X-Files (Saison 3)
X-Files (Saison 3)
Avec sa saison 3, X-Files arrive à maturité. Le succès est véritablement au rendez-vous, à tel point que la série va dépasser son statut d'oeuvre culte pour aller tutoyer les sommets du phénomène culturel. A cet instant, tout le monde parle d'X-Files. Oui, en France, on a même quasiment délaissé le titre français "Aux Frontières Du Réel" au profit du titre original. Les gens commencent à connaitre les noms de Mulder et Scully, sans même parfois savoir de qui il s'agissait. La saison 3 arrive à point nommé, car elle est majoritairement constituée de bons épisodes, en plus de confirmer la structure narrative consolidée par la précédente saison.
Articles précédents:
La maturité
Effectivement, cette saison 3 est remarquable car elle est parfaitement structurée, en plus d'être d'une cohérence quasiment sans faille. Globalement, l'écriture et le tournage se sont déroulés sans encombre. Évidement, une série comme celle-ci est épuisante, surtout compte tenu du degré d'exigence et d'investissement qu'elle demande. Mais il n'y a pas eu d'énormes problèmes qui ont agité l'année. La structure narrative, avec ses deux gros morceaux mythologiques scindés en deux épisodes, répondent toujours présents. Les loners, qui ont contribué eux aussi aux succès de la série jusqu'ici, entourent ces gros arcs scénaristiques. La saison 3 va d'abord venir conclure la trilogie Anasazi avant de revenir aux affaires de "monstres de la semaine" et de fort belle manière d'ailleurs. Le budget alloué à la série a encore augmenté et cela s'en ressent véritablement dans la production générale: Par exemple, les effets spéciaux ont gagné en finesse, et la réalisation est presque systématiquement exemplaire. Après avoir expérimenté ce qui marchait ou pas dans les deux premières années, la troisième saison sait où naviguer. Elle a beau proposer de l'audace, comme l'intégration de trois épisodes humoristiques signés Darin Morgan, elle sait où se positionner désormais. Elle peut également commencer à s'auto parodier. Après autant d'épisodes à son actif, X-Files peut se regarder et rire d'elle même. De plus, la saison évite les créatures mythiques ultra connues, car l'équipe sait qu'elle est moins à l'aise dans ce terrain là. On sent autrement que la FOX a octroyé une plus grande marge de manoeuvre à Chris Carter. En outre, beaucoup de monstres de la semaine comptent ici parmi les plus inoubliables. Les opus indépendants savent être très diversifiés. La série explore vraiment plusieurs types d'ambiances. Parallèlement, la mythologie exhume les histoires cachées des Etats-Unis, notamment au travers la seconde guerre mondiale. Le grand fil rouge dévoile encore énormément de choses cette année, bien plus que ce que le spectateur ne le croit, de prime abord. On sent véritablement une réelle progression. Cette saison 3 tire son épingle du jeu en incluant des acteurs ponctuels qui deviendront des stars par la suite. Le casting demeure donc assez hallucinant, lorsqu'on réalise le bilan.
En définitif, l'équipe créatrice travaille nettement plus confortablement qu'auparavant: Elle a plus ou moins carte blanche, elle a plus de moyen et, en outre, elle maîtrise désormais la formule X-Files.
En règle générale, lorsqu'on demande aux gens quelles sont leurs saisons préférées, la troisième est régulièrement citée dans le lot. Au delà de la qualité intrinsèque de cette salve d'épisodes, il y a aussi le fait que, pour beaucoup de téléspectateurs, la saison 3 est la première qu'ils ont attendu et regardé attentivement, en suivant scrupuleusement leur rendez-vous hebdomadaire. Beaucoup de gens (dont moi même) ont découvert les deux premières saisons en cours de route, puis ont rattrapé leur retard, lorsque M6 les rediffusaient à la suite. En France, cette nouvelle année a été diffusé en prime time le samedi soir, et pendant deux heures. La chaîne diffusait encore trois épisodes d'affilés via ses "Samedi Fantastique". Le hic est que la chaîne grilla ses cartouches assez vite, d'où le choix de revenir à deux épisodes, à partir de la quatrième saison.
La saison 3 d'X-Files représente donc la forme ultime de la série. Il y a peu à jeter, et elle est très solide. Les saisons ultérieures connaitront toujours des imprévus de production qui viendront ennuyer Chris Carter et ses poulains. Soit à cause d'une autre série sur le feu à devoir gérer, soit à cause du film, soit à cause d'un déménagement, ou bien à cause d'un procès. C'est pour cela que je dis que la saison 3 est celle qui semble la plus "confortable".
Personnellement, c'est à partir de celle-ci que j'ai réellement commencer à attendre chaque saison. Grosso modo, vers la fin de l'année scolaire 1996, j'avais déjà vu et revu les épisodes des deux premières années, et je n'en pouvais plus d'attendre la saison 3. Je crois même que c'est grâce à X-Files que j'ai appris le concept même de "saison". C'est à partir de ce moment que je commençai à acheter tous les magazines qui parlaient d'X-Files. C'est comme ça que j'ai mis la main sur un fameux Mad Movies très complet qui revenait sur la série, mais qui, en outre, proposait un résumé tous les épisodes de cette saison encore inédite chez nous. J'ai lu, relu et rerelu cette section des dizaines de fois, durant tout l'été. Malheureusement, lors du jour fatidique, lorsque les premiers épisodes arrivèrent, j'ai perdu mon petit chat. :(
Voici donc un retour sur chaque chapitres avec quelques anecdotes parfois croustillantes:
1. THE BLESSING WAY (Le Chemin De La Bénédiction)
Mulder n'est donc pas complètement mort. Tout du long, le personnage se remet doucement sur pied, avec Albert Hosteen qui veille sur lui. Pendant ce temps là, Scully cherche des réponses. The Blessing Way fait le lien entre Anasazi et Paper Clip et, contrairement aux deux épisodes qui l'entourent, il est étonnamment calme et introspectif, comme s'il offrait une pause salutaire au spectateur. Il faut dire que les deux segments susmentionnés sont trépignants, en plus de révéler beaucoup détails sur le complot. The Blessing Way, lui, préfère temporiser, ce qui n'est pas nécessairement un défaut. J'aime beaucoup ce second chapitre. Pourtant, il est considéré comme une sorte de (relatif) faux pas, et je peux comprendre les raisons: Tout d'abord, Chris Carter se lâche sur les monologues philosophiques un peu lourdingues. Une manie que l'homme avait quelques peu refreiné depuis un petit temps, et ça lui manquait apparemment. A ce titre, l'épisode demeure un des préférés du showrunner. J'aime moi aussi beaucoup cette partie. Même les effets spéciaux un peu new âge kitchouille, qui élèvent Mulder dans les cieux, afin qu'il puisse parler à Gorge Profonde, puis à son père, ont un charme indéniable. En sus, c'est le segment qui met le plus en avant les amérindiens, mais en évitant les inexactitudes relevées dans Anasazi. L'aspect introspectif et mélancolique du métrage reflétait également l'humeur du moment de l'artiste, puisqu'il venait de perdre un parent, au moment de plancher sur le scénario. On ne doute donc pas de la sincérité avec laquelle l'épisode à été écrit. A l'instar d'Anasazi, ce voyage vers l'au delà renforce cette image de l'élu qui va commencer à infuser le personnage de Fox Mulder.
A l'instar de One Breath, The Blessing Way est un segment mythologique incroyablement positif: Tout d'abord, il a l'air de confirmer l'existence d'une vie après la mort. Parallèlement, et malgré la supposée mort de son partenaire, Scully est convaincue que Mulder est toujours vivant, allant même jusqu'à apporter cette lueur d'espoir à la mère de ce dernier. Pour couronner le tout, l'épisode continue de suggérer que nos deux agents, même à priori vaincus, peuvent compter sur un réseau d'alliés inestimables, comme Skinner ou Les Lone Gunmen.
En revanche, c'est Scully qui est en action ici: Elle découvre le fameux implant dans son cou, mais elle se verra aussi retirer son badge, en plus de se rendre à l'enterrement de son partenaire. L'intrigue nous permet de la voir se rebeller face à sa hiérarchie, rôle souvent attribué à Mulder. Et c'est intéressant de voir l'évolution de la jeune recrue du FBI qui était toute douce face à Blevins, dans le Pilot. A ce propos, ses altercations avec Skinner sont absolument délectables. Par ailleurs, c'est à ce moment là que l'on fera véritablement connaissance avec L'Homme Bien Manucuré, joué par le merveilleux John Neville, alias le Baron de Münchauseun. Plus globalement, le syndicat apparait pleinement dans cet épisode, permettant d'humaniser la conspiration. On y découvre donc ce groupe de vieux hommes blancs qui complotent avec les extraterrestres. Il ne s'agit plus d'une force mystérieuse personnifiée en la personne de l'Homme à La Cigarette. Le script nous permet même d'entrevoir l'endroit où ils se retrouvent tous, pour discuter de la marche à suivre, ainsi que commenter les événements. L'apparition du syndicat amoindrie la puissance de notre Smoking Man. En effet, il semblerait que l'antagoniste ait des comptes à rendre à ses compères. On voit qu'il n'est pas toujours à l'aise devant eux, et qu'il lui arrivera même de leur mentir pour se couvrir. A travers leurs regards, L'Homme à La Cigarette s'humanise lui aussi. Il restera un personnage dangereux, et davantage vil et manipulateur qu'à l'accoutumée, mais il lui arrivera désormais de sentir dépassé, et qu'il n'a pas nécessairement une longueur d'avance sur nos héros. Il est loin d'être la figure omnisciente qu'il semblait, auparavant. La série développera tous ses différents traits de caractères, par la suite.
The Blessing Way ne fait rien avancer, mis à part dévoiler des éléments de réponses concernant l'axe sur l'enlèvement de Scully, mais cette stagnation n'est pas un problème, comme suggéré au dessus. Il s'agit plutôt d'un récit de personnages. X-Files a désormais un casting suffisamment garni pour commencer à créer de chouettes interactions entre les différentes personnalités. Il y a de très belles scènes, comme ce doux moment, lorsque Frohike, en pleine déprime, boit un verre chez Scully. En outre, le joli passage entre cette dernière et Madame Mulder, à l'enterrement de Mulder sait se montrer tendre. A ce propos, il y a quelque chose de terrible de se dire que l'héroïne a perdu son partenaire, mais aussi son job quasiment simultanément. Comme si cela ne suffisait pas, elle commence à retrouver des bribes de souvenirs issues de son enlèvement. Une période moralement très difficile à encaisser. Moi je me serais mis en boule en pleurant, sous une chaise, si tout ça m'arrivait.
Même Skinner a de superbes scènes à son actif, comme toutes celles impliquant son dilemme moral entre la protection de ses agents ou sa loyauté envers le gouvernement. Depuis la saison 2, la série a compris qu'elle avait tout à y gagner à laisser respirer son casting secondaire. Cela enrichit indubitablement son univers, qui n'est plus juste cantonné à deux seuls agents du FBI.
The Blessing Way est vraiment une chouette introduction à la troisième saison. Il est un peu curieux, un peu too much dans ses éléments mystiques, mais il n'en demeure pas moins un épisode mythologique extrêmement attachant. Sa positivité au milieu de toute cette noirceur reste salutaire, et accorde un moment pour souffler un peu avant le dernier plongeon de cette trilogie.
Conclusion de cette fameuse trilogie, Paper Clip expose nos héros à de nombreuses révélations, en plus de les transformer en hors la loi. On tient là l'un des plus grands épisodes d'X-Files. La fin de cet immense arc ne déçoit pas, bien au contraire. Il se passe beaucoup trop de choses à l'écran pour pouvoir tout énumérer. Par quoi commencer ? Tout d'abord c'est une oeuvre magistralement mis en scène par un Rob Bowman qui s'est vraisemblablement bien reposé de son été. A tel point que le réalisateur s'est demandé comment ses travaux ultérieurs pourront le surpasser. Paper Clip enchaîne les scènes intenses, à un rythme effréné, et les rebondissements savamment mis en valeur. Avec l'épisode, on comprend aisément pourquoi Chris Carter le choisit pour réaliser le film Fight The Future. Prenons pour exemple la scène dans laquelle Krycek sort d'une voiture piégée, qui explose juste après qu'il se soit échappé. C'est juste stylé ! Tout le passage des mines abandonnées que visitent Mulder et Scully est étonnamment atmosphérique. Un parfait moment qui soutient davantage la terrible révélation: Celle du choix de Bill Mulder qui a consciemment choisi de sacrifier sa fille à la place de son fils. C'est un tremblement de terre au sein de cette famille brisée. Le récit nous raconte que la mère de l'agent était au courant des agissements de son mari, même si elle lui en a toujours voulu. Du côté de chez Scully, tout va mal également: Sa soeur s'est faite tirée dessus. Paper Clip se montre impitoyable envers nos deux héros. Il les malmène durement. C'est probablement le prix de la vérité. Dans ces mytharcs, il y a toujours cette sensation que les deux agents se brulent les ailes à force de trop farfouiller dans ces histoires d'extraterrestres. Les arcs Duane Barry, Colony et Anasazi placent Mulder et Scully très près de la mort, en plus de les montrer en train de déterrer des secrets tous plus déprimants les uns que les autres.
Une anecdote assez cocasse est que Nicholas Lea (Krycek) et Melinda McGraw (Melissa) sortaient ensemble bien avant que chacun obtienne un rôle dans X-Files. C'est d'autant plus saugrenu lorsqu'on sait que Krycek est complice de la mort de la soeur de Scully. Sur le tournage, quand Luis Cardinal et Krycek abattent Melissa, Lea s'assurait que sa dulcinée ne soit pas trop malmenée, et lui a même demandé si elle avait besoin d'un coussin. L'assassin le plus chou du monde !
L'intrigue suggère que les américains ont importé d'anciens scientifiques nazis, issus de la seconde guerre mondiale, afin qu'ils puissent continuer leurs expériences en cachette. X-Files continue donc de noircir le tableau du pays, après avoir été assez critique sur les conditions de vies de réfugiés haïtiens dans Fresh Bones, mais aussi sur les atrocités perpétuées par des soldats américains, durant la guerre du Vietnam dans Sleepless. Depuis la saison 2, la série intègre de plus en plus les évènements de l'Histoire des USA afin de les mélanger à la fiction, contribuant à mettre en lumière les méfaits du pays, et à les confronter aux récits officiels nettement plus glorieux.
Paper Clip révèle que les méthodes sanguinaires de l'Homme à La Cigarette ne sont pas du tout du goût des autres membres du consortium, en particulier à L'Homme Bien Manucuré. Ce dernier trouve que ses collègues ont tendance à agir trop "impulsivement" comme il le souligne à Scully, dans la seconde partie de la trilogie. Plus généralement, on sent que tous ont une entente plutôt cordiale. Il suffit d'assister à la conversation gênante entre L'Homme Bien Manucuré et Victor Klemper pour s'en convaincre. Avoir humaniser le complot nous offre une nouvelle facette de ces hommes de l'ombre: Par exemple, on constate qu'ils peuvent se monter défaillant. Qu'ils ne contrôle pas tout: comme l'atteste la mort de Melissa Scully, qui était une mauvaise cible. En effet, le syndicat est surpris de cette bavure. Leur machinerie peut donc dérailler. Ils ont beau être puissant, ils commettent des erreurs eux aussi. Nous sommes loin de l'aspect omniscient de la conspiration de Deep Throat ou EBE, où on avait l'impression qu'ils géraient tout d'une main de maître, en plus d'avoir une longueur d'avance sur les deux agents.
Paper Clip donne également le beau rôle à Walter Skinner, lui qui peut enfin prendre sa revanche sur le Smoking Man, ce type qui squatte son bureau depuis bien trop longtemps. William B Davis était déçu, lui qui toujours trouvé son fauteuil confortable. La fameuse scène où le directeur adjoint roule l'antagoniste, et prend le dessus en lui déclarant "de m'embrasser le cul" a toujours été extrêmement applaudi dans les conventions des fans. C'est véridique ! Ce moment compte assurément parmi les plus jubilatoires que la série ait produit. L'adversaire de Skinner perd même son sang froid, lui qui a toujours semblé tellement intouchable, si sûr de lui depuis longtemps. La fin de l'épisode met vraiment L'Homme a La Cigarette dans l'embarras: Il perd la cassette numérique. Il n'arrive pas à tuer Krycek. Pire ! Ce dernier lui promet de se venger. Ensuite, Skinner lui cloue le bec en le menaçant de révéler le contenu de la cassette, s'il arrive quelque chose à Mulder et Scully. Sans conteste un des moments les plus inconfortables pour le personnage.
Globalement, le bilan de cette organisation de l'ombre est une catastrophe au terme de cette trilogie: Ils se font voler des documents secrets par un hacker, ils tuent la soeur de Scully "accidentellement", Les deux héros se rapprochent comme jamais et tombent dans une mine ultra secrète. Puis, leur supérieur devient totalement garant de la sécurité de ses agents, en roulant dans la farine l'Homme à La Cigarette. Oh ! Sans oublier le fait qu'un de leur tueur devient un fugitif bien décidé à révéler certains secrets de l'organisation.
