandé si c'était une vague référence à l'épisode, mais je pense que non.
En définitif, Schizogeny constitue assurément un des gros points faibles de la cinquième saison. Néanmoins, il n'est pas le pire, et il n'est même pas spécialement honteux, contrairement aux torrents de haine que lui déversent une importante frange de fans. Il s'agit d'un épisode confus, visuellement saisissant, mais aux nombreux thèmes sous jacents qui n'arrivent jamais à s'extirper des racines qui les retiennent (oh je la garde celle-là).



10. CHINGA (La Poupée)

Cet épisode a connu un battage médiatique majeur étant donné qu'il a été co-écrit par Stephen King, le célèbre écrivain d'horreur. Pour une série traitant du genre comme X-Files, ce fut évidemment la consécration et la reconnaissance ultime. Avant même la diffusion de la saison 5 en France, plusieurs magazines relayaient cette fameuse rencontre entre Chris Carter et Stephen King. Et c'est intéressant de dresser un parallèle entre les créations des deux hommes. King a toujours été considéré comme un auteur d'horreur. Cependant, son succès a largement dépassé la niche du genre. On pourrait estimer qu'X-Files a connu un destin plus ou moins similaire: C'était une petite série qui lorgnait totalement dans l'horreur ou la science fiction, mais Carter et son équipe ont su conquérir un public pas nécessairement accroc à ces styles précis. C'était un morceau télévisuel qui a su côtoyer de prestigieuses récompenses qui ne sont pas cantonnées au genre. La rencontre entre ces deux univers a donc constitué un rapprochement symbolique. A l'origine, ce choc des titans provient du jeu télévisé Jeopardy dans lequel David Duchovny avait perdu face à Stephen King, à l'époque de la troisième saison de la série. A la fin du jeu, l'auteur a alors confié à l'acteur son admiration pour la série, et son souhait d'écrire quelque chose dessus, un jour. Puis, des mois plus tard, il appela Chris Carter pour lui dire qu'il aimerait bien écrire un épisode de Millenium (ce qui a un peu surpris ce dernier). Il a ensuite rappelé le showrunner pour lui dire qu'il avait finalement des idées pour un X-Files. Et de temps en temps, le maitre de l'horreur rappelait le papa de la série pour esquisser les contours d'un potentiel épisode.
Ce dernier a tout de même dû réécrire certaines scènes de King pour y inclure convenablement Mulder et Scully au récit. Apparemment, dans les premières versions, le romancier ne savait pas écrire spécifiquement pour les deux héros, d'où l'intervention du showrunner qui devait rendre leurs interactions cohérentes par rapport à ce que l'on savait d'eux. Toutes ces réécritures ont donc justifié la place de co-auteur de Chris Carter dans les crédits. Pour la petite histoire, c'est King lui-même qui insista pour que le showrunner s'attribue une partie du travail. Pourtant, ce dernier aurait volontiers laissé tous les mérites au romancier.
Au final, Chinga a reçu un accueil critique plutôt tiède. Les gens ont tellement été déçu du résultat que l'épisode a subit un rejet assez vif. Néanmoins, je trouve que c'est un très chouette opus. Et c'est vraiment dommage que beaucoup de fans ne l'aient pas apprécié, car je ne peux m'empêcher de penser que, pour beaucoup de spectateurs, cette partie de la saison 5 a dû ressembler à un long moment d'ennui, comme l'atteste l'enchaînement Emily, Kitsunegari, Schizogeny et Chinga. Pourtant, je trouve sincèrement que Chinga mérite une réhabilitation. Il est clair qu'il n'est pas à la hauteur de l'événement. Il pourrait même s'apparenter à un pétard mouillé, compte tenu du battage qu'il y a eu autour de la rencontre entre Stephen King et X-Files. Finalement, Chinga demeure juste un bon épisode. Peut être que, à l'époque, je n'avais pas forcément placé des attentes déraisonnables envers cette oeuvre. Je trouvais ça intéressant d'avoir King, mais je dois avouer que je n'avais jamais lu un seul de ses livres. En revanche, ma soeur était complètement fan, et je connaissais les scénarios de certains de ses romans à travers ce que me racontait cette dernière. De plus, j'avais vu la plupart des adaptations cinéma ou télé de ses écrits. Je partais donc avec un regard plus "innocent".

Pour être tout à fait franc, si le nom de King n'apparaissait pas au générique, nous n'aurions jamais remarqué la singularité de l'ensemble. Concrètement, Chinga se déroule comme un épisode plutôt traditionnel, malgré le contexte de Scully qui part en vacances, pendant que Mulder s'ennuie à Washington. Le scénario ne propose rien de réellement surprenant qui viendrait casser totalement la routine d'un épisode d'X-Files. Il s'agit d'une histoire de sorcières et de poupée maléfique: deux tropes qui évoquent bien évidemment certaines oeuvres du romancier. De même, avoir placé l'histoire dans le Maine est clairement un renvoi à l'une des lubies de l'auteur. A côté de ça, oui, l'oeuvre de King transpire ici et là, comme en témoigne la manière dont Melissa semble ostracisée par sa communauté, comme pouvait l'être Carrie. En fait, Chinga est un épisode étonnamment agréable à regarder. Les styles de King et Carter se marient merveilleusement bien. On n'a jamais l'impression que l'un écrase l'autre. Il faut dire que, finalement, le style de King peut parfaitement se diluer dans X-Files, sans que ça soit choquant ou trop décalé. Chinga se révèle être un pur exercice horrifique qui va droit au but. Il n'est ni foncièrement subtil, ni vraiment profond. Et ce n'est absolument pas des défauts selon moi. Il y a juste le plaisir de raconter une histoire d'horreur décomplexée, telle qu'on pourrait se la raconter autour d'un feu de camp. Un genre de Chair de Poule ultra violent, en somme. Et effectivement, Chinga est graphiquement assez sanglant, toute proportion réservée. Ce n'est pas non plus Sanguinarium, mais il y a quelque chose de très frontal et graphique dans la manière de susciter la peur. La scène d'introduction est d'ailleurs assez spectaculaire, lorsque tous les clients d'un supermarché tentent de s'arracher les yeux, quand Melissa Turner et sa fille progressent dedans. C'est une pure scène cauchemardesque qui fonctionne merveilleusement bien. La chute étant que la poupée pousse Dave le boucher à se planter un couteau dans l'oeil. On ne le voit pas distinctement le faire, mais la mise en scène crée clairement le malaise. Exactement comme celle où le jouet s'en prend à Jane, en la forçant à se trancher la jugulaire avec un morceau de disque. J'ai toujours été gêné par ce passage aussi, alors que tout se déroule hors champ, démontrant la maitrise de Kim Manners, lorsqu'il s'agit de mettre en valeur les moments un peu cradingues. Chinga est également un épisode assez touchant qui raconte l'histoire d'une mère célibataire désireuse d'avoir un peu de paix, tandis que la petite ville où elle habite ne semble jamais vraiment vouloir la laisser tranquille. Depuis la mort tragique de son mari, plusieurs hommes lui tournent autour, et c'est clairement définit comme quelque chose d'intrusive. Par exemple, Dave la courtisait, mais ce ne fut pas réciproque. Pourtant, la communauté semble définir leur relation comme s'ils avaient été officiellement en couple. Jane la traite même de "putain" alors qu'elle n'a jamais rien fait. Buddy, de son côté, se permet de s'immiscer dans la vie de la jeune femme, en usant de son pouvoir d'autorité. J'ai toujours trouvé ses interventions un peu envahissantes. Et c'est clairement voulu. Enfin, la jeune mère a de terribles visions de ses connaissances en train de mourir, accentuant l'oppression que peut ressentir la jeune femme. Pour couronner le tout, les gens la traitent de sorcière. Il n'y a rien qui va. Heureusement, malgré l'horreur que subit Melissa, la conclusion du récit tend à lui octroyer une vie plus heureuse avec sa fille, Polly.

Notons que Chinga revient sur un autre thème cher de Stephen King, à savoir contextualiser son histoire au sein d'une petite ville qui semble cacher un sombre secret. Un endroit où les gens se connaissent tous, et se laissent bercer par des mythes et légendes. Une thématique que chérit X-Files également, comme l'ont démontrer moult épisodes depuis la première saison. La série adore puiser dans ces modestes communautés en marge des grandes villes, et qui semblent vouées à disparaître, au fil du temps. Il est donc intéressant que Carter et King partagent cette même fascination. Ce qui explique également pourquoi l'épisode ici semble si conventionnel. Même l'introduction d'une poupée tueuse rappelle furieusement certaines oeuvre de King, mais il convient que pour beaucoup de gens, cela semble trop cliché, trop familier dans le cadre d'un X-Files. Pourtant, son utilisation est plutôt intelligente et effrayante ici: La plupart du temps, elle ne fait qu'ouvrir les yeux et balancer ses phrases préprogrammées, à l'exception de la fin, où elle semble réellement parler. Mais au final, on ne la voit jamais distinctement se mouvoir, à part lors de fugaces séquences qui nous montre son ombre projetée. Procéder ainsi constitue un moyen adéquat pour la production d'éviter le ridicule ou le gonzo, comme pouvait se complaire la série Chucky (qui est d'ailleurs citée par Mulder, à un moment). Bien entendu, intégrer une poupée et une enfant perturbée sont des tropes horrifiques qui ont déjà fait leurs preuves depuis des décennies, même dans X-Files. Il y a quelques chose d'inconfortable d'être en présence d'enfants, sont souvent source d'innocence, devenir subitement dérangeants, voir même dangereux. Eve est probablement l'exemple le plus réussi du programme, car non seulement les deux gamines de cet épisode tuaient leurs pères de manière atroces, mais aussi parce qu'elles étaient dépeintes comme deux fillettes extrêmement intelligentes, manipulatrices et sociopathes. La petite Polly de Chinga n'est pas  diabolique. Elle ne semble jamais véritablement consciente que sa poupée soit vivante, ou alors j'ai mal compris. En revanche, elle apparaît comme profondément désagréable, et elle mène la vie dure à sa mère, visiblement. Effectivement, cette dernière a l'air même mal à l'aise devant elle. Il semblerait que Melissa a l'air de croire que sa fille possède certains pouvoir, comme le suggère la phrase: "s'il te plait, ne fais pas ça à maman", quand elle constate l'étrange comportement des clients du magasin. Concrètement, l'intrigue n'est jamais très clair sur la relation entre la petite fille et la poupée: Il est parfois suggéré que le jouet exerce comme une emprise sur l'enfant, mais ce n'est jamais clairement défini. Mais la subversion de rendre inquiétants des éléments enfantins marchent assez bien ici, et c'est renforcé par l'utilisation abusive de la chanson "The Hokey-Kokey" que Polly écoute à longueur de journée.

Malgré les aspects purement horrifiques et premier degrés, Chinga cache également une bonne dose d'humour noir qui colle bien avec le côté "brut de décoffrage" de l'ensemble. Cependant, les intentions de l'épisode ne sont jamais très bien délimitées: On ne sait pas toujours saisir les moments volontairement grotesques de ceux purement premiers degrés. Clairement, les scènes entre Mulder et Scully sont indéniablement savoureux. Ils bénéficient grandement de l'alchimie entre les deux comparses. Il est d'ailleurs amusant d'avoir séparé les deux personnages, car on se délecte à chaque fois qu'ils s'appellent pour détendre l'atmosphère. Il est tellement rigolo de voir Mulder tellement s'ennuyer de l'absence de sa partenaire qu'il ne sait pas comment profiter de ses jours de congés. Le point culminant étant la conclusion, lorsque Scully découvre qu'il s'est amusé à jeter des crayons en l'air, pour de les enfoncer dans le plafond. Une fin qui appuie sur les différentes tonalités: à savoir la légèreté qui côtoie l'horreur un peu kitch, comme le prouve le retour final de la poupée, juste avant le fondu au noir. Réside ici un pur plaisir de concevoir un métrage efficace et simple, sans fioriture. Un peu comme ce qu'a voulu être Sanguinarium, mais, honnêtement, en bien plus réussi. Il est aussi cocasse que les X-Files semblent suivre également Scully partout où elle va: elle ne peut pas passer quelques jours de vacances tranquille sans qu'elle ne devienne le témoin privilégié d'une enquête fantastique. Elle se laisse même séduire finalement par la curiosité de l'affaire, comme s'il l'enquêtrice ne valait pas forcément mieux que Mulder. Les deux agents sont littéralement dévorés par leur travail. Ils n'existent que pour ça. En y regardant de plus près, on pourrait voir Chinga comme une inversion de War of The Coprophages: Dans ce dernier, c'était Mulder qui allait vadrouiller la nuit, pour se faire rattraper par les X-Files. Tandis que Scully attendait impatiemment les coups de fils de son partenaire; l'intrigue mettant en évidence le fait qu'ils étaient incapables de décrocher réellement de leur travail.
En définitif, je trouve que la pluralité des tons alloue des contrastes assez saisissants: Placer une blague suivie d'un élément dramatique tend à rendre l'impact de ce dernier plus important. Je sais que les différentes tonalités de l'épisode n'ont pas été forcément bien accueilli non plus; certains spectateurs se sentaient perdus au milieu de tout ça. Selon moi, ça donnait de la force à un épisode on ne peut plus classique. Il faut dire que Kim Manners excelle, comme à son habitude, lorsqu'il faut imager une histoire macabre. Et il est très doué pour mélanger horreur et humour noir, à l'instar de certains de ses plus chouettes travaux, comme Die Hand Die Verletzt, Leonard Betts ou même Humbug. Chinga bénéfice donc du savoir faire du metteur en scène. C'est un épisode vraiment bien fichu qui se déroule avec une fluidité exemplaire.

A ce sujet, le réalisateur a particulièrement apprécié travailler dessus, comme il le raconta lors d'une interview: "Nous avons lu le scénario de Stephen King, qui était excellent, mais probablement impossible à reproduire pour une heure de télévision. Chris l'a réécrit. C'était amusant à faire et je trouve que ça a bien fonctionné. Les gens ont soit beaucoup aimé, soit vraiment détesté." J'ai tout de même l'impression que les détracteurs sont plus nombreux, à titre personnel. Peut être sont-ils les plus bruyants ? Et justement, dans cette même interview, au sujet des fans, il déclara: "Voici une communauté de fans qui s'investit pleinement et personnellement dans une série. J'allais sur internet et je consultais les forums de discussion, mais je me suis énervé, car ils pensaient que c'était leur série. Et on ne peut pas satisfaire tout le monde. Mais je pense qu'un jour, dans 10 ou 15 ans, les gens se souviendront d'X-Files comme certains se souviennent d'I Love Lucy ou de la Quatrième Dimension."
Il est toujours intéressant de voir à quel point avoir des retours de son travail, mais à une échelle immense, peut être déstabilisant. 
Petite anecdote mignonne: Le réalisateur offrit la poupée à Jenny-Lynn Hutcheson, la petite actrice qui jouait Polly. Je me demande si elle a toujours conservé ce chouette souvenir de la série... A ce sujet, l'équipe a longuement réfléchi pour concevoir une poupée maléfique différente de celles que le public a déjà vu. Au final, le problème a été résolu en assemblant divers pièces issues de plusieurs poupées pour parfaire son apparence, dont une tête surdimensionnée et une immense perruque.
Une autre fun fact révélatrice raconte que les prémonitions morbides de Melissa Turner ont été minutieusement élaboré en post-production par Laurie Kallsen-George, la superviseure des effets spéciaux. Pour être sûr du résultat, l'artiste les a ensuite testé en les montrant à ses deux enfants, âgés de neuf et onze ans. La femme expliqua en rigolant qu'elle évaluait beaucoup de séries en se demandant si ses enfants supportaient ou non. Elle conclut: "S'ils ne les supportent pas, je me dis que c'est réussi, et Chinga les a beaucoup perturbés."

L'équipe a réellement pu tourner dans un authentique supermarché, et non dans une réplique. Par malchance, lors de la scène d'automutilation des acteurs, un vrai client est malencontreusement entré dans le magasin, et en est vite ressorti paniqué. J'imagine l'étrangeté de ce qu'il a dû voir...
Pour finir en beauté sur cette série d'anecdotes, Chris Carter s'est confronté à un problème inattendu: En effet, le titre de l'épisode a suscité la controverse au sein de la Fox. "Chinga" est un gros mot dans certaines régions espagnoles. Visiblement, la production n'a pas eu de problème avec les effets un peu violents de l'épisode, mais sur le titre, oui. Il y a de nombreux exemples de décalage qui subsistaient parfois dans les départements de censures des chaînes. Justement, dans une interview entre le showrunner et Conan O'Brien, sur ce sujet, le dernier a déclaré: "C'est super, parce que c'est tout à fait vrai. Je ne sais pas si les gens le savent, mais les avocats de Standards s'opposent souvent à une chose. Vous mettez quelque chose de bien pire, et ils disent "eh bien, c'est mieux". Je ne sais pas pourquoi."
Ces invraisemblances a souvent été critiqué de nombreuses fois par Darin Morgan. Lui aussi a été une victime de l'aspect purement arbitraire de la censure sur son propre travail.

Franchement, j'ai énormément de sympathie pour Chinga. Evidemment, compte tenu du côté événementiel d'avoir un imposant auteur comme Stephen King à l'écriture, on aurait pu s'attendre à un épisode totalement incroyable. On se contentera seulement d'un bon X-Files, et c'est déjà bien. Mais je reste convaincu que les attentes démesurées ont joué en défaveur du résultat final. C'est un épisode délicieusement kitch, et on sent malgré tout que l'équipe a pris plaisir à plancher dessus. Probablement en ayant à l'esprit, la fierté de travailler sur un script d'un maitre de l'horreur.




11. KILL SWITCH (Clic Mortel)

Il est très étonnant que Kill Switch se situe juste après Chinga. Les deux épisodes ont été écrit par des sommités dans leurs domaines respectifs. Le deuxième a été élaboré par le maitre de l'horreur, tandis que le premier a été conçu par William Gibson et son compère Tom Maddox. Gibson étant tout simplement le pionnier du genre cyberpunk, ce sous genre très particulier de la science fiction. A ce titre, les thèmes et l'imagerie de l'artiste ne colle pas forcément avec X-Files. En tout cas, sur le papier, il semble plus délicat de faire cohabiter le style général de la série et celui de Gibson. A ce stade de vie, le programme a déjà repoussé les limites de ce qu'elle pouvait proposer habituellement. On a eu des épisodes décalés et humoristiques comme Jose Chung's: From Outer Space ou encore The Post-Modern Prometheus, mais là, il s'agissait de donner le feu vert à un auteur très singulier qui n'avait jamais travaillé pour une série comme X-Files. Pendant des années, Chris Carter a ancré son oeuvre dans notre monde contemporain, et à le dépeindre de manière réaliste. Gibson, lui, appréciait explorer le futur plus ou moins proche, en s'interrogeant sur le cyberespace et les questionnements sous-jacents. En outre, traiter de l'intelligence artificielle n'avait pas forcément réussi à la série, quand on se souvient de Ghost In The Machine. Alors évidemment, cet épisode de la première saison appartient aux prémices hésitants du jeune show, à l'époque où l'équipe tâtonnait, en essayant de voir ce qui fonctionnait ou pas.. Il est donc clair que le contexte de la cinquième saison soit très différent. Actuellement, le noyau dur du staff a roulé sa bosse, et bénéficie désormais d'une maitrise, ainsi que d'une vision, mieux affûtées qu'auparavant. Mais revenir à une histoire d'IA semblait tout de même être une idée audacieuse. Assurément, avec un tel postulat de départ, le projet Kill Switch aurait facilement pu s'écrouler. Au final, il s'agit d'un des meilleurs épisodes de la saison. Tu ne m'en voudrais pas si je te disais qu'il s'agit tout simplement d'un de mes épisodes préférés de toute la série ? Parce que ça l'est, même si, il faut le reconnaître, les préoccupations soulevées dans le récit semblent aujourd'hui résolument plus datées...

Kill Switch fonctionne étonnamment bien, et malgré ses thématiques et son ton particulier, il s'inscrit parfaitement dans X-Files. Et c'est vraiment amusant de comparer les deux épisodes qui se suivent: Chinga puis Kill Switch, et voir ce qui a marché dans les deux projets. L'effet miroir est encore plus rigolo lorsqu'on constate que les deux plus prolifiques réalisateurs de la série se sont partagés les deux oeuvres, chacun mettant en scène un épisode parfaitement adapté à leur style respectif: Avec Chinga, Kim Manners a pu plancher sur le travail de Stephen King. Lui qui a une aisance naturelle pour les contes horrifiques et qui sait manier le suspense des scènes de meurtres. Rob Bowman a la charge de Kill Switch, l'opus de William Gibson, un projet au rythme effréné qui multiplie les scènes d'action, et se permet même quelques énormes explosions, lors de plusieurs très grandes scènes tendues. A ce titre, ces effets pyrotechniques ont coûté assez cher à la production, faisant de Kill Switch le chapitre le plus cher des 5 premières saisons. Bowman est souvent crédité sur les épisodes les plus "actions" de la série, notamment au sein du mytharc. Ce fut d'ailleurs la première réalisation de l'artiste pour la saison 5, après avoir fini le tournage de Fight The Future. Lorsqu'il lu le scénario, il a estimé que c'était la chose la plus complexe qu'il ait jamais vu pour la série. Plus précisément, il a expliqué que comme William Gibson était romancier, sa seule limite était son imagination. Il pouvait incorporer et imaginer ce qu'il voulait dans ses livres. Par la suite, le script a dû être plusieurs fois retravaillé pour qu'il puisse rentrer dans les standards de la série. Au final, Bowman a effectué un travail ahurissant. Le résultat dégage une énergie incroyable, en plus d'avancer avec une insolente confiance. Compte tenu de l'ampleur de l'histoire, c'est salutaire.
Prenons l'exemple du teaser qui se montre ingénieusement mis en scène. L'idée est brillante: En effet, cette IA tue indirectement son créateur, Donald Gelman, dans un diner, en conviant des malfrats du coin pour qu'ils s'entretuent tous ensuite; le malheureux programmeur se retrouvant donc au milieu du massacre. Pourtant, la limpidité de la scène ne fut pas une mince affaire. Il fallait bien clarifier ce que mijotait cette IA pour piéger Gelman. En outre, comme il s'agit d'un pré-générique, le spectateur est susceptible de ne pas connaitre le synopsis de l'épisode, et doit soupçonner une intelligence artificielle d'être responsable de cette mascarade, dans ce qui constitue le nouveau monstre de la semaine. L'atmosphère poisseuse et sombre n'est pas étrangère à la réussite de l'ensemble. 