Paper Clip conclut merveilleusement bien l'arc initié par Anasazi. C'est incroyablement dense. A tel point qu'on se demande comment la série va réussir à rebondir, après tous ces événements. Cette trilogie a consolidé l'aspect résolument épique que pouvait emprunter la série. Une facette surtout attribuée à la mythologie qui n'arrête pas de s'envoler haut dans les cieux (tel un aigle royal, tu vois).
3.D.P.O (Coup de Foudre)
Comment passer après la trilogie Anasazi ? Comment un loner peut efficacement se frayer une petite place après un triptyque ayant chamboulé la vie de Mulder et Scully ? Pour les téléspectateurs qui ont suivi le dernier mytharc, voir leurs deux héros passer d'une mine abritant des millions de dossiers secrets à une petite enquête dans un bled paumé dans l'Oklaoma, la pilule fut difficile à avaler. Même l'équipe créatrice ne put s'empêcher de glisser une référence à la trilogie qui précède ce loner, en début d'épisode. Il est vrai que la crédibilité en prend un coup lorsqu'on évacue les traumatismes récents issus des chapitres précédents, surtout lorsqu'ils ont lieu à peine quelques semaines auparavant. Mais, honnêtement, c'est le prix à payer pour avoir à scinder la série en deux formats distincts. A partir de ce point, Chris Carter désirait marquer une nette distinction entre loners et mytharc, quitte à maltraiter une certaine cohérence émotionnelle. Mais le fort contraste subsistant entre Paper Clip et DPO a joué en défaveur de ce dernier. Comme esquissé juste au dessus, Mulder et Scully viennent d'être remué au plus profond de leur être: Ils viennent de découvrir des secrets du gouvernement, datant de près d'un demi siècle, en plus de perdre chacun un membre de leur famille. Quelques jours suivants, ils enquêtent ensuite sur un adolescent immature qui se divertit (dangereusement) avec son nouveau pouvoir. Personnellement, j'adore ce contraste. Cela démontre justement la multitude de tons que la série peut adopter d'une semaine à l'autre. Heureusement pour DPO, les ressorties en DVD et les nouvelles façons de consommer les séries TV ont pu réhabiliter ce loner. En effet, avec le temps, ce dernier jouit désormais d'une certaine côte de popularité, j'ai l'impression.
Il faut dire que cette histoire de jeune qui s'amuse avec ce don de contrôler l'électricité est fascinante. Je crois même que DPO est tout simplement un de mes épisodes favoris. La série explore les tourments des adolescents avec cette fiction. Ici, on suit la vie de Darin Oswald, un jeune qui s'emmerde dans son petit village, mais qui, grâce à un accident, se voit doter de pouvoirs qui le dépassent totalement. Il prend un malin plaisir à griller des vaches, ainsi qu'à provoquer des accidents de la route en agissant sur les feux rouges. Le problème est que son don lui sert surtout à tuer quiconque oserait se dresser devant lui. Giovanni Ribisi est extraordinaire dans ce rôle d'ado perturbé. Il est pathétique, mais sait se montrer dérangeant, notamment lorsqu'il essaie d'avouer ses sentiments à son ancienne prof. Le jeune acteur n'est pas le seul qui verra sa carrière décoller ensuite, puisque l'épisode est fameux pour avoir présenter bébé Jack Black aux yeux du grand public. Il campe ici Zero, le meilleur ami de Darin. Une amitié qui condamnera malheureusement son personnage. La tragédie est d'autant plus renforcé que Zero s'inquiète sincèrement de Darin. Ce dernier l'assassine impulsivement, comme un gamin qui pique une grosse colère, mais démultiplié par les pouvoirs dangereux du jeune homme. Les deux acteurs contribuent beaucoup à la réussite de l'épisode. Ils possèdent un charisme certain qui hisse une histoire finalement assez simple (ce qui n'est clairement pas un défaut). Pour l'anecdote, Jack Black confiera plus tard que Ribisi n'arrêtait pas de lui parler de la scientologie, durant le tournage, au point que ça le mettait parfois mal à l'aise.
DPO est un super scénario de Howard Gordon, prouvant qu'il reste un des meilleurs scénaristes de la série jusqu'ici. L'origine de son script lui venait d'une note punaisée sur un tableau par Chris Carter, depuis la première saison, avec juste la mention "lightning boy" écrite dessus. Ni le showrunner, ni personne n'avait saisi l'occasion d'utiliser cette idée. Ce sera finalement Gordon qui s'attellera à élaborer toute une histoire autour de ces deux mots. Concrètement, personne ne savait sous quel angle échafauder un scénario pour X-Files. L'image que cela évoquait tenait plus du comics de superhéros que d'un concept purement "X-Filien". Gordon adoptera une approche métaphorique entre ce pouvoir et l'adolescence. L'artiste déclara vouloir utiliser la foudre comme une métaphore de la collision entre l'ennui et l'anxiété hormonale. Il ajouta: "L'idée était celle de Beavis and Butthead électrifiés".
La magie du métrage provient également du réalisateur Kim Manners qui effectue un travail d'orfèvre ici. De nombreuses séquences sont visuellement saisissantes, à l'instar de l'introduction dans laquelle Darin électrocute un pauvre type dans une salle d'arcade. La scène est fameuse, car elle représente la première itération de la série à utiliser une véritable chanson pour coller à l'action de la scène. La chanson Ring The Bells de James, jouée de manière intradiégétique ici, alloue un certain charme à l'ensemble. Par ailleurs, ce meurtre est visuellement terrifiant. Pareillement, le moment qui montre le jeune homme appeler la foudre est superbement mis en valeur. La virtuosité de l'épisode est d'autant plus surprenante lorsqu'on sait que, durant le tournage, Manners a appris la mort de son meilleur ami (ainsi que le fils de ce dernier). Son esprit était donc préoccupé par ce tragique événement, mais l'artiste insista tout de même pour continuer à travailler, même si il confiera avoir été présent physiquement mais pas mentalement.
L'intrigue convie une nouvelle fois nos deux agents à se rendre dans une petite ville reculée afin d'y dénicher un "monstre". Les autorités se montrent, à ce titre, particulièrement hostile face à nos héros. C'est toujours amusant de constater à quel point le FBI semble mal vu de la police locale. Cette dernière a toujours peur de se faire voler leur enquête par des agents fédéraux provenant de la grande ville.
Plus généralement, DPO a une assurance incroyable. La même qui animera toute la saison. Il est vrai que l'équipe semble véritablement plus en confiance. C'est un métrage dépourvu de longueurs. Tout se déroule de manière limpide. Par ailleurs, la conclusion se révèle surprenante: lorsqu'on découvre Oswald enfermé dans un hôpital psychiatrique, en train de zapper "mentalement" de chaîne frénétiquement, avant de laisser afficher le traditionnel "Executive Producer Chris Carter" sur fond noir, mais intégré à l'épisode. Il s'agit là d'une des rares transgressions de ce genre. Post Modern Prometheus (saison 5) sera une autre exception à l'affichage de cet éternel bandeau final.
En outre, il est important de rappeler que DPO souligne une nouvelle fois à quel point X-Files est un pur produit des années 90. L'épisode respire l'influence de MTV et, plus généralement, des oeuvres pour adolescents qui intéresseront bon nombres de médias. Ces années qui ont vu une explosion de séries comme Berverly Hills, Dawson ou encore Buffy. Il était juste temps que la série de Carter explore cet aspect là de la décennie. Gordon se vanta d'avoir tapé juste, puisqu'il déclara qu'ils avaient reçu beaucoup de courriers de jeunes ayant particulièrement adoré l'épisode. Et justement, ce n'est pas anodin étant donné qu'une grosse franche des téléspectateurs d'X-Files étaient composée d'adolescents, comme moi ou peut être même toi. Ces enfants qui ont grandi avec cette série et qui, une fois adulte aujourd'hui, se remémore leurs souvenirs de visionnage, et pondent parfois des articles dessus.
Hé ! Comme nous sommes principalement sur un blog de jeux vidéo, il est toujours important de rappeler que le récit s'ouvre sur une salle d'arcade, avec Darin qui joue à Virtua Fighter ! Le doublage français est à ce titre délicieusement ridicule avec cette voix qui lance le jeu: "Premier combat ! Prêt ??"
On entend même Sonic dans le brouhaha des machines... alors que... ce n'était même pas un jeu d'arcade (prononcé avec une voix de geek).
DPO a donc l'honneur d'être le premier épisode isolé de la saison, et il se révèle être vraiment brillant.
4. CLYDE BRUCKMAN'S FINAL REPOSE (Voyance Par Procuration)
Avant d'être un épisode exceptionnel, Clyde Bruckman's Final Repose m'évoque ce moment terrible où M6 avait coupé accidentellement une minute du métrage. En effet, à la moitié de l'épisode, la série bascula sur Laurent Boyer qui sortait de derrière un arbre, avant de s'exclamer "Aah haaa ! Alors ?? On en a appris des choses ce soir sur Mulder et Scully !" Puis heureusement, le "bug" rebascula de nouveau sur X-Files. J'étais quand même dégouté d'avoir perdu du temps de métrage...
Pourtant, il s'agit d'un blasphème tant cet opus est réputé pour être un des meilleurs de toute la série. Il est très régulièrement cité parmi les préférés des fans, mais également de l'équipe.
Il s'agit du second scénario de Darin Morgan qui rempile donc sur cette saison 3. Comme je l'ai écrit sur mon précédent article, l'écrivain sombra dans la dépression après avoir bouclé Humbug. Cela l'a conduit à imaginer une histoire dans laquelle le personnage principal se suiciderait à la fin. Et c'est comme ça qu'est né Clyde Bruckman. C'est d'ailleurs une intrigue fortement centrée sur le personnage éponyme. L'épisode traite des voyants, même bidons, mais Bruckman a réellement un pouvoir malgré lui: celui de deviner comment mourront tous ceux qui croisent son chemin. C'est un don épouvantable. Le récit questionne sans arrêt les notions de hasard et de destin. On retrouve un des thèmes chers à l'auteur: la solitude. Bien entendu, l'histoire traite le quotidien d'un vieil homme seul, mais pas seulement: Les autres personnages semblent vivre dans la solitude, à l'instar de la vieille voisine de Bruckman qui meurt... seule, dévorée par son seul compagnon: son petit chien. Il y a cette idée que l'on meurt tous seul. C'est pour cela que l'homme est bouleversé lorsque Scully lui prend la main, après qu'il se soit suicidé. Il ne meurt pas seul. C'est une image éminemment tragique, mais elle demeure pas moins réconfortante.
En réalité, Clyde Bruckman est un épisode difficile à juger en si peu de mots, à cause de sa nature multiformes: Il sait être drôle, mais aussi cruel, ironique et tragique en même temps. Il arrive à être incroyablement dense en moins d'une heure, mais sans paraître indigeste. C'est assez fascinant le travail abattu par Morgan. De même, Clyde Bruckman lui même est un personnage très complet. Il n'est pas qu'un protagoniste fonctionnel pour les besoins de l'enquête. Il est un être humain à part entière. Pour l'anecdote, lors d'une interview relayé par eatthecorn, Glen Morgan (le frère de Darin donc) déclara que lorsqu'il a lu la description du personnage, il s'était exclamé: "Oh mon dieu ! C'est notre père !" Une inspiration en somme très mignonne.
L'épisode s'amuse même à déjouer les attentes du spectateur. Notamment au début de l'intrigue, lorsque plusieurs policiers discutent d'un type qui doit venir sur les lieux du crime du premier voyant. Au vue de leur description, on pourrait s'attendre à ce qu'ils parlent de Mulder. Mais finalement, lorsque ce dernier entre dans la pièce, un des policiers s'exclame juste: "Vous êtes qui ?" En définitif, ils n'attendaient pas notre agent, mais le stupéfiant Yappi, un voyant célèbre qui passe à la télé. Le détail rigolo est que l'acteur qui campe ce dernier est Jaap Broeker, la doublure de David Duchovny. Et l'épisode regorge de petits clins d'oeil comme cela. Il y a ce merveilleux moment où Bruckman est horrifié par la violence, puis dit à Scully qu'ils doivent en voir des cadavres et des horreurs dans leur boulot. L'héroïne répond juste "on s'habitue". L'homme, ne semblant pas rassuré d'une telle réponse, surenchérit: "je ne suis pas sûr qu'on soit censé s'y habituer". Il y a là un sous texte qui tend à critiquer même l'essence d'X-Files, et sur le ridicule de voir chaque semaine Mulder et Scully être témoin de choses épouvantables, sans que ça ne les touche tant que ça. Ou alors, ils ont d'incroyables nerfs d'aciers. En somme, Bruckman est juste un type normal plongé dans l'univers impitoyable de la série. Face à lui, nos deux agents paraissent excentriques et surréalistes. L'épisode questionne donc ce rapport étrange et désinvolte qu'entretiennent nos deux héros face à la mort.
Plus globalement, le récit s'amuse à jouer avec l'aspect méta, comme quand le tueur, la "marionnette", demande à notre malheureux voyant pourquoi il tue. Comme s'il tuait juste parce que la série avait besoin d'un meurtrier pour conclure les différents actes de l'épisode. Comme s'il avait plus ou moins conscience qu'il devait suivre le scénario. En outre, il a des motifs de pourquoi il tue: Effectivement, il s'en prend à des voyants qui n'avaient pas pu prédire eux même leur propre mort.
Le script de Morgan est rempli de détails qui ont donné lieu à moult analyses. Il y a tant de choses à dire encore. Cependant, à l'origine, le scénario était beaucoup trop long. Le scénariste dût couper énormément de scènes, notamment entre Scully et Bruckman. C'est dommage...
A l'instar de son frère Glen Morgan, Darin a une nette préférence pour Scully, en plus d'apprécier ridiculiser Mulder. Ici, notre enquêteur se montre fasciné par Bruckman, mais on sent qu'il est surtout curieux de son pouvoir, sans avoir aucune considération réelle pour l'humain derrière un tel don. Pour lui, c'est juste un nouveau phénomène paranormal à défricher. A contrario, Scully semble plus empathique et développe, au fur et à mesure, de la sympathie pour la personne. Lors d'une interview, Morgan pensait qu'il serait plus intéressant d'écrire pour Mulder, mais en écrivant, il se rendit compte de sa préférence pour sa partenaire. Il décrivait le premier comme un type ultra chanceux de vivre dans un monde où il a raison, mais que les réactions de Scully sont souvent plus logiques.
A ce titre, les scènes entre Bruckman et cette dernière sont vraiment savoureuses. Ils ont une alchimie super touchante. Jusqu'au fameux moment où notre héroïne lui demande comment elle mourra. La réponse du voyant qui déclare "Vous survivrez" a alimenté la fanbase d'une telle force. Beaucoup de fans se sont interrogés sur la manière d'interpréter cette révélation. Est-ce que l'homme a vu la mort de Scully mais fait mine de lui cacher ? Est-ce que la femme est réellement immortelle ? D'autres fans se sont demandés si c'était une réponse à un des arcs scénaristiques de la mythologie à venir (que j'évite de mentionner si tu découvres la série encore). La seconde théorie a eu une plus longue vivacité dans les discussion, à tel point que les scénaristes ont peut être joué avec cette idée. Comme dans Tithonus (saison 6) qui voit Scully littéralement éviter la mort, à la toute fin, suggérant que, peut être, elle est réellement immortelle.
Clyde Bruckman's Final Repose a beau être un superbe scénario, il ne faudrait pas oublier non plus l'élégante mise en scène de David Nutter qui propose une réalisation aux petits oignons, comme on dit. Le passage où Bruckman endosse son costume d'assureur, et discute assurance avec une famille est d'une telle maitrise: lorsque le visage de notre voyant s'assombrit au moment où il révèle de quelle manière le père de famille mourra reste visuellement impeccable. La scène de course poursuite entre Mulder et la marionnette est également trépignante, surtout qu'on l'a déjà vu ponctuellement auparavant, à travers les visions de notre vieux voyant. Comme déjà mentionné, la fin est magnifique: mais même la toute dernière séquence, avec Scully qui jette son téléphone sur sa télé, est touchante. Une belle manière de suggérer qu'il s'agissait totalement d'un chapitre axé sur cette partie du binôme.
Clyde Bruckman's Final Repose a été récompensé par deux emmy: l'un décerné à Darin Morgan, pour le meilleur scénario, et le second hérité par Peter Boyle, pour le meilleur acteur invité dans une série. Une oeuvre juste magistrale.
5. THE LIST (La Liste)
Encore un exemple type d'épisode que j'ai appris à davantage apprécier avec le temps. La première fois que j'ai vu The List, je n'avais pas été spécialement emballé. Mais à force de le revoir, il a finalement toute ma sympathie. Il faut avouer que le synopsis n'était pas des plus engageants. Même si nous n'avions pas vu d'histoire de vengeance d'outre tombe depuis très longtemps, j'avais peur que le récit tourne un peu à vide. Mais il y a beaucoup d'éléments qui hisse l'épisode vers le haut: En premier lieu, l'exceptionnel réalisation. Probablement un des chapitres les plus impressionnants visuellement de toute la saison. Il s'agit ici de la seconde réalisation de Chris Carter, en plus d'être crédité sur le scénario. L'artiste s'était déjà fait remarquer avec son Duane Barry, lui aussi un des sommets visuels de sa saison. Presque tout le métrage est plongé dans les couloirs de cette prison de haute sécurité, octroyant un aspect anxiogène et claustrophobique à l'ensemble. De plus, tout le décor semble être noyé dans une lumière verdâtre, comme pour créer une atmosphère presque aquatique. Plus précisément, le showrunner souhaitait évoquer un sous marin. La photographie est donc un des points forts de The List. C'est visuellement très intrigant. La création du couloir de la mort a été un défi pour le département artistique de la série. Le décor explosa le budget, ce qui justifia sa réutilisation dans d'autres épisodes de la saison comme Teso Dos Bichos et Talitha Cumi.
De surcroit, c'est un opus assez dégueulasse, comme le prouve la découverte de la tête d'un des gardes retrouvée dans une boite, et bouffée par les asticots. Bestioles qui parsèment tout le métrage d'ailleurs, et qui n'ont clairement pas plu au casting, notamment à Gillian Anderson qui les trouvait dégoutant. Mais petite pensée à l'acteur qui incarne une victime: l'acteur a dû être bloqué puis aspergé d'asticots. Une horreur ! La scène finale est aussi impressionnante: lorsque le directeur a un accident de voiture. A ce titre, le passé de catcheur de l'acteur JT Walsh a été utile pour la cascade de la séquence. Non, vraiment. The List est époustouflant.
Il souffre surtout d'une histoire plutôt bateau, du moins en apparence. On a la sensation que l'intrigue temporise entre chaque mort inscrit sur la fameuse liste de Neech Manley. En revanche, le récit attise la curiosité par ses non dits et son ambiguïté. Il y a quelque chose qui interpelle, lorsqu'on visionne l'épisode: tous les gardiens du pénitencier sont blancs, tandis que les prisonniers sont noirs. Et les premiers exercent des pressions sur les seconds. Pire, le directeur Brodeur se permet de les molester, voir de les battre à mort lorsqu'il n'obtient pas ce qu'il veut. Le seul gardien afro-américain, Parmelly, est le seul qui semble vouloir que les choses changent. Il est celui qui averti Scully en secret. Il y a là un sous texte qui n'essaie jamais de trop en dire. L'introduction est également ambigu: tout le déroulé de l'exécution de Manley donne un arrière gout désagréable. On sent que Carter critique la peine de mort, mais jamais explicitement. D'ailleurs, on apprend plus tard que le condamné ne méritait clairement pas la chaise électrique pour le crime pour lequel il est accusé. Après, le protagoniste n'en reste pas moins peu sympathique: Parmi les personnes sur sa liste de la mort, il a mis son avocat qui n'a, jusqu'à preuve du contraire, fait que son travail. Idem en ce qui concerne le bourreau, qui n'était qu'un type de l'extérieur. Plus généralement, l'épisode nous présente une galerie de protagonistes plutôt désagréables. On ne s'attache à aucun personnage. Il n'y a peut être que les prisonniers auxquels on éprouve de l'empathie, lorsqu'ils se font tabasser.
L'enquête patine à la fin, puisque Mulder se retrouve insatisfait de leur conclusion. Globalement, les deux agents n'auront pas servi à grand chose ici; leur rôle étant surtout une porte d'entrée pour le spectateur. Le manque de clarté est clairement voulu tout du long, car nous ne sommes pas sûr sous quelle forme Manley est revenu d'entre les morts. Le terrible scène finale de l'accident de voiture semble suggérer qu'il s'est probablement réincarné en mouche. The list n'est clairement pas le meilleur morceau de Chris Carter. Il est même étonnamment son oeuvre la plus "normale" à son actif. Il n'est pas Duane Barry, qui ouvrait la série aux épisodes en deux parties. Même ses réalisations ultérieures tendent plus vers le "high concept", à l'instar de Post Modern Prometheus (saison 5), Triangle (saison 6) ou encore How The Ghosts Stole Christmas (Saison 6). Mais ça n'empêche pas à The List d'être finalement un épisode relativement solide. Il est le moins marquant du réalisateur, mais il fait preuve d'une excellente tenue. Ses aspects nébuleux et ambigus jouent en sa faveur. Il ne représente clairement pas un des moments les plus exaltant de la saison, mais il a suffisamment de qualités qui le rendent très intéressant.
6. 2SHY (Meurtres Sur Internet)
Oui ouiiii. Le voilà le fameux meme de Scully qui s'exclame "J'appelle Internet". Tout du moins dans la version française. En VO, il me semble qu'elle parle de fournisseur internet ou de hotline, je ne sais plus. Ce qui est nettement moins ridicule.
2Shy pourrait être assimilé à un croisement entre Tooms et Donnie Pfaster. Assurément deux des monstres les plus emblématiques d'X-Files. Virgil Icanto, le mutant ici, séduit des femmes en surpoids, avant de les tuer en absorbant leur graisse. Rétrospectivement, c'est un concept éminemment casse gueule. Il y avait moyen que l'épisode tombe dans la misogynie la plus crasse, ou verse dans une certaine forme de grossophobie. Il marche clairement sur des oeufs. Même Frank Spotnitz n'était pas chaud, car il trouvait que le concept aurait pu facilement être offensant. C'est Chris Carter qui convainc ce dernier qu'il y avait malgré tout moyen de raconter une bonne histoire, à partir d'un tel postulat. Globalement, une fois le générique de fin lancée, on se dit que 2Shy s'en sort pas trop mal, mais il n'évite clairement pas quelques maladresses, notamment parce que c'est un épisode écrit et réalisé principalement par des hommes.
Par exemple, ce dialogue de l'inspecteur Cross au sujet d'une victime: "Elle travaillait dans ce secteur depuis quelques années, mais elle n'était pas le premier choix". C'est une réplique qui fait grincer des dents. Néanmoins, le personnage de Cross est décrit comme un sale con machiste, comme l'atteste cette scène où l'enquêteur se montre ouvertement troublé que Scully réalise une autopsie. Il estime que les femmes ne devraient pas exercer certains métiers. Par la suite, notre agent ne se laisse pas démonter, évidemment. L'épisode semble donc constamment sur le fil du rasoir.
En revanche, l'intrigue donne malgré tout le bon rôle aux femmes, lors du point culminant: Lorsque le tueur tente de s'en prendre à Scully, cette dernière se défend bien. L'équipe créatrice a donc bien pris note d'éviter le syndrome "demoiselle en détresse" de la saison 2. Dans le même ordre d'idée, la dernière victime se sauve d'elle-même du tueur en série. Ce dernier acte rassure quelque peu sur le rôle des femmes au terme de l'enquête. Anecdote amusante: lorsque Mulder et Scully s'introduisent chez Ellen, les doublures des acteurs se sont trompées de porte, et sont entrées dans l'appartement voisin, puis sont tombés sur les locataires en train de diner.
2Shy est un chouette morceau. Il n'est pas très subtil mais ce n'est pas très important. Il s'agit d'un récit assez classique de tueur en série, mais à la sauce X-Files: Le monstre ici a une faculté biologique unique qui le pousse à traquer ses victimes sur internet. L'épisode est volontairement cradingue et assez "sale". On voit clairement le cadavre presque intégralement fondu dans la morgue, lorsque Scully s'apprête à le disséquer. C'était totalement un souhait du réalisateur David Nutter. Il voulait lui donner une orientation résolument gore, à l'instar de The Host. Son travail ici est exemplaire, offrant des scènes nocturnes réellement inconfortables, tout en étant fascinantes. Il y a même l'élément touchant de la gamine aveugle. La seule qui "voit" l'aspect repoussant d'Incanto, son voisin. Ce dernier a beau être en apparence un homme tout à fait charmant, passionné de poésie, la jeune fille ne le sent pas. Manque de chance, sa mère ne le voit pas de la même manière et se fera tuer par lui. La petite scène entre la fillette, épleurée d'avoir perdu sa mère, et Scully est vraiment jolie.
L'intrigue est mémorable également car il traite de la démocratisation massive d'internet dans les foyers américains. C'est attendrissant de revoir ces vieux moniteurs et cette vieille interface qui, bien entendu, paraissent terriblement datée aujourd'hui. Et puis, il y a ces délires typiques des fictions de montrer des logiciels qui font tout le temps plein de bruits. Même si 2Shy aborde la panique morale sur les dangers d'internet des années 90, l'épisode n'est en aucun cas un discours anti-web. Le scénario démontre qu'Incanto est autant invisible sur internet qu'IRL. C'est même plutôt son incompétence en informatique qui vont le démasquer, comme lorsqu'il utilise la carte de crédit d'une de ses victimes, ou bien lorsque son portrait robot circule sur la toile. Comme quoi, Scully fait bien d'appeler internet.
La fin nous présente un Incanto pitoyable et pathétique, enfermé derrière les barreaux. Il est affaibli et marqué physiquement. On suppose aisément qu'il mourra probablement en prison d'ici peu. Le décompte des monstres dans l'univers d'X-Files s'accélèrent au fil des enquêtes de Mulder et Scully.
2Shy est un très bon épisode, à la production solide et à l'atmosphère sale et convaincante. Il est une intéressante variante de Tooms, mais avec sa personnalité propre.
7. THE WALK (Corps Astral)
Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai toujours un peu honte d'avouer que The Walk est un de mes favoris de la saison 3, et même de la série. Il ne s'agit pas du tout d'un épisode honteux, mais je sais qu'il est rarement cité dans le top des fans. Vince Gilligan l'a déjà cité comme un de ses chouchous. Et pourtant, ce n'est même pas lui qui l'a écrit. En effet, The Walk est le premier scénario écrit par John Shiban, un auteur qui deviendra l'un des membres les plus importants de la série. Il n'est jamais considéré comme un des meilleurs écrivains du show, mais il n'en demeure pas moins très solide et compétent. Plus tard, l'artiste suivra même Gilligan sur Breaking Bad. Il a une appétence pour les tropes horrifiques issus des films d'horreur plus traditionnels, et ça lui réussira globalement. Dès ses débuts, il intégrera très vite la manière de structurer efficacement un scénario pour X-Files. En effet, il a un certain sens du rythme. Son histoire ici évoque certains thèmes majeurs de Sleepless: Sauf que le script de Shiban opte pour la guerre du Golfe, à la place de la guerre du Vietnam. Leonard Trimble, le malheureux vétéran, amputé des quatre membres ici, se sent abandonné. L'épisode traite des soldats laissés pour compte, même si l'hôpital militaire ici s'efforce de réellement aider Trimble. Nous voyons ces combattants qui semblent totalement abandonnés après avoir tant servis leur pays. Pourtant, "Rappo" n'est pas un personnage sympathique: ses blessures et son abandon l'ont rendu tellement aigri qu'il en veut à la Terre entière, et notamment à ses anciens supérieurs. Grâce à sa faculté à détacher son corps astral de son enveloppe physique, l'homme part exercer sa vengeance en brisant la vie de ces commandants. Concrètement, il tue leur entourage proche. A ce sujet, un des moments les plus marquants de l'épisode réside dans le meurtre du fils de Callahan. Une scène terrible qui démontre que Trimble est donc une personne difficile à apprécier. Pire ! Il est tellement ignoble qu'on oublie notre empathie envers lui. Même lorsque Mulder et Scully le rencontre, il se montre exécrable et colérique, en plus d'être moralisateur. De toute façon, il ne veut pas de notre pitié. L'épisode subvertit donc les attentes du public en n'essayant jamais de dépeindre cet ancien soldat brisé comme vaguement sympathique. The Walk aurait pu le présenter comme un antagoniste certain, mais distiller une touche d'émotion à un moment donné. Jamais ici: L'homme n'esquisse jamais un regard de désespoir qui pourrait ancrer une dernière lueur d'humanité dans ce corps. Ian Tracey est plutôt convaincant dans son rôle d'ancien combattant en colère. Il en fait peut être un peu trop, mais cela soutient bien le récit. Mais surtout, il y a Willy Garson au casting ! On reverra enduite l'acteur ultérieurement dans le rôle d'un homme beaucoup trop chanceux dans The Goldberg Variation (saison 7). En revanche, on se prend plutôt de pitié pour le lieutenant colonel Stans et le général Callahan, les deux malheureuses victimes de l'infirme. Le premier est tellement en piteux état qu'on éprouve vraiment de la compassion pour lui.
The Walk revient plusieurs fois sur le droit de mourir: Stans essaie de se suicider dans le teaser. C'est une image assez marquante. Même Rappo désire que quelqu'un l'assassine. Un suicide par procuration en somme. L'histoire traite aussi de l'emprisonnement: Trimble est prisonnier de ce corps diminué qui ne contient que sa haine. Stans est condamné à vivre avec ses blessures qui le font souffrir. Callahan, lui, est coincé dans une carcasse qui refuse d'afficher le moindre sentiment.
Rob Bowman réalise un excellent travail de mise en scène, notamment à travers cet hôpital qui diffuse la lumière de manière presque onirique; telle cette réunion d'anciens combattants infirmes filmée de manière épatante. Il y a des séquences juste totalement géniales, comme le meurtre effrayant de Draper dans la piscine. Probablement une des scènes les plus flippantes que la série ait produite jusqu'ici: lorsqu'elle sent une présence sous l'eau, au moment où une ombre nage vers elle. Brrrr ! C'est d'une efficacité redoutable. Pareillement en ce qui concerne la mort du fils de Callahan, lorsqu'il se fait engloutir par le sable dans son jardin. A l'origine, Bowman était contre cette scène. Il était particulièrement mal à l'aise de la réaliser, étant donné que son ami avait justement perdu son fils, sur un plage, enseveli par le sable. Il craignait que son ami ne pense qu'il puise dans cette tragédie pour trouver l'inspiration. Malgré quelques inquiétudes, Shiban désirait tout de même conserver cette scène. Il argumenta qu'il fallait que Rappo prenne vraiment tout ce qui était important pour le général, parce que c'est ça aussi une histoire d'horreur.
L'acte final est également ahurissant, lorsque Mulder se retrouve piégé avec la forme astrale dans les sous sol, et que cette dernière apparaît grâce aux fumées de vapeur. Les effets spéciaux sont en outre une belle réussite. Le parallèle avec Rappo qui se met en "transe" parachève cette mise en scène soignée. Oh et comment ne pas repérer tous ces plans de pieds qui marchent disséminés dans le métrage, soulignant la perte de Leonard Trimble. Que lui ne peut plus jouir de cette fonction que nous prenons pour acquis. L'effroi augmente également lorsque l'infirmier Roach, enfermé dans une cellule, panique et crie: "Il connait cet endroit ! Il est déjà venu ici !" On ne peut s'empêcher de stresser pour lui, et on sait pertinemment comment il va finir. Sincèrement, je pense que The Walk est un des loners les plus impressionnant visuellement.
Il est également intéressant dans sa manière de dynamiter nos attentes. Très sincèrement, on peut se montrer sceptique, pendant une partie de l'intrigue, lorsqu'on croit avoir affaire à une énième histoire de fantômes. Le twist nous apprend finalement que c'est un homme capable de se dédoubler via une forme "spectrale". L'idée se révèle nettement plutôt réjouissante. Le principe en lui même demeure vraiment fascinant.
Scully retrouve son rôle ingrat de sceptique tout du long. Cependant, elle s'affirme tellement face au capitaine Draper, puis au général, que ça force le respect. Personnellement, j'aimerais pas me faire engueuler par elle. Depuis la saison 2, l'héroïne ne cesse de s'affirmer. Elle était déjà intimidante dans Colony, lorsqu'elle tente de se faire entendre, face aux médecins qui essaient de sauver Mulder. Dans The Walk, ce dernier a la lourde tâche de soupçonner un homme quadruplement amputé. Heureusement, il se balade avec ses petites radios dentaires depuis le début de l'intrigue.
Franchement, je pense qu'il s'agit d'un de mes épisodes favoris de cette saison 3 décidément très riche. Pour son premier essai, John Shiban nous livre une copie franchement réussie.
8. OUBLIETTE (Souvenirs d'Oubliette)
Oubliette m'évoque un grand moment de frustration. En effet, pendant toute la diffusion de la saison 3 sur M6, je me disais toujours: "Ah ! Ils vont sûrement bientôt mettre Oubliette". Et l'épisode ne vint jamais. Il faut savoir que la chaîne ne proposait pas les épisodes dans l'ordre chronologique, à l'exception des mytharcs plus ou moins bien placés. Elle se permettait de diffuser les segments les plus violents et dérangeants en dernière partie de soirée. A chaque fois, je me disais que, peut être, Oubliette allait être proposer vers la fin de la diffusion de la saison. Et puis, Talitha Cumi (le season final) arriva et Oubliette était passé... aux oubliettes. En réalité, M6 avait tout bonnement censuré purement et simplement l'épisode. J'étais dégouté... La raison invoquée: L'histoire relatée avait des connexions beaucoup trop proche de la récente affaire Dutroux. Les souvenirs étaient encore trop vifs selon la petite chaîne qui monte. Mon premier contact avec l'oeuvre fut un numéro spécial du X-Files Magazine (hé oui) qui retraçait tout le déroulé de l'intrigue, avec les dialogues et les événements. Heureusement, M6 décida finalement de programmer l'épisode, pendant la diffusion de la saison 4.