La photographie et les couleurs choisies sont vraiment atypiques. Un superbe travail technique qui a même été récompensé, puisque la monteuse Heather MacDougall a reçu un Emmy pour son travail sur l'épisode. Et effectivement, Kill Switch bénéficie d'un cachet visuel sublime. Je pense sincèrement qu'il entre aisément dans le top 10 des épisodes les plus impressionnants. Le découpage de la scène dans les docks, lorsque Mulder, Scully et Esther vont se faire atomiser par un laser d'une station orbitale, représente un moment de tension absolument jubilatoire. La musique de Mark Snow contribue également grandement à la réussite de la séquence. La composition semble même plus grandiloquente à ce moment précis, comme pour souligner l'aspect très cinématographique de la mise en scène. Bien entendu, Kill Switch constitue une preuve suffisante de pourquoi Rob Bowman fut probablement le choix le plus judicieux pour prendre les commandes du film X-Files. Ce dernier a donc eu la lourde tâche d'adapter le style unique de Gibson et Maddox dans l'ancrage plutôt réaliste de la série. Au final, le résultat est un élégant compromis, même si l'accent penche davantage vers une approche plus stylistique que d'habitude. Rien que l'atmosphère onirique du Metro Diner du teaser évoque un rêve éveillé, comme si ce que nous voyons n'était pas vraiment réel. Toute l'atmosphère semble donc étrange. Et il est intéressant que Bowman ait réussi à intégrer une bonne dose de cyberpunk, mais mêlée harmonieusement avec quelques touches de "réalisme". Un sacré travail d'orfèvre. 
Puis, évidemment, il y a cette longue séquence dans le dernier acte, qui nous montre un Mulder prisonnier de l'IA, dans la caravane qui sert de QG à la "machine". Cette dernière lui enfile un casque de réalité virtuelle pour le terroriser. En résulte ces scènes totalement surréalistes dans lesquelles notre héros est dans une sorte d'hôpital éthéré, avec des infirmières clichées et sexy qui le torturent. L'homme se retrouve même amputé des deux bras ! La séquence est évidemment choquante, même si on se doute que rien n'est réel ici, mais rien que pour voir un Mulder horrifié et paniqué, la séquence se révèle infiniment marquante. Le clou du spectacle réside dans l'apparition d'une cyber Scully qui sauve son compère en combattant les infirmières à mains nues, demeurant assurément comme un des moments les plus déjantés vus jusqu'à présent. Un délire purement ludique pour le spectateur. A ce propos, Kill Switch est encore un exemple d'histoire où c'est Scully qui vole au secours de Mulder. Ce dernier, en panique, implore Scully à plusieurs reprises, et ça fait bien plaisir de voir ça. Les auteurs ont bien appris la leçon depuis la saison 2. Depuis, il y a eu plusieurs fois où c'est ce dernier "l'homme en détresse". A côté de ça, il y a également plusieurs moments où Scully se débrouille très bien toute seule. Il y a même des épisodes où elle est clairement une meneuse de groupe comme dans Agua Mala (saison 6). 

A ce sujet, Kill Switch gère incroyablement bien ses deux personnages principaux. Au delà de la séquence VR de Mulder, Scully a une superbe relation avec Esther Nairn, le génie informatique qui tente de détruire l'IA. Notre héroïne se montre d'abord dédaigneuse envers la jeune femme, et ça peut se comprendre vu que cette dernière l'a tasé plusieurs fois, lors de leur première rencontre. De surcroit, Scully est évidemment très sceptique sur toute cette enquête, mais un scepticisme qui se traduit par un savoureux sarcasme, révélant la grande forme du personnage. A de nombreuses reprises, elle lance plusieurs petites répliques cinglantes, avec son petit sourire suffisant. Et on peut comprendre ses réticences ici. On dirait que l'intrigue est consciente de ses extravagances scénaristiques et passe par la voix de Scully pour signaler au public que: "oui oui, c'est un monstre de la semaine un peu particulier ici". Gillian Anderson est formidable: son jeu se révèle subtil, avec ses petits jeux de regards qui en disent long sur son impatience ou sur son scepticisme. On parle toujours des épisodes larmoyants qui prouvent que, oui, l'actrice mérite tous les Emmy du monde. Cependant, jouer un personnage avec ses petits tics et manières, de tous les jours, est tout a fait admirable pour un acteur. Kill Switch démontre clairement les talents d'Anderson. 
Même si notre agent et Esther ne partent pas du bon pied (chacune tenant tête à l'autre), le ton s'adoucit dans la seconde partie: à tel point que Scully s'inquiète même de ne pas voir revenir la hackeuse, à la toute fin, juste avant que la caravane explose. Notre sceptique de service s'entend tellement bien qu'elle semble même adhérer aux théories d'Esther, et de croire en cette histoire farfelue d'IA qui peut les foudroyer, si elles ont le malheur d'utiliser un téléphone. Finalement, Scully se prend de compassion pour Esther, pile quand cette dernière croit avoir perdu David, son compagnon qu'elle considère comme son âme soeur. En définitif, les deux femmes partagent d'incontestables points communs: Elles sont toutes les deux brillantes dans leur domaine respectif, en plus d'accorder leur vie à un homme qu'elles aiment profondément. 

Kill Switch est un épisode qui a un peu vieilli sur les fantasmes du futur qu'il projette. C'est bien évidemment le cas d'énormément d'oeuvres traitant de la science fiction, de Retour Vers Le Futur jusqu'à Blade Runner. Parfois, l'esthétisme ou la représentation de l'avenir peuvent devenir désuets, avec les décennies passantes. Pour Kill Switch, il y a certains éléments visuels qui trahissent l'époque où l'épisode a été conçu. En premier lieu, l'apparence d'Invisigoth peut paraître assez kitchouille aujourd'hui. Son look de techno-gothique, avec son eye-liner noir de raton laveur, respire les années 90. Même à l'époque, elle contrastait fortement avec Mulder et Scully, puisqu'elle représentait le style de William Gibon. Néanmoins, il est intéressant de noter qu'elle préfigurait le personnage de Trinity de Matrix. En effet, il est bon de rappeler que Kill Switch est sorti un an avant le succès planétaire des soeurs Wachowski. Il précède même Dark City de quelques mois.
Par ailleurs, les thématiques liés au début de l'internet grand public peuvent paraître un peu datées. Cependant, elles n'ont pas non plus excessivement vieillies. Elles visent parfois étonnamment juste avec quelques unes des réalités auxquelles le monde a connu, avec l'explosion du net. L'intrigue dépeint ce vaste environnement virtuel comme une sorte de far west que les humains vont pouvoir conquérir. Elle prophétise un nouveau monde aux possibilités illimitées en gestation, et c'est totalement vrai. Kill Switch est paru en 1998, et même s'il y avait déjà des forums et des tas d'autres sites, internet allait véritablement bouleverser nos vies, très peu de temps après. Même si l'antagoniste de l'histoire est un virus doué d'intelligence qui sévit sur la toile, l'épisode est plutôt optimiste dans sa manière de traiter le sujet. On y trouve même un soupçon de romantisme, notamment à travers l'idée que David et Esther veulent quitter leur corps, pour ensuite évoluer ensemble dans le réseau, et ainsi vivre éternellement ensemble. Bien entendu, il subsiste également des traces de la réalité virtuelle, une iconographie très marquée cyberpunk. Et même si David et Mulder en son victime, la VR de l'intrigue représente également l'alternative pour vivre dans ce nouveau monde. Nous sommes loin de la vision pessimiste de The Lawnmoyer Man (d'après un nouvelle de Stephen King hé). Cet optimisme vise parfois plutôt justes, en plus d'éviter au script de Gibson et Maddox de paraître antipathiques ou totalement dépassés. Cependant, force est de reconnaître que, oui, c'est un épisode qui respire la fin des années 90. Mais il demeure néanmoins toujours aussi divertissant et incroyablement rythmé. En plus, on a même beaucoup de scènes rigolotes avec les Lone Gunmen. Que demander d'autres ?

Bien entendu, même si Carter n'est pas du tout crédité dans le métrage, on peut imaginer qu'il a dû rafistoler quelques passages pour qu'il entre convenablement dans les cases de la série. A l'instar de Chinga, le script de William Gibson et Tom Maddox a mis des mois avant d'être finalisé par les deux auteurs eux même, puis par l'équipe de scénaristes qui ont notamment retravaillé les réactions de Mulder et Scully envers Esther. A ce sujet, c'est Chris Carter qui a rendu le personnage agressive et punk, contrairement à ce qu'on pourrait croire, à priori. Gibson et Maddox l'avaient initialement décrit comme quelqu'un de plus sympathique. De surcroit, comme mentionné plus haut, certaines ambitions ont sûrement été revu à la baisse pour coller avec le budget du show. Mais il est intéressant de constater que les conditions de travail sur la saison 5 a permis une flexibilité que n'avait pas la saison précédente: Chris Carter n'a plus à s'occuper de Millenium, et le travail sur Fight The Future était globalement terminé. Ce temps libre a permis au showrunner de rester en contact avec Stephen King, William Gibson et Tom Maddox afin de réfléchir longuement sur leur épisode respectif. C'est cette ambiance plus "détendue" qui a donner la possibilité à Carter de pouvoir plancher tranquillement sur un projet aussi personnel que The Post-Modern Prometheus.
Pour la petite histoire, Gibson et Carter se croisaient régulièrement lors de nombreux vols d'avions entre Los Angeles et Vancouver. En effet, l'écrivain de science fiction vivait à Vancouver lui-même. Et c'est lors de ces voyages que l'auteur demanda l'autorisation au showrunner pour que sa fille de 13 ans, grande fan de X-Files, puisse visiter les plateaux de tournage. C'est d'ailleurs via la suggestion de sa fille qu'il découvrit la série, à l'origine. Puis un jour, Carter demanda à Gibson s'il serait intéressé pour écrire un scénario pour la série. Mais il a fallu attendre longtemps pour que la concrétisation de ce souhait aboutisse réellement.
Niveau tournage, l'intérieur de la caravane de l'intelligence artificielle s'est révélé assez anxiogène, et pouvant facilement créer des frayeurs aux claustrophobes. Gillian Anderson décrivit le décor comme "le décor de l'enfer !"
A ce titre, l'impressionnante explosion de ce décor a généré une sacrée onde de choc. Conséquence: certains riverains se sont plains à l'équipe de tous ces désagréments.
Cette histoire de caravane a par ailleurs constitué les prémices d'écriture de l'épisode. Plus précisément, Maddox a longtemps été intrigué par une maison totalement abandonnée, près de chez lui. Les fenêtres étaient fermées et elle était entourée d'une clôture grillagée, au bout milieu d'un quartier normal. C'est cette image qui a donné la vision d'une étrange caravane abandonnée qui abriterait une dangereuse intelligence artificielle.
Bien entendu, celle qui a adoré particulièrement ce chapitre a été Gillian Anderson qui apprécié donné des coups de karaté aux fakes nurses. L'actrice déclara à ce sujet: "J'étais en bonne forme à ce moment-là, et j'avais hâte d'y aller et de battre ces infirmières à moitié nues avec quelques coups de karaté." Son compère David Duchovny ne partageait pas forcément son enthousiasme sur cette scène. Lorsqu'on lui a montré le scénario, et qu'il a dû se montrer "impressionné" par les compétences de combat de Scully, il a répondu: "Mais... je n'ai plus de bras. J'ai perdu mes bras. Pourquoi devrais-je me soucier du karaté de Scully ?" Dean Haglund, l'interprète de Langly, a qualifié cette séquence d'une des plus grandes scènes de combat de tous les temps."
Pour conclure, Kill Switch m'a toujours paru sous-estimé. Disons qu'il est hautement apprécié, mais il est rarement cité dans les meilleurs X-Files. A titre purement personnel, il représente clairement un des sommets de toute la série. Un des épisodes les plus formellement audacieux, en plus d'être irrésistiblement amusant à regarder.



12. BAD BLOOD (Le Shérif à Les Dents Longues)

Enchainons avec un autre sommet: à savoir un des épisodes les plus drôles de X-Files. Bad Blood représente la seconde incursion de Vince Gilligan dans la pure comédie. Tout du moins, dans la série. Et les réserves que j'ai pu avoir pour son Small Potatoes n'ont pas été réitéré ici. Tu te souviens, je reprochais beaucoup de maladresses à l'unique épisode léger de la saison 4: Son côté bordeline dès qu'il s'agissait d'aborder les viols, ses gros problèmes de rythme, mais aussi son aspect fan service rigolo, seul moment vraiment jouissif, mais qui ne couvrait qu'un tiers du film. Bad Blood évite tous ces écueils et se permet même d'aller au delà de toutes espérances. Plus généralement, il s'agit là d'un des épisodes préférés des fans. Effectivement, depuis la fin de la série, il est très régulièrement cité dans la liste des incontournables de X-Files, dès qu'un article dresse un top sur la série. Il est largement considéré comme un classique incontesté.
En premier lieu, Bad Blood se joue des conventions de la série de manière indéniablement plus convaincantes que Small Potatoes. Et l'opus se permet même de creuser les singularités entre le style de Gilligan et celui de Darin Morgan. Ce dernier distillait son humour, presque pince sans rire, dans des histoires aux accents philosophiques profondément mélancoliques et dépressives. Gilligan n'est pas aussi subtil dans son approche, préférant augmenter les potards du côté burlesque que Bad Blood s'empresse d'épouser à fond. Il s'agit probablement d'une des études de personnes les plus cinglantes. Concrètement, le récit nous permet de voir la même histoire via deux points de vue différents: Celui de Mulder et celui de Scully. Ce procédé narratif permet de nous donner un aperçu de la manière dont les deux protagonistes se voient l'un l'autre, mais également comment ils se perçoivent eux même. Tour à tour, nous voyons comment Mulder et Scully interprètent les événements d'une curieuse affaire de vampires. L'inspiration de la création de ces deux récits subjectifs provient d'un épisode du Dick Van Dyke Show, dans lequel les personnages de Rob et Laura relatent chacun leur tour pourquoi ils s'étaient disputés, donnant lieu à deux versions distinctives d'une même histoire. De l'aveu de Gilligan, la structure de Bad Blood s'inspire donc de cet épisode, mais aussi du film classique Rashomon.

Les deux versions de Mulder et Scully demeurent toutes les deux hilarantes. C'est un puits sans fin de gags et de traits d'humour, que ça soit dans les dialogues, les détails, mais également dans les mimiques des deux vedettes. Bien entendu, chacun se donne le bon rôle: Scully se décrivant comme blasée et victime de son puéril et irresponsable coéquipier, tandis que Mulder se voit comme raisonnable, ouvert d'esprit, et mesuré face à sa collègue intransigeante et susceptible. C'est évidemment très drôle de voir Mulder avoir peur de Scully, lorsqu'il présente la nouvelle enquête du jour. Lorsqu'il dégaine ses billets d'avion, il prend soin de les poser délicatement, près de sa partenaire. A contrario, la vision de cette dernière nous montre un Mulder excessif dans ses gestes. Bien sûr, je ne vais pas lister toutes les différences et toutes les blagues du métrage, mais il convient de souligner à quel point Bad Blood enchaîne les idées et les gags à la vitesse de la lumière. Il est parfaitement calibré du début à la fin. Plus globalement, chaque version de l'histoire déforme les caractéristiques des deux héros: Chacun devenant des caricatures grotesques de l'une par rapport à l'autre. Bien entendu, comme il s'agit de convaincre Skinner et de tenter de gagner un potentiel procès, on peut imaginer que Mulder et Scully exagèrent volontairement certains de leurs traits de caractères. En l'occurrence, on peut percevoir néanmoins un côté passif-agressif dans la manière qu'ont les deux agents de se décrire. Par exemple, Mulder prend soin de préciser que le shérif Hartwell avait de très longues dents, afin de provoquer Scully. Il est amusant de souligner que, dans les deux versions, Scully semble perdante quoiqu'il en soit. Pour être précis, selon elle, son apathie révèle qu'elle suit péniblement son partenaire. A contrario, le récit de ce dernier la dépeint comme une frustrée colérique pour qui son collègue ne reconnait pas tous les efforts qu'elle consent pour lui. Dans l'histoire "objective", il est tout de même incontestable que Mulder lui demande de témoigner pour lui. C'est finalement lui qui a été inconséquent et qui a planté un pieu dans le corps d'un adolescent. Lorsqu'elle suggère de dire à Skinner qu'il a été drogué, il rechigne d'abord, avant de flipper et de corroborer la suggestion de Scully. On sent que, quoiqu'il en soit, Mulder a besoin de Scully. Bad Blood met clairement en évidence que cette dernière constitue la caution raisonnable de notre enquêteur. Elle l'aide à ne pas succomber à ses émotions, et à ses pulsions, exactement comme Mulder lui confiera ultérieurement... Plus globalement, le script de Gilligan place Mulder davantage comme quelqu'un de déraisonnable qui a dû mal à interagir avec les autres. Il a beau être un brillant profiler, qui arrive habillement à se montrer perspicace, lorsqu'il s'agit de dresser un profil psychologiques sur des tueurs, il n'a cependant pas le même flair pour voir ce qui cloche dans son propre comportement. A contrario, Scully a beau se montrer dépitée, à de nombreuses reprises, elle éprouve tout de même du plaisir à suivre les affaires intrigantes de son collègues. Ce dernier déteint tellement sur sa personnalité qu'elle est attirée par les histoires bizarres, comme l'atteste ses vacances écourtées dans Chinga.

Le plaisir de Bad Blood repose donc sur les interactions entre les deux héros. Cependant, c'est un épisode qui s'apprécie uniquement si on est familier de l'univers X-Files. En effet, quelqu'un qui découvrirait la série via cette histoire risque de ne pas comprendre réellement, et de passer à côté de l'essentiel. Mais un tel brio provient évidemment de la plume de Gilligan qui a toujours eu un sens aigu de la caractérisation. Il a toujours été très doué pour dépeindre ses personnages, et en tant qu'ancien fan affûté, il connait les deux stars sur le bout des doigts. Et il sait comment faire plaisir aux autres fans. C'est un auteur qui adore la télévision, la pop culture, et qui prend plaisir à créer des épisodes incontestablement ludiques, comme l'atteste certains de ses plus beaux travaux dans la série. Bad Blood est également admirable pour avoir enfin réussi à ramener un monstre mythique dans un bon épisode. En effet, comme je l'ai déjà précisé de nombreuses fois, X-Files n'a jamais été très à l'aise, lorsqu'il s'agit de raconter une histoire traitant d'une créature fantastique identifiable. A ce titre, "3" a même été l'unique autre tentative du show de convoquer la figure mythique du vampire, mais le résultat fut peu concluant. En revanche, Bad Bood a beau être un récit sur des vampires, l'épisode ne se préoccupe pas d'en faire une place centrale. C'est la structure narrative particulière, ainsi que Mulder et Scully, qui intéresse le scénariste ici. Les vampires occupent une place très secondaire. Pour preuve, les fans ne parlent jamais du "monstre de la semaine" à l'oeuvre ici. Ils vont plutôt s'arrêter sur les blagues entre les deux agents et, plus généralement, sur l'aspect atypique du métrage. En revanche, des épisodes comme Squeeze, Tooms, Home ou Leonard Betts mettent leurs créatures au centre de l'histoire. Le twist de Bad Blood réside dans le fait qu'il s'agit de toute la communauté qui est composée de vampires. Mais de vampires plus civilisés, plus modernes, contrairement à Ronnie, le livreur de pizza que Mulder a "tué". Il y a donc une subversion du mythe du vampire ici. Au demeurant, ces monstres s'adaptent nettement mieux au monde moderne que des mutants tel que Tooms, Leonard Betts ou encore Virgil Incanto. Eux constituent, au contraire, une espèce en voie d'extinction.

Bad Blood est également mémorable, car il subvertit aussi le male gaze que l'on voit usuellement au cinéma et à la télévision. En effet, le seul et unique personnage sexualisé de l'épisode est Hartwell, dans la version de l'histoire de Scully. A travers son point de vue, l'homme apparaît sexy, et notre héroïne réagit viscéralement à sa simple présence, notamment avec un "Hou boy" révélateur. Scully objectifie le shérif avant même qu'il ne prononce un seul mot. Mulder, lui, endosse le rôle de l'amant jaloux, renversant les rôles traditionnels de genre dans les fiction en général. Et c'est évidemment salutaire et surprenant venant d'une série des années 90. Cette observation n'est pas moi; il y a eu des textes qui sont sortis et qui expliquaient en quoi, durant sa longue vie, X-Files mettait sur un pied d'égalité le regard féminin autant que le regard masculin. Même si, évidemment, on sent l'accent mis davantage sur la sexualisation des personnages masculins, comme nous l'avions déjà va auparavant, notamment via Mulder, Skinner et Krycek. Il existe des écrits sur ce sujet assez passionnants, notamment ceux de Linda Badley ou de Claire Elizabeth Knowles qui reviennent sur ces renversements et, plus généralement, commentent d'un point de vue féministe la place qu'occupe Scully dans la fiction. Et pourtant, c'est un exploit que l'écriture de cette héroïne ait été plutôt bien géré, car il est important de rappeler que l'écrasante majorité des scénaristes ont été des hommes. On peut également supposer que l'apport de Gillian Anderson a dû aider à peaufiner le rôle. Mais cela souligne encore plus le caractère saugrenu de cette réussite, surtout placé dans son jus d'époque. La caractérisation de Scully demeure donc un des points forts d'X-Files. Néanmoins, il y a quelques traces sur la table, comme toutes ces fois où le personnage se révèle jalouse, plus particulièrement quand une autre femme colle un peu trop Mulder. Knowles explique à quel point Scully représente une icône féministe, apparaissant dans de nombreux memes allant dans ce sens. Elle est célébrée pour son professionnalisme, ses compétences, son intelligence et sa compassion. Elle subsiste au delà des limites du petit écran. Il convient de noter également que X-Files comportait une importante frange de fans féminines, et qu'elles constituaient un noyau bien visible.
Mais oui, malgré toutes ces éloges, il convient de revenir aussi sur les ratés comme les problèmes soulevées dans Small Potatoes ou The Post-Modern Prometheus, et, bien entendu, les facilités scénaristiques qui ont conduit à affaiblir Scully dans la saison 2. Je tempère donc ma joie, car tout n'a pas été forcément bien négocié dans cette série. 