Cela dit, la FOX elle-même n'était pas à l'aise avec le scénario, car elle rappelait trop l'affaire Polly Klaas, encore dans les esprits, au moment du tournage. La chaîne voulait que la fille kidnappée ait plus que 12 ans. Carter trouva un compromis en choisissant Jewel Straite, qui avait alors 13 ans, pour incarner Amy. L'actrice paraissait plus âgée, ce qui rassura la chaîne. Il est vrai que l'épisode nous montre les souffrances psychologiques de cette fille enlevée par un homme qui la maintient dans une "cave". La scène dans laquelle le ravisseur prend une multitude de photos de sa jeune victime, pendant que cette dernière l'implore est réellement dérangeante. La Fox n'étais pas chaude non plus pour voir la jeune fille terrorisée; d'où l'idée d'alléger légèrement cet aspect là. Il est vrai que c'est un épisode assez difficile à regarder. Il y a de nombreux passages très tendus, comme justement lorsque le kidnappeur tente de noyer Amy, lors de l'acte final. Sans oublier la vidéo d'archive de Lucy, cette rescapée de kidnapping, qui arrive à peine à marcher et à parler. Le récit s'attarde sur les séquelles et les cicatrices que peuvent laisser ce genre de traumatisme. Ici, on pense bien sûr à Amy, puis à Lucy, mais aussi à Mulder: Cette enquête réveille en lui le souvenir traumatique de l'enlèvement de Samantha. Forcément, Amy Jacobs se fait enlever en pleine nuit, dans sa chambre, sous les yeux de sa soeur. Il y a une touchante scène à ce sujet, lorsqu'il réconforte la mère de cette dernière, malgré qu'elle lui demande comment pourrait-il comprendre. Ensuite, l'homme éprouve une profonde empathie pour Lucy, elle aussi victime d'abus et profondément meurtri de ce qu'il lui est arrivée dans le passé. Cependant, même si la soeur de l'agent hante le récit, le scénario n'est pas lourdingue à mettre cet élément en avant. Une note d'attention a même été glissé par David Duchovny lui même: Effectivement, lorsque Scully lui reproche son manque d'objectivité concernant cette affaire, car elle lui rappelle Samantha, l'acteur a improvisé sa réponse, lorsque Mulder sort un discours à sa partenaire, stipulant que tout ne se résume pas à un traumatisme d'enfance.
L'épisode est d'autant plus difficile que tout le monde croit que Lucy est complice de Carl Wade, le ravisseur d'Amy qui a également été le sien. Même Scully ne lui fait pas confiance. Seul Mulder la croit innocente. Oubliette est un moment d'X-Files dur et d'une noirceur absolue, mais qui se montre aussi émouvant et particulièrement sentimental. Tracey Ellis, qui joue Lucy, est phénoménal. A la base, Charles Grant Craig, le scénariste, la décrivait plus dur. Mais l'actrice a préféré l'interpréter plus blessée, et adoptant un comportement défensive. L'alchimie avec Duchovny fonctionne du feu de Dieu; permettant à ce dernier à d'étaler ses talents d'acteur. L'épisode est à ce titre un des préférés de l'artiste. C'est donc un Mulder centric qui démontre une nouvelle fois la forte empathie que ce héros éprouve auprès des victimes incomprises. Il est prêt à se battre contre le monde entier pour protéger ce genre d'innocents. Il rappelle combien le personnage peut être attachant dans ces chapitres là. A certains moments, l'homme peut se révéler agaçant lorsqu'il refuse tout compromis avec ses pairs ou d'autres figures d'autorité. Il peut se montrer incroyablement désinvolte et insolent (même si ça peut donner lieu à de savoureuses scènes). Pareillement, il considère un peu trop Scully pour acquis. Mais sa compassion le rend indéniablement attachant. Ici, un lien se crée entre l'agent et Lucy. C'est d'ailleurs un des thèmes du métrage: puisque cette dernière et Amy établissent une connexion qui fait que Lucy ressent littéralement certains sévices que la jeune adolescente ressent, en même temps.
Finalement, l'horreur de cette intrigue ne provient même pas de l'élément paranormal qui est donc cette connexion physique et mystérieuse en Amy et Lucy. Non, ici c'est un être humain qui commet des monstruosités. Il s'agit d'une "simple" histoire d'enlèvement, tout ce qu'il y a de plus réel et glaçant. Cependant, Oubliette est un épisode centré totalement sur les personnages, et plus spécifiquement sur les victimes. L'histoire s'attarde sur leurs états d'âme et leur souffrance. Le récit ne bazarde pas ces aspects en quelques minutes. Non, il est le principal point d'ancrage. C'est également pour ça que beaucoup de gens n'ont pas supporté son visionnage, surtout des parents, même parmi certains critiques qui ont tout de même louées les immenses qualités du segment. Dans ce même ordre d'idées, Mulder ne considère jamais Lucy comme un simple élément d'enquête qu'il pourrait ensuite réduire en statistique. Il ne la résume pas non plus comme une victime, ni même une suspect. Il voit Lucy avant tout comme une personne à part entière, majorant l'humanité au sein du métrage.
Kim Manners est parfait dans sa mise en scène, comme à l'accoutumée. Pourtant, il a reconnu que le tournage a été un enfer, compte tenu des très nombreuses scènes en extérieur. Les intempéries n'ont pas cessé et la rivière choisie pour le point culminant a beaucoup trop grossi, sous l'effet de la pluie; obligeant l'équipe de production d'aller ailleurs, en plus de reporter le tournage. De surcroit, la scène a nécessité plusieurs costumes pour les acteurs, car tourner avec de l'eau est toujours pénible.
En outre, l'épisode a pu raviver les tragiques événements récents que Manners a appris sur le tournage de DPO, puisque l'ami qu'il venait de perdre s'était noyé avec son fils.
Une petite anecdote mignonne pour finir: Michael Chieffo, l'acteur qui joue Carl Wade, le type qui séquestre Amy, s'est révélé être très doux et très gentil avec Jewel Straite. L'homme était précautionneux afin ne pas effrayer la jeune fille. L'actrice a vraiment apprécié qu'il se montre très chaleureux, et fasse attention à elle durant le tournage.
Malgré l'adversité du tournage, Oubliette est un épisode extrêmement fort, assurément un des meilleurs de cette saison qui ne cesse de bomber le torse. C'est une histoire d'empathie, d'une grande sensibilité, même si elle ne nous épargne pas sa dureté et sa brutalité.
9. NISEI (Monstres d'Utilité Public Partie 1)
Ah ! Voici le nouveau gros morceau mythologique. Nisei revient sur certains thèmes soulevés par Paper Clip, notamment sur ces anciens criminels de guerre que les Etats-Unis ont "gracié" afin qu'ils puissent s'adonner aux pires expérimentations sur le sol américains. L'intrigue ici se réfère à l'unité 731, une authentique entité qui s'adonna, entre autres, à des expériences de vivisections sans anesthésie. Les scientifiques ont été jugé pour crimes contre l'humanité. Ce mytharc réutilise cette triste réalité pour l'intégrer à son récit. Il faut savoir que le Japon a reconnu son existence que depuis 2002, soit bien des années après la diffusion de l'épisode. Le diptyque Nisei et 731 injecte certains faits historiques réels pour crédibiliser sa mythologie, et ainsi brouiller les pistes entre fiction et réalité. Plus globalement, la saison 3 s'efforcera de maintenir cette ligne directrice, car le double épisodes suivants, Piper Maru et Apocrypha, replongera dans les archives de la seconde guerre mondiale. Contrairement, à tous les derniers mytharcs, Nisei et 731 ne chamboulent pas le petit monde d'X-Files avec moult révélations tonitruantes. Duane Barry/Ascension, Colony/End Game et Anasazi/The Blessing Way/Paper Clip étaient remarquables car tous ces segments donnaient l'impression que le fil rouge avançait à grand pas. Ce n'est pas le cas ici, mais ce n'est pas nécessairement important. Le diptyque préfère justement consolider ce qu'on a appris, notamment dans la trilogie précitée. Et c'est plutôt judicieux car étoffer ce que l'on connait déjà permet de saupoudrer le background de cet univers. Ce mytharc confirme que certains des plus cruels scientifiques de l'autre partie de l'Axe, les japonais, ont pu passer la frontière US afin de commettre des expériences sur des hommes, afin de les transformer en hybrides humains et extraterrestres. Ce qui remet sur le feu les corps retrouvés dans le wagon abandonné que Mulder découvre dans le Nouveau Mexique, au terme d'Anasazi. Ce diptyque se permet d'accorder une "pause" et de faire le bilan de ce qu'on a appris récemment, et ainsi revenir sur certains détails scénaristiques. Ces opus permettent de convenablement digérer les informations précédemment distillées.
Après, je parle de "pause", mais ce double épisode n'en demeure pas moins mouvementé. Il propose pas mal de scènes d'action, notamment avec cette mythique conclusion, qui voit Mulder sauter sur un train en marche. Une séquence spectaculaire pour une série télé. Une cascade une nouvelle fois réalisée par David Duchovny lui même, même si l'équipe n'était pas très rassuré de le laisser faire.
Nisei sépare narrativement notre duo: chacun enquêtant de leur côté. Cela permet de dynamiter la narration, d'en accroitre sa densité. A ce propos, Scully y découvre un groupe d'autres femmes qui ont été enlevées comme elle. Toutes ces victimes avaient un implant dans le cou, qu'elles ont ensuite retiré. Nous en apprenons davantage sur l'enlèvement de notre héroïne. Irresistible revenait sur son traumatisme, puis The Blessing Way glissait l'élément de la puce découverte dans son cou, en plus d'offrir quelques bribes de souvenirs via une hypnose régressive. Nisei continue donc d'explorer ce pan scénaristique en élargissant le scope: Scully n'était pas un cas isolé: Il y a tas d'autres femmes enlevées, comme l'a suggéré Mulder dans Paper Clip. Il y a très longtemps, j'avais lu un article qui soutenait que cette histoire mettait en lumière une conspiration composée, très majoritairement, d'hommes puissants qui se servent et abusent du corps de pauvres femmes à leur insu, et bien sûr sans leur consentement. Il y a donc là un sous texte plutôt féministe assez intéressant. Bien entendu, au cours de la série, on trouve quelques hommes qui ont été enlevé, comme Duane Barry, mais la série insiste plus lourdement sur les expériences réalisées sur des femmes, surtout à partir de ce point du fil rouge. Nous avons là un commentaire sur la misogynie institutionnalisée. Il est à noter que Nisei a été diffusé juste après Oubliette qui présente également une autre forme de violence commise sur des jeunes filles.
Ce diptyque revient sur l'internationalisation du complot et de ses failles. Contrairement à ce que suggérait Anasazi, ici les japonais conspirateurs suivent également leur propre plan. L'humanisation de ces hommes de l'ombre continue d'infuser la mythologie, depuis le début de la saison. Et on sent que tout ce projet peut dérailler assez facilement. Comme expliqué dans l'arc Anasazi, ce sont des êtres humains qui peuvent trébucher et commettre des erreurs. On est loin du complot fantôme de Deep Throat qui voyait les deux enquêteurs se faire court-circuiter par des men in black sur la route, avant que Mulder ne se fasse choper dans la base, puis effacer la mémoire. Ni vu ni connu.
X apparaît à la toute fin de l'épisode pour prévenir Scully que son partenaire essaie d'attraper un train. Cela fait toujours plaisir de voir ces deux personnages se parler. C'est tellement rare et précieux. Et il faut toujours plus de Steven Williams.
Nisei réintègre également le sénateur Matheson (avec le doubleur de l'Homme à la Cigarette, cette fois) que l'on avait déjà vu dans Little Green Men, l'ouverture de la saison 2. C'est d'ailleurs sûrement lui qui a la réplique la plus marquante du métrage, lorsqu'il demande à Mulder de retrouver "des monstres qui engendrent des monstres".
10. 731 (Monstres d'Utilité Public Partie 2)
Le pré-générique nous présente des militaires qui s'introduisent dans un camp occupés par des sujets d'expériences. Les hommes alignent des dizaines de malheureux en ligne pour les abattre ensuite; donnant lieu à l'un des teaser les plus tétanisants de toute la série. La découverte des corps par Scully, plus tard dans l'épisode, entassés les uns sur les autres, constituent un des pinacles des horreurs que la conspiration est capable de faire. On peut vraisemblablement supposer que les corps retrouvés au terme d'Anasazi ont été massacré d'une façon similaire.
731 est une incroyable seconde partie, que je trouve encore bien meilleure que Nisei. Il faut dire qu'à l'origine, Frank Spotnitz avait initialement songé à une histoire de train. Cependant, les autres membres de l'équipe pensèrent que la durée du script était trop dense pour tenir en un seul segment, d'où l'idée de scinder le film en deux. Nisei était en quelques sortes une (sacrée) introduction à 731. Il faut savoir que j'adore les fictions qui se déroulent dans un train, sans trop savoir pourquoi.
Il est vrai que cette seconde moitié se révèle très excitante: Mulder est coincé dans un wagon pendant la majeur partie de l'épisode, avec un tueur du gouvernement qui assassine avec des cordes à piano (superbe Stephen McHattie dans le rôle), mais aussi ce qui semble être un hybride humain et alien, caché dans une partie condamné du wagon. Et la cerise sur le gâteau: il y a même une petite bombe pour tout faire partir dans un joyeux feu d'artifice.
Nisei et 731 sont fameux car ils permettent à Mulder et Scully d'entreprendre un voyage qui va renforcer leurs convictions. Comme dans la partie 1, le duo se retrouve ici toujours séparé: Pendant que son partenaire est coincé dans un train, Scully va rencontrer "le premier doyen", membre du syndicat qui lui révèle une partie de la vérité, légèrement remaniée. Cette rencontre va donner du grain à moudre à notre sceptique, puisque ces éléments de réponses lui donneront de quoi rationaliser tout ce qu'elle vu jusqu'ici. L'une des scènes les plus marquantes de l'épisode réside dans cette simple scène où l'on voit Scully détailler ce qu'elle vient d'apprendre. Cette dernière se trouve dans une réplique du wagon où se trouve Mulder. Face aux théories de sa collègue, la caméra filme notre agent de façon désaxée: Il n'est effectivement pas vraiment centré à l'écran. De surcroit, ces plans (filmés en steadicam) évoquent le côté paranoïaque du personnage. A contrario, Scully est mise en scène fermement au milieu du plan, avec quelques travelings, symbolisant ses nouvelles certitudes. Avoir placer les deux protagonistes dans le même wagon, mais situés des kilomètres l'un de l'autre, offre un audacieux effet miroir. Chacun ont entrepris un voyage différent, leur donnant des arguments différents, mais ils finissent tous deux dans un lieu similaire. Leur wagon pourrait donc imager la vision de chacun des deux personnage: Chacun voit les mêmes contours, la même histoire, mais avec une perspective divergente. La structure narrative de Nisei et 731 est magnifique. Rob Bowman réalise un travail juste phénoménal dans cet épisode. Si David Nutter s'en sortait, comme d'habitude, avec les honneurs, son successeur impressionne tout autant. 731 ressemble véritablement à un film. Il a des allures de blockbusters et pour une série des années 90, c'était juste ahurissant. C'est grâce à ce second segment que Chris Carter choisira définitivement Bowman pour réaliser le film X-Files.
Le tueur, connu sous le nom "L'Homme aux Cheveux Roux" de ce diptyque, est intéressant car il semble avoir plus de caractère que les autres hommes de main que l'on a vu succinctement jusqu'ici. Par exemple, dans la fin de Nisei, il se recoiffe les cheveux après avoir tué un homme. Ici, après avoir essayé d'agresser le contrôleur du train, il réajuste sa cravate. L'acteur lui ajoute de petites touches ici et là qui donnent plus d'épaisseur à ce genre de protagonistes, généralement peu développés. Ses dialogues avec Mulder sont merveilleux et contribuent à humaniser cet impitoyable tueur. Bowman a adoré filmer ces deux acteurs durant ces longues scènes où ils ne font que se parler; octroyant une dimension pièce de théâtre à l'ensemble de ces passages. Le métrage met en évidence la propension de la série à proposer de très gros plans sur les personnages en train de parler. C'était une particularité assez prononcé du show. David Duchovny fut ravi de ce diptyque étant donné qu'il adorait travailler avec David Nutter et Rob Bowman. D'après lui, ce sont deux metteurs en scène avec lesquels il se sentait vraiment à l'aise. Plus précisément, il apprécie que X-Files ait ses propres réguliers comme réalisateurs. Une proximité germe plus facilement, lorsque les acteurs sont dirigés par les mêmes artistes.
731 est remarquable pour la dernière scène de Mr X, lorsqu'il sauve finalement la vie de Mulder, dans ce magnifique plan de blockbuster où l'on voit l'informateur s'éloigner du train, juste avant son explosion, avec l'agent sur les épaules. Une scène immanquablement héroïque qui a accentué la popularité du personnage. En effet, il commençait légèrement à agacer les fans, irrités par le caractère désagréable de ce protagoniste qui lâchait difficilement des informations à Mulder. Pourtant, on ne sait pas vraiment ce que X faisait là: On suppose qu'il était l'homme de main envoyé pour sauver l'hybride: d'où son moment d'hésitation, lorsqu'il regarde la créature à travers le hublot. L'homme aurait donc consciemment opter pour sauver la vie de l'agent Mulder, au risque de se compromettre. C'est beau.