Après cette longue digression, il convient de signaler que Bad Blood met en évidence la malléabilité des souvenirs et des points de vue. Qu'ils ne sont pas fiables et que, par conséquent, ils peuvent être trompeurs. Il soutient que les mêmes faits et les mêmes événements peuvent entraîner une multitude d'interprétations, selon la sensibilité de chacun. Le procédé narratif à l'oeuvre ici en est une brillante démonstration, même si, bien sûr, les différences entre les versions de l'histoire de Mulder et Scully demeurent fortement déformées et exagérées, afin de renforcer l'absurdité des situations. Chacun demeurant le héros de sa propre histoire. 
Plus globalement, la saison 5 prend plaisir à mettre en scène Mulder et Scully. La trilogie Redux séparait les deux agents pendant la majeure partie du temps, en plus de les malmener. Unusual Suspects était un flashback intégral destiné aux Lone Gunmen. Ce n'est qu'à partir de Detour que la relation entre les deux héros est au firmament. L'alchimie entre Duchovny et Anderson est au sommet, et les scénaristes semblent incroyablement à l'aise pour créer de chouettes moments d'interaction entre eux. Mise à part la parenthèse Christmas Carol/Emily, tous les chapitres proposés ont excellé dans les séquences mettant en scène Mulder et Scully, y compris dans les scripts les plus faiblards, à l'instar de Kitsunegari et Schizogeny. Bad Blood peut se targuer d'être la synthèse ultime de cet enchaînement de réussites. Un métrage entièrement dédié à la mise en avant de cette relation si particulière. 
L'épisode se permet même de rigoler sur le côté blasé de Scully lorsqu'elle exerce des autopsie: Découper des cadavres fait tellement partie de sa routine quotidienne que c'est comme ranger des documents pour elle. En définitif, Bad Blood est une célébration de la personnalité de Mulder et Scully. Il rappelle à quel point ils demeurent la pierre angulaire de la série. Il démontre que la véracité des événements se situe quelque part entre les deux points de vue. Même Mulder a souvent raison dans le caractère paranormal de la plupart des enquêtes, X-Files tempère son intuition en démontrant plusieurs fois que, sans Scully, il n'irait pas bien loin. Sans ses compétences et sa rationalité, l'agent ne pourrait pas convenablement progresser dans les différentes affaires.

Pour élaborer son scénario, Vince Gilligan a dévoré un livre qui traitait des vampires: une sorte d'encyclopédie sur le mythe. A ce propos, il déclara: "Tout ce qui est raconté dans l'épisode est censé être vrai. Les germes et le comportement obsessionel-compulsif. En lisant tout ça, j'ai eu l'impression d'avoir trouvé une mine d'or". Pourtant, avant de tomber sur ce livre, l'écrivain confia qu'il était préalablement en panique totale, car il travaillait sur un autre projet de scénario juste avant, mais sans trouver de moyen de déboucher sur quelque chose de réellement tangible. Sa première ébauche fut tout de même une comédie, mais tournée à la manière de Unsolved Mysteries, dans laquelle deux acteurs inconnus auraient dû jouer Mulder et Scully. Robert Stack aurait été également le narrateur. Mais l'idée tomba à l'eau donc. Il est vrai qu'une telle idée aurait engendrée un épisode indéniablement décalé, à l'instar de Bad Blood. Mais pas le même genre de délire, cela dit. Gillian Anderson et David Duchovny avaient apprécié cette esquisse initiale, car ça leur aurait permis de prendre une semaine de congé.
Désespéré, Gilligan sollicita l'aide de ses compères Frank Spotnitz et John Shiban. Et c'est le premier qui souffla l'idée de l'épisode en récits contradictoires du vieux Dick Van Dyke Show. Revigoré par cette nouvelle direction, l'auteur trouva rapidement de quoi boucler son scénario. Le résultat enchanta tout le monde dans l'équipe, et surtout Gillian Anderson et David Duchovny. A ce sujet, les deux acteurs ont dû jouer d'une façon singulière, puisque, pour alterner au mieux les réglages caméras, chaque scène a été filmée l'une après l'autre, avec les mêmes décors et les mêmes angles de caméra. Anderson et Duchovny ont donc dû réinterpréter leurs personnages différemment, deux fois de suite. La première était très satisfaite du travail du réalisateur Cliff Bole, et notamment de les avoir parfaitement guidé. C'est également ce dernier qui avait donné vie à Small Potatoes, la précédente incursion humoristique signée Vince Gilligan. 
Bad Blod a eu l'honneur de recevoir Luke Wilson comme guest star. Il campe ici deux versions d'un même protagoniste, à savoir le fameux shérif Hartwell. A ce propos, lors de la scène dans la voiture entre Mulder et le shérif, le script original prévoyait que ce dernier cite Rain Man, puis la discussion s'arrêtait là. Duchovny et Wilson ont finalement improvisé la suite de la conversation. Plus généralement, il y a eut pas mal d'improvisation entre les acteurs, mais un des plus chou est le redressement de la cravate de Mulder par Scully, vers la fin, qui n'était pas du tout prévu par le scénario. Pour en revenir à Wilson, l'acteur s'est particulièrement bien entendu avec Duchovny, à tel point qu'ils ont involontairement retardé le tournage, car ils n'arrêtaient pas de délirer ensemble. La guest star a surtout apprécié jouer la version de Mulder, car il s'amusait beaucoup avec ses fausses dents. L'acteur garde un excellent souvenir du tournage.
Définitivement, Bad Blood figure dans le haut du panier de la saison 5, et il est, à juste titre, cité régulièrement parmi les meilleurs épisodes de toute la série.




13. PATIENT X (Patient X Partie 1)

Refermons la parenthèse burlesque pour attaquer du bon gros morceau mythologique full premier degré. Et on rentre dans du très lourd (dans le bon sens du terme, hein). Après un diptyque introspectif, (Christmas Carol et Emily) qui faisait invariablement du surplace, Patient X et The Red And The Black prennent le pari de venir bousculer les lignes du grand fil rouge. Sur le papier, ce nouvel arc scénaristique avait tout pour être incroyablement casse-gueule: Tout d'abord, l'ambition de venir rajouter une nouvelle menace et, par extension, d'étendre la mythologie aurait dû écraser le double épisodes sous son propre poids. En outre, introduire de nouveaux protagonistes importants à ce stade de la série semblait être une entreprise risquée, surtout sans venir trop complexifier une conspiration éminemment surchargée. Hé bien, non. Patient X et The Red And The Back constituent les meilleurs mytharcs qu'on ait eu depuis la trilogie Anasazi, je pense. Pourtant, j'aime de tout mon coeur beaucoup de segments issus des saisons 3 et 4. La réussite et l'ambition de ces deux nouveaux chapitres posent tout de même un épineux problème: En effet, ils se permettent de damner le pion au prochain Fight The Future qui viendra donc faire le lien entre la saison 5 et 6. Patient X révèle tellement de choses, et il manie son rythme de manière tellement exemplaire, que le film X-Files paraîtra un peu plus superflu. Néanmoins, il convient de reconnaître les quelques notes dissonantes à ce solide tableau d'ensemble. 
On a l'impression que Chris Carter et son équipe relâchent un peu les valves avec ce duo mythique. Après s'être retenu de faire progresser trop vite l'arc principal, Patient X semble être une démonstration du ras le bol de cette rétention d'informations. Les auteurs n'ont pas l'air de se préoccuper du futur film, comme s'il n'allait jamais exister. Mais cette démarche interroge tout de même: pourquoi proposer ces deux scénarios avant l'adaptation cinéma ? Il n'est pas exagéré de penser que leur place aurait été plus judicieuse dans la saison 6. On dirait que l'équipe s'est un peu embourbée dans leur calendrier, étant donné que, pour ceux qui suivent la série de près, Fight The Future semble totalement écrasé par trois grands arcs scénaristiques bien plus ambitieux et intéressants que lui, comme nous le verrons plus tard. En attendant, Patient X se refuse à refreiner ses ardeurs face à l'adaptation sur grand écran. Il avance avec une insolente assurance, sans considération pour cette dernière. Et il est vrai que cette façon de procédé amoindrit l'impact de l'histoire cinématographique. A contrario, il rend ce gros diptyque bien plus fort.

Commençons par ce qui fâche. La perte de foi de Mulder depuis Gethsemane est enfin mise en avant ici. Très honnêtement, lorsque j'ai découvert les deux chapitres en vidéo, j'avais presque oublié cet état de fait, et c'est un peu problématique. Concrètement, mis à part une vague allusion, au début de The Post-Modern Prometheus, il n'y a quasiment eu aucun grand moment qui venait nous rappeler le fait que l'homme ne croyait plus aux aliens. Même dans Christmas Carol et Emily, cet état d'esprit ne transparaît pas vraiment. La peur de trop bousculer le statut quo révèle les limites de la série, surtout lorsqu'il s'agit d'élaborer ce genre de grand bouleversement de convictions. Pourtant, la saison précise bien que Mulder croit toujours aux phénomènes paranormaux, mais pas forcément aux visiteurs extraterrestres. Donc oui, il n'y a pas lieu d'insister sur ce point lors de loners comme Detour ou Kitsunegari. A contrario, Scully devient la défenseuse des théories aliens, mais cela semble en contradiction avec son scepticisme face aux événements de Schizogeny, Bad Blood ou encore Kill Switch. Il est vrai que Chinga montrait notre héroïne se montrer plus réceptive à élargir ses croyances. Idem en ce qui concerne Detour où, comme elle en est témoin, elle ne rechigne pas non plus à croire à ces papillons humains. 
Mais au final, cette prise de position de Mulder en est indubitablement affaiblie, puisqu'elle ne ressurgit réellement que dans Patient X. Nous n'avons donc pas eu le temps d'être trop chamboulé durablement. Et on se doute évidemment que ce renversement Mulder/sceptique et Scully/croyante ne va pas tenir longtemps. Mais malgré toutes ces critiques formulées, je trouve que ce développement dans ces deux opus fonctionnent assez bien. Il est clairement rafraichissant de voir Mulder rejeter tout ce dont il a cru. C'en est presque déchirant. C'est par ailleurs la première véritable fois que le sujet est convenablement traité. Même la trilogie Redux nous montrait la conséquence directe de cette perte de foi, notamment au travers le faux suicide de Mulder. Ultérieurement, seul Redux nous signalait le nouvel état d'esprit de l'agent uniquement via ses quelques voix off. A côté de tout ça, le thème n'a jamais été pleinement exploré. Patient X et The Red And The Black nous offrent enfin un long moment pour se poser et mettre en lumière le nouveau scepticisme du personnage. 
L'histoire octroie de jolis moments entre les deux agents. David Duchovny et Gillian Anderson sont formidables dans la manière d'aborder ce nouveau statut quo. Mulder est gorgé de ressentiments teintés d'un cynisme certain. On ne peut que le soutenir lorsqu'il a l'impression de s'être fait berner depuis tant d'années. Scully, elle, se montre touchante dans son rôle de croyante. Elle témoigne d'une empathie encore plus profonde qu'à l'accoutumée. En outre, elle a l'air profondément affecté que son partenaire réfute toutes ses croyances. Elle a l'air tellement déboussolée dans ce rôle peu naturelle pour elle. 
En somme, même si les détracteurs pourraient pointer du doigt l'aspect artificiel de ce retournement de situation, il serait dommage de passer sous silence toutes les choses intéressantes qu'il a permis de concrétiser ici. Même si le fan sait pertinemment que ce nouveau statut quo va imploser, il est plus pertinent de se demander de quelle manière l'ancien va se rétablir.

A ce titre, notons l'introduction de Cassandra Spender, interprétée par l'épatante Veronica Cartwright. Un rôle qui lui a d'ailleurs permis d'être nominé par les Emmy Awards. Elle se révèle touchante dans son personnage de messie venue prêcher la bonne parole au sujet des extraterrestres. Ses innombrables enlèvements et les expériences que ces derniers lui ont fait subir n'ont pas égratigné son optimisme. A tel point qu'elle a une perception positive de ses traumatismes. Ses interactions avec Mulder au début sont assez chouettes, surtout lorsqu'elle prend le temps de parler de Duane Barry. C'est toujours très agréable quand X-Files cite explicitement un épisode antérieur. Aborder le cas Barry n'est pas anodin, étant donné qu'il souligne la dualité entre les deux personnages. Duane Barry était lui aussi une victime des extraterrestres. Cependant, ses terribles expériences lui ont fait perdre la raison. Il était au fil du temps devenu psychotique et désespéré. Cassandra ne se voit pas comme une victime, mais comme une sorte de messager. Elle semble plus douce que l'homme suscité. Elle voit les aliens comme des êtres libérateurs et non comme des tortionnaires. Et justement, Patient X et The Red And The Black décrivent clairement les aliens comme des divinités, mais des divinités pas nécessairement "positives". A vrai dire, cette comparaison était déjà en filigrane depuis le début de la série. Fearful Symmetry nous présentait les aliens comme désireux de créer leur propre Arche de Noé. En outre, la croyance de Mulder envers les extraterrestres a clairement été défini comme religieux.
Patient X intègre également le personnage de Jeffrey Spender, le fils donc de Cassandra. Lui aussi est agent du FBI; une place dans le bureau qui permet astucieusement d'établir un parallèle entre le protagoniste et Scully. En effet, lorsqu'il se présente à elle, il refuse qu'on lui fasse une réputation, préférant s'en faire une par lui même. Ce à quoi, Dana répond qu'elle comprend, faisant écho à son entrée au FBI. Mais Spender se présente aussi un miroir déformé de Mulder. Un pendant obscur qui non seulement est agent fédéral, mais ayant aussi une personne de sa famille qui prétend avoir été enlevé par des extraterrestres. Sauf que, à contrario de notre héros, Spender a vécu toute sa vie en refusant d'y croire. Les ressemblances sont tellement troublantes que l'homme a lui aussi subi une hypnose régressive, par le passé. La carrière des deux protagonistes diffère dans leurs motivations: Pour Mulder, l'enlèvement de sa soeur a représenté un moteur personnel pour son travail, tandis que, pour Spender, les expériences de sa mère ont été refoulées pour simplifier ses plans de carrière. Avoir introduit ce nouvel agent ici est plutôt judicieux, car il permet donc de créer des liens entre les deux personnages. Spender est le Mulder de la saison 5. Le Mulder qui n'y croit pas.

J'aime beaucoup Jeffrey Spender. Son appréciation auprès des fans a longtemps été contrasté. Plus précisément, certains soupçonnaient le personnage d'être le potentiel nouveau remplaçant de Mulder, donnant la désagréable impression que sa création était teintée d'un opportunisme déplacé. Ces soupçons sont nés de toutes les rumeurs entourant la saison 5 et 6. Le contexte était assez tendu, puisque cette saison marquait la fin du tournage à Vancouver. De surcroit, Chris Carter avait longtemps pensé conclure la série après cinq ans. La sortie prochaine du film donnait presque la sensation d'être un point final. Puis, l'impatience de David Duchovny ressortait pas petites touches, lors des interviews. On sentait qu'il commençait de plus en plus à souffrir d'être loin de sa femme. Chris Owens, l'interprète de Spender, entendait les rumeurs des fans qui circulaient: Certaines prophétisaient qu'Owens allait remplacer Duchovny. Que le premier allait apparaître dans huit épisodes de la saison 6, pendant que le second allait en couvrir autant. Que son entrée dans le casting était la preuve que la série resterait à Vancouver.
Personnellement, j'ai toujours trouvé que Spender enrichissait la mythologie, au lieu de la desservir. Il n'y a rien de mal à élargir le casting secondaire, surtout si c'est réaliser avec élégance. La plupart des séries TV intègrent de nouveaux persos, notamment à chaque nouvelle saison, afin d'insuffler un peu de sang neuf. Parfois, c'est clairement artificiel, mais d'autres fois, cela renforce la fiction. Et je trouve que c'est le cas de Jeffrey Spender. Il donne un autre point de vue aux événements, ainsi que venir créer une dynamique inédite au duo Mulder et Scully.

Niveau anecdotes de tournage, Nicholas Lea (Krycek) et Laurie Holden (Marita) étaient très nerveux de devoir répéter de longs dialogues en russe. Ils ont pas mal travaillé ensemble pour trouver la bonne prononciation. Alex Shostak Jr. (qui jouait Dmitri) était un émigré ukrainien, et il a estimé que l'accent russe de Lea était "pas mal".
Chris Carter voulait depuis longtemps préparer un rôle pour Veronica Cartwright. L'actrice a confié qu'elle avait en plus toujours préféré l'arc narratif principal. Elle n'était pas spécialement friande des épisodes centrés sur des monstres bizarres. 
Les producteurs ont envoyé une cassette de Duane Barry pour que la femme s'imprègne de son personnage. Comme Cassandra était censée expliquer à Mulder qu'elle l'a connu via cette affaire, l'équipe a estimé que ce serait intéressant que l'actrice ait les images de l'épisode en tête. Apparemment, Cartwright a tellement adoré Duane Barry qu'elle a demandé aux producteurs de lui envoyer la suite.
Kim Manners était ravi de travailler avec elle. Et au sujet de la première rencontre entre Cassandra et Mulder, le metteur en scène a relaté une anecdote rigolote: "Quand nous tournions la scène où Cassandra rencontre Mulder pour la première fois, je préparais les gros plans, et Veronica m'a dit: 'Tu ne vas pas vraiment me serrer autant, n'est-ce pas ?" Et j'ai répondu: "Bienvenue dans X-Files."" Et il est vrai que la série était réputée pour proposer de très gros plans sur le visage des protagonistes.
Patient X demeure une solide première partie. Un ambitieux mytharc qui donne un bon coup de pied dans la fourmilière. Et il est admirable d'avoir ramené plusieurs éléments des anciennes saisons: On retrouve un goulag en Russie comme Tunguska, tout comme l'huile noire. Les deux héros retournent à Skyland Mountain comme dans Ascension. Duane Barry est cité. Et on retrouve même le Dr Werber, le même qui a mené l'hypnose régressive sur Mulder, permettant à notre agent de retrouver les souvenirs enfouis de la disparition de sa soeur.
Le rôle du professeur suédois, le Dr Per Lagerqvist fut campé par Max Wyman, le rédacteur en chef des critiques littéraires du Vancouver Sun. Il a même relaté sa "courte" expérience dans X-Files via un article paru justement dans le Vancouver Sun. Il y décrit à quel point il a été bien reçu, avec sa loge et le confort nécessaire, ce qui l'a grandement étonné, étant donné qu'il ne venait que pour jouer dans une courte scène. A vrai dire, il pensait que sa scène serait pliée en une bonne heure, mais il fut étonné de la méticulosité et de la longueur du tournage. En outre, il a été agréablement surpris de constater à quel point il avait été chouchouté tout du long, et du respect global que l'équipe avait envers ses comédiens. A ce sujet, il ajouta même: "C'est un lieu où la créativité, calme et efficace, se déployait à toute vitesse. La performance n'était qu'un élément parmi d'autres, au même titre que le scénario, l'éclairage et la prise de vue, et personne n'attendait autre chose qu'une prestation impeccable et constante. C'est la raison pour laquelle on vous chouchoute. C'est pourquoi on veut que vous soyez parfaitement à l'aise."
De surcroit, le rédacteur en chef fut stupéfait de voir Kim Manners filmer la scène encore et encore, sous tous les angles inimaginables. Wyman fut tellement impressionné par la charge de travail qu'il conclut cette partie par: "Cette expérience a changé ma façon de regarder la télévision: le week-end suivant, en regardant un épisode de Manners de X-Files, j'ai passé la plupart du temps à compter les angles de caméra rapides qui donnent à la série sa vitalité visuelle." L'homme insista même sur les agréables discussions qu'il a eu avec David Duchovny, entre deux prises.




14. THE RED AND THE BLACK (Patient X Partie 2)

Patient X et The Red And The Black sont étonnamment sombres pour des mythars. Bien entendu, c'est finalement le cas de beaucoup de passages mythologiques. Cependant, je trouve que ce diptyque se montre résolument funeste: Le syndicat semble en panique face aux événements récents. Le fait que les hommes du consortium semblent totalement dépassés octroie un sentiment d'inconfort plus tenace qu'habituellement. En effet, l'apparition des rebelles sans visage, venant contrecarrer les plans des colons aliens, en cramant littéralement les sujets enlevés, constitue en elle-même une image cauchemardesque. Tous ces plans de gens en panique, en train de bruler vifs les uns après les autres, resteront probablement dans le top des évocations morbides les plus impressionnantes de la série. Plus globalement, il y a comme un parfum d'apocalypse imminente qui plane dans l'air. Comme si tout devenait hors de contrôle, même pour le syndicat. Le diptyque est fascinant car il démontre la fragilité du projet de cette poignée d'hommes puissants. Que ce grand complot n'est pas aussi monolithique et figé que ne laissait suggérer la mythologie. L'intégration des rebelles est une suite logique de ce qu'avaient déjà mis en évidence des segments comme Colony/End Game et Talitha Cumi/Herrenvok, à savoir que les extraterrestres ne demeurent pas des entités uniformes. Il existe des factions différentes, avec des intérêts contraires, dont certaines entre en conflits. Colony avait mis en lumière qu'un tueur à gage avait été envoyé sur Terre pour nettoyer toutes traces des expériences menées par les colons. Pareillement, Talitha Cumi a révélé qu'il existait des aliens pacifiques comme Jeremiah Smith. Il semblait donc naturel qu'une guerre puisse un jour éclater entre deux idéologies: Les rebelles ici s'opposent fermement à la colonisation sur Terre. Néanmoins, nous ne sommes que des dommages collatéraux de cette guerre entre deux camps. Parce que même si les rebelles se dressent contre les colons, ils n'ont aucune considération pour les humains. Concrètement, ils ne semblent pas incommodés par le fait de bruler vifs des dizaines d'humains, juste pour affaiblir le camp adverse. La Terre se révèle être uniquement un immense champ de bataille, dans une guerre qui nous dépasse. Un combat entre le ciel et la Terre, comme le dit si bien Krycek. Et The Red And The Black distille parfaitement le sentiment d'impuissance face à cette guerre céleste entre plusieurs forces. Même si L'Homme Bien Manucuré songe à consolider une alliance entre les rebelles et l'humanité, ce voeu paraît presque irréaliste. 
Définitivement, les rebelles représentent le grain de sel qui vient faire dérailler la grande conspiration. Métaphoriquement, ils déstabilisent non seulement les membres du syndicat, mais également les scénaristes eux même. Leur arrivée chamboule l'ordre établi, et force le scénario à aller de l'avant. Pour accentuer ce sentiment d'urgence, le consortium évoque de nouveau la date de la colonisation. Et d'après ces vieux hommes blancs, il semblerait que les plans ont l'air de s'accélérer. Ce rappel consolide ce que l'on savait déjà dans Talitha Cumi. Le récit à l'oeuvre ici amoindrit le pouvoir du syndicat. Ils ont tellement l'air en panique et dépassé qu'ils ne paraissent plus si puissant que cela, surtout face à ces êtres venus du ciel. De manière générale, l'humanité apparaît comme ridiculement chétive et démunie, à côté de cette force démesurée.

Comme dit plus haut, le duo d'épisodes dépeint les extraterrestres comme des êtes divins, mais néanmoins dangereux. En somme, des divinités pas nécessairement bienveillantes envers leurs sujets. Toute la séquence où Scully est témoin de l'enlèvement de Cassandra, en présence d'autres enlevés qui ont été "appelé" par les aliens, confronte une vision immensément céleste, presque religieuse, des extraterrestres. Mais en même temps, il y a quelque chose de malaisant dans ce passage. La survenue des rebelles, qui se mettent subitement à tout embraser, est tout aussi gênante et effroyable. On a l'impression d'assister à des combats entre plusieurs titans. A ce sujet, la séquence "complète" est surtout révélée par l'hypnose régressive que subit Scully dans le récit. Cette scène est absolument à couper le souffle. Gillian Anderson est juste ahurissante dedans. De surcroit, toute la séquence est magnifiquement filmée. Elle arrive même à être carrément effrayante. Si cette scène semble si réelle et authentique, c'est parce que Chris Carter s'est inspiré de son propre témoignage pour l'occasion. Dans les commentaires, il raconte avoir rencontré le Dr John Mack, à Harvard. L'homme avait mené des travaux scientifiques sur l'existence des extraterrestres. Le showrunner précise ensuite avoir pu assister à une séance d'hypnose, sur le lieu de travail du docteur, et s'assoir à côté de quelqu'un qui prétendait avoir été enlevé par des aliens, comme Scully dans l'épisode. Carter a reconnu que l'expérience était extraordinaire, même si, à titre personnel, il continue d'être un indécrottable sceptique. Mais il décrit à quel point écouter cette personne parler de son histoire personnelle a été un moment de partage assez puissant. L'individu sous hypnose à côté de Carter semblait entrer en transe, et revivait son enlèvement ainsi que sa douleur. Probablement que la scène de Scully dans The Red And The Black paraît si forte, parce que l'auteur a réussi à parfaitement restituer l'authenticité de son expérience réelle.
La perte de foi de Mulder va dans le sens divinatoire des aliens, tel relaté dans ce mytharc. La scène dans laquelle le personnage renie ses croyances, au milieu d'un parterre de fanas d'OVNIs, donne l'impression d'entendre un athée tenter de convaincre des religieux du caractère infondé de leur foi. Et puis, comment ne pas mentionner Cassandra Spender qui joue un rôle de messie dans le métrage.

Patient X et The Red And The Black donnent énormément de poids à son casting secondaire. Nous avons vu l'importance accordée au syndicat, et plus précisément à L'Homme Bien Manucuré. Mais mis à part l'introduction de la famille Spender, ce mytharc intègre très bien Krycek et Marita Covarrubias. Le premier continue de nous surprendre par sa cruauté: notamment lorsqu'il décide de contaminer volontairement le jeune Dmitri par l'huile noire. Là aussi le récit se montre impitoyable et horrifique, en nous offrant une effroyable vision du jeune garçon avec la bouche et les yeux cousus, tel un pauvre mudokon. L'intrigue permet enfin à Marita d'avoir une véritable place au centre de la conspiration. Malheureusement, cela arrive tardivement étant donné qu'elle se fera contaminer par l'huile noire, et servira de cobaye pour le syndicat, afin de tester le vaccin contre le virus. A ce sujet, il est amusant de noter que Patient X possède une scène torride entre Krycek et la jeune femme. La séquence arrive tellement vite qu'elle en paraît saugrenue. En outre, la série a tellement été peu démonstrative, lorsqu'il s'agissait de relations sexuelles, que le baiser entre les deux tourtereaux surprend d'autant plus. Et c'est rigolo que notre traitre de service se fasse plumer par Marita. Un bon moyen de lui rappeler qu'il n'est pas le seul candidat pour les fourberies en tous genres. Petite anecdote marrante au sujet du ratboy: Dans la version vidéo des deux épisodes, tous les personnages prononçaient son nom: "KriAcheck" en insistant bien sur un "A" imaginaire. C'était assez gênant, et on avait toujours l'impression que l'ensemble du casting se foutait de sa gueule. Heureusement, dans la version diffusée sur M6, le doublage avait été refait, tout du moins pour que son nom retrouve sa prononciation originale. C'était d'autant plus bizarre que les comédiens aient subitement tous été dirigé pour changer la manière de dire "Krycek". Mon hypothèse était que ce parti pris tendait probablement à mieux coller aux origines russes du personnage.
La construction du duo d'épisodes est intelligente, car elle présente sans cesse des effets miroirs: Krycek torture Dmitri, mais finit lui-même par se faire torturer. Marita tente d'exploiter le jeune garçon ensuite à son tour, mais elle finie elle-même par se faire exploiter par le syndicat. Jeffrey Spender représente un miroir déformé de Fox Mulder. Patient X se finit dans les flammes, tandis que The Red and The Black commence dans la neige. Et globalement, ce sont deux petits films qui mettent en scène des personnages qui passent leur temps à se trahir les uns des autres. Krycek trahit les russes. Marita trahit le syndicat, avant de trahir Krycek. L'Homme Bien Manucuré complote un autre plan, en cachette de ses comparses.  C'est une histoire où règne le chaos, ou tout est prêt à imploser. La conspiration elle-même ne tient plus en place, et semble fragilisée par les sous-groupes qui complotent les uns contre les autres. Finalement, exactement comme les extraterrestres qui subissent une divisions dans leurs rangs: Les rebelles sans visage venant contrecarrer les plans de colonisation des colons.

Et il est intéressant que, malgré l'ampleur phénoménale et épique du diptyque, le fil rouge n'oublie pas de continuer à pointer du doigt le fait que ce sont toujours les pauvres innocents qui trinquent dans toutes ces histoires. Le pauvre Dmitri est martyrisé par Krycek, juste parce qu'il a été témoin du massacre perpétué par les rebelles au Kazakhstan. Et puis, comme je viens de le mentionner, il y a donc toutes ces victimes brûlées vives: des innombrables dommages collatéraux qui ne cessent de grandir, à chaque épisode mythologique, sans oublier Cassandra Spender qui transforme ses horribles expériences en quelque chose de positive. De surcroit, le thème des femmes exploitées par de riches et puissants hommes plane toujours au-dessus de la mythologie. Par exemple, c'est Marita qui finit en cobaye sur une table d'opération, lorsque le syndicat tente de tester un vaccin. Il y a également cette fameuse scène gênante, au début de Patient X, lorsque la femme se tient au milieu des différents membres du syndicat, pour les informer des événements du Kazakhstan. Habituellement, ce QG de New York est uniquement remplit de vieux hommes blancs qui discutent de l'avenir de toute l'humanité. Avoir placer Marita au centre de la scène n'est pas fortuite. Kim Manners, réalisateur de la première partie, a voulu souligner la singularité de cette situation. L'artiste déclara à ce propos: "C'est, je crois, la première fois que nous avions une femme dans la salle du syndicat et je voulais que Laurie (Marita Covarrubias) je voulais la rendre aussi forte que ces hommes, et je voulais qu'elle ait l'air d'être à sa place, sans être intimidé par eux. Ces images d'hommes qui contrôlaient presque tout ce que faisait le gouvernement à l'époque. Et c'était plutôt intéressant."
The Red And The Black est également resté dans les annales car il contient une scène dans laquelle Krycek fait un bisou à Mulder. Très certainement un clin d'oeil conscient adressé aux shippers qui fantasmaient sur une relation amoureuse entre les deux rivaux. Comme je l'avais déjà décrit dans la saison 2, très tôt, une fanbase s'est créée autour de ce délire. Chris Carter et son équipe avaient bien entendu eu vent de cela, et ont titillé cette frange de fans très particulière qui ne manquait pas une occasion de manifester leur joie, dès que Mulder et Krycek se "rapprochaient". A ce sujet, la fanbase comptait une importance frange issue de la communauté LGBT. Et malgré la sexualisation de personnages masculins, la série a toujours été réticente à présenter des couples homosexuels dans ses scénarios. Et c'est bien dommage. Bien sûr, on peut l'excuser puisque, quoiqu'on en dise de son aspect progressiste sur les questions de genres, elle n'en demeurait pas moins un produit des années 90, une époque où présenter des protagonistes gays étaient encore rares.

Si tu as l'oeil aiguisé, le visage de Spender pouvait te paraître familier. Et évidemment, puisque l'acteur, Chris Owens, avait déjà joué le rôle de l'Homme à La Cigarette jeune dans Musings of A Cigarette-Smoking Man et Demons. L'équipe l'avait embauché pour sa ressemblance troublante avec le grand méchant d'X-Files. Et cela tombait à point nommé, puisqu'il est révélé à la fin de l'épisode que Spender est le fils de ce dernier. L'homme a également joué plus récemment le rôle du Grand Mutato de The Post-Moder Prometheus. Avant de l'embaucher pour le rôle de Spender, l'acteur et Chris Carter se sont croisés par hasard dans un bar, et ce dernier lui aurait lancé: "Je ne savais pas qu'ils servaient des types avec deux visages ici" (en référence au monstre que l'acteur a joué). Mais l'artiste avait un autre admirateur secret en la personne de David Duchovny. Hé oui, la vedette recommanda au showrunner de le réengager au plus vite. Et il est vrai qu'Owens est un bon acteur, et clairement sous-estimé. Il était brillant en tant que jeune Cigarette-Smoking man, mais il excelle également dans le rôle de Jeffrey Spender. 
The Red And The Back a donc permis de ramener l'Homme à La Cigarette à la vie. On apprend qu'il s'était caché dans les hautes montagnes, et qu'il tentait en vain d'écrire à son fils, avec sa fameuse machine à écrire, comme démontré dans le teaser. Le fan le plus aguerri se demande même s'il s'adresse à Mulder, lorsqu'on aperçoit certaines phrases s'écrire sur la feuille. Et ce n'est qu'à la chute finale qu'on comprend qu'il s'adresse donc à Jeffrey. Un petit twist qui fonctionne assez bien (sauf pour moi qui m'était volontairement déjà fait spoiler comme un cochon), et qui interroge sur les liens qui subsistent donc entre le bad guy et Cassandra Spender...
Même si on peut se réjouir du retour du CSM, la révélation affaiblit considérablement l'impact de la fin de Redux II. Le final de ce dernier était tellement grandiose que la mort du méchant constituait la cerise sur le gâteau. Ramener le protagoniste d'outre tombe a donc, rétroactivement, diminuer la puissance de la séquence. Mais on peut comprendre ce qui a motivé l'équipe à ne pasvouloir se débarrasser du bad guy. Il était devenu une figure incontournable du show. Il était même comparé à une sorte de Dark Vador de la télévision. Il apparaissait même brièvement dans l'épisode spécial des Simpsons sur X-Files. Cette "fausse" mort rappelle étrangement la tendance qu'ont les comics à éliminer des personnages populaires pour les ressusciter aussitôt. William B. Davis a lui-même abordé la mort et la résurrection de son rôle de manière ironique: "Alors que ma facturation et ma rémunération s'amélioraient, ma participation à la série a commencé à diminuer à partir de la cinquième saison, principalement parce que je suis mort [...] Je suis mort dans le deuxième épisode de la saison, et je ne suis réapparu qu'au quatorzième. Comment je suis revenu à la vie ? On ne sait pas vraiment, mais je me cachais dans une cabane, au sommet du mont Grouse, non, pardon, c'était censé être North Hatley au Québec..."
 
Selon Chris Carter, la liste des acteurs des deux épisodes était plus longue qu'à l'accoutumée, et plus longue que celle de la plupart des séries télé (du moins à l'époque). Et de manière générale, cet imposant mytharc a été extrêmement couteux à produire. Après le budget octroyé à Kill Switch, la saison 5 démontre à quel point X-Files s'est embourgeoisé. Néanmoins, l'équipe a tout de même dû aller convaincre la FOX d'allouer l'argent nécessaire. Ils ont eu gain de cause après avoir expliqué que l'intrigue de ce diptyque préparait le venue du futur long métrage. C'est Rob Bowman qui devait initialement réaliser la seconde partie, mais il fut encore occupé sur quelques retouches du film justement. C'est finalement Chris Carter qui eut la tâche de le mettre en scène. Et quand on connait les talents du showrunner pour la réalisation, le résultat se révèle encire une fois impeccable. Carter s'est même permis de rendre hommage à la série Urgences, en filmant intégralement à la Steadicam, le passage où Mulder et Scully se rendent à un poste médical. L'apport de Carter derrière la caméra alloue à cette seconde partie une atmosphère très particulière, bien plus que Patient X, comme en témoignent les séquences du syndicat plongée dans la pénombre, mais aussi toute la scène d'hypnose. Duane Barry était déjà un segment qui arborait une ambiance sombre et éthérée, et The Red And The Black adopte parfois cette même tonalité.
A noter la touchante apparition de Skinner, dans son bureau, qui commence à réaliser que la cause extraterrestre serait plausible dans toute cette affaire. Une ouverture d'esprit presque étonnante, et qui sied à merveille avec le thème de la croyance.
En définitif, Patient X et The Red And The Black se hissent sans problème parmi les sommets du mytharc. Ils excellent sur énormément de points. Le récit globale progresse de manière inattendue, et on sent que l'équipe prépare les réponses attendues. Elle amorce un processus d'explications qui continuera dans Fight The Future, et se conclura surtout dans l'étonnant duo Two Fathers et One Son de la saison 6. 




15. TRAVELERS (Compagnons de Route)

Travelers est un épisode bizarre. Concrètement, il s'agit d'un immense épisode flashback comme ont pu l'être Musings of A Cigarette-Smoking Man et Unusual Suspects. Néanmoins, les deux oeuvres suscitées s'imbriquaient intelligemment dans l'histoire globale de la série. Les deux récits venaient apporter des informations concrètes sur des seconds rôles importants, à l'instar de l'Homme à La Cigarette et Les Lone Gunmen. Travelers, lui, est un flashback dans un flashback: On y voir un jeune Mulder qui part à la rencontre d'Arthur Dales, un agent du FBI retraité qui lui relate les événements de l'une des toutes premières X-Files, et dans laquelle le propre père de Mulder a été impliqué. Mais rien de ce qu'on voit ne se montre réellement pertinent. Est-ce un problème ? Non bien sûr. Mais il convient de noter la différence entre cet épisode là et les autres que je viens de citer plus haut. Travelers doit porter le poids de raconter une histoire d'une heure avec un casting presque exclusivement inédit, ce qui a été difficile à avaler pour beaucoup de fans, moi y compris.
A l'instar d'Unusual Suspects, la création de Travelers a germé d'une contrainte de devoir combler l'absence des acteurs principaux. En l'occurrence, il s'agissait là d'élaborer un segment sans Scully, étant donné que Gillian Anderson était occupée sur Fight The Future. Et donc, voilà comment est né ce projet d'épisode tout entier basé sur les souvenirs d'Arthur Dales. A ce titre, l'histoire se déroule dans les années 50, il est agréable de replonger dans cette époque où la peur des communistes battait son plein. Et X-Files dresse un amusant parallèle entre cette crainte relatée ici et les extraterrestres. Ici, l'ancien agent raconte comment il a traqué Skur, un communiste, qui semble tuer plusieurs personnes dans le récit. Il est vite révélé qu'il a été victime d'horribles expériences et qu'il a maintenant une créature qui vit dans son corps pouvant s'en prendre aux gens, en sortant de sa bouche. A noter que la bestiole rappelle furieusement celle aperçu dans la série Dark Skies qui surfait sur le succès d'X-Files. En effet, il suffit de voir le pitch et les personnages pour se rendre compte des nombreuses similitudes des deux oeuvres. Dark Skies plaçait son contexte dans les années 60, et on peut se demander si X-Files n'a pas glissé un clin d'oeil à ce show justement dans un épisode se déroulant dans les années 50. 
Je m'arrête un instant pour constater à quel point la saison 5 est étrange: Les indisponibilités des deux vedettes ont donné lieu à quelques chapitres détonnant qui ressemblent davantage à des pilots de nouvelles séries. En effet, Unusual Suspects nous raconte les origines des Lone Gunmen, et il préfigure carrément ce que deviendra le spin off centré sur ce trio, des années plus tard. Travelers donne l'impression d'avoir affaire à une autre sous-série, style "X-Files Present" dans laquelle Arthur Dales raconterait ses souvenirs des affaires non-classées à Mulder, à chaque épisode. Bien sûr, toutes ces expérimentations ont été possible grâce à l'immense popularité de la série. Jamais Chris Carter n'aurait pu proposer de tels concepts durant les deux premières saisons.

D'un point de vue production, l'épisode est impressionnant: la reconstitution des années 50 est superbe: les costumes sont tops et la réalisation est simple, mais fonctionne bien avec le contexte d'époque. A ce sujet, c'est William Graham qui le réalise. L'homme avait déjà à son actif le très plat Space, mais avait rehausser le niveau avec l'excellent EBE, deux épisode de la saison 1. Comme il est un réalisateur chevronné de la télévision, et dans un style assez classique, il semblait être un choix plutôt pertinent pour mettre en boite un morceau comme Travelers. La palette de couleurs vives octroie une ambiance très singulière à l'ensemble, contrastant formellement avec le reste de la série. Il est amusant de constater que l'épisode rend évidemment hommage à tout un pan du film noir, comme The Post-Modern Prometheus se voulait être une relecture affectueuse des vieux films d'horreur des années 30.
L'histoire a été conçu par Frank Spotnits et John Shiban qui ont eu la tâche de devoir introduire les personnages de Dales jeune et son coéquipier, deux figures venant finalement remplacées Mulder et Scully, le temps d'un épisode entier. L'intrigue se révèle plutôt... intrigante justement, même si elle n'est pas très fine. C'est un récit qui demeure assez direct, et mêlant pas mal de thèmes chers à X-Files: On y retrouve des complots, des expériences effroyables, mais également une certaine défiance envers les autorités, le tout plongé dans le cynisme et l'ambiguïté. Dales perd peu à peu foi en tout ce qu'il a cru et défendu. Cette histoire sur Edward Skud chamboule une partie de sa vie: A travers la tragédie que vit ce dernier, il n'a d'autres choix que de remettre en doute beaucoup de choses. Plus globalement, il y a des parallèles intéressants ici entre les années 50 et 90: Ces deux décennies furent considérées comme des périodes "calmes" et prospères, dans lesquelles les Etats-Unis ressortaient puissants de deux guerres. Le pays se sentait plus en sécurité, et aucun réel ennemi n'était à combattre à l'extérieur. Dans les années 50, ces derniers "triomphaient" de la seconde guerre mondiale, tandis que dans les années 90, ils venaient de vaincre l'Union Soviétique. Ces deux périodes fastes permettaient donc de se concentrer sur les problèmes internes du pays. Des moments gorgés d'angoisses dans lesquels les américains étaient à la recherche d'un nouvel ennemi contre lequel se définir. Finalement, Arthur Dales découvre les mêmes atrocités que Mulder et Scully ont déterré, chacun dans leur décennie respective. Bien entendu, adolescent, je ne voyais absolument pas ces parallèles pertinents. Ce n'est qu'après lectures de diverses analyses que j'ai compris les liens qui me paraissent aujourd'hui évidents. De plus, avoir placé le récit ici dans le contexte des audiences McCarthy est tout à fait pertinent. Ce fut une époque où la paranoïa demeurait omniprésente, une époque où le gouvernement américain cherchait à contrôler les foules, et tentait de dénicher des communistes à tous les coins de rue. Tous ces détails donnent nettement plus de corps à un épisode que je trouvais relativement osef, à l'époque.

Travelers intègre un soupçon de mythologie, déjà par ses thématiques comme expliqué, mais également grâce à la présence de Bill Mulder au sein de l'intrigue. L'individu révèle toute son ambiguïté ici, en travaillant comme agent du département d'État. Il semble donc à la fois complice des bads guys mais prévient tout de même Dales du danger que représente Skur, en lui expliquant les expériences que ce dernier a subi, lui et deux autres hommes. D'ailleurs, Mulder se montre troublé que son père ait été impliqué dans tout ça. La fin de l'épisode se termine sur l'image de Bill qui laisse les clefs de voiture à Skur, rendant la liberté à ce dernier, désormais prêt à vivre sa vie. Une action visant à rendre le père de Mulder sympathique car, après tout, il ne tue par Skur, ni le rend à ses tortionnaires. A contrario, on peut aisément envisager que l'homme libéré, de par son état, va provoquer d'autres homicides. Une décision étrangement inconsciente. La série semble consentir à une expiation du père de Mulder pour contrebalancer avec sa complicité dans des actes horribles.
Bien entendu, Travelers est touchant également car on y découvre la création des X-Files. J'adore le fait que la raison pour laquelle cela s'appelle "X-Files" réside dans la surabondance de dossiers dans la lettre "U", tandis qu'il y avait beaucoup de place dans les "X". C'est mignon.
Comme mentionné plusieurs fois dans ce dossier fleuve, la cinquième saison a une appétence pour relater les origines des X-Files, notamment à travers cet épisode là, mais aussi Unusual Suspects. Le premier nous relate comment ont été créé les fameux dossiers, et la manière dont Mulder a commencé à s'y intéresser. Le second sous entend dans quel état d'esprit l'agent aurait aborder ces affaires.
Il est amusant de noter que Bill Mulder ait été intégré à ce récit, alors que Darren McGavin, l'acteur qui campe le vieux Arthur Dales, avait initialement été pressenti pour jouer le rôle du paternel du héros. Mais à l'époque, l'acteur refusa l'offre. Ce qui n'empêchera pas Carter de le solliciter de nouveau pour d'autres rôles, dont celui du sénateur Matheson, mais sans succès. Quant à savoir pourquoi il a accepté soudainement le rôle de Dales, cela reste un mystère pour l'équipe de production. Mais au final, l'artiste est surtout connu pour avoir été la tête d'affiche de la série Kolchak: The Night Stalker, la série doudou de Chris Carter durant son adolescence. Par ailleurs, ce dernier n'a jamais caché la parenté d'X-Files avec cette ancienne série; le bébé du showrunner étant clairement influencé par l'héritage de Kolchak. Il était donc évident qu'avoir McGavin dans le rôle de l'agent qui a ouvert les X-Files soit une jolie petite note d'intention. Le personnage apparaît comme un précurseur pour Fox Mulder. Une sorte de père spirituelle de tout le département dans lequel travaille notre agent.