Le récit nous présente pour la première fois l'agent Pendrell, une aide ponctuelle, surtout de Scully. Ce dernier a même le béguin pour la madame. Il y avait longtemps que les deux enquêteurs ne demandaient plus vraiment de l'aide d'autres collègues du FBI. Depuis un certain temps, ils se contentent de sources plus officieuses comme les Lone Gunmen, quand ce n'est pas Mr X qui rechigne à lâcher une info. Parfois Skinner leur prête main forte, lorsque c'est vraiment la catastrophe. Et puis, d'autres fois, ils font appel à des Chuck Burks ou a de hauts placés comme le sénateur Matheson. Elle est loin l'époque où les agents demandaient de l'aide à toute une ribambelle de collègues directs, pourtant très sympathiques, comme dans Young at Hearts ou encore Fire.
La conclusion est intéressante car elle met en scène l'unique séquence de L'Homme à La Cigarette de toute cette histoire. Un court passage sans dialogue, comme pour rappeler l'époque de la première saison, lorsque l'antagoniste semblait tout puissant.
731 est un incroyable segment mythologique. Très certainement, un des plus impressionnant visuellement. Les révélations ne pleuvent pas, mais ce mytharc opte pour prendre le temps de réfléchir sur les informations précédemment divulguées. Les deux parties sont extrêmement bien construites et confirment la totale maitrise de l'équipe créatrice à ce niveau là de la série.
11. REVELATIONS (Révélations)
Revelations est une nouvelle tentative de traiter de la religion, et plus précisément de la foi, après un Miracle Man un peu aseptisé, en saison 1. Les deux oeuvres sont finalement totalement différentes, mais elles touchent à des thèmes similaires, forcément. Sauf que l'intrigue ici a compris qu'il serait plus judicieux de mettre Scully au centre de l'affaire, étant donné qu'elle est la catholique du duo. Il est vrai qu'on n'a jamais eu de grands moments qui mettaient la croyance de l'héroïne en avant. Justement, il était révélé dans Miracle Man qu'elle était catholique, mais sans creuser plus loin. Par la suite, Mulder conserva sa croix dans Ascension. Mais aucun chapitre de la série ne s'était épanché sur cette caractéristique. Axer toute une histoire autour du christianisme peut être délicat: D'une part, on sent que l'épisode n'approfondit pas le sujet, probablement par peur de froisser les croyants américains qui pourraient regarder la série. Des oeuvres comme Die Hand Die Verletzt préférait l'angle sataniste pour mieux le subvertir, mais Revelations s'attarde sur le côté positif, comme les anges gardiens, Dieu ou tout simplement la foi en ce dernier. En résulte un scénario plutôt mignon et assez inoffensif, ce qui n'est pas nécessairement péjoratif. Chris Carter lui même a admis qu'il ne voulait pas frontalement parler de catholicisme, mais plutôt de la foi avec un grand F. Un thème qui traverse finalement toute la série. Le showrunner reconnut qu'il était de toute façon délicat de traiter du christianisme, étant donné qu'il s'agit d'un sujet sensible.
J'aime bien cet épisode. Le renversement des rôles entre Mulder et Scully est toujours agréable, mais diffèrent de ce qu'on a vu dans Beyond The Sea. Ici, on découvre une nouvelle facette du premier: à savoir son scepticisme lorsqu'il s'agit de phénomènes liés à des forces divines. On pourrait se dire qu'il est étrange qu'il puisse croire à une multitude de choses, dont les extraterrestres, mais pas aux manifestations de Dieu. Cela dit, ce n'est pas aussi contradictoire que cela en a l'air: Il croit en son existence mais doute de ses interventions. Disons plutôt qu'il a développé ses propres croyances. En outre, il se méfie des institutions. Il est donc légitime que le personnage se montre aussi dédaigneux face à la religion. Il n'apprécie guère que des fanatiques se servent de la religion pour commettre des méfaits. Mulder a une sainte horreur des figures d'autorité, et il est donc logique qu'il puisse éprouver de la répulsion face aux hautes instances religieuses. A contrario, Scully ne rejette pas une intervention divine dans cette enquête. Leur discordance est une des forces du récit. Même si le scénario reste volontairement flou sur tout ce qu'il se passe, Scully met de côté son rationalisme pour épouser la spiritualité et croire en des signes. Elle semble également touché par le sort du petit Kevin. Les interactions entre les deux personnages restent assez touchantes, notamment lors de leur tout dernier échange. Ce dernier est convaincu que l'agent est son ange gardien censé le protéger du mal. Et comme il vient de perdre sa mère, on s'imagine que notre héroïne se sente obliger d'être auprès de lui, pendant ce douloureux moment. L'épisode nous présente donc un profond désaccord entre les deux co-équipiers, à tel point que Scully ne trouve pas du réconfort auprès de Mulder à la fin, mais auprès de l'église. David Duchovny fut ravi de jouer le rôle de sceptique pour une fois. Il a trouvé ça rafraichissant et plutôt confortable. Il a apprécié d'être celui qui s'implique le moins émotionnellement dans l'enquête. Celui qui hausse les épaules et réfute ce qu'on lui montre.
En définitif, l'épisode a apporté de l'épaisseur aux deux héros, en démontrant que les êtres humains sont remplis de contradiction: Mulder a beau croire aux aliens et à toutes sortes de phénomènes paranormaux, mais rejettent la croyance en la religion "traditionnelle". Scully, elle, se montre têtu à vouloir rationaliser tous les évènements extraordinaires auxquels elle se confronte, mais n'en demeure pas moins une catholique pur jus.
Cet épisode se montre résolument plus lumineux et optimiste, contrairement justement à Miracle Man. L'ensemble baigne dans la foi, comme en témoigne Owens Jarvis, le jardinier qui tente de venir en aide à Kevin. L'homme a une foi absolu et pourrait en venir à mourir pour parfaire sa mission. On pourrait y voir là un signe de fanatisme qui déplait à Mulder, mais l'intrigue nous donne une vision plutôt sympathique du protagoniste. A ce titre, Michael Berryman est toujours aussi incroyable ici. Un rôle à contre-emploi de ce qu'il a l'habitude de jouer. L'acteur lui même a apprécié sa contribution. C'est même une de ses préférées puisque, d'après ses dires, cette participation a aidé à changer son image à Hollywood. Cependant, il est amusant de constater que la production a consciemment déjouer les attentes en présentant initialement Jarvis comme un protagoniste inquiétant, lorsqu'il semble "enlever" Kevin.
Plus globalement, Revelations a été écrit pour mettre en avant les talents d'actrice de Gillian Anderson. Sa prestation ici est impeccable. Finalement, les éléments qui fonctionnent le mieux dans cette histoire sont centrés sur Scully, puis Mulder, et enfin sur les interactions avec Kevin. Il faut avouer que l'enquête en elle-même n'est pas des plus percutantes. Il se passe beaucoup de choses mystiques, mais tout n'est que survoler, comme le dédoublement du jeune garçon, les motivations du tueur, etc. Paul Rabwin, un des plus fidèles producteur, pointait dans ce sens en reconnaissant que l'épisode brille par l'émotion portée par le personnage de Scully, mais que l'intégration des éléments mystiques posaient problèmes. Visiblement, le scénario a subi plusieurs réécriture jusqu'au moment fatidique du tournage. David Nutter dût redoubler d'efforts pour combler ces lacunes. L'équipe n'était pas satisfaite du résultat: Elle estima qu'il y avait encore trop d'incohérences, d'où une course contre la montre effrénée afin de parfaire le métrage via un montage intensif. Les créateurs étaient sûr qu'ils allaient échouer. Finalement, les retours en ligne furent extrêmement positifs.
En parlant de David Nutter, il faut savoir qu'il s'agit là de son ultime travail pour X-Files. L'artiste aura été d'une importance cruciale quant à la réussite de la série. Il a irrémédiablement aidé à façonner l'identité de la série. Les trois premières saisons portent indéniablement sa patte artistique. Il a même eu la tâche ingrate de réaliser quelques épisodes plutôt embarrassants. Il a pu rehausser ces opus moyens avec sa seule mise en scène. On repense notamment à Lazarus ou encore Shapes.
En définitif, Revelations est un épisode étonnamment attachant, malgré les incohérences et le flou de son scénario. Il vaut surtout pour la prestation de Gillian Anderson, mais également des acteurs invités.
12. WAR OF THE COPROPHAGES (La Guerre Des Coprophages)
Second scénario signé Darin Morgan pour cette troisième saison. Et on se retrouve de nouveau avec un épisode décalé qui s'amuse à déjouer les codes de la série. Son récit ici est infiniment ludique. Il n'est pas aussi tragique que son Clyde Bruckman's Final Repose, ni aussi mélancolique et attachant que Humbug. Cependant, War of Coprophages ressemble presque à une pause récréative pour les acteurs et producteurs de l'émission. Il s'agit d'un jeu de fausses pistes qui ramène Mulder à enquêter sur une série de morts, potentiellement liée à une invasion de cafards. Le récit nous montre à quel point nous pouvons nous noyer dans nos propres certitudes. L'intrigue commence avec un Mulder qui semble convaincu que les insectes sont effectivement coupables. Comme à l'accoutumée, Scully, qui se trouve chez elle pendant la majeure partie de l'épisode, énonce plusieurs théories sur les circonstances de chaque tragédie. Au final, c'est elle qui être dans le vrai, forçant son partenaire de reconnaitre ses torts. Parallèlement, les habitants de cette ville, Miller's Grove, répandent une panique générale à tort. Globalement, le personnage de Scully représente ici la logique et la raison: Elle raisonne Mulder, oui, mais lorsqu'elle arrive en ville, elle tente aussi de rassurer les habitants qui sont devenus totalement hystériques. Mais personne ne semble l'écouter, comme personne ne veut écouter la raison. L'histoire insiste sur une humanité qui cède volontiers plus facilement à ses pulsions de panique et d'excès, dès qu'elle ressent le danger. On l'a déjà vu, mais Darin Morgan aime Scully. Elle tient ici le beau rôle, même s'il s'agit tout de même d'un scénario axé sur Mulder. En effet, c'est lui qui passe à l'action durant tout le métrage. L'épisode aime se moquer du personnage, mais de manière très tendre, malgré tout. Il prend plaisir à le taquiner, comme ce passage où on voit l'agent rester pendant des heures dans sa voiture à contempler le ciel, comme pour souligner le fait qu'il n'a pas de vie privée, en dehors du FBI. Pire, on dirait même que son travail le poursuit, puisqu'il tombe sur des faits étranges malgré lui. Des événements qu'il essaiera très vite de convertir en X-Files. Le récit prend un malin plaisir à critiquer le côté paranoïaque de l'agent. Ici, le protagoniste se retrouve en face des habitants qui deviennent soudainement submergés par la terreur et la paranoïa. L'histoire relatée prouve plusieurs fois à quel point céder à ce genre de sentiment peut se révéler dangereux. Elle sous entend à quel point Mulder pourrait potentiellement se montrer dangereux, si ses traits si caractéristiques étaient poussées à leur extrême. War of The Coprophages place notre enquêteur dans une position inconfortable: Ici, il est bien obligé de réfréner ses ardeurs car, face aux autres habitants, il représente l'autorité. Il est décrit comme un agent du gouvernement qui en sait probablement plus que ce qu'il prétend. Il est déchu du rôle de la haute instance qui nie une quelconque conspiration. Mulder devient ici ce qu'il déteste le plus, à savoir une figure d'autorité.
Cependant, on critique Mulder, mais Scully a l'air d'apprécier parler durant des heures à son collègue, pendant ses congés. Elle dort même avec son téléphone, au cas où ce dernier l'appellerait. Elle est à tel point préoccupée qu'elle ne peut s'empêcher d'intervenir physiquement dans le dernier acte. War of The Coprophages tend à mettre en évidence à quel point ces deux personnages sont complémentaires. Ils se retrouvent toujours à la fin. Le script s'amuse également à jouer de la jalousie de Scully en introduisant l'entomologiste Bambi Berenbaum, pour qui Mulder tente de flirter de manière peu subtile. Les petites piques que Scully envoie d'abord à collègue, puis à Bambi, sont vraiment savoureuses. Gillian Anderson n'en fait pas trop, et c'est ce côté passif-agressif qui rend ses interventions mémorables. De quoi faire saliver les fans de la série qui adorent ces moments de tensions sexuels entre les deux héros.
War of The Coprophages regorge d'idées visuelles qui le hisse véritablement vers le haut, à l'instar de ce plan, filmé du pare brise de Mulder, dévoilant le ciel étoilé, avant qu'un insecte ne vienne se poser, accentuant ainsi l'immensité de la créature, ainsi que son aspect "extraterrestre". De même, ce plan qui semble être pris du trou d'un lavabo. Sans oublier ce passage où l'équipe de production, via les effets spéciaux, ont fait passer un cafard sur l'écran, pour provoquer de la peur aux spectateurs, et qu'il pourrait s'agir là d'un véritable insecte qui rampe sur leur propre téléviseur. Kim Manners réalise donc là un chouette travail, comme il l'avait déjà fait pour Humbug, le premier scénario de Darin Morgan.
L'épisode déjoue également les codes de la série, comme au sein de ce long monologue de l'exterminateur, dans l'introduction, qui se moque de la tendance qu'a la série d'adopter de longues proses philosophiques. Une des caractéristiques les plus flagrantes du style d'écriture de Chris Carter. Morgan en rajoute une couche, lors du final, lorsqu'on entend la voix off de Mulder, pendant que le personnage tape sur son clavier d'ordinateur, en train de philosopher, tout en mangeant un gâteau.
Le métrage est fameux pour avoir utiliser plusieurs centaines de cafards dressés sur les plateaux de tournage. Une anecdote rigolote réside dans la scène où les insectes investissent des toilettes, avant qu'un d'eux monte sur le rouleau de papier toilette, afin que Kim Manners puisse faire un gros plan de la bestiole. La prise dû être refaite plusieurs fois, car les créatures ne faisaient pas ce qui était attendu. A un moment, le réalisateur s'approcha du seau où se trouvait les cafards, et leur ordonna de jouer la scène comme préconiser. Et lors de la prise suivante, ils ont fait tout ce qui était prévu. Plus globalement, l'équipe était stupéfaite de voir le réalisateur donner des ordres aux cafards, pendant le tournage. D'après eux, ce fut un très grand moment. Un seul insecte est mort durant la conception de l'épisode, et c'était dû à sa vieillesse. A noter que le petit chien de Clyde Bruckman's Final Repose réapparait ici, et Scully a l'air de bien s'en occuper.
War of The Coprophages n'est pas le scénario le plus fort de Darin Morgan. C'est peut être même celui que j'apprécie le moins dans les quatre qu'il a écrit pour la série (si on excepte ceux conçus pour le revival). Cependant, il n'en demeure pas moins inventif et très drôle, en plus de donner tellement de belles scènes entre David Duchovny et Gillian Anderson. Un très chouette moment qui mérite d'être revu, afin de déceler toutes les subtilités, comme toujours avec les scripts de l'auteur.
13. SYZYGY (Ames Damnées)
Le problème de Syzygy est qu'il essaie d'être drôle, mais n'y parvient pas réellement. Le problème avec Syzygy est qu'il passe juste après War of The Coprophages et que ça joue clairement en sa défaveur. Le scénario ici est l'oeuvre de Chris Carter, et on a vraiment l'impression qu'il a essayé de s'éloigner de ce qu'il écrit habituellement, pour aller s'aventurer sur les terres de Darin Morgan. Le résultat est un épisode pas déplaisant du tout, mais qui génère parfois de la gêne. On dirait presque que les deux opus se répondent, étant donné que le script de Morgan tentait de singer les aspects typiques de l'écriture du showrunner. Les deux oeuvres se répondent en miroir. A ce propos, il est intéressant de noter que ces deux chapitres sont placés au milieu de la saison, comme si la structure de cette dernière était parfaitement symétrique.
Un des soucis de l'intrigue réside dans les monstres de la semaine que sont Margi et Terri. Leur caractérisation est stéréotypée et peu crédible. On dirait que leurs pouvoirs les ont rendu totalement sociopathe. C'est assez étrange. Darin Peter Oswald de DPO était un gamin instable et frustré qui rêvait de quelque chose de plus grand, mais qui se retrouvait prisonnier dans une petite ville. Dans Syzygy, il n'y a pas ce genre de considérations, même si on voit, à travers les yeux de leurs camarades, que les deux tueuses génèrent plutôt de la gêne. Hé ! Comme l'ensemble de l'épisode justement. Pour couronner le tout, les dialogues des deux jeunes adolescentes sont abominables. Carter n'est vraisemblablement pas très doué pour écrire sur des jeunes. Pour preuve, ce passage où les deux filles notent leurs homologues masculins ne constitue pas un moment des plus convaincants. Un soupçon de ringardise se dégage de toutes leurs scènes, et c'est vraiment dommage.