Niveau production, Travelers était assez ambitieux, notamment parce qu'il a inciter les costumiers et décorateurs de se démener pour trouver tous les costumes d'époque, ainsi que reproduire fidèlement la vie des années 50, dont le quartier de John Edgar Hoover. C'est également le superviseur des effets spéciaux, Toby Lindala, qui s'est amusé à élaborer le monstre qui sort de la bouche de Skur. La créature est assez marquante et c'est presque étonnant d'avoir un monstre assez cauchemardesque dans un tel contexte rétro. Son aspect grotesque sied à merveille avec les monstres d'époque. Globalement, l'équipe s'est dite satisfaite du résultat de l'ensemble. Néanmoins, Frank Spotnitz a révélé que l'agent du FBI retraité qu'ils avaient embauché pour établir la véracité de l'ensemble a été offensé par le scénario. L'écrivain précisa même: "Il était très furieux que nous suggérions que J Edgar Hoover (qu'il appelait encore "M. Hoover") soit impliqué dans l'un des complots ou qu'il adopte des positions qu'il a prise dans le scénario. Puis il m'a dit qu'il n'avait jamais vu notre émission. "Mais si c'est le genre d'histoire que vous racontez" m'a-t-il dit, "je ne pense pas pas qu'elle soit très populaire."
Malgré le fait que Travelers ne soit pas considéré comme un des favoris des fans, il a tout de même réussi à les titiller via divers éléments. Tout d'abord, dans la scène où Dales est interrogé par Cohn, l'assistant de ce dernier se tient au fond du bureau, et observe en silence. Son comportement semble similaire à ceux de l'Homme à la Cigarette, lors de la première apparition de Scully, dans le bureau de Blevins. Bien entendu, il est fort probable que ça ne soit pas lui. D'ailleurs, Chris Owens, désormais la figure officielle de la version jeune de CSM, n'est même pas présent.
Autre détail: Fox Mulder porte une alliance dans ses scènes (comme dans Unusual Suspects), alimentant toutes sortes de théories selon laquelle le personnage était peut être marié en 1990. Mais au final, c'était juste David Duchovny qui était trop fier de s'être marié récemment, et qui avait juste envie d'exhiber sa bague sur sa main, ce qui n'a pas vraiment plu à Chris Carter qui trouvait cette idée problématique pour la cohérence de la continuité. 
D'autres fans ont remarqué également le tabagisme du héros, en plus d'avoir soulignés le geste maladroit qu'il effectue dans ses cheveux (pour sûrement mettre en valeur son alliance). Ces derniers ont estimé que William B. Davis faisait un geste similaire assez souvent; alimentant alors la rumeur selon laquelle L'Homme à la Cigarette serait le père de Mulder.
Frank Spotnitz et John Shiban ont également écrit Travelers comme un hommage à Howard Dimsdale, et qui était leur enseignant à l'American Film Institute. L'homme a été une victime de la Commission des activités antiaméricaines de la Chambre des Représentants. Il était un écrivain célèbre, mis sur une liste noire, qui a ensuite eu du mal à travailler. Il a écrit un certain temps pour le cinéma, mais également pour la télévision. Il utilisait alors le pseudonyme "Arthur Dales". Sa femme souffrait de granulomatose de Wegener, une maladie rare et invalidante. Le couple se suicida tous les deux en septembre 1991, soit un an après les événements relatés dans le scénario.
Travelers n'est pas un brillant épisode. Il a le problème de devoir raconter une histoire intégrale presque sans les deux vedettes, mais sans le casting secondaire non plus. Bien entendu, on pourrait se dire qu'il a la lourde tâche de passer après les massifs Patient X et The Red And The Black, mais, à ce stade de la série, les fans sont habitués à voir succéder un simple loner, après un gros morceau mythologique. Néanmoins, c'est un épisode tout de même très sympathique, et assez simple finalement, malgré la complexité d'une reconstitution des années 50.




16. MIND'S EYE (L'Oeil de L'Esprit)

Mind's Eye est principalement un épisode de prestations d'acteurs. Oui, ça paraît étrange de dire ça, car on pourrait en dire autant pour le reste de la série. Mais c'est comme au cinéma où certains films reposent presqu'exclusivement sur les épaules des stars à l'écran. C'est un peu le cas ici. Sans le jeu solide de Lili Taylor en Marty Glenn, cette femme aveugle et effrontée, le résultat aurait été nettement plus fade. Effectivement, tout le récit s'articule autour de cette jeune femme qui a un don de "vision à distance, c'est à dire la capacité de percevoir littéralement des meurtres, en l'occurrence perpétués par son propre père ici. Voici encore un autre épisode qui traite de relations compliquées entre parents et enfants. Le thème de l'horreur reproductive semble omniprésent dans cette saison: The Post-Modern Prometheus présente un Great Mutato rejeté par son propre père, en plus de montrer des femmes avec des enfants difformes, à la fin. Emily offre à Scully l'occasion d'être la mère d'une hybride extraterrestre condamnée à mourir. Schizogeny traite de la maltraitance des parents/tuteurs envers leurs enfants, et les conséquences psychologiques qui vont avec. Chinga révèle une mère démunie et en panique face à sa fille. Pourrait-on ajouter Kill Switch qui raconte l'histoire d'une intelligence artificielle qui tue ses propres créateurs. Aujourd'hui, nous avons Marty qui a le don "magique" de voir dans les yeux de son père, un meurtrier sociopathe, qu'elle ne porte visiblement pas dans son coeur. 
L'attachement qu'éprouve Mulder envers la jeune femme évoque irrémédiablement des épisodes comme Oubliette ou encore The Field Where I Died, dans lesquels l'homme défend corps et âme des victimes, pourtant présumées coupables, de crimes qu'elles n'ont pas commises. Ces similitudes avec les scénarios précités donnent un cachet "classique" à Mind's Eye. Et le classicisme de ce chapitre détonne terriblement au milieu d'une saison plutôt expérimentale. Il est vrai que l'année compte finalement peu d'opus traditionnels d'X-Files. Des histoires "normales" qui voient Mulder et Scully enquêter ensemble sur de "simples" affaires paranormales. A l'instar de Detour, l'épisode apporte presque un vent de fraîcheur salutaire, au milieu d'une saison un peu bizarre finalement. Finalement, il n'y a eu pour le moment que Detour, Kitsunegari et Schizogeny qui pourraient être classés dans cette catégorie. Parce que même Chinga et Kill Switch se révèlent en définitif assez singulier dans leur approche (et pour des raisons différentes).  

Finalement, le scénario en lui-même n'est pas particulièrement passionnant ici. En revanche, les relations entre les personnages est ce qui constitue le grain de sel qui permet à l'ensemble de se démarquer. Bien entendu, il y a un plaisir non dissimulé de voir ces scènes défilées dans laquelle Mulder et Marty (M&M's) conversent ensemble. Pendant le métrage, on espère tellement que cette dernière s'ouvre enfin à notre agent. Comme dit, la série a plusieurs fois eu recours à introduire des femmes meurtries dans le sillage de Mulder, afin de dresser un parallèle entre sa soeur et elles, mais également avec lui. En effet, il est comme une version masculine de ces femmes. Il est incompris, solitaire, et émotionnellement isolé. Il se montre même parfois sur la défenseur et cynique. Que des adjectifs attribués à ces victimes. Le travail de l'agent lui permet d'avoir le pouvoir nécessaire pour venir en aide à ces incomprises. Il se sent obligé de les aider et les encourager à surmonter toutes les épreuves qu'elles traversent.
Cependant, et contrairement à Oubliettes par exemple, Mind's Eye ne crée pas un fort contraste entre nos deux héros: Scully n'apparaît pas comme un obstacle à coéquipier ici. Non, au contraire, l'histoire permet aussi à la femme de briller également, en laissant Mulder crée un lien avec Marty, sans pour autant se sentir obligé d'aliéner sa partenaire. Scully se montre définitivement moins hostile et accepte même la théorie de Mulder, à un moment. Pour être honnête, je n'ai pas adoré l'épisode à sa sortie. Je le trouvais sympathique, mais pas non plus phénoménal. Il me faisait beaucoup trop penser à des thrillers et téléfilms avec des jeunes femmes aveugles dotées de pouvoir de double vue. Je trouvais donc tout ça trop familier, curieusement. Néanmoins, c'est une histoire qui prend de l'épaisseur au fil des différents visionnages. Je ne comprenais pas la phrase que prononce Marty: "Je n'ai jamais voulu passer ma vie dans un endroit pareil. Je n'avais pas le choix." Je n'avais pas réalisé qu'elle confessait indirectement le fait que, à cause de son pouvoir, elle a vécu par procuration la peine de prison de son père. Je ne sais pas pourquoi cette partie m'avait échappé. Et ça légitime encore plus son acte final: à savoir tuer son paternel. Ce n'est pas uniquement parce qu'elle ne voulait plus voir les horreurs commises par ce dernier. L'ironie de la fin en devient dès lors encore plus percutante: D'une certaine manière, finir en prison donne la possibilité à Marty de vivre physiquement la peine de son père. La boucle est bouclée. De cette façon, la tragédie du personnage saute davantage aux yeux.

Mind's Eye évoque Oubliettes, bien sûr, mais également Aubrey qui, lui aussi, mettait également en scène une femme forcée de revivre les atrocités passées d'un membre de sa famille: En l'occurrence son grand-père dans le cas de BJ Morrow. Les deux récits amènent cette thématique sous forme de twist, situé plus ou moins à la fin de l'épisode. Et les deux épousent une atmosphère de film policier, même si Aubrey accentue son côté sombre, façon thriller glauque. Même si Mind's Eye n'est pas un excellent chapitre, il demeure néanmoins très solide. Rien n'est superflu, et même les autres protagonistes ont loisir de respirer autour de Marty, à commencer par l'inspecteur Pennock, joué par le très sympathique Blu Mankuma (qui avait déjà joué dans Ghost in The Machine dans la saison 1). Ce dernier n'évolue pas dans le scénario comme un personnage purement fonctionnel. Il a de l'épaisseur, de la nuance. Il ne se résume pas à un simple flic unilatéral qui veut absolument coffrer Marty. Il a ses propres doutes et faiblesses. Plus globalement, Mind's Eye est un formidable épisode à personnages. Comme dit plus haut, même Mulder et Scully s'y intègrent parfaitement bien. La réussite est telle que l'intrigue aurait pu se vautrer en dépeignant Marty en simple malheureuse victime handicapée, un cliché malheureusement récurrent dans les fictions. Au lieu de ça, son personnage est développé de manière complexe. Marty ne se définit pas par son handicap. Elle ne veut pas que les gens pointent du doigt sa cécité à chaque occasion. Une écriture maladroite aurait facilement pu la caractériser comme quelqu'un de brisé, de perdu ou bien décrite comme l'innocence pure. Non, à la place, l'épisode nous montre une personne qui a ses défauts, qui peut être profondément désagréable et antipathique, mais aussi, à contrario, bourrée d'humour et sympathique. Elle recèle une multitude de facettes qui contribuent à façonner une personnalité complexe. En définitif, elle ne demeure pas la pauvre et malheureuse victime éplorée. En soi, il n'y a rien de mal à être une victime paniquée ou traumatisée. Bien sûr que non. Mais les fictions ont tellement eu l'habitude de les dépeindre comme tel, qu'observer plus de nuances reste un acte salutaire. A propos de Marty, Tim Minear a confessé: "Je voulais en faire une garce, car le fait est que le handicap  n'ennoblit pas forcément une personne. Je sais que je ne serais pas anoblie. En fait, je serais furieux !"

 Comme souligné plus haut, Lili Taylor livre une prestation exemplaire, probablement une des plus marquantes de ces cinq années. Tim Minear, scénariste de l'épisode, a conçu Marty Glenn en pensant justement à l'actrice Lili Taylor. Mais le plus étonnant est que, d'après l'auteur, pendant l'écriture, le manager de l'actrice a appelé l'équipe pour les prévenir qu'elle désirait travailler pour la télévision (Taylor était principalement cantonnée à des rôles dans des films indépendants). Ce dernier se demanda donc à tout hasard s'il était possible pour elle de tourner dans X-Files. Dans le royaume des coïncidences, celle-ci était reine. Mais Taylor a reconnu qu'elle ne connaissait pas du tout la série. Elle ne mesurait probablement pas le succès que le programme pouvait avoir. Elle fut dès lors étonnée que des gens la reconnaissent, à peine le lendemain de la diffusion de l'épisode. Plus particulièrement, elle a dit: "Ce qui est incroyable, c'est que le lendemain, j'ai été reconnu dans la rue comme je ne l'avais jamais été auparavant." En outre, elle a raconté que pour parfaire ce rôle, elle a été dans un institut pour aveugles, puis que, dans son appartement, elle avait mis un bandeau devant ses yeux pendant 24h. L'expérience sur la série a été enrichissante pour elle, à telle point qu'elle s'est ensuite mise à la regarder. Elle a particulièrement apprécier David Duchovny, avec qui elle partage bon nombre de scènes. Au final, sa contribution dans X-Files lui a valu une nomination aux Emmy Awards, juste après celle de Veronica Cartwright pour Patient X. 
Kim Manners réalise un très bon travail ici, en multipliant les plans audacieux, comme ceux du teaser qui nous montre un miroir reflétant Marty pénétrer dans son immeuble, mais également celui où la jeune femme s'enfonce dans sa cellule, dans la pénombre. C'est un épisode très élégant, assez classique mais qui paraît rafraichissant au milieu d'énormes mytharcs et d'opus conceptuels. 




17. ALL SOULS (L'Ame En Peine)

Les fans s'empressent de décrire Chinga comme une déception, ou Schizogeny comme étant une ultime catastrophe. All Souls ne provoque pas autant de haine ou de mécontentement, d'après ce que j'ai pu voir. Bien sûr, il n'y a pas eu de battage médiatique autour de lui, et il n'y a pas de concept aussi délicat que des arbres tueurs. Mais pourtant, c'est une heure de télévision incontestablement épouvantable. Absolument rien ne va dedans. Il y a longtemps que la série ne nous avait pas pondu un aussi mauvais épisode. Honnêtement, on n'avait pas eu un aussi mauvais épisode depuis Teso Dos Bichos et Excelsis Dei avant lui. J'éprouve de la sympathie pour Schizogeny, lui souvent considéré comme le vilain petit canard de la saison 5. Pourtant, All Souls a bien moins de qualités. 
Concrètement, All Souls est un loner, mais il recèle quelques éléments mythologiques. Plus précisément, l'histoire revient sur Emily, la défunte fille de Scully, donnant des allures de troisième partie du diptyque Christmas Carol/Emily à ce script. A priori, il est conceptuellement intéressant d'avoir donner suite à cet arc, étant donné à quel point la série avait fait l'autruche depuis la mort de la fillette. Cependant, sa réapparition est intégré au forceps dans un scénario nébuleux et pompeux peuplé d'anges et de démons. Néanmoins, All Souls continue d'alimenter la fascination qu'entretient la saison 5 avec les relations compliquées entre parents et enfants: les quadruplés entrevus dans le récit ont, pour certaines, été maltraitées, et ont toutes été abandonnées en quelque sorte par un Séraphin, un ange descendu du ciel. Cependant, l'intrigue peine à mettre en relief ces imageries religieuses. Peut-être qu'il aurait été intéressant de consacrer plus de temps sur les implications spirituelles. Comme il s'agit d'une histoire traitant de la religion catholique, on sent encore une fois que l'équipe de production avance à tatillon, afin de ne froisser personne, d'où cette impression d'un épisode qui tombe à plat. Au final, All Souls est mou. All Souls est flou. Impossible de ne pas avoir Revelations en tête, quand on regarde cette oeuvre. Ce dernier aussi était imparfait, et l'équipe avait déjà expliqué à l'époque qu'elle n'était pas à l'aise avec le fait de traiter du catholicisme. Cependant, Revelations arrivait à se montrer émouvant, en plus d'être moins agaçant dans son inversion sceptique/croyant du duo de héros. Oui parce que, comme cet épisode de la saison 3, All Souls réitère ce switch entre Mulder et Scully. Sauf que le procédé lasse ici, à tel point qu'il paraît même poussif. Le scénario intègre même des plans de Scully dans un confessionnal qui évoque furieusement Revelations, sauf que ça ne semble pas aussi convaincant une seconde fois. D'autant plus que dans ce dernier, il y avait quelque chose de touchant de voir Scully se confesser, elle qui avait délaisser l'Eglise. Effectivement, dans la scène, elle explique même d'emblée qu'elle n'était pas venue dans un tel endroit depuis si longtemps. L'affaire du petit Kevin l'a tellement bouleversée que conclure sur ses plans dans l'église parvenaient à générer une émotion. Dans All Souls, ces scènes de confessionnal reviennent ponctuellement, et ne semblent exister pour que le personnage paraphrase limite les événements que le spectateur voit déjà. Ce procédé plombe clairement le rythme d'un épisode déjà pas très captivant en soi. C'est terriblement ennuyant. Le guide officiel de la saison 5 révèle que les auteurs se sont retrouvés loin de la fin, lorsqu'ils ont visionné le premier montage. Afin de rendre certains aspects du parcours de Scully plus perceptibles, John Shiban et Frank Spotnitz décidèrent de placer l'héroïne dans un confessionnal, puis d'intercaler ses dialogues avec l'action. Cette révélation explique quelque peu donc l'aspect purement artificiel de ces pénibles séquences.

Mulder se comporte comme un horrible connard dans toute cette affaire. Il a déjà expliqué le pourquoi il détestait l'église comme institution. Revelations avait déjà plutôt déjà bien fait le taf pour que le personnage s'exprime sur le sujet. Dans All Souls, il est d'une condescendance désagréable. En soi, ce n'est pas nécessairement un problème de montrer une facette peu reluisante d'un héros qu'on apprécie. Néanmoins, le scénario semble juste maladroit. 
Les apparitions de l'ange sont terriblement kitchs et ridicules, avec cette lumière éblouissante qui laisse deviner la silhouette de la créature, avec son visage qui pivote pour afficher alternativement un visage de lion, d'homme, d'aigle et de boeuf, le tout baigné dans des effets spéciaux très douteux. A ce sujet, ces derniers ont été plutôt compliqué à produire, et il n'ont pu être finalisés que quelques heures avant la diffusion de l'épisode. Plus généralement, le métrage use des images religieuses de manière lourdingue, comme le plan final du teaser qui révèle un poteau électrique formant un crucifix.
Petite note positive tout de même: J'apprécie assez bien la représentation du diable ici: personnifié par l'acteur Glenn Morshower. Sa séquence avec le père Gregory fonctionne assez bien; l'intrigue déjouant habilement avec nos attentes et nos certitudes, en nous donnant envie de suivre le diable, tout en étant suspicieux des intentions du prêtre. De même, l'intrigue nous emmène dans des fausses directions, comme nous faire croire que le le séraphin est l'antagoniste.
Mais c'est une maigre consolation, car là où l'épisode pêche, c'est dans ses considérations morales très problématiques. All Souls essaie de justifier que la mort des quatre jeunes filles est peut être la meilleure chose à faire. Une d'entre elle est séquestrée par son tuteur pour que ce dernier touche des allocations, tandis qu'une autre est une sans abri. Pour couronner le tout, elles sont toutes fortement handicapées; l'épisode sous-entendant alors qu'il serait peut être préférable pour elles de mourir, ou tout du moins de disparaître de leur enveloppe terrestre. Il y a donc comme un sous texte assez désagréable en filigrane: L'épisode considère donc que leur mort serait un vrai soulagement et une délivrance. Pire encore, Scully se rend même complice de la mort de Roberta, à la toute fin. Même si, au moment de laisser la jeune fille, l'agent est en proie à une vision d'Emily, il est quelque peu gênant de constater que, concrètement, elle accepte le sort de cette victime, parce que finalement la mort d'une enfant n'est peut être pas une si mauvaise chose. Bien entendu, le script tente absolument de minimiser cet acte, et il exprime le lâcher-prise de Scully envers sa défunte fille. Le résultat en image n'est pas dramatiquement cringe, mais disons que, en y réfléchissant, c'est... bizarrement amené. All Souls soutient donc une foi à toute épreuve. Celle là même qui accepterait que Scully ait eu la conviction d'accepter de laisser partir Roberta à une mort plutôt horrible. Pourtant, ces images de jeunes filles qui finissent avec les yeux brulée sont particulièrement sordides. C'est tellement efficace que croire que leur mort atroce est une "bonne" chose semble d'autant plus difficile à avaler.

Bien entendu, l'intrigue parle de deuil, et on peut comprendre que des gens, endeuillés par la mort d'un enfant, puissent trouver du réconfort, en se disant que l'âme de leur bébé est parti dans un monde meilleur. Il n'y a rien de mal à ca. Cependant, All Souls marche assez mal sur des oeufs dans sa manière d'amener ces questionnements, en plus de se révéler incroyablement ronflant et pompeux. En atteste, son utilisation de musiques avec des choeurs, et plongées dans une lumière vive, octroie à l'ensemble un ton prétentieux. Une des conséquences de ce type de parti pris est que l'intégration de l'arc Emily devient ridicule ici. All Souls exploite la souffrance et le deuil de Scully de façon maladroite. On en ressort avec la sensation que le métrage veut absolument toucher les cordes sensibles des spectateurs. Il en devient forcé et même agaçant. Est-ce que le fait d'être athée a considérablement amoindrit mon évaluation de l'épisode ? Je me suis parfois posé cette question. Et il est possible que certains concepts m'échappent, mais je reste tout de même convaincu que le scénario est juste incroyablement mal calibré. De surcroit, j'avais été plutôt touché par Revelations, un opus totalement baigné dans la foi et la religion.
All Souls a connu une écriture contrariée: A l'origine, ce fut une idée de Billy Brown et Dan Angel, deux rédacteurs en chef, qui avaient quitté la série. Le duo voulait écrire une histoire autour d'anges, sauf que le scénario n'a malheureusement jamais abouti. Par la suite, John Shiban et Frank Spotnitz ont repris cette esquisse, et on décidé d'intégrer l'arc Emily, afin que l'épisode se recentre sur Scully devant accepter la mort de sa fille décédée. 
A côté de ça, j'ai mis longtemps avant de comprendre que l'actrice qui jouait les quatre filles handicapées était Emily Perkins, qui jouait également le rôle de la jeune Berverly de l'adaptation de It en Téléfilm. Et fun fact amusant: elle jouera quelques temps plus tard dans Ginger Snaps, avec qui elle partage l'affiche avec Katarina Isabelle. Cette dernière jouait Lisa dans Schizogeny de cette même saison. Il est rigolo de noter que les deux ont joué des ados dans les deux épisodes les plus faibles de l'année. A noter également le retour du père McCue qui avait été d'un réconfort pour Dana dans la trilogie Redux.
All Souls est un très mauvais X-Files, probablement un des pires jamais vu jusqu'à présent. A tel point que je ne l'ai pas vu tant que ça, à l'époque: son scénario est maladroit. Son ton solennel est lourdingue et l'ensemble est incroyablement ennuyeux, quand il n'est pas embarrassant.




18. THE PINE BLUFF VARIANT (Les Nouveaux Spartiates)

The Pine Bluff Variant est un épisode étrange. Du moins, il dégage une ambiance assez unique, alors qu'il coche toutes les cases des thématiques chères à la série: Il y a la paranoïa, un complot, des mensonges, une arme bactériologique mortelle, du Skinner, etc. Pourtant, l'ensemble est construit sous forme d'un petit thriller d'espionnage à l'ancienne. Une approche finalement assez éloignée de tout ce qu'on a vu dans la série. Le résultat est furieusement réussi, mais j'ai toujours trouvé cet opus assez décalé, malgré tout. Pourrait-on le classer dans les hors formats de la série, au même titre que Bad Blood, Unusual Suspects ou encore Travelers ? Je ne sais pas. En fait, nous n'avons pas affaire à une enquête traditionnelle façon "monstre de la semaine". Il semble que The Pine Bluff Variant se rapprocherait davantage de F.Emasculata de la saison 2, un épisode qui lui aussi mettait en scène un virus mystérieux, au sein d'un métrage au rythme haletant. Et les deux expriment une défiance similaires envers un gouvernement qui garde certains secrets enfouis. Il ne s'agit pas des manigances d'un syndicat qui oeuvrent dans l'ombre avec des extraterrestres. Il s'agit une nouvelle fois ici d'une conspiration annexe défendant ses propres intérêts. 
Le récit relaté ici commence par une Scully troublée des cachotteries de Mulder. En effet, elle ne comprend pas comment il a pu laisser volontairement s'échapper Haley, un dangereux commandant d'une milice antigouvernementale, lors d'une opération du FBI visant à capturer ce dernier. Même si nous, spectateur, on se doute qu'il y a anguille sous roche, et que notre héros n'a vraisemblablement pas trahit sa partenaire, la première partie arrive brillamment à déstabiliser son public, en épousant le point de vue de Scully. Les mensonges de Mulder se révèlent troublants, et le mystère fonctionne à merveille. L'épisode multiplie les faux-semblants, car on ne sait pas qui sait quoi, ni à quel moment: Mulder cache des secrets à sa partenaire avec Skinner, mais Bremer découvre les mensonges de notre héros. Plus tard, le premier se révèle être un traitre parmi la milice, et délivre Mulder, lors d'un climax tendu. Absolument tout le monde semble cacher quelque chose à un moment ou un autre de l'intrigue, créant un climat de défiance et de paranoïa qui ne s'estompe à vrai dire jamais. Le rythme de l'épisode est assez vif, donnant des allures de pur thriller. Mulder est dépeint en un archétype de héros de films d'action. La scène de torture que Mulder subit, lorsque Haley veut prouver la fiabilité de ce dernier, va dans ce sens: Notre héros ne craque pas, et se permet même de menacer son bourreau. La séquence met véritablement mal à l'aise: en tout cas, personnellement, j'ai toujours eu mal lorsque le gorille tortille le petit doigt de Mulder. La scène pourrait vraisemblablement être interprété comme une tentative de s'assurer de l'engagement de Mulder, suite aux doutes antérieurs qu'ils lui ont fait baisser les bras, durant une bonne partie de la saison. Effectivement, face à la torture, l'homme assure à Haley qu'il est fermement déterminé à se dresser contre le gouvernement. Shiban a avoué lui-même que l'épisode était une occasion de revenir sur la remise en question du personnage.

La place qu'occupe The Pine Bluff Variant est pertinente: Il constitue un des tous derniers épisodes de l'année. La saison 5 a de nombreuses fois séparés les deux héros. La séparation était devenue un motif récurrent dans plusieurs chapitres. Bien sûr, cette manière de procédé a été motivé prioritairement par les obligations professionnelles de David Duchovny et Gillian Anderson. Et contrairement à la saison 3 qui voyaient le duo se déchirer par petites touches ici et là, la saison 5 sépare les deux agents surtout physiquement. Parce que, même s'ils semblent éloignés l'un l'autre, de nombreux épisodes nous démontrent, au contraire, à quel point Mulder et Scully s'entendent merveilleusement bien, comme l'atteste Detour, The Post-Modern Prometheus, Chinga et Bad Blood. Mais force est de reconnaitre que beaucoup de moments nous montrent un seul des deux personnages enquêter: Unusual Suspects et Travelers sont des flashbacks qui nous présentent un jeune Mulder, sans Scully évidemment, puisqu'il ne la connaissait pas encore. Dans Redux, les deux partenaires effectuent leurs recherches chacun de leur côté. Redux II voit Scully clouée à un lit d'hôpital. Christmas Carol place cette dernière aux commande de son propre mytharc, le temps d'un chapitre. Emily fait revenir Mulder pour le voir cavaler ensuite à droite et à gauche, tandis que Scully reste triste dans un hôpital. Et enfin, Chinga permet à la jeune femme de chasser son propre monstre de la semaine, pendant ses congés. The Pine Bluff Variant intègre habillement cette donnée dans son scénario, en remuant la confiance mutuelle entre les deux collègues. Bien entendu, Scully peut douter de Mulder, d'abord à cause des éléments prouvant sa culpabilité ici, mais cette condition est facilitée par tous les chapitres où les deux partenaires ont été séparé. Cela peut sembler un poil artificiel de décemment essayer de faire croire au public que Mulder est subitement devenu un traitre, mais l'intérêt ne réside pas là. Et de toutes façon, le secret est éventé très rapidement, puisque Scully apprend la supercherie très rapidement. Le but de John Shiban, scénariste ici, n'était pas de duper un public sachant pertinemment que Mulder ne trahirait jamais Scully, surtout à ce stade avancée de la série. Le scénario joue juste humblement avec la proximité qui s'est créée entre les deux héros. Il met en lumière le fait que la confiance de Scully est plus facilement érodée ici, comme une conséquence de l'éloignement des deux protagonistes, dans une saison qui va se conclure imminemment sous peu. En d'autres termes, le récit suggère que la longue proximité des deux agents fait que Scully pourrait commencer à ne plus pouvoir accorder sa confiance à Mulder, surtout si ses actions devenaient soudainement louches. The Pine Bluff Variant aurait peut être été moins pertinent s'il avait été placé à la fin de la saison 2, par exemple.
The Pine Bluff Variant est un autre exemple de la continuité qui subsiste dans la série, même dans certains loners. En effet, il est révélé ici que Haley a connu Mulder, lorsque ce dernier a discrédité le gouvernement, lors de la conférence au début de Patient X. Cependant, c'est un des rares exemples dans la série où un épisode mythologique produit un impact extérieur, si on excepte la référence au scepticisme de Mulder évoqué dans The Post-Modern Prometheus. Ce n'est pas le seul détail sympathique du métrage: A un moment, on peut apercevoir les contours du X en ruban adhésif sur la fenêtre de l'appartement de Mulder. Un vestige de l'époque où ce dernier appelait encore Mr. X avec ce procédé.  En définitif, The Pine Bluff Variant est un épisode étonnant qui se nourrit de l'univers, ainsi que de la continuité de la série, que ça soit thématiquement, mais également grâce aux renvois à d'anciens éléments de la série.

Il n'y a pas réellement d'élément surnaturel à l'oeuvre ici. L'arme bactériologique utilisée pour terrasser les gens est impressionnante, mais n'est pas vraiment un phénomène paranormal. On pouvait d'ailleurs établir le même constat avec F.Emasculata: le virus mortelle apparue dans ce dernier pouvait être plausible. Cependant, la scène du cinéma dans The Pine Bluff est réellement terrifiante: d'autant plus que ce sont deux adolescents qui découvrent tous les corps en décomposition, constituant assurément une des images les plus mémorables de la saison. A noter que l'ouvreuse du cinéma est interprété par Kate Braidwood, la fille de Tom Braidwood, alias Melvin Frohike. Elle avait déjà joué une des pensionnaires du centre psychiatrique d'Elegy, l'autre fameux scénario de John Shiban de la saison 4.
En outre, la séquence de braquage est exemplaire également, ainsi que la longue traversée de la mort de Mulder, à la toute fin, lorsqu'il marche avant de se faire exécuter. Ces deux séquences illustrent le caractère sous tension de tout le métrage. De l'aveu de Shiban, la scène dans la banque est un hommage évident au film Heat de Michael Mann. Rob Bowman insuffle clairement des velléités cinématographique à l'ensemble, lui qui vient de mettre en boite le futur film. Mark Snow enfonce le clou avec ses motifs musicaux digne d'un thriller d'espionnage. D'un point de vue production, The Pine Bluff Variante est un fier représentant des épisodes les plus ambitieux de la saison. A noter l'omniprésence de Skinner qui fait diablement plaisir. C'est devenu une constance depuis la saison 3: Chaque saison doit comporter au moins un épisode avec beaucoup de scènes avec le directeur adjoint du FBI. Même si son rôle est bien moins central ici que dans Avatar et Zero Sum, sa place accordée dans l'enquête est un atout salutaire. Mitch Pileggi est toujours un acteur très agréable à regarder jouer. Bien entendu, l'excellence de l'épisode ne serait rien sans l'apport de David Duchovny qui brille de mille feux ici. Il bénéficie d'un charisme sans faille tout du long. Il est parfait en agent double, mais également en actionner. Mais la surprise provient de Sam Anderson qui campe un ambigu agent Leamus. L'acteur joue à merveille le rôle de ce type dont on ne sait pas trop si on peut lui accorder notre confiance. A première vue, il peut paraître sympathique, même si autoritaire, mais son discours de fin le fait apparaît comme un être ambigu. Est-ce un salopard comme L'Homme à La Cigarette ? Difficile de le dire. 

Plus globalement, il s'agit du meilleur script de John Shiban en solo depuis The Walk. Il faut dire que l'auteur couvait cette histoire depuis longtemps. Plus précisément, il avait punaisé le concept de "Mulder sous couverture" depuis des années, sans trop savoir quoi élaborer autour de cette idée initiale. Au sujet de l'inspiration de son scénario, l'artiste déclara: "J'ai toujours rêvé de faire un thriller et l'un des grands avantages d'X-Files, c'est qu'on peut aborder différents genres. On a fait des comédies, des films d'horreur, des drames, etc. Le paradigme de X-Files peut s'étendre à beaucoup de choses, et on n'avait pas fait de thriller comme celui-ci depuis longtemps, voire jamais. J'ai été inspiré par L'espion qui venait du froid, le film de Martin Ritt de 1965, basé sur le roman de John Le Carré." L'enthousiasme de Shiban transpire dans tout le métrage. Il n'y a rien qui dépasse. Tout est parfaitement calibré pour que le spectateur ne s'ennuie jamais. Bien entendu, c'est un travail d'équipe, mais on sent que la réalisation de Bowman est fluide, notamment parce qu'il est aidé par un script calibré.
Néanmoins, malgré l'excellence de l'ensemble, il subsiste quelques zones d'ombres à l'histoire. On ne sait pas trop ce que le gouvernement en retire de tester cette toxine sur la population. Cherchait-il à récupérer la biotoxine des mains des terroristes ? De surcroit, le rôle d'August Bremer demeure flou: pourquoi prend-il le risque de sauver Mulder quitte à griller sa couverture, alors qu'il est prêt à zigouiller toute une salle de cinéma pour protéger son secret. Ce n'est pas des points trop dommageables, mais on a presque l'impression que l'épisode aurait pu donner lieu à une seconde partie, afin d'éclaircir certaines questions. 
L'épisode perpétue les questionnements qui ont animé Chris Carter, depuis le début de la saison 4 au moins. A savoir dépeindre des organisations terroristes fermement opposées au gouvernement, et aux idées complotistes. Des épisodes comme The Field Where I Died, Tunguska, Terma ou encore Unrequited s'empressaient de désolidariser la série envers ces groupes extrémistes. Comme mentionné dans mon texte de la saison 4, le showrunner a pris conscience que sa série pouvait être récupéré par de tels individus, et ces tentatives scénaristiques lui ont permis d'éclaircir les positions de X-Files: Ce n'est pas une émission génératrice de haine. C'est une fiction qui présente des faits alternatifs au monde réel. En d'autres termes, même si le show semblait cautionner la paranoïa et le scepticisme, elle soulignait également son combat contre ces dangereuses milices.
Au final, The Pine Bluff Variant est une plongée haletante dans la paranoïa et le complot. Un petit film qui multiplie les scènes au suspense époustouflant qui filent à toute vitesse. Pourtant, j'ai toujours eu l'impression qu'il est rarement cité dans les épisodes préférés des fans. Cependant, le consensus semble affirmer qu'il est très bon. Et c'est déjà beaucoup !




19. FOLIE A DEUX (Folie à Deux)

Deuxième titre français en version originale de la saison, et même de toute la série jusqu'ici. Il me semblait très important de le souligner. Sinon, à part ça, Folie à Deux se bat pour la place du meilleur épisode de la série, aux côtés de quelques autres grands noms. Assurément un des meilleurs scripts signés Vince Gilligan. Pourtant, et à l'instar de The Pine Bluff Variant, l'épisode est rarement cité parmi les meilleurs de l'émission. Il n'est même pas souvent mentionné au moment d'évoquer les meilleurs scénarios de l'auteur. On préféra toujours parler de Pusher, Paper Hearts, Bad Blood ou encore Drive (saison 6) et X-Cops (saison 7). Pourtant, Folie à Deux a d'immenses qualités. C'est un morceau de télévision fascinant, et force est de constater qu'il demeure toujours autant d'actualité. Même le scénariste semble particulièrement fier de son travail ici, et à juste titre. A plusieurs occasions, il a cité cet épisode comme étant un de ses chouchous, tout en déplorant lui-même que les fans ne le citent jamais dans leurs favoris. Je suis donc un fan parfaitement en phase avec Vince Gilligan.
Pour commencer, Folie à deux fait partie de ces histoires où on peut douter de l'authenticité des manifestations paranormales à l'oeuvre. On ne peut jamais réellement confirmer l'existence du monstre: Est-ce que Gary Lambert et Mulder ont raison ? Bien entendu, Scully découvre quelques étrangetés sur le cadavre d'un des employés de VinylRight, mais le scénario se montre suffisamment malin pour proposer un récit alternatif: Notamment à travers la "Folie à Deux", un syndrome qui s'exprime via des croyances délirantes se transmettant d'un individu à l'autre, comme une "contagion". L'épisode permet d'apporter du poids à la rationalité de Scully, même si, évidemment, Mulder pourrait tout de même avoir raison, étant donné tous les éléments inexplicables qui parsèment le récit. 
Plus généralement, Folie à Deux est un formidable épisode centré sur notre duo central. Il consolide le lien qui les unis depuis tout ce temps. A un moment donné, lorsque Mulder avoue à Scully qu'il a lui aussi aperçu la créature qui terrorisait Gary, il met cette dernière dos au mur en lui demanda si elle croit qu'il est lui même désaxé. Notre scientifique lui répond ensuite que parfois certains individus ont des connexions tellement étroites qu'ils partagent les mêmes fortes expériences. Des propos qui trouvent un écho particulier à la fin de l'épisode, et allant dans ce sens. En effet, lorsque Mulder est interné en hôpital psychiatrique, Scully commence enfin à voir le monstre, ainsi que les victimes zombifiées. Les deux agents sont tellement en symbiose totale qu'elle-même serait capable de déceler la créature. Elle veut tellement croire en son coéquipier qu'elle accepte dès lors d'épouser ses visions. Elle voit ce qu'il voit. Il y a quelque chose de puissant d'imaginer qu'elle adopte sa psychose pour tenter de pleinement le comprendre. On a l'impression que le personnage franchit une nouvelle étape ici. Pas sûr que Folie à Deux aurait été possible deux saisons auparavant, malgré le fort lien qui les unissait déjà à l'époque. En outre, après Kill Switch, il s'agit d'un nouveau scénario dans lequel c'est Scully qui sauve Mulder, venant renforcer l'impression que le personnage était en grande forme cette saison.

Comme abordé dans The Pine Bluff Variant, la saison 5 a éloigné temporellement ou géographiquement les deux agents du FBI. Ce dernier épisode mettait en évidence une conséquence de cette condition, avec la confiance ébranlée de Scully envers son partenaire. Folie à Deux commence avec un Mulder blasé qui part enquêter seul, car convaincu de l'inutilité de l'affaire que Skinner vient de lui confier. Et la fin de l'épisode renforce clairement les liens entre les deux personnages. Il renforce leur connexion peu de temps avant le long métrage. Comme pour signaler les liens thématiques entre les deux épisodes, à savoir le rapprochement entre les deux protagonistes, Folie à Deux offre une chouette continuité à travers le petit doigt toujours cassé de Mulder. Il est intéressant également de juxtaposé le script de Gilligan ici et son Bad Blood du milieu de saison. Dans ce dernier, il supposait que, malgré leur affection mutuelle, leurs points de vue semblaient irréconciliables. Folie à Deux revient sur cette idée, mais cependant va plus loin en affirmant que Scully serait prête à se rapprocher du point de vue de son partenaire s'il était menacé.
La narration brille dans sa surprenante progression: il commence comme un monstre de la semaine plutôt conventionnel, mais la structure change radicalement pour épouser les codes du thriller, lorsque Lambert se transforme en preneur d'otages. Et enfin, la seconde partie bifurque pour laisser la place à la lente dérive mentale de Mulder. En plus, le scénario explore une multitude de peurs contemporaines, comme l'idée de rendre le banal effrayant. Vince Gilligan a lui même expliqué qu'il désirait utiliser ce postulat de télévendeurs qui nous appellent sans cesse. Il s'est ensuite demandé si la folie pouvait se tramer sans qu'on le sache et si un monstre contrôlait une agence de télémarketing. 
Dans une interview, l'écrivain ajouta: "Et puis, il y a quelque chose de vraiment intéressant et d'effrayant chez quelqu'un qui dit la vérité, mais qui n'est cru par personne. C'est ce qu'a toujours été Mulder."
Cette dernière déclaration revient sur le miroir évident dresser entre notre agent et Gary. Effectivement, Mulder a toujours essayé d'expliquer à tout le monde l'existence des extraterrestres, mais également des forces paranormales à l'oeuvre dans le monde. Lambert est une Cassandre qui n'est entendu par personne dans son boulot. Néanmoins, il peut compter sur le soutient de Nancy, sa collègue avec qui il peut échanger quelques mots agréable. Mais l'homme sombre totalement lorsque cette dernière se fait convoquer par Pincus, puis zombifier. Le parallèle Mulder et Scully est de mise ici: Si cette dernière venait à disparaître, notre héros perdrait définitivement la raison, comme Lambert.
Lors d'une interview filmée, David Duchovny a raconté l'histoire d'un homme que tous les habitants détestaient. Cependant, son épouse l'aimait de tout son coeur. Ce à quoi, les gens se sont ensuite dit que si un être humain était capable d'aimer ce type exécrable, peut-être qu'il n'était pas si mauvais. Cette femme constituait donc son certificat d'humanité. L'acteur expliqua ensuite que Scully était le certificat d'humanité de Mulder. Si elle peut le tolérer, alors il ne doit pas être si mauvais après tout.

Folie à Deux s'amuse même avec un sous texte qui critique l'aliénation du travail, notamment en décrivant les victimes de Pincus comme des zombies. Une manière de définir ce genre de job comme étant aliénant et inhumain. Si on admet que l'intrigue est à 100% rationnelle, il est évident que Gary Lambert sombre à cause de son horrible travail. Qu'il a fini par craquer comme malheureusement beaucoup de salariés. L'épisode relaterait en réalité le burnout exacerbée d'un employé qui ouvre enfin les yeux sur le caractère déshumanisant de son job, et qu'il verrait tous ses collègues comme des victimes d'un effroyable système qui les transformeraient métaphoriquement en zombies. Pincus et son entreprise sont une métaphore cinglante des rouages du capitalisme. Folie à Deux identifie le capitalisme comme une monstruosité aliénante qui déshumanise ses employés. Le centre d'appel est dépeint comme une ruche, sous contrôle d'une reine, que les employés modèles fusionnent pour ne former qu'un esprit unique et vide de sens. Lambert veut passer à la télévision pour avertir le peuple de ce danger. Il explique même: "Il veut nous priver de ce que nous sommes, nous contrôler". Le sous texte est brillant et donne un cachet singulier à l'ensemble. Finalement, l'épisode reprend l'idée du zombie comme l'avait fait Romero dans ses films. On peut même y déceler quelques touches de Brazil.
Lorsqu'on lit le scénario avec cette grille de lecture, il y a des éléments qui font froid dans le dos, mais agissant d'une manière différente: Lorsque Nancy accompagne son patron, on peut supposer que, s'il n'y avait pas de monstre au sens propre, cela signifierait que l'employée fait des heures supplémentaires. En outre, il serait pertinent que Scully perçoive l'infirmière en zombie, pile lorsque cette dernière lui explique qu'elle ne peut pas voir son collègue à l'hôpital. Comme si notre héroïne se confrontait frontalement aux horreur d'une bureaucratie insensible. Elle verrait le "vrai" visage de l'infirmière pile au moment où cette dernière refuse catégoriquement que Scully puisse voir Mulder, même après avoir expliqué qu'elle a parcouru un long trajet pour venir le voir. L'insensibilité de l'employée de l'hôpital se manifesterait donc par sa transformation métaphorique à l'écran en zombie. Folie à deux se montre donc incroyablement efficace pour jouer sur plusieurs tableaux.

Folie à Deux bénéficie indéniablement de l'apport immense de Kim Manners à la réalisation. Comme déjà mille fois expliqué, l'artiste excelle véritablement lorsqu'il s'agit d'aborder frontalement l'horreur et l'effroi. Et à ce titre, l'épisode demeure effrayant. Pour preuve, mon fils découvre certains épisodes depuis quelques mois. Il en a déjà vu pas mal, mais comme il n'est pas très âgé, j'évite certains opus comme Home par exemple. Il a dû voir une trentaine épisode et Folie à Deux est celui qu'il l'a le plus effrayé. Après visionnage, il y a juste eu un moment de blanc, et il a déclaré: "... il était vraiment très dérangeant celui-là."
En premier lieu, la créature insectoïde qui apparaît furtivement est très étrange. Elle se manifeste à l'écran sous une forme floutée, et se déplace de façon saccadée, comme si l'oeil humain ne pouvait clairement identifier ses contours. Cette approche renforce l'aspect irréel de la bête. Pourtant, lors du tournage, un doute a longtemps plané sur la crédibilité de l'insecte. A l'origine, ces effets spéciaux uniques n'étaient pas intentionnels; la production voulant davantage mettre en avant le monstre. A ce sujet, Vince Gilligan a déclaré: "On a généralement un planning tellement serré qu'il doit forcément y avoir un maillon faible quelque part. Dans le cas de Folie à Deux, ce maillon faible était le monstre, absolument horrible et pas très effrayant." Brian Markinson, qui jouait Gary Lambert, a raconté que lorsqu'il a aperçu cette femme dans sa combinaison de monstre, il a déclaré ironiquement: "C'est ça qui me rend fou ?" Kim Manners, lui, n'arrêtait pas de s'exclamer: "Oh mon Dieu ! Ma carrière est finie !"
Visiblement, d'autres membres de l'équipe ont eu des réactions d'horreur similaires, tandis que d'autres ont éclaté de rire, que ça soit dans les bureaux jusque dans les salles de montage. La saison arrivait à son terme, et il n'y avait pas de temps pour rendre l'insecte véritablement effrayant. Apparemment, Toby Lindala avait créé un costume beaucoup trop sophistiqué, mais qui rendait les déplacements difficiles. Comme l'a reconnu Gilligan, l'équipe était sur les rotules à cause de l'année qui arrivait à son terme.
Laurie Kallsen-George, la superviseure des effets spéciaux, a eu du pain sur la planche pour rendre cette chose effrayante. "Ce qu'elle a fait était formidable" a déclaré Gilligan. "Elle a pris les images avec le monstre, l'a complètement effacé, l'a déplacé sur un autre écran, l'a animé et a ajouté un flou accéléré. Au final, le monstre est à peine visible." Apparemment, le résultat allait au delà des espérances, et se conformait à la vision initiale du scénariste, à savoir un monstre que vous seul pouvez voir.
Il est incontestable que l'option envisagée pour camoufler légèrement la créature fonctionne à merveille. Il y a mêmes des plans fascinants, comme celui montrant Mulder s'introduire dans la maison d'une femme, en pleine nuit. Dans ce moment précis, on peut voir l'insecte se déplacer au plafond, en arrière plan. La scène paraît également surréaliste à cause de ce que regarde Gretchen Stans, la personne chez qui notre héros s'introduit. En effet, la télévision de cette dernière diffuse Le Petit Colonel, un classique des années 30. L'utilisation du film alloue une ambiance très étrange à toute la séquence, renforçant l'aspect presque onirique, voir cauchemardesque des visions de Mulder.
Pareillement, lorsque notre agent est interné, on  peut voir la créature gratter à la fenêtre, puis entrer dans la chambre. L'effet se révèle être extrêmement efficace. Et puis, impossible d'oublier la séquence superbement mise en scène avec la bestiole qui se manifeste juste derrière un Skinner passant un savon à un Mulder paniqué. Saluons la prestation exceptionnelle de Duchovny qui sait jouer un Mulder sombrant dans la folie, jusqu'à ce point culminant où son personnage hurle dans la chambre d'hôpital. C'est très étonnant de voir Mulder dans un tel état de détresse.