Ensuite, on est obligé de parler des traits d'humour qui parsèment le métrage: Ils tapent à côté, la plupart du temps, quand ils ne sont pas juste bizarres ou méchants. Par exemple, la manière dont s'adresse l'astrologue à Mulder est juste étrange et ne provoque jamais de sourire. En tout cas, je n'ai pas l'impression. A toi de me dire si ça a été ton cas. Idem lorsqu'on découvre que le docteur apprécie mettre du rouge à lèvre. C'est censé être rigolo, mais c'est présenté de manière inadaptée. Ensuite, il y a aussi une des approches de l'intrigue qui, à cause de l'alignement particulière des planètes, Mulder et Scully se comportent étrangement: notamment en se montrant hostile l'un envers l'autre. L'effet escompté n'est probablement pas le rire, même si on peut s'amuser d'une ou deux piques qu'ils se lancent, comme lorsque Scully demande pourquoi est-ce que c'est lui qui veut toujours conduire. Apparemment, cette remarque provient des fans qui se posaient justement cette question, notamment dans la première saison. Il y a juste ce moment amusant où, lorsque Scully annonce qu'elle retourne à Washington, Mulder se laisse tomber sur le mur, comme médusé, offrant là un petit instant rigolo à Duchovny. Mais ces pépites sont tellement rares dans le métrage qu'on peine à s'en satisfaire pleinement. Très sincèrement, il est difficile de s'enthousiasmer. Encore une fois, l'ombre de War of Coprophages plane au-dessus, puisque ce dernier a déjà confronter la jalousie de Dana, mais de manière plus subtile et rigolote. Cependant, la mise à mort d'un élève, écrasé derrières les gradins mécaniques d'un gymnase, est véritablement marquante. Effectivement, je repense très souvent à cet épisode, lorsque je rentre dans certaines salles de sport. Globalement, une importante frange de la communauté de fans ont détesté cet épisode. Ces derniers n'ont pas spécialement apprécié la relation entre Mulder et Scully dans l'intrigue. Chris Carter lui même a été déçu de la réception de son oeuvre. Il avait l'impression que les critiques n'avaient pas compris l'aspect satirique du film. Cela dit, des fans se sont tout de même amusés à imprimer des tee-shirts avec une fameuse réplique que sort Scully plusieurs fois dans l'histoire: "Sûr. Bien ! Peut importe !"
Malgré la douche froide, l'humour de Carter resplendira dans des tentatives ultérieures, à l'instar de The Post Modern Prometheus et Triangle.
Dans les points positifs, il y a Ryan Reynolds qui apparaît dans le pré-générique. J'ai dû mettre des années à comprendre que c'était lui d'ailleurs.
Pour être tout à fait honnête, Syzygy a considérablement baissé dans mon estime au fil des années. En effet, les premières fois que je l'avais vu, j'avais plutôt été ravi, sans avoir trouvé l'épisode renversant, surtout après tant de perles que la saison venait de nous proposer. Mais au final, en vieillissant, force est de constater qu'il a peu de qualités. Néanmoins, je ne peux m'empêcher d'avoir une certaine sympathie mal placée pour cet exercice bancal.
14. GROTESQUE (Le Visage de L'Horreur)
Grotesque revient avec une donnée qu'on avait tendance à presque oublier: Les exceptionnelles compétences de profiler de Fox Mulder, telles qu'ont soulignée la première saison, avec des chapitres comme Young At Heart. Sauf que, à contrario de ce dernier, le script d'Howard Gordon est fabuleux ici. L'écrivain nous prouve une nouvelle fois qu'il sait parfaitement structurer un épisode d'X-Files. Il n'y a absolument aucun temps mort, alors pourtant qu'il s'agit principalement d'un métrage purement atmosphérique. Cependant, Chris Carter aida l'artiste à finaliser son script, afin d'y injecter une dimension nettement plus psychologique à l'ensemble. Comme il s'agit d'une histoire centrée sur Mulder, Gordon semble être évidemment un choix judicieux. Et effectivement, Grotesque compte parmi les oeuvres les plus fortes de la troisième saison. Notre profiler tente vraiment de comprendre la folie en entrant dans la psyché du tueur. De ce fait, il se comporte de façon de plus en plus inquiétante. Même Scully et Skinner ne sont pas rassurés. L'épisode revient aux fondamentaux de la première saison en intégrant une figure issue du passé du duo: Ici en la personne de Bill Patterson, le mentor de Mulder. Hé oui ! Il y a bien longtemps que la série avait semble-t-il tirée un trait sur cette mécanique narrative bien trop usité, et pas que dans X-Files. Sauf qu'ici, l'intégration de Patterson se révèle pertinente. Déjà, l'acteur Kurtwood Smith (impitoyable Clarice dans Robocop) est réellement impressionnant et même intimidant. Ensuite parce qu'il apparaît comme un personnage à part entière. Il ne pope pas artificiellement pour être tué au milieu de l'épisode comme ont pu le faire Ghost in The Machine avec Jerry Lamana, ou encore Young At Heart avec Reggie Purdue. Patterson est un élément constitutif de l'intrigue: Ses relations ambiguës avec Mulder donnent du corps à l'ensemble. De surcroit, sa personnalité est plus étoffée que les personnages suscités. On le voit médisant, hautain, mais il a l'air également de douter. Et puis, au point culminant, lorsqu'il se révèle être le tueur, il semble totalement perdu.
Grotesque effectue également un excellent travail sur Mulder, comme mentionné plus haut. On le sent vraiment perdre la raison dans la seconde partie, notamment au travers de plusieurs scènes sans dialogue, où notre ex-profiler se met à toucher les statues en argile monstrueuses de Jonathan Mostow. Sentiment renforcé lorsque Scully entre dans l'appartement de son partenaire, et qu'elle découvre tous les dessins de gargouilles affichés sur ses murs. Mulder flirte véritablement avec les abimes de la folie. Bien entendu, on se doute que l'un des deux héros d'une aussi populaire série télévisée ne va pas devenir un nouveau tueur en série, mais le travail sur la psychologie du protagoniste fonctionne tout de même. En outre, on ne peut s'empêcher de se montrer empathique envers Scully qui s'inquiète vraiment pour la santé mentale de son collègue. L'intrigue évite d'expliciter si des phénomènes paranormaux sont à l'oeuvre ici ou pas. L'histoire traite de possession démoniaque, mais aucune preuve n'atteste réellement si c'est le cas. Néanmoins, et contrairement à Irresistible par exemple, il subsiste un doute tout le long de l'épisode. Est-ce vraiment l'esprit d'un démon qui est à l'oeuvre dans le récit ? Ou est-ce seulement des hommes qui sombrent dans la folie. A ce titre, le whodunnit ici fonctionne admirablement bien aussi: Le spectateur (moi y compris à l'époque) pense que le responsable des crimes, depuis l'arrestation de Mostow, est Nemhouser, l'équipier de Patterson. En effet, le teaser révèle que l'homme se fait mordre par Mostow, suggérant l'idée que si c'est un mal contagieux qui est à l'oeuvre ici, c'est probablement lui le futur tueur. Hé bien non, l'épisode subvertit nos attentes. Cependant, l'histoire n'insiste jamais lourdement sur cet aspect scénaristique. Savoir qui a repris les meurtres est important, mais ne constitue pas la pierre angulaire du scénario. Ce n'est pas ça qui est le plus intéressant. Un autre détail remarquable est que Mulder sait garder la tête froide, même dans un tel labyrinthe mental qui peut rendre fou. Une folie qui fait même succomber un homme aussi expérimenté que Patterson. Pourtant, on sent que notre héros aurait pu vaciller au terme de l'intrigue. Sa confrontation tendue avec John Mostow, dans sa cellule, va dans ce sens. C'est un morceau de télévision extrêmement sombre et tortueux. Probablement un des épisodes les plus noirs que la série nous ait proposé jusqu'ici.
Grotesque continue d'éloigner Mulder et Scully, en isolant ce dernier: L'homme enquête majoritairement seul ici, puis se renferme de plus en plus, laissant sa coéquipière sur le carreau et démunie. Cet éloignement est un thème qui cimente la saison 3: En fait, depuis que la femme a tiré sur son partenaire, dans Anasazi, la série démontre plusieurs fois que les deux agents aimeraient se retrouver, mais que divers événements l'en empêchent. Leur séparation d'abord géographique dans Nisei, 731 et War of The Coprophages souligne cela. Puis leur profondes divergences au sein de Revelations, mais aussi leurs disputes dans Syzygy enfoncent le clou.
Grotesque a d'autres atouts de poids: La partition musicale de Mark Snow est magnifique, mais également la photographie de John Bartley qui est très certainement un de ses meilleurs travaux jusque là. L'oeuvre semble littéralement plongé dans les ténèbres, avec ses décors continuellement dépourvus de lumière, durcissant le ton général. La mise en scène de Kim Manners contribue bien entendu à rehausser l'ensemble. Le réalisateur a tellement été fier du résultat qu'il est devenu son épisode préféré. Pour se mettre dans l'ambiance, l'homme écouta en boucle l'OST de L'Echelle de Jacob, cet excellent film très malaisant (l'une des plus évidentes sources d'inspiration de Silent Hill).
Grotesque est un métrage méticuleux et brillant visuellement. Assurément un des épisodes les plus magnifiques à ce niveau là. Il n'y quasiment rien à jeter dedans, mis à part, peut être, l'ultime monologue de Mulder, à la toute fin. Avoir juste Patterson qui crie dans sa prison, puis un plan sur le dessin de la gargouille aurait été plus pertinent selon moi. Mais je pinaille vraiment. Même si Chris Carter a depuis des mois envie de concevoir une nouvelle série, c'est Grotesque qui va lui façonner le ton général. C'est ainsi que Millenium naitra quelques mois plus tard.
15. PIPER MARU (L'Epave Partie 1)
Nouvelle histoire mythologique en deux partie. Piper Maru est remarquable pour avoir intégrer l'huile noire, une substance alien qui deviendra incontournable dans le grand fil rouge scénaristique. Un ajout qui vient densifier la mythologie globale. L'huile noire est devenue populaire très vite. Il faut dire qu'il s'agit là d'une création vraiment originale. Personnellement, j'avais adoré le principe: une espèce de pétrole intelligent qui se déplace tout seul et peut s'introduire dans le corps de ses victimes, afin d'en prendre le contrôle. Les parallèles avec les films de Body Snatcher sont évidents: Cette donnée rajoute une surcouche de paranoïa à une série qui n'en manquait déjà pas. En effet, ce diptyque peut se permettre de rendre suspecte toute personne ayant été en contact avec cette créature. Les propriétés de l'huile noire muteront au fil des saisons, comme nous le verrons au moment opportun. A l'instar de Colony et End Game (diffusés à peu près à la même époque en saison 2), la mythologie s'étoffe de cet élément paranormal qui continue d'assumer pleinement son aspect science fiction, et même horrifique.
Ces deux nouvelles itérations reviennent sur le passé des Etats-Unis, à l'instar du mytharc relaté dans cette saison 3, et toujours précisément sur la seconde guerre mondiale. Seulement ici, on s'intéresse davantage à une histoire de bombe atomique qui aurait raté sa cible, et qui se serait perdue dans l'océan. Fait amusant aussi: les français contrecarrent les plans du syndicat. Nous aussi, on a notre propre plan dans toutes ces histoires de complot. Piper Maru continue donc de détailler ce qui avait déjà été révélé dans Nisei: La conspiration semble indéniablement désordonnée, en plus de devoir régler des conflits internes. Elle n'est pas la machine bien rôdée comme on aurait pu le croire, dans les deux premières saisons. Dans Nisei, Ishimaru voulait dérober les recherches qu'il avait effectuées pour le gouvernement américains, afin de les partager avec les japonais. Ici, ce sont les français qui exercent des opérations de renseignements secrètes sur les US et la Chine.
L'épisode se trouve être dans la parfaite continuité de Nisei, puisque nous retrouvons l'OVNI qui apparaissait dans ce dernier. Mais il apporte des éléments de réponses à la trilogie Anasazi en faisant revenir Alex Krycek et la cassette numérique qu'il avait volé à l'Homme à La Cigarette. C'est toujours un immense plaisir de revoir ce personnage de renegade. Il s'en prend littéralement plein la tronche dans ce double segments, notamment par Mulder qui le tabasse dès qu'il arrive à mettre la main sur lui. A ce titre, l'équipe créatrice a volontairement omis de placer le nom de "Nicholas Lea" dans les crédits du début, afin de ne pas éventer la surprise du retour de l'antagoniste. A l'époque, j'étais fan de Krycek, malgré qu'il soit un immonde salopard, mais le charisme naturelle de l'acteur y est pour beaucoup. Et ses interactions avec Mulder sont toujours un délice. Je n'ai jamais été jusqu'à imaginer une romance entre les deux, mais je reconnais que je fantasmais sur un rapprochement amical, comme si j'espérais parfois qu'ils fassent la paix. Bien entendu, étant donné que l'ancien homme de main du Smoking Man avait tué Bill Mulder, un tel rapprochement n'aurait vraisemblablement pas pu aboutir.
Même si les motivations de Krycek sont toujours un peu floues, le personnage est intéressant car il agit comme une sorte d'électron libre au sein cet univers. Un mercenaire qui semble un parfait contrepoids à notre enquêteur. On peut voir l'antagoniste comme un pendant négatif de notre héros. La réaction épidermique que provoque la réapparition soudaine du bad guy sur ce dernier reste fascinante : L'enquêteur a un accès de violence lorsqu'il se retrouve devant lui. Mulder a déjà connu des moments violents, mais c'est un personnage plutôt doux, même si il est émotionnellement instable. Il n'a pas le sang chaud et n'a pas l'âme d'un bagarreur. C'est pourquoi son comportement à la fin de Piper Maru détonne. L'épisode met en évidence que la quête de vérité des deux agents a déteint sur leur vie, en apportant son lot de souffrances. Mulder a vu son père mourir, avant de lui même périr et renaitre. Ici, il a soif de vengeance et semble prêt à venger son paternel mais, paradoxalement, l'homme à besoin de Krycek pour le mener là où il veut, en plus de posséder des informations cruciales.
Parallèlement, Scully a connu un chemin similaire: elle s'est faite enlever et limite laisser pour morte, avant de renaitre. Puis, elle a perdu sa soeur. Piper Maru réutilise la structure narrative qui consiste à séparer nos deux héros, afin qu'ils puissent continuer leur voyage personnel. Les deux personnages se sont retrouvés dans un wagon similaire au terme de 731, mais leur regard sur des expériences similaires demeure unique. Ce diptyque continue l'effet miroir entre les deux agents, puisque Mulder se confronte à Krycek dans Piper Maru, tandis que Scully se retrouve en face de Luis Cardinal dans Apocrypha. Ils ont grosso modo rencontré les deux assassins de Melissa.
Skinner joue un rôle important dans l'épisode. C'est lui qui refuse de clore le dossier de la soeur de Scully. Il ira jusqu'à se faire tirer dessus par Luis Cardinal dans un restaurant. Le personnage de Mitch Pileggi a indiscutablement évolué depuis sa première apparition dans Tooms. Même s'il se comporte toujours comme un supérieur bureaucrate, assis froidement derrière son bureau, les moments où il prend part à l'action témoignent d'une évolution certaine. Dans l'épisode, il souhaite juste que justice soit rendu pour le meurtre de Melissa Scully, en punissant le coupable. Le supérieur de nos deux agents reste droit dans ses bottes, en adoptant un pragmatisme et un idéalisme à toute épreuve. Il essaie vraiment de bien faire son travail et d'oeuvrer pour le bien commun.
Piper Maru et Apocrypha ont été élaboré à partir de deux visions que Chris Carter souhaitait intégrer à la série: La première était l'image d'un homme coincé dans un cockpit d'un avion échoué de la seconde guerre mondial, qui tapait sur la vitre. La seconde était un flashback sur un sous marin, pendant cette même guerre. Frank Spotnitz a eu la lourde tâche de devoir relier ces deux images au sein de la même intrigue. L'écrivain a ensuite été interpellé par un fan qui se demandait ce qu'il adviendra de l'histoire du meurtre de Melissa. Il se dit qu'il était temps de revenir sur les conséquences qu'a eu cet événement sur Scully, mais aussi tenter de clore ce chapitre en quelque sorte. Pour l'anecdote, l'huile noire a été élaboré avec un mélange d'huile de moteur et de vinaigre balsamique. John Shiban adore la séquence dans laquelle Krycek rigole lorsqu'il voit Mme Gauthier aller dans les toilettes pour hommes, juste avant qu'il se fasse contaminer par l'huile noire. Et je le comprends: c'est une scène drôle. Nicholas Lea est formidable dedans: il lâche un petit rire, puis se fait coller la tête contre le mur par la femme de Gauthier. L'enchaînement est étonnamment drôle. Plus que ne sera jamais Syzygy, alors que la scène est incluse dans un double épisode mythologique éprouvant. A ce propos, Rob Bowman, réalisateur du métrage, a adoré tourner la fin, lorsque Krycek fonce droit vers la caméra, avec ses yeux noircis, concluant ainsi l'intrigue. De l'aveu de l'homme, il s'agissait même d'une de ses séquences préférées de toute la série. Mat Beck, directeur des effets spéciaux, était particulièrement fier de l'effet noirci des yeux lorsque quelqu'un est contaminé par l'huile noire. Il a apprécié le résultat effrayant de cet effet. Et il a raison. J'adore lorsque l'huile passe devant les yeux. C'est vraiment un des effets spéciaux que j'ai le plus apprécié dans X-Files. Gillian Anderson a été nominé pour sa prestation dans ce segment. L'actrice reconnut que l'épisode a été émotionnellement difficile à tourner. En effet, elle devait viser juste dans sa performance en jonglant avec son chagrin d'avoir perdu sa soeur, mêlée à des moments de nostalgie, lorsqu'elle se rend dans ces habitations militaires qui lui rappellent ses souvenirs d'enfance. Il est vrai que les talents de l'actrice sont bluffants, et elle l'a déjà prouvé depuis Beyond The Sea, au milieu de saison 1. Je pense même qu'elle est une meilleure actrice que David Duchovny, que j'adore pourtant. De
Fait amusant: Piper Maru est un petit clin d'oeil justement à la fille d'Anderson, née en début de saison 2.