Folie à Deux se permet d'avoir de petits moments savoureux: comme toute la scène, en début d'épisode, dans laquelle Skinner semble gêner d'avouer à ses deux agents du caractère potentiellement paranormal de l'affaire qu'il s'apprête à leur confier. Quand ce dernier bredouille que l'enregistrement mystérieux d'un employé parle de "monstre", Mulder lance un sarcastique: "Des monstres ? ça me plait !"
Il y a quelque chose de touchant de voir également leur patron commencer à s'ouvrir sur le paranormal. Effectivement, il n'a jamais été un sceptique à toute épreuve, comme le révèle la confession qu'il fait à Mulder dans One Breath. Pour rappel, dans cet épisode cité, Skinner raconta l'expérience de mort imminente auquel l'homme a été victime, soulignant à quel point le paranormal lui fait peur depuis ce moment là. On a donc l'impression que le personnage se montrerait probablement plus enclin à croire en des forces surnaturelles que Scully. Mais depuis la saison 5, le protagoniste semble être plus ouvert, comme en témoigne sa scène dans The Red And The Black dans laquelle il commence à envisager la plausibilité de l'existence des extraterrestres.
En définitif, Folie à Deux est un excellent X-Files. Probablement un des meilleurs jamais produits. Il arrive à condenser une multitudes d'interprétation dans un épisode aux format pluriel: c'est un monstre de la semaine, mais il emprunte des sentiers surprenants. Un des meilleurs travaux de Vince Gilligan, mais également de Kim Manners. Et cerise sur le gâteau, il se permet même d'être un merveilleux segment sur la consolidation des rapports entre Mulder et Scully, en plus d'être un complément pertinent à Bad Blood, l'autre grande oeuvre de Gilligan de cette saison. Brillant de bout en bout !




20. THE END (La Fin)

Sobrement intitulé "The End", ce grand final n'est évidemment pas la fin de la série à proprement parler. Cependant, il constitue une fin pour plusieurs raisons: Tout d'abord, il s'agit basiquement de la fin avant l'adaptation au cinéma, même si peu de liens subsistent entre le film et l'épisode, mis à part la fermeture des X-Files. C'est également le dernier épisode a avoir été tourné à Vancouver, le lieu qui a tant contribué à la série, que ce soit en terme de décors, mais aussi d'ambiance. Sans cet endroit si singulier, X-Files aurait bénéficié d'un cachet visuel indéniablement différent. Du Pilot jusqu'à The End, en passant par Darkness Falls, The Erlenmeyer Flask, The Host, Duane Barry, Pusher, Paper Hearts, Tunguska ou encore Detour, tous ces exemples doivent leur incontestable réussite à l'apport de la région. Les 117 épisodes tournés jusqu'ici doivent donc beaucoup à Vancouver. A l'origine, Chris Carter avait décidé d'implanter la production là-bas, car la production était peu onéreuse et que la région bénéficiait d'une variété incroyable de paysages. Malgré certains tournages difficiles en extérieur, à cause d'une météo capricieuse, l'atmosphère brumeuse et pluvieuse de cet endroit a permis l'instauration d'une ambiance singulière à l'ensemble de la série. 
The End désigne également la fin telle qu'elle était initialement prévue par les plans de Chris Carter. En effet, comme déjà dit plusieurs fois, le showrunner désirait clore définitivement la série après cinq saisons, avant que la franchise ne mute sur grand écran.
Après cet épisode, la série ne sera plus jamais totalement comme avant. Quand on connait la manière dont l'émotion a gagné l'équipe de tournage durant tout l'épisode, on est obligé d'avoir un regard tendre envers ce chapitre. The End est un adieu chaleureux et émouvant à l'équipe de Vancouver et, donc, de toutes les personnes ayant contribué directement au succès de la série.
Concrètement, ce n'est qu'aux alentours de mars 1998 que la décision de quitter la région avait été réellement acté. Carter s'envola alors à Vancouver, puis a parlé individuellement à chaque chef de service, avec tristesse, de son intention de déménager la série à Los Angeles, lors de la prochaine saison. Ensuite, le showrunner parcourut le trajet à pied jusqu'au plateau de tournage. Il rassembla l'équipe autour de lui, et commença a annoncé la triste nouvelle. Il commença par remercier l'équipe de Vancouver pour ces incroyables cinq années de travail. Mais avant même d'avoir pu finir ses mots, il fut submergé par l'émotion et pleura. De nombreux techniciens et autres artistes qui l'écoutèrent n'arrivaient pas non plus à contenir leurs larmes. La nouvelle laissa place à un long silence. Chris Carter déclara plus tard: "Beaucoup de gens qui étaient là depuis le premier épisode de la série étaient ensemble, comme une sorte de famille, et nous nous disions en quelque sorte au revoir: au revoir, et nous ne nous reverrons peut-être jamais. C'était très dur. Pour moi, en tant que producteur, c'était comme dissoudre l'équipe de championne du monde."

Toute l'impressionnante séquence du teaser, avec ce championnat d'échecs, se situe à Vancouver dans le récit, comme un ultime hommage à la ville qui a bercé X-Files. Pour l'anecdote, le public que l'on voit est constitué de fans locaux. En effet, la production avait organisé un tournage gigantesque et totalement ouvert au public. Néanmoins, l'équipe ne s'attendait pas à un tel succès. JP Finn, le producteur, a déclaré qu'ils s'attendaient à voir débouler 5000 personnes. Au final, il y en a eu 17 000. Entre les différentes prises du teaser, des événements étaient organisées avec festivités, des écrans qui diffusaient des vidéos, et des stands de restauration. Les stars de l'émission, David Duchovny, Gillian Anderson ou encore William B Davis, prenaient le micro et répondaient aux questions du public. Ce fut une immense fête d'adieu.
RW Goodwin, producteur et réalisateur de The End, se souvient avoir dû diriger des milliers de fans, lors de ses prises de vue. Il fut stupéfait de leur malléabilité: ils obéissaient parfaitement à ses moindres sollicitations. Il déclara à ce sujet: "C'était incroyable ! Ils restaient assis là, silencieux, ils regardaient, ils prenaient peur en entendant le coup de feu. Ils se levaient, ils se précipitaient vers la sortie. Quand je disais coupez coupez ! Tout le monde revenaient en arrière ! Et en moins de 30 secondes, ils étaient tous de retour à leur place. On aurait pu entendre une mouche voler tellement ils étaient silencieux. C'est la meilleure chose que j'aie jamais faite de ma vie." Cette expérience a sûrement été d'autant plus incroyable que ce fut le dernier travail de réalisation de Goodwin. En effet, l'homme a eu l'habitude de mettre en boite le dernier et le premier épisode de chaque saison, comme une tradition (à l'exception du Pilot bien entendu).

Après c'est longue introduction, parlons du vif du sujet avec les qualités et défauts de ce faux ultime épisode. Comme à l'accoutumée, qui dit grand final, dit segment mythologique. Et The End réintroduit énormément de personnages de la série. C'est probablement le mytharc élargissant le plus son casting secondaire. On y retrouve L'Homme à La Cigarette, L'Homme Bien Manucuré, Krycek, Skinner, les Lone Gunmen, Jeffrey Spender et introduit même de nouvelles têtes: à savoir Diana Fowley, une agent du FBI et ex de Mulder, et le prodige des échecs, Gibson Praise. Deux personnages plutôt controversés, mais pour des raisons différentes. Et c'est beaucoup de nouveaux protagonistes pour une seule heure d'antenne. En revanche, ces ajouts permettent à l'histoire de multiplier les enjeux entre les différents personnages. On peut décemment voir cet aspect choral de la même façon qu'une partie d'échecs, comme le soutient le Cigarette Smoking Man, à un moment. Concrètement, ce dernier utilise son fils, Jeffrey, comme un pion qu'il déplace sur un échiquier pour mettre Mulder en "échec et mat". Le thème des échecs parsème toute l'intrigue, et c'est surtout notre antagoniste principal qui joue activement et consciemment à ce jeu ici. Il tue le sniper. Il revient au bercail pour consolider sa place auprès du syndicat. Il capture Gibson Praise pour l'utiliser. Il brûle le bureau de Mulder et, comme dit, il utilise son fils. On a l'impression que The End célèbre le retour du véritable bad guy d'X-Files. Il le présente comme un méchant ultime durant tout le film, comme une manière de combler sa longue absence durant une bonne partie de la saison. Sa détermination paraît sans faille, et l'épisode prend un malin plaisir de jouer avec les motifs les plus emblématiques du personnage: sa cigarette, ses phrases assassines et ambigues, son impassibilité et sa suffisance resplendissent de mille feux ici. L'utilisation d'un paquet de Morley qu'il envoie au tireur, pour écrire des mots, évoque indéniablement la signature d'un super méchant de comics. Le fait qu'il ne signe pas le dernier mot, signifiant la mort de l'homme emprisonné, va clairement dans ce sens. Dans le monde réalise d'X-Files, un tel procédé paraît ridicule, mais c'est une image qui demeure assez forte; et qui contribue à la célébration du retour de L'Homme à La Cigarette. Comme si The End tapait du coude le fan pour lui assurer que "hey ! Ton bad guy adoré revient plus en forme que jamais, et il va pouvoir continuer à comploter plus durement !" Et le fan que j'étais était bien évidemment aux anges, à l'époque. Le Smoking Man est devenu une icone incontournable pour la série. A ce stade du récit, il est évident que Chris Carter et son équipe avait institutionnalisé X-Files auprès de son public. Ils savaient comment titiller leurs fans depuis bien longtemps, et comment leur provoquer de la joie avec du pur fan service. De surcroit, la présence de personnages comme L'Homme à La Cigarette, L'Homme Bien Manucuré et Krycek demeurent une tentative de rassurer le fan sur la suite des événements, notamment sur le déroulé de la saison prochaine qui verra X-Files déménager dans une autre ville.

Globalement, The End n'apporte pas énormément de réponses concrètes au grand ensemble conspirationniste. Au lieu de ça, il dessine seulement quelques pistes, mais vient surtout grossir le casting secondaire et apporter de nouvelles questions. Ce n'est pas un réel problème car il s'agit surtout d'une conclusion à cinq années. Et il défile avec une assurance et un rythme phénoménal. La réalisation de Goodwin et la musique très cinématographique de Mark Snow contribue énormément à la réussite de l'ensemble. On sent même que le compositeur a repris certains instruments qu'il a récemment utilisé pour le film Fight The Future. The End est impressionnant d'un point de vue production et mise en scène. C'est probablement un des mytharcs les plus agréable à regarder. Il y a un nombre de scènes stylées ahurissantes, comme le teaser, mais également la course poursuite entre Krycek et L'Homme à La Cigarette, aux abords de la cabane isolé de ce dernier, dans les montagnes enneigées. Mais le métrage est doté d'un solide pion: à savoir Jeff Gulka, le jeune acteur qui incarne Gibson Praise, l'étrange garçon capable de lire dans les pensées. Toutes les scènes où il apparaît sont grisantes. L'interprète arrivant parfaitement à distiller un côté blasé et désenchanté à son rôle. Le passage où des médecins lui demandent de deviner la carte qu'ils cachent est à ce titre excellente: Gibson répond machinalement d'une façon désabusée. Gulka est formidable. Son attachement envers la télévision, mais aussi jouer aux échecs, sont des touches sympathiques. Par ailleurs, ces moments d'évasion lui permettent de ne se concentrer que sur une seule chose. A un moment donné, il regarde même Les Simpsons révélant ainsi qu'il "adore ce programme". Une manière de remercier Matt Groening et son équipe d'avoir intégrer Mulder et Scully dans un épisode des Simpsons. L'équipe d'X-Files s'est estimée chanceuse d'avoir pu trouver Jeff Gulka pour le rôle. Frank Spotnitz à révélé à son sujet: "C'était un vrai coup de maître. Trouver Jeff qui avait une merveilleuse sérénité, une présence et une âme qu'on n'attendait pas d'un petit garçon. Et nous sommes tombés amoureux de lui, et nous ne pouvions pas le faire revenir suffisamment, car c'était un personnage formidable et il apportait tellement au rôle."

A côté de ça, Praise est un personnage touchant car son côté blasé tient de sa malédiction de pouvoir lire les pensées des gens, un pouvoir lui dévoilant les complaintes similaires de ses congénères. Il est continuellement assaillit par les angoisses et les peurs des gens qui l'entourent. C'est humainement assez effrayant à imaginer
Gibson représente en outre le nouveau McGuffin de cette fin de saison. Finalement, chaque final d'X-Files a intégré un élément auquel les personnages centraux se battent pour récupérer ou protéger. Scully s'empare de la petite créature alien à Fort Marlene à la fin de The Erlenmeyer Flask (saison 1). Tout le monde veut conserver la fameuse cassette numérique dans Anasazi (saison 2). Jeremiah Smith retient l'attention du syndicat, mais également de Mulder et Scully dans Talitha Cumi (saison 3). A ce titre, Gibson Praise se rapproche davantage de ce dernier: un personnage sympathique, mais néanmoins mystérieux, pouvant apporter des réponses concrètes sur la mythologie, mais qui ne les partage jamais vraiment. De surcroit, Mulder scande à tout le monde que le garçon représente le saint graal de tous les X-Files, mais reste fumeux et évasive sur le pourquoi ? En effet, l'intrigue reste nébuleux sur les atouts de Gibson pour les affaires non-classées. J'ai mis des années avant de comprendre que, oui, on peut supposer que les dons de télépathie de l'enfant lui permettent de lire dans les pensées des conspirateurs et que, donc, pourraient révéler les tenants et aboutissants des différentes enquêtes de Mulder et Scully. Un peu comme le fait qu'Albert Hosteen a appris tout le contenu de la cassette numérique, au terme de Paper Clip (mais que nos deux agents refusent de contacter pour en connaitre le contenu d'ailleurs). The End n'est pas très didactique et explicatif sur ce point d'intrigue, et c'est au spectateur de devoir faire l'effort de comprendre en quoi l'enfant peut s'apparenter à une clef de voute de la série. L'épisode est déjà surchargé en éléments scénaristiques. Il aurait peut être fallu réduire certaines scènes pour insister sur l'importance du jeune télépathe. Heureusement, la série deviendra (un peu) plus limpide sur les origines des capacités du jeune garçon, et en quoi il est un chaînon manquant.
L'intégration de Gibson conclut bien cette cinquième saison qui s'est énormément attardée sur des thématiques tournant autour de relations compliquées entre enfants et parents. Comme mentionné plusieurs fois dans mon petit dossier, The End vient donc apporter de l'eau au moulin avec ce personnage torturé. Il est un enfant doté de pouvoirs spéciaux qui a du mal à se sentir en phase avec ses pairs. On pourrait même inclure Jeffrey Spender et ses relations tumultueuses avec son père, dans ces grandes thématiques qui ont émaillé la saison 5.
Au final, Gibson Praise se révèle donc ambivalent: il représente une force et une faiblesse pour The End.

Mais le plus gros problème de l'épisode provient de l'implantation presque fortuite de Diana Fowley. Personnellement, je n'ai jamais pu la blairer. Jamais. Et c'est étonnant, car j'aime quasiment tout le casting secondaire, mais Fowley est l'exception qui confirme la règle. Visiblement, l'ensemble des fans n'ont jamais accepté ce personnage, ce qui est un peu horrible pour son interprète, Mimi Rogers qui, dans l'ensemble, fait ce qu'elle peut avec ce qu'on lui propose. De l'aveu même de Frank Spotnitz, la réaction épidermique suscitée par la femme avait été anticipé par les scénaristes. Cependant, avaient-ils vu venir la haine engendrée par le personnage dans la sphère de la communauté des fans ? Des personnages comme Krycek, Mr X ou L'Homme à la Cigarette sont faits pour être détestés, mais les gens aiment les détester. Il y a une ambivalence sentimental qui s'installe avec ce genre d'antagonistes. En revanche, Diana Fowley n'a fait qu'alimenter la haine.
Plus globalement, il faut reconnaitre que son intégration n'est pas la plus fine qui soit. Elle est clairement un ajout pour créer un triangle amoureux entre Mulder, Scully et elle. Elle ne constitue qu'un point de discorde entre les deux héros; sa présence générant de la jalousie auprès de Scully. Effectivement, cette dernière se montre très déstabilisée par Fowley. C'est à la fois émouvant, parfois rigolo, mais assez artificiel. Un ajout qui continue d'épaissir un épisode déjà très dense en arcs narratifs.
En revanche, Diana Fowley est intéressant dans le cadre plus globale de la saison 5. Elle démontre l'attrait de cette dernière sur l'histoire secrète des origines des X-Files, inaugurée par Unusual Suspects, puis creusé par Travelers. Il évoque une nouvelle fois le passé mystérieux de ces affaires. The End révèle que Mulder et Fowley ont travaillé, puis sont sortis ensemble à l'époque où l'homme a découvert les fameux dossiers X. Le problème est que rien ne préfigurait l'existence de cette femme. Elle semble sortir du chapeau narratif de Chris Carter. Diana Fowley est évidemment un personnage problématique. On a l'impression que les scénaristes ne savent pas trop quoi concrétiser avec elle. Pourtant, je suis du genre à défendre les nouveaux arrivants, mais cette fois, c'est loupé. Et c'est évidemment dommage: C'était une occasion de voir un nouveau protagoniste féminin dans un casting tout de même dominé par les hommes. Scully est parfaite, mais reste presque la seule représente féminine de la série, si on excepte les mamans et autres. Quant à Marita Covarrubias, son personnage a mis beaucoup de temps avant d'être mieux définie. Ce n'est qu'à la fin de la saison 4 qu'elle s'est mieux intégrée au grand fil rouge.

En revanche, Spender est toujours impeccablement joué par Chris Owens, même si The End rend son personnage curieusement plus antipathique que dans Patient X et The Red And The Black. Idem en ce qui concerne Mulder à son égard. En effet, même si Spender se révèle plus arrogant que jamais, notre héros se montre étrangement belliqueux, et ce dès leurs premiers échanges. Ce dernier l'interrompt brusquement lors de sa présentation de l'affaire concernée. Mulder se montre odieux de manière presque gratuite, comme si, hors caméra, nous avions loupé une embrouille entre deux agents. Mulder persiste et signe en adoptant un comportement inapproprié durant toute la scène, juste par provocation. 
Patient X s'efforçait de dresser le portrait d'un Spender comme étant un agent du FBI, certes ambitieux, mais qui désirait avant tout travailler tranquillement, sans que quiconque ne lui fasse une réputation. Il était critique envers Mulder, oui, mais ça s'arrêtait là. The End accentue une animosité qui n'existait pas nécessairement dans le fameux diptyque. Néanmoins, leurs scènes fonctionnent tout de même très bien. La présentation de Spender au FBI est à ce titre exemplaire: lorsque Mulder comprend à quel moment le garçon en vidéo anticipe le coup du fusil.
Plus globalement, The End bénéficie des qualités et des défauts d'écriture de Chris Carter. L'écrivain a parfois tendance à forcer ses personnages à adopter un rôle purement fonctionnel. Spender et Mulder doivent être en confrontation et en compétition pour les besoins de l'intrigue, même si c'est assez mal amené. Diana Fowley est intégrée comme une love interest pour notre héros, mais également comme un déclencheur de jalousie pour Scully. La thématique des échecs, bien que pertinente dans l'épisode, est surligner par l'Homme à La Cigarette à plusieurs reprises. Carter alourdit certains de ses dialogues et c'est bien dommage. En revanche, le métrage est bourré d'idées et de pistes ambitieuses pour de futurs développements. Il est intéressant que le showrunner a tout de même dirigé la seconde équipe de tournage, ce qui explique ainsi la puissance de la réalisation de The End. Carter a clairement un don pour la réalisation. 

Bien entendu, le double cliffhanger réside dans la fermeture des X-Files, mais également le bureau de Mulder qui part dans les flammes. A l'époque, certains considéraient ce twist comme faiblard, car la saison 1 se concluait de la même manière. Je ne suis pas d'accord avec ça. Il est vrai que le département des affaires non-classées avait été fermé au terme de la première année, mais le contexte et les conséquences sont différents ici. Tout d'abord, cette conclusion est une manière de tirer un trait sur cinq saisons riches en émotion. Bruler le bureau de Mulder est une façon symbolique pour Carter de signifier que la série aurait dû se terminer ici. Par extension, c'est également une image forte pour souligner la fin de ce décor emblématique. Même s'il sera reconstruit à l'identique dans la saison 6, rien ne sera totalement comme avant. A ce titre, le plan final demeure très émouvant: Voir Scully serrer un Mulder l'air dépité, contempler tout son travail parti en cendre, constitue un spectacle terrible. Oui, car, contrairement à la saison 1, cette fois, tous les dossiers sur lesquels les deux agents ont travaillé si dur ont brûlé. C'est une conclusion bien plus déchirante que ne l'était The Erlenmeyer Flask. De même, cette fermeture du département va se négocier très différemment dans la saison 6, par rapport au début de la saison 2. L'équipe de scénaristes ne vont pas du tout gérer cela avec le même état d'esprit, et il sera intéressant de dresser des parallèles entre le début de la saison 2 et celui de la saison 6. 
Pour résumer, la destruction du bureau marque une étape pour la série, en plus d'amener vers le film.
A ce titre, The End ne cadre pas bien avec ce dernier. Mis à part la fermeture des X-Files et le retour de L'Homme à La Cigarette, aucun éléments de l'épisode n'interviendront dans Fight The Future. Il y a une raison purement pragmatique à cela: Intégrer autant d'éléments de la tentaculaire mythologie aurait pu décourager ceux qui n'ont pas connu la série pour comprendre l'intrigue du long métrage.

Histoire de renforcer cette impression de "fin d'une époque", le début de l'épisode nous montre Skinner contempler le bureau de Mulder. Un plan de caméra nous permet de replonger dans le passé via des articles sur Duane Barry, Tooms et Leonard Betts. On y aperçoit également une photo des Eve, mais aussi les médecins de Nisei. C'est un plan assez émouvant. Dans cette scène, Skinner devient un porte parole du public demandant raisonnablement à Mulder: "Quel sont vos projets à long terme ? Qu'espérez-vous trouver ? Enfin, je veux dire, à la fin ?" Cette question amplement méta implique la série à se poser et réfléchir sur ses prochains objectifs désormais. Une nouvelle manière également de signifier que les plans initiaux de Carter devait se stopper à ce stade. L'équipe semble presque méditer sur le but ultime de X-Files. Sur quoi bâtir les prochaines saisons ? Ce sont des questionnement auxquels sont confrontés les plus grandes séries à succès qui voient leur nombre d'épisodes grossir au fil des mois. Des programmes en perpétuels expansions qui ne semblent jamais aboutir à une conclusion satisfaisante. A travers cette scène avec Skinner, Chris Carter livre ici les angoisses qui l'ont animé à ce moment précis du processus de son oeuvre.
Même si on se place dans le cadre du récit uniquement, Skinner demande à Mulder quand il considèrera sa quête de la vérité comme terminé. Quand est-ce qu'il se décidera à raccrocher ? A fermer définitivement ses tiroirs S'il trouve sa soeur Samantha, s'arrêtera-t-il ? Quand il aura débusqué la conspiration ? Quand l'agent profitera de l'aboutissement de son travail ? The End fait donc le point, à un moment où la série va clore un cycle important de sa vie. A un moment qui marque la fin de son âge d'or. Toutes ces considérations et ces questionnements métas sont intéressants et donnent de l'épaisseur à The End.

La fin du tournage s'est révélé très émouvant et difficile pour l'équipe, comme on peut s'en douter. Lorsque David Duchovny a filmé sa dernière scène, il a posé pour de nombreuses photos de groupe et distribués des cadeaux d'adieux, dont des ballons de basket dédicacés, à chacun de ses collègues de Vancouver. Puis il est parti à Los Angeles. 
A mesure que l'ultime journée s'écoulait, de petits groupes se formaient au sein de l'équipe pour discuter, s'échanger leurs adresses, puis signant des albums et t-shirts. Ils furent ensuite rejoint par Chris Carter himself pour partager de doux souvenirs. Le groupe grossissait ensuite, bercé de gestes affectueux comme des câlins et des bisous, notamment dans le décor servant de bureau des Lone Gunmen.
Ce fut ensuite la dernière scène de Gillian Anderson: celle où Scully rend justement visite aux trois compères vêtus de pyjamas. Le tournage de la séquence passait, et les spectateurs applaudirent tous ensemble. Anderson a failli fondre en larmes. L'actrice demanda à ses amis et collègues de la rejoindre. Elle brandit ensuite un peignoir sur lequel était inscrit: "Bonne nuit à tous. Je t'aime pour toujours, Georgie". Elle fit ensuite ses adieux à chacun des membres du staff, individuellement dans sa caravane, repartant chacun avec leur cadeau. Par la suite, sous les applaudissements, l'actrice craqua, submergée par l'émotion et déclara, tremolos dans la gorge: "J'aimerais qu'il y ait quelque chose qui puisse exprimer à quel point je vous aime tous" dit-elle, les yeux luisants. "Vous avez rendu tout cela si spécial. Vous me manquerez tous terriblement" conclut-elle.

The End constitue un point pivot pour X-Files. Il y a comme un parfum de fin imminente qui anime l'épisode. Une sensation amorcée par Patient X et The Red And The Black, et ce n'est pas pour rien, comme nous le verrons dans la saison 6. C'est un mytharc un peu bordélique, et peut être trop dense pour son propre bien, mais il se montre extrêmement attachant, en plus de contenir tellement de bonnes scènes qui le hissent malgré tout comme un morceau solide. Il aurait peut être fallu dégraisser certains arcs, mais l'épisode défile tout de même à vive allure. C'est également un moment fatidique qui ouvre sur le film, mais également sur la prochaine saison, riches en promesse, mais également en questionnements en tous genres. En attendant, la saison 5 s'est globalement montrée exemplaire. L'atmosphère plus détendue a donné lieu à une multitude d'épisodes très solides. Une année qui a évolué avec une insolente assurance, malgré quelques fausses notes, ainsi qu'une amorce de lassitude qui commence tout doucement à s'installer.



FIGHT THE FUTURE (Combattre Le Futur)

Comme tu l'as sans doute compris, j'allais conclure ce dossier avec une dernière partie qui traite du fameux film. Parce que, concrètement, Fight The Future peut s'apparenter schématiquement comme un très gros épisode mythologique. Cependant, le budget pour ce mytharc géant est immense par rapport à celui alloué chaque semaine, pour la série. Cet argent "illimité" apporte son lot de points positifs, mais également négatifs. Soyons honnête tout de suite, le film n'est pas un très bon épisode d'X-Files. En revanche, il n'est pas mauvais. En somme, il est mi-figue mi-raisin comme dirait l'autre. 
Mais quoiqu'on en pense au final, je dois admettre que le jour où j'ai vu les lumières s'éteindre au cinéma, il y avait une excitation palpable. Et découvrir Mulder et Scully sur grand écran était une expérience assez merveilleuse. Comme une sorte de consécration ultime... ce qui peut, rétrospectivement, paraître insultant pour la télévision de raisonner ainsi. Mais mon sentiment en était là. Et ce fut également une des seules fois dans ma vie où j'ai vu deux fois le même film, dans les salles obscures. Et ensuite, oui, je l'ai vu plusieurs fois en VHS...
Il faut vraiment se replacer dans le contexte des années 90 pour comprendre l'anomalie qu'a été Fight The Future: A cette époque, la plupart des adaptations de séries en films étaient assez particulières. En général, les longs métrages reprenaient vaguement les univers et les personnages qu'ils adaptaient pour créer quelque chose de totalement nouveau. C'était des oeuvres qui, pour beaucoup, déformaient le matérieau initial. Par exemple, nous avions eu Mission Impossible, mais le ton du film de De Palma était infiniment plus dramatique et sombre que ne pouvait être la série. En outre, c'était une sorte de suite qui se déroulait bien après les événement du show. Nous avions eu également des adaptations comme Chapeau Melon et Bottes de Cuir ou Charlie's Angels, mais qui détournaient totalement les ambiances des séries qu'elles étaient censées épouser. Et puis, il y a eu des tentatives comme Le Saint qui ne reprenait qu'une vague idée du concept de départ.
X-Files The Movie était une chose assez saugrenue: Elle était dans la parfaite continuité de la série, avec les mêmes personnages, les mêmes acteurs, et une partie du même staff. De surcroit, le long métrage s'intercalait scénaristiquement entre deux saisons. C'était vraiment étrange conceptuellement. Et aujourd'hui encore, c'est une oeuvre très particulière.

Mais concrètement, comme déjà souligné, Fight The Future n'est guère qu'un mytharc à grande échelle de deux heures, et sans coupures. Il n'y a pas de "to be continued" venant ponctuer le métrage, pour séparer les différents épisodes. En revanche, cette totale liberté est également le talon d'Achille du film. La plus grosse déception du long métrage est qu'il se montre très avare en révélations. Pourtant, la promesse initiale était qu'on allait apprendre plein de choses. Finalement, nous avons des éléments de réponses, comme certaines précisions qui confirment notamment que l'huile noire est le sang des extraterrestres gris. On apprend également une nouvelle forme de gestation des aliens qu'on n'avait jamais vu auparavant. Elle n'est visiblement pas inédite, puisque la première scène nous présente deux hommes des cavernes se faire déchiqueter par un alien belliqueux qui vient de naître de cette façon. Cette séquence est intéressante, car elle remet en perspective l'ultime déclaration de Gorge Profonde, à la fin de Deep Throat, quand il déclare à Mulder: "Ils sont parmi nous depuis la nuit des temps". Bien entendu, à cette époque, Chris Carter n'avait pas un plan aussi élaboré pour concevoir sa mythologie, mais il est important de noter que certaines déclarations de personnages possèdent une caisse de résonnance, même après des années.
Chris Carter et Frank Spotnitz désiraient jouer sur deux tableaux: satisfaire les fans, mais également conquérir un nouveau public. Du coup, Fight The Future doit se montrer très didactique pour les nouveaux venus, d'où ces impressions de redits ici et là, comme la scène dans laquelle un Mulder éméché raconte sa vie à une barmaid. C'est un peu long pour le connaisseur, mais il est vrai que le personnage apporte des informations aux gens qui ne savent pas qui est Mulder, et quelles sont ses motivations. Cela dit, c'est une manière de procéder extrêmement paresseuse, même si à priori nécessaire. De même, au début de l'épiso... heu du film, Mulder expose vite fait leur situation: à savoir que lui et Scully ne sont plus assignés aux X-Files, suite aux événements de The End.

A ce sujet, Fight The Future ne s'accorde pas correctement avec les deux saisons qui l'entoure. Effectivement, le film est encadré par The End et The Beginning, soit la conclusion de la saison 5 et l'ouverture de la saison 6: deux épisodes qui l'écrasent et qui tentent péniblement de faire le lien. Mais à l'arrivée, il y a peu d'éléments centraux de ces deux opus qui viennent faire le lien avec le film, mis à part quelques allusions dans The Beginning. C'est une construction assez curieuse. Pas dramatique, mais étrange. Pire encore, le film est plus largement affaibli par deux immenses diptyques qui l'entourent, à savoir Patient X/The Red And The Black (saison 5) et Two Fathers/One Son (saison 6). Ces deux énormes morceaux font bien plus progresser la mythologie que l'intrigue du film, ce qui, vue de loin, occulte ce dernier. Dans le film, il n'y a aucune mention de Jeffrey Spender, ni Diana Fowley. Il n'y a pas Gibson Praise, ni de rebelles sans visage. Il n'y a rien de tout ça. Ces absences s'expliquent bien évidemment par le fait que le film avait été écrit durant la saison 4. Chris Carter a ensuite essayé de temporiser la mythologie afin que la série ne progresse pas plus vite que le film. Néanmoins, on a l'impression que le showrunner a ensuite craqué et qu'il a pondu Patient X et The Red And The Black d'une manière un peu trop enthousiaste, sans considérer des retombées sur la future adaptation cinéma. 
Cependant, même si on peut noter des arcs absents du film, on peut tout de même les excuser: Il aurait bien évidemment été trop dense de claquer tous ces personnages, et toutes ces intrigues à tiroirs au sein d'un film estival. Un film qui, en outre, a la lourde tâche de plaire aux spectateurs qui n'y connaissent absolument rien à toutes ces histoires d'hybrides humains et extraterrestres. 
Finalement, l'intrigue ici utilise plus globalement les éléments mythologiques comme des motifs généraux: on y parle d'un vague plan de colonisation extraterrestres. Le syndicat y apparaît, à l'instar de L'Homme à La Cigarette et L'Homme Bien Manucuré. Il y a l'huile noire. On y retrouve même les abeilles, grandes absentes de la saison 5, ainsi qu'un personnage qui balance "Trust No One" à Mulder. C'est un film qui résume les thèmes centraux de la série, comme la conspiration, mais qui intègre également des images iconiques, comme cet aire de jeux qui abrite un laboratoire caché du gouvernement. Une évocation des obsessions de Carter qui soumettent l'idée que les Etats-Unis contemporains sont bâtis sur d'effroyables secrets que le pays a mis sous le tapis. Le film injecte même l'idée des femmes exploitées par des hommes puissants, via l'arc de l'enlèvement de Scully, dans le dernier acte. Néanmoins, cette partie se révèle assez maladroite. C'est un trope de gros blockbuster qui fait tâche avec l'esprit de Scully. Bien entendu, cette dernière a été enlevé dans la saison 2, et les scénaristes ont globalement bien géré les retombées scénaristiques. Mais retenter le coup dans le film sent le réchauffé. D'autant plus que L'Homme à La Cigarette semble s'être donné du mal pour la renvoyer à Mulder, à l'époque. En outre, pourquoi maintenant ? Pourquoi à ce moment précis ? Scully apparaît donc en une pauvre demoiselle en détresse, et elle est utilisée comme une manière de mettre la pression à Mulder. Elle représente une sorte de monnaie d'échange. C'est tout de même dommage d'avoir travailler si dur pour que son personnage s'écarte des conventions de genre qu'on a eu l'habitude de voir dans les fictions, pour ensuite l'exploiter de telle sorte dans un film. C'est donc définitivement une facilité narrative malheureuse.

On sent que l'équipe de Chris Carter a eu la place et l'argent pour produire ce film. En résulte cette impression que le staff a mis tous les potards à fond: Il y a un immeuble qui explose, une immense serre avec des milliers d'abeilles dedans, des cavernes, des hélicoptères. Mulder et Scully voyagent de Dallas, à Washington. On y aperçoit même la Tunisie, mais surtout l'Antarctique. Ce dernier lieu final abrite même un immense vaisseau aliens dans lequel est enfermée Scully; Mulder bravant tout ce chemin pour venir la sauver. L'immense OVNI s'envole ensuite juste au dessus de la tête de Mulder (mais pas Scully, puisqu'elle fait dodo). Un vaisseau qui évoque indubitablement ceux qu'on pouvait voir dans Independance Day. Ce qui est ironique alors que Mulder pisse sur une affiche du film, un peu plus tôt. Il y a même plusieurs acteurs de renoms dedans: comme Blythe Danner, Martin Landau ou encore Armin Mueller-Stahl. Ce dernier campe même le chef ultime (du moins si on en croit ses scènes) du syndicat. Un personnage à qui les autres membres semblent obéir. Ce qui est un peu problématique, étant donné qu'on ne revoit plus jamais ce protagoniste après. Et il n'y a jamais eu aucune mention auparavant. Strughold constitue un antagoniste beaucoup trop imposant pour qu'il n'apparaisse que dans le cadre de l'intrigue de Fight The Future. C'est vraiment dommage. Le personnage de Landau, Kurtzweil, aussi n'apparaît que dans les contours du film. Pourtant, on apprend qu'il connaissait bien le père de Mulder. Cependant, le fait qu'il ne soit mentionné que dans le long métrage semble moins problématique que Strughold. Le premier devient finalement un fugitif ici avant de mourir tragiquement dans l'anonymat.
Il y a un autre problème à ce long métrage. C'est bien beau d'emmener les deux agents aux quatre coins du monde, et faire tout sauter, mais ça n'empêche pas l'oeuvre de souffrir d'importants problèmes de rythme. On a l'impression que l'obligation de l'équipe de segmenter traditionnellement les mytharcs en plusieurs parties permettaient de condenser et de réfléchir à comment combler les prochaines 45 minutes. En outre, certains développement pouvaient être minutieusement réfléchit durant des semaines, comme pour les épisodes à cheval entre deux saisons, comme Anasazi/The Blessing Way, Talitha Cumi/Herrenvolk ou encore Gethsemane/Redux. Chaque segment apportait parfois des structures narratives différentes, et avec un visuel différent, puisque les réalisateurs se passaient le relai. Grosso modo, la façon d'élaborer ces gros mytharcs dans la série demeurait très différente de la conception d'un long métrage. D'où cette sensation que Carter a eu bien trop de place pour étaler sa confiture ici. Chaque minute de la série comptait. Il y avait quelques moments plus contemplatifs et plus lents (et heureusement), mais néanmoins, il y avait moins de grandes plages de remplissage. Mais peut être est-ce juste moi qui avait été déstabilisé par la structure particulière du film qui, évidemment, n'est absolument pas la même qu'une série TV. 

En revanche, malgré toutes les critiques émises, il y a quelque chose qui fonctionne à merveille dans le film, et c'est la relation entre Mulder et Scully. L'oeuvre joue habilement sur les interactions entre les deux, en multipliant les scènes de complicités. Le film se montre d'ailleurs nettement plus démonstratif quant au caractère amoureux de leur relation. Un non initié pourrait très bien envisager que l'intrigue relate les aventures de deux personnages amoureux, qui ne savent pas réellement qu'ils sont amoureux. Tout le début donne l'impression qu'ils flirtent ensemble, et qu'ils s'amusent ensemble. Alors, de vrais amis hommes/femmes font ce genre de choses aussi, c'est vrai. Cependant, à la vue de l'évolution de leurs rapports, il ne semble pas déconnant de suggérer qu'ils réagissent ici comme deux personnes animées de sentiments amoureux. Et puis, comme un aveu, il y a ce point culminant dans lequel les deux partenaires sont prêts à échanger un baiser, dans un moment de désespoir. Malheureusement, c'est à ce moment que la méchante abeille décide de piquer Scully. Par ailleurs, c'est dans cette scène que Mulder confie à Scully à quel point elle est importante pour lui. A quel point son rationalisme lui a été utile plus d'une fois, et à quel point elle l'a obligé à être quelqu'un d'honnête. Il est vrai que la série s'est amusé plusieurs fois à afficher plusieurs personnages qui agissaient comme des versions déformées du héros. Des alternatives qui avaient perdues la raison ou qui n'avaient pas de caution morale à leur côté. L'intrigue relatée ici se révèle plus intéressant lorsqu'il s'attarde sur l'intimité entre les deux héros. Finalement, même le gigantesque complot ne demeure qu'une préoccupation secondaire dans cette pierre angulaire qu'est le lien qui unit Mulder et Scully.
En parlant d'abeilles, leur retour est salutaire. Ces dernières avaient été totalement absentes de la saison 5, notamment parce que les conditions de tournage avec des animaux n'est pas une chose aisée. Effectivement, comme l'ont prouvé Herrenvolk et Zero Sum, tourner avec ces charmantes bébêtes a été un cauchemar ambulant pour la staff. Pour l'occasion du film, l'équipe de production a été informée que les abeilles devaient tourner leurs scènes avant 16h, sous peine de se mettre dans une colère incontrôlable. A ce sujet, David Duchovny plaisanta en affirmant que "les abeilles avaient de meilleures conditions de travail que nous".

Comme déjà dit mille fois, Rob Bowman avait été pressenti pour réaliser le film. Il avait déjà mis en boites certains des épisodes les plus visuellement saisissants (Gender Bender, Sleepless ou encore Fresh Bones), mais également ceux qui se rapprochaient le plus d'un blockbuster, comme l'attestent End Game, Paper Clip ou encore F.Emasculata. Mais c'est véritablement avec 731 que Chris Carter décidé de lui confier les rennes du film. Et il se débrouille assez bien dans l'ensemble. C'est un film élégamment filmé, même si, curieusement, sa patte paraît subitement un poil moins impressionnante sur grand écran. Mais il s'en sort avec les honneurs, à défaut d'avoir livré un métrage mémorable. C'est un peu le problème du film d'ailleurs. Malgré les moyens considérables mis à disposition, il ne reste pas grand chose, avec le recul. Une position renforcée par la fin qui laisse les deux agents sur le carreau, sur le seuil de la Vérité comme le dirait Mulder. Evidemment, de nombreux mytharcs proposaient une fin frustrante similaire, mais ici nous n'avons pas eu l'impression d'avoir véritablement progressé. Tous les éléments présentés du grand complot ne se sont pas révélés être si pertinents que cela. En réalité, Fight The Future constitue juste un grand épisode de rappel: il réactualise certains des plus emblématiques images et thématiques de la série, pour les mixer à sa convenance. Seul quelques petites révélations sont à noter comme depuis quand les extraterrestres sont parmi nous, en plus de lever le voile plus concrètement sur l'huile noire. A ce sujet, il y a une longue scène de L'Homme Bien Manucuré qui expose un peu plus en détails à Mulder le plan du grand projet du syndicat. A ce propos, la version cinéma avait été amputé d'une partie du dialogue entre les deux protagonistes. Les versions vidéo et DVD demeurent plus explicites et précis à ce sujet, même si c'est une maigre récompense. En parlant de L'Homme Bien Manucuré, le film n'hésite pas à tuer étonnamment le personnage de manière inattendue. C'est probablement le plus gros changement que le film va apporter à la continuité de la série. Effectivement, après ça, le personnage n'apparaîtra plus du tout. Je me souviens que, au cinéma, je fus tellement choqué par sa mort si soudaine que je demandais au copain fan, assis à côté de moi, si ce que j'avais vu était canonique ou non. Une sorte de déni de ma part.

Fight The Future fut une fête. Une célébration de la série au moment où cette dernière en était à son apogée. Néanmoins, il est bon de tempérer cet enthousiasme car, en définitif, le film se révèle tout de même une belle déception. Un joli cadeau sympathique, mais pas incroyable. Il fonctionne bien pour les scènes entre les deux agents du FBI. Beaucoup moins en tant qu'intrigue pertinente, implantée dans cette gigantesque mythologique. Car force est de constater que de nombreux mytharcs qui gravitent autour de lui se montrent furieusement plus convaincants et palpitants.

Voilà. Mon énorme dossier sur la saison 5 d'X-Files touche à sa fin. J'espère que tu as pris le temps de bien lire. Que ça t'a intéressé, et que, surtout, ce n'était pas trop lourdingue. Comme pour le reste ça m'aura permis de replonger dans les coulisses de la série, et de revenir sur ces instants précis de la vie d'une fiction aussi longue que celle-ci. On se retrouve très vite pour la saison 6...


PS: Pour mes écrits, je m'appuie énormément sur tous les textes que j'ai pu lire depuis mon adolescence. Il y a de nombreux éléments que je tire de magazines (comme Mad Movies, Generations Series ou encore le magazine X-Files), mais aussi de tous les livres que j'ai pu acheter, notamment les biographies des deux acteurs principaux, mais également les guides officiels et même non-officiels. Par la suite, j'ai pu lire de nombreux dossiers ou articles rétrospectifs sur internet qui ont parfois étudié la série (notamment le site eatthecorner ou les commentaires des DVD, etc...).




Moggy





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