Cette première partie est fabuleuse. La mythologie revient sur d'anciens éléments scénaristiques issus des autres opus, mais se permet d'en rajouter d'autres, dont la fameuse huile noire qui deviendra une pierre angulaire de toute la série.
16. APOCRYPHA (L'épave Partie 2)
Anecdote personnelle: Lors de la première diffusion, j'avais failli louper ce double épisode. En effet, je trainais avec des copines de ma soeur et je leur avais demandé de rentrer avant 20h50 pour pouvoir regarder X-Files. Elles savaient à quel point c'était important, mais je ne pouvais pas rentrer moi même car je n'avais pas de voiture. Normal, je devais avoir 14 ans. J'étais donc tributaire de l'amie qui avait une voiture. Lorsqu'elles me ramenèrent, je n'arrêtais pas de guetter l'heure. J'avais tellement peur de les louper, car Piper Maru et Apocrypha étaient probablement deux des épisodes que j'attendais le plus. Heureusement, on est arrivé PILE à temps pour que je puisse enfoncer une VHS dans mon magnétoscope, afin de lancer l'enregistrement de l'épisode...
Apocrypha "conclut" donc l'intrigue laissée en suspens par Piper Maru, mais ce second segment élargit le casting secondaire en introduisant de nouveau l'Homme à La Cigarette, L'Homme Bien Manucuré, Le Premier Doyen, ainsi que les autres membres du syndicat. En outre, il y a également plusieurs scènes avec les Lone Gunmen. Nous avons même un bref aperçu du Smoking Man jeune, lors d'une scène de flashback, à l'époque où cette version rajeunie du personnage n'était pas encore joué par Chris Owens. L'introduction nous présente surtout le flashback que Carter avait en tête. Une séquence admirablement mis en scène par un Kim Manners qui réalise là son premier travail sur un mytharc. Le metteur en scène déclara qu'il était très différent de travailler sur un loner, qui accorde une plus grande marge de manoeuvre, que sur un opus mythologique qui doit surtout se montrer le plus efficace, et le plus limpide possible. Il est vrai que ces épisodes sont souvent les plus denses: Le spectateur est souvent bombardé d'informations en un laps de temps réduit, obligeant le réalisateur à effectuer un travail minutieux pour ne pas embrouiller l'esprit du public. En outre, les segments du mytharc ont un rythme nettement plus soutenu que les loners. Effectivement, ces derniers peuvent se permettre d'être plus atmosphériques, mis à part quelques exceptions, bien sûr. Des oeuvres comme Ascension, Nisei ou encore Paper Clip tendent plus vers le film d'action que l'horreur pure. Il est donc facile d'imaginer que l'approche pour concevoir un mytharc diffère totalement. Manners ajouta que concevoir ce type de segment donne l'impression de devoir prendre le train en marche: de filmer une histoire qui a déjà été entamé par d'autres artistes. Puis conclure l'épisode en ayant à l'esprit que la fin restera ouverte, et que l'intrigue ira plus loin, par la suite. Les perspectives de réalisation sont donc totalement différentes.
Apocrypha est un morceau mythique qui ne révèle pas beaucoup de choses, à l'instar de 731 finalement, mais ce n'est pas grave. En définitif, ce double épisode nous a surtout introduit l'huile noire, mais ne dévoile pas de nouveaux éléments concrets après la trilogie Anasazi. En revanche, il fait évoluer les pions de son échiquier: Par exemple, Krycek perd la cassette numérique et se retrouve vite coincé dans le Dakota du Nord, en parallèle du syndicat qui tente de mettre la main sur lui. Luis Cardinal se fait arrêter, puis tuer au terme de l'intrigue. Pendant ce temps, Skinner se remet de ses blessures.
L'homme à la Cigarette se fait réprimander par les autres membres du consortium à qui il ment pour protéger ses fesses. C'est un épisode très plaisant à visionner.
Même si j'adore l'huile noire, à l'instar d'énormément de fans, cette "créature" incarne emblématiquement la complexité de l'arc mythologique. Le fil rouge s'est déjà considérablement agrandit depuis la saison 2, mais Piper Maru et Apocrypha rajoute de... l'huile noire sur le feu (ha ha). Disons que le mytharc va devenir de plus en plus alambiqué au fil des deux prochaines saisons encore, jusqu'au film. Heureusement que la saison 7, mais surtout la 6, va devoir conclure, avec plus ou moins de succès, les fils narratifs les plus emblématiques de la série. Heureusement, et contrairement à ce que pensent les détracteurs, je trouve que Chris Carter a réussi à parfaitement relier les différents composants de cette immense histoire, notamment dans le fabuleux Two Fathers et One Son (saison 6), un impressionnant double épisodes qui lèvera le voile sur toute cette conspiration. Un diptyque si ambitieux que la suite de la mythologie en pâtira. Mais c'est une histoire que je raconterai plus tard, lorsque j'aborderai la série post-saison 6...
Lorsque je repense à Apocrypha, il y a bien entendu certaines séquences mémorables qui me reviennent en tête, mais, curieusement, celle qui vient naturellement à l'esprit est ce dialogue entre Mulder et L'Homme Bien Manucuré, à Central Park. Leurs interactions sont juste géniales. L'épisode nous démontre que cet homme du syndicat peut obtenir beaucoup avec un simple sourire et en attirant la sympathie, plutôt que de se montrer vindicatif en pointant une arme. Durant la scène, il arrive subtilement à obtenir bon nombres d'informations de la part de Mulder, alors que lui ne dévoile pas grand chose à son interlocuteur. D'ailleurs, il faut à notre agent quelques minutes pour s'en compte. John Neville est un talentueux acteur qui campe merveilleusement bien l'Homme Bien Manucuré, probablement le membre le plus sympathique du consortium. A son actif, il a de nombreuses interactions avec Mulder et Scully sans haussement de ton. Néanmoins, on a réellement l'impression qu'il apprécie sincèrement discuter avec les deux agents. Et lorsqu'on repense à The Blessing Way et Paper Clip, on se rend compte que l'homme se sent tellement à l'aise qu'il leur divulgue beaucoup d'informations. Par moment, on a presque du mal à le considérer comme un antagoniste. Sa franchise en est déstabilisante.
Tout le dernier acte est impressionnant: lorsque les deux héros se rendent dans un silo dans le Dakota du Nord pour retrouver les traces de l'OVNI. Le décor est super chouette, mais surtout, on y retrouve Krycek qui "vomit" l'huile noire de ses orbites, au dessus du vaisseau. La scène est spectaculaire et un peu dégueulasse. Nicholas Lea n'a pas du tout apprécier tourner cette scène. Il a dû se faire poser une prothèse faciale, ce qui a pris des heures. L'acteur aurait pu demander une doublure, mais il insista pour tourner ce passage, sous estimant tout le travail qu'il allait subir. Pire ! Il dût retourner sur les plateaux car les premières prises étaient trop sombres, et on ne voyait pas assez les effets spéciaux. Lors d'une convention, l'acteur aborda cette scène en déclarant qu'il fallait toujours s'amuser, même lorsqu'on vomit des trucs par les yeux. Toby Lindala, le maquilleur de la série, fut ravi de la collaboration avec l'acteur. En outre, il ajouta que ces effets spéciaux marquaient un nouvel aboutissement de la série en terme de production. Il met également en avant la scène d'introduction avec le pétrole qui s'écoule des yeux et de la bouche du cadavre du capitaine du sous marin.
Apocrypha contient même une adorable scène où l'on voit les Lone Gunmen faire du patin à glace pour parfaire une mission avec Mulder: Dean Haglund (Langly) et Tom Braidwood (Frohike) n'étaient absolument pas à l'aise sur la glace. Ce dernier s'était même entraîné plusieurs fois, avant la fameuse séquence. En revanche, Bruce Harwood (Byers) avait déjà fait du patin, durant de nombreuses années, d'où le fait qu'il est celui qui semble le plus à l'aise sur le terrain.
Apocrypha referme donc admirablement bien ce nouveau chapitre mythologique. Le double épisode n'en révèle pas tant que ça, mais contient suffisamment de scènes chocs et mémorables pour qu'on en soit pleinement satisfait.
17. PUSHER (Autosuggestion)
Pusher constitue probablement un des épisodes les plus mémorables de toute la série. Le Pusher en lui même rejoint les rangs des monstres de la semaine les plus emblématiques, aux côtés de Tooms, Donnie Pfaster ou encore Flukeman.
Il y a de nombreuses réussites que l'on va tenter de résumer plus ou moins succinctement. Tout d'abord, l'écriture se montre impeccable. Il s'agit du second scénario de Vince Gilligan, après son travail sur Soft Light qu'il avait effectué en freelance, à la fin de l'année dernière. L'artiste rejoint donc officiellement l'équipe de production, depuis cette nouvelle saison. Cependant, il ne plancha réellement que sur cet épisode, puisque, entre temps, l'homme a contracté une mononucléose infectieuse qui l'empêcha de travailler, pendant longtemps. De quoi raviver l'anxiété de Gilligan étant donné qu'il a mis du temps avant de donner sa réponse à Chris Carter pour obtenir ce poste. Lors d'une interview, il avait déclaré que X-Files chouchoutait ses scénaristes, mais que le travail était incroyablement épuisant. Pour preuve, pas mal de scénaristes n'ont pas pu tenir la cadence et sont partis. Et il a raison: Combien d'écrivains ont conçu un ou deux scripts avant de prendre le large. La salle d'écriture de la série était réputée comme étant l'une des meilleures de la télévision, mais elle était incontestablement difficile. Même Darin Morgan ne supporta pas ce rythme de travail, et quitta l'équipe après cette année. Pourtant, Vince Gilligan a eu raison d'accepter, car il allait devenir une figure incontournable du programme. Sa patte artistique a indéniablement laissé une empreinte sur le show. L'auteur possédait une voix singulière, à l'instar de Glen Morgan, James Wong, Howard Gordon, Darin Morgan, John Shiban, Frank Spotnitz et même Chris Carter. Toutes ces personnalités très différentes ont indubitablement insuffler les multiples facettes de X-Files, chacun créant leur propre mini feuilleton dans le feuilleton. Il y a sûrement moyen de rattacher les scénarios de Howard Gordon entre eux, afin de déceler de nombreuses similitudes de tons, de rythmique ou encore de thématiques spécifiques. Chris Carter était un showrunner qui allouait une incroyable liberté à ses écrivains. Il leur accordait une telle confiance, bien plus que d'autres showrunners visiblement. En résulte cette multitude d'approches pour la série. Concrètement, cette méthode de travail s'est révélée payante, puisqu'elle a efficacement permis de faire perdurer la série.
Carter avait la réputation de pousser ses scénaristes à s'investir au delà de la simple conception de scénarios: En effet, les auteurs participaient au casting des acteurs, et étaient invités à se rendre sur les lieux de tournage de leurs propres épisodes. Cette façon de procéder a immanquablement été formateur pour des talents comme Vince Gilligan, Howard Gordon ou encore Frank Spotnitz, étant donné qu'ils ont tous créé leur propres séries à succès, par la suite. Des figures qui ont façonné la télévision d'aujourd'hui. Il est assez zinzin de constater l'héritage que la série a légué.
Gilligan s'est donné du mal pour accoucher de Pusher. Lorsqu'il a rendu sa copie à Carter, il a déclaré: "C'est le meilleur travail que je ferai pour toi." Et il est vrai que l'histoire est particulièrement réussie. D'après la légende, l'auteur avait déjà imaginé une esquisse pour un film, mais que ça ne s'était jamais concrétisé. Il intégra ce concept d'un homme pouvait plier quiconque à sa volonté dans un épisode d'X-Files. Plus généralement, l'écrivain a souvent tendance à orienter ses scénario comme de véritables films modèle réduit. Par exemple, son travail sur Drive (saison 6) ressemble vraiment à un long métrage qu'on aurait écourté. Pusher raconte l'histoire d'un pauvre type, Rober Modell, qui se voit doté d'un pouvoir hors du commun. Comme nous venons de le décrire, il est capable, avec sa voix, d'obliger les gens à faire ce qu'il désire. Malheureusement, un tel don est possible à cause d'une tumeur cérébrale. La principale motivation de Modell se résume donc à emporter avec lui un maximum de vies, en plus de vouloir se mesurer à un adversaire redoutable. On pourrait presque dresser un parallèle entre Pusher et Breaking Bad: Modell est un homme normal avec une intelligence certaine qui apprend un jour qu'il a un cancer. Confronté à sa propre mortalité, le personnage entreprend de devenir plus important. Il y a donc des similitudes entre Robert Modell et Walter White, l'antihéros de Breaking Bad. Il y a déjà ici des indices qui prouvent que l'écrivain affectionne les personnages "petits" qui se rêveraient d'être des grands. C'est exactement en ces termes que se terminent l'épisode, lorsque Mulder paraphrase ce que dit Scully précédemment.
Certaines obsessions de l'auteur se retrouve déjà dans cette oeuvre: En effet, le métrage insiste régulièrement sur l'importance des couleurs: Tout d'abord avec l'affinité de Modell avec le bleu, à l'instar de la future série de Gilligan qui se complaira à multiplier les références aux couleurs.
Pusher est un chouette récit du chat et la souris, l'idée motrice qui motiva Gilligan.
Il y a une jubilation certaine de voir Mulder se confronter au petit jeu pervers de ce tueur. Le climax est à ce titre tellement emblématique: lorsque notre héros joue à une partie de roulette russe contre Modell. Une scène d'une tension ahurissante, comme si le temps se suspendait, pendant quelques minutes. Scully tente de raisonner son collègue, mais en vain. Cependant, on entrevoit sur le visage de ce dernier qu'il tente de lutter contre le pouvoir de suggestion de son adversaire. La séquence est également stupéfiante, car elle revient très brièvement sur un événement antérieur, lorsque le sociopathe ordonne à Mulder de tirer sur sa partenaire. En effet, pour l'inciter à tirer, Modell s'exclame: "Je sais qu'elle vous a déjà tiré dessus !" Bien sûr, l'homme fait référence à Anasazi, lorsque Scully tire volontairement sur son coéquipier, afin de le protéger. Cette séquence de Pusher est brillante car elle réanime l'éloignement qu'entretiennent les deux agents, comme je l'ai mentionné bien plus haut. Néanmoins, il semble que l'épisode les a de nouveau rassembler, lorsque les deux héros se prennent la main. Mention spéciale pour ce gros plan sur Scully qui laisse couler une larme sur son visage, lorsque Mulder pointe l'arme sur elle. Encore un moment qui prouve les indéniables talents d'actrice d'Anderson. Elle vole presque la vedette ici, alors qu'il s'agît préférentiellement d'un Mulder centric. Mais Duchovny se montre tout de même excellent, lorsqu'on le voit transpirer, la lèvre tremblotante.
L'équipe créatrice ont dû se battre pour imposer la scène. La FOX se montra hostile à la diffuser, stipulant que jamais une série n'avait proposé une telle séquence. De surcroit, le comité de censure avait peur que la scène ait une influence néfaste dans l'esprit des enfants. Dans le même ordre d'idée, il est vrai que les chaînes ont visiblement été inquiète, lors de la diffusion télé de Voyage Au Bout de L'Enfer. Heureusement, l'équipe a eu gain de cause et ont pu intégrer l'intégralité de cette confrontation finale. L'épisode aurait eu une réception totalement différente si cette fin manquait à l'appel. Elle est tellement essentielle. On suppose que c'est vraisemblablement grâce aux talents des trois acteurs de cette séquence que la FOX céda finalement aux exigences de l'équipe de la série.
L'excellence de l'ensemble est également à mettre au crédit de Rob Bowman, comme toujours. Il y a beaucoup trop de moments très stylisés dans cet opus, notamment ce passage où l'on ne distingue d'abord que la bouche de Modell, lorsqu'il s'adresse à un agent du FBI. Le reste de sa tête est caché dans l'ombre. Un passage assez macabre et terrifiant d'ailleurs, puisque le tueur pousse Collins, sa victime, à s'asperger ensuite d'essence, avant de s'immoler avec un briquet. Avant de se tuer, l'homme implore qu'on lui vienne en aide. A ce propos, c'est, entre autres, avec cette scène que j'ai compris que M6 censurait des morceaux d'épisode. Lorsque j'ai redécouvert la série en DVD, j'ai pu constater que la chaîne raccourcissait, voir carrément censurait, les morts qu'elle estimait trop violentes et/ou trop graphiques. Ici, on distingue véritablement le corps de Collins brûlé. A l'époque, à la télé, je suis persuadé que ce n'était pas le cas. Pourtant, j'ai vu les épisodes trop de fois pour douter.
La séquence où Modell tue l'agent Frank Burst en provoquant une crise cardiaque au téléphone constitue également un autre grand moment de tension. On sent vraiment que le tueur prend un malin plaisir à abattre le pauvre homme, par la force de ses mots.
Robert Wisden incarne parfaitement bien Rober Modell, à tel point qu'il est impossible d'envisager quelqu'un d'autres. L'acteur le joue tantôt désinvolte et décontractée, tantôt froid et calculateur. On peut parfaitement imaginer ce type se montrer très sympathique, dans la vie de tous les jours. A première vue, il n'a pas l'air louche ou ne provoque pas de méfiance. C'est juste un type ordinaire. Tellement ordinaire que le teaser nous le présente en train de faire ses courses au supermarché. Lors de ce pré-générique, impossible de passer sous silence ce petite caméo d'un dessin de Flukeman qui apparaît sur la couverture d'un magazine.
Mitch Pileggi fut la personne la moins ravie de l'épisode. En effet, le malchanceux Skinner se fait tabasser par une de ses subordonnées, poussée bien entendu par Modell. Précédemment, le supérieur du FBI commença l'année en se faisant agresser dans les escaliers, dans Paper Clip. Puis, il s'est fait tirer dessus dans Piper Maru. Vraiment, la saison 3 se montre impitoyable avec le pauvre homme.
En définitif, Pusher représente un sommet dans la vie de la série. Incontestablement une grande réussite qui propulse Vince Gilligan dans la cour des grands.
18. TESO DOS BICHOS (Malédiction)
Kim Manners confectionna des tee-shirts avec écrit "Survivant de Teso Dos Bichos" à toute les personnes ayant participé à l'élaboration du métrage. Il y a plusieurs raisons à cela: Déjà, l'homme a eu un très mauvais souvenir du tournage. En effet, il y eu d'innombrables problèmes durant la production, à tel point que le réalisateur encore surnomma cet épisode "Teso Dos Bitches", symbole d'un tournage catastrophique. Le script a été réécrit une multitude de fois. Le mauvais temps a également joué contre la production. Certaines personnes du staff n'étaient pas du tout convaincues par cette histoire d'urne maudite qui, pour se venger et tuer, réveille tour à tour un jaguar de l'enfer, des rats puis... des chats. Le scénario a beau être l'oeuvre de John Shiban, c'est Chris Carter qui suggéra qu'il serait intéressant de transformer des animaux domestiques en tueurs sanguinaires. D'où tout l'acte 4 qui voit Mulder et Scully affronter des centaines de chats prêts à leurs sauter dessus, dans des tunnels. Manners supplia Carter de rester cantonner à cette histoire de jaguar et ne pas faire intervenir des chats. L'homme estima qu'ils ne font pas peur du tout. Pour ne pas arranger les choses, lors de la séquence, la réalisateur a dû faire face à l'obstination des chats qui refusaient catégoriquement d'attaquer les deux agents. C'était visiblement impossible de les faire bouger. Le metteur ajouta même: "Les cafards sont plus intelligents que les chats", lui qui avait connu de meilleurs résultats avec les cancrelats de War of The Coprophages.
Après ces journées catastrophiques, John Shiban se demanda: "Qu'est-ce qui pourrait arriver de pire ?" Hé bien pour couronner le tout, il s'est révélé que Gillian Anderson était fortement allergique aux matous, obligeant l'équipe d'utiliser une marionnette qui agresse Scully, à la toute fin. Il a donc fallu changer les plans pour que l'effet ne soit pas trop ridicule. Shiban trouva la marionnette en fourrure hilarante: "...avec ses bras articulés et sa petite bouche qui faisait "grrr". Concrètement, d'après Kim Manners, il y avait un type qui tenait le faux chat avec un bâton qui s'approcha d'Anderson. Cette dernière devait faire mine de se débattre, pendant que Duchovny avait l'air de boxer la peluche. Ensuite, lorsque les deux agents s'échappent, ils devaient regarder par la grille, et voir cette horde de petits félins ultra agressifs. A la place, il y avait tous ces chats, tous très beaux, qui se tenaient droits et faisaient "miaou miaou". Le réalisateur se tenait derrière sa caméra et s'est dit "ça y est ! Je ne travaillerai plus jamais !"
Les deux acteurs principaux n'ont pas du tout apprécié cet épisode. Ils ne se sont pas spécialement amusés, et ils n'en retiennent peu de choses. Effectivement, difficile de ne pas leur donner tort. On sent qu'ils sont en mode pilote automatique durant toute l'enquête. Duchovny conserva tout de même la réplique "Les dames d'abord", lorsqu'il s'adresse à sa collègue, juste avant de descendre dans les tunnels. Cette phrase avait été retiré du script final, mais l'acteur la trouva suffisamment rigolote, surtout au milieu d'un tel marasme. Mais pour être tout à fait franc, j'aime bien tout le passage avec les chats. Je déteste l'ensemble. Je me suis ennuyé comme pas possible durant tout le déroulé du film, mais, au moins, la course poursuite contre ces bêtes m'a tenu éveillé. Visiblement, je suis en minorité. Les fans sur le net ont surnommé l'épisode "Killer Kitty Kat". Une anecdote amusante: En Colombie, "Bicho" signifie "Couille". Shiban l'a appris d'un chauffeur qui pensait que ça allait être bon pour augmenter les audiences. Lorsqu'elle appris cela, la chaîne était plutôt embarrassée.
Teso Dos Bichos ne fonctionne tout simplement pas. Il n'est pas qu'un mauvais souvenir pour l'équipe créatrice, c'est également une fiction juste catastrophique. Et heureusement qu'il y a la séquence finale dans les tunnels. L'épisode ressemble à une compilation de tropes peu inspirés tirés de films d'horreur. Ce n'est pas un hasard, puisque Shiban a tendance à affectionner le genre. Et moi même, j'adore ça. L'écrivain a tendance à être le plus "bourrin" du noyau dur de scénaristes d'X-Files. Il n'hésite pas à utiliser des images chocs pour captiver le public, comme lorsqu'il tue frontalement un enfant dans The Walk. On retrouve quelques traces de cette tendance ici: Rien n'est subtile, ni même spécialement inspiré. On a l'impression de suivre Mulder et Scully dans ce musée à attendre la prochaine victime de la malédiction. Certains effets cradingues parsèment l'ensemble, comme les restes d'un cadavre qui traînent sur un arbre. Même le teaser n'arrive pas à attiser la curiosité, avec ce type qui veut ramener l'urne et qui se fait ensuite dévorer par le jaguar. Nous avons affaire là qu'à une remise au goût du jour d'une histoire de malédiction. Pourtant, le propos aurait pu soutenir une partie du métrage: avec ce sous texte présentant l'occident comme une entité qui ne peut s'empêcher de souiller le sacré d'autres contrées. Le fait que ces américains s'emparent de cette ancestrale urne pour la mettre dans un de leur musée aurait pu fournir un postulat de base vaguement engageant. Aborder l'impérialisme des Etats-Unis, convaincus qu'ils sont dans leur bon droit de s'emparer des biens issus d'autres cultures, est toujours un bon rappel. Et cela aurait pu aller dans le sens de la série, qui n'en rate jamais une pour écorner l'image de son pays. Mais non. L'épisode n'en fait pas grand chose. En outre, Fresh Bones aborde déjà ce thème de la réappropriation culturelle de manière infiniment plus convaincante. Un autre soucis réside dans les seconds rôles qui peinent à se montrer intéressants ou attachants. Et impossible de ne pas parler de ce plan final d'une ringardise sans faille: ce gros plan sur les yeux de chat de l'ancien. Comment ne pas lever les yeux au ciel, lorsqu'on tombe sur cette scène. Et quelle conclusion...
Je ne sais même pas si je ne préfère pas "3" à Teso Dos Bichos, c'est dire. Mais difficile d'en vouloir au staff: Devoir concocter une série de 24 épisodes d'une qualité aussi haute qu'X-Files n'est pas une mince affaire. Nous approchons de la fin de l'année et il tout à fait légitime que l'équipe de Chris Carter commence à flancher. C'est plus ou moins à la même période que la saison 2 nous avait pondu Fearful Symmetry. Cela dit, ce dernier est un chef d'oeuvre comparé à Teso Dos Bichos, malgré ses grosses lacunes. Très sincèrement, il n'est pas exagéré de considérer ce segment comme un des pires que la série ait concocté. Mais il y a peut être un effet loupe, étant donné qu'il se place au milieu d'une saison 3 qui ne compte quasiment aucun raté. Pour être honnête, d'autres saisons contiendront certaines pépites de merde.
19. HELL MONEY (La Règle Du Jeu)
Hell Money est une oeuvre assez atypique. A l'instar d'Irresistible et peut être Grotesque, il rentre dans cette mini catégorie d'épisodes sans interventions paranormales. Même si l'intrigue suggère le contraire, une partie du temps, les forces du mal à l'oeuvre ici sont exclusivement dûes à la malveillance d'un groupe d'individus qui ont élaboré une loterie ignoble, pour profiter de la faiblesse des plus démunis, et organiser un immonde trafic d'organes. Dans ce jeu, si la personne est sélectionnée, mais qu'elle perd, on peut lui prélever un organe. Mulder et Scully enquêtent donc dans le Chinatown de San Francisco, afin de mettre à jour les machinations effroyables de ces hommes de pouvoirs, au sein de cette communauté. Le récit saupoudre l'ensemble avec le mythe des fantômes chinois, mais de manière plutôt métaphoriques. D'ailleurs, cette fameuse monnaie de l'enfer sert avant tout à éloigner les esprits. Nos deux agents vont donc partir à la rencontre de Glen Chao, l'inspecteur local, qui va les épauler sur d'étranges meurtres. Ce dernier va surtout servir de lien entre les héros et la communauté du coin. Concrètement, Chao sert, dans un premier temps, de point d'ancrage qui va exposer et expliquer au spectateur les légendes et coutumes du coin. Et puis, c'est un plaisir non dissimulé de voir BD Wong. Mais siiii, tu sais, c'est le scientifique dans Jurassic Park. Franchement, j'ai toujours adoré le personnage de Glen Chao. Il se montre charismatique, charmant et plutôt avenant. Plus jeune, je fantasmais d'une série dérivée avec lui, ou alors qu'il devienne, on ne sait comment, un allié de Mulder et Scully. Bon, ce n'est pas possible quand on connait la fin. Ses scènes sont trop précieuses, et il a quelques répliques assez stylées. Dommage que le dernier acte révèle qu'il soit corrompu, même s'il subsiste une once d'humanité en lui. Il n'est pas le seul acteur invité de qualité, puisque l'épisode met également en scène Lucy Liu, en jeune fille malade, que son père tente de sauver, mais également James Hong, en homme qui use de son pouvoir afin d'abuser les plus pauvres. D'ailleurs, son personnage fume une cigarette, lorsqu'il se confronte à Scully, après son arrestation. Impossible de ne pas songer à l'Homme à La Cigarette en voyant la scène. Pour appuyer ces ressemblances, le personnage de Hong adopte une attitude et avance des arguments qui évoque l'antagoniste principal de la série. C'est comme si il était le Smoking Man au sein de Chinatown. A ce titre, il est amusant de constater que, dans cette conclusion, c'est Scully qui expose le fond de sa pensée au méchant, à l'instar du final de 2Shy, l'autre scénario de Jeff Vlaming pour X-Files, qui confrontait cette dernière à Virgil Incanto.
A l'époque, j'avais mis un peu de temps à pleinement apprécier Hell Money. Je trouvais l'épisode relativement efficace, mais j'avais cette étrange sensation qu'il ne s'agissait pas d'un X-Files. Depuis les diffusions des saisons suivantes, j'ai révisé mon avis, étant donné la multitude de visages que la série a pris en cours de route. Non, Hell Money est finalement un chouette épisode, qui a certaines des qualités louées à Fresh Bones: Mulder et Scully se retrouvent plongés dans une communauté dont ils ignorent tout. Ils traversent globalement l'histoire sans servir à grand chose. Ils occupent la place d'observateurs, afin de servir de relai aux spectateurs. Il s'agit d'une approche pertinente d'en faire des personnages totalement démunis face à la complexité de cette communauté aux mille visages. A l'instar de Fresh Bones, L'épisode évite le syndrome du sauveur blanc venu régler les problèmes des "étrangers", en une poignée de jours. Leur marginalisation fait partie intégrante du récit. L'un des thèmes du métrage est l'incapacité de briser le mur du silence. Il aurait été malvenu que Mulder et Scully y parviennent subitement. Afin d'accentuer cette impression que Chinatown est vraiment un endroit à part et complexe, beaucoup de dialogues sont en cantonais, afin que même le spectateur se sente à l'écart, à l'instar de notre duo d'enquêteurs. En effet, une fois l'affaire résolue, ces derniers repartiront "avec nous", mais la vie continuera de la même façon pour tous ces habitants de ce coin isolé. Pour enfoncer le clou, certains dialogues ne sont même pas traduits, comme celui entre Chao et M Hsin, afin de renforcer notre mise à l'écart. Hell Money tend à insister sur le fait qu'on ne puisse pas percer les secrets de ce peuple chinois. Comme le dit si bien l'inspecteur aux deux agents: Ce n'est pas une boite qu'on ouvre pour juste voir ce qu'il y a à l'intérieur. C'est une machinerie aux multiples facettes, baignée ici dans une corruption systémique, mais qui a réussi à conserver sa forte identité culturelle, malgré qu'elle réside en plein San Francisco.
La fin de l'épisode se montre particulièrement sombre: L'Homme Au Visage Dur (le personnage de Hong) va être relâché, car les deux agents ne parviennent pas à réunir assez de preuves pour le mettre derrière les barreaux. Puis, Chao finit brûlé pour avoir tenter un acte de rédemption, en osant s'opposer au jeu de la mort. Hell Money évite le syndrome de "l'étranger générique": Chaque personnage présenté ici a sa propre personnalité et semble réellement exister au delà de l'épisode. Et vraiment, dans les années 90, ce n'était pas si évident. Pareillement, Mulder et Scully ont l'air de penser, même inconsciemment, que l'inspecteur puisse briser le mur du silence, juste parce qu'il a une tête de chinois. Plus précisément, il dit: "Ce n'est pas une jolie petite boîte laquée dont on peut simplement soulever le couvercle pour découvrir ce qu'elle contient. Vous voyez peut-être le visage d'un Chinois ici, mais laissez-moi vous dire une chose : ils ne voient pas le même visage. Ils voient le visage d'un policier… un Chinois né aux États-Unis, ABC. Pour eux, je suis aussi blanc que vous." Une réplique parfaitement justifiée. Toutes ces subtilités soulignent le caractère complexe et insaisissable de Chinatown.
Hell Money a pu décevoir certains fans. Pas nécessairement parce qu'il n'y a guère de paranormal. Non, parce qu'Irrestitible et Grotesque en sont dépourvus et ils comptent parmi les meilleurs épisodes. Je pense que le récit ici n'implique pas directement un monstre, au sens propre comme au sens figuré. On a plutôt affaire à un groupe d'individus qui agissent en bande organisée. La menace revêt la forme d'une entité insaisissable. Il est vrai qu'on a l'impression qu'il s'agit là d'un scénario qu'on aurait volontiers vu dans une autre série policière, comme Homicide, par exemple. Il n'y a rien d'extraordinaire dans Hell Money.
Cependant, ce serait dommage de balayer l'épisode d'un revers de la main, tant il est incroyablement bien réalisé, et qu'il propose un scénario réfléchi, assez posé, en plus de comporter quelques scènes impressionnantes. Je pense notamment à la grenouille qui sort du ventre d'un cadavre. Toby Lindala était assez fier de son effet. En outre, il n'a pas été trop compliqué à réaliser. C'est Chris Carter qui eut l'idée d'un système pyramidal symbolisant les différentes parties du corps. Jeffrey Vlaming y ajouta le jeu de la loterie, combiné à un concept d'une entité corporative qui contrôle les pauvres de Chinatown.
Hell Money regorge d'idées intéressantes, en plus de se montrer assez respectueux envers les sino-américains. Malheureusement, il se place au milieu d'une saison exceptionnelle et il n'est seulement qu'un très bon épisode. De surcroit, il souffre probablement d'un manque de sensationnalisme que le spectateur moyen d'X-Files réclame.
20. JOSE CHUNG'S: FROM OUTER SPACE (Le Seigneur Du Magma)
Dernier scénario de Darin Morgan pour cette saison 3, et le dernier tout court avant le revival. Jose Chung's From Outer Space est probablement son oeuvre la plus déjantée, en plus d'être celle qui détourne le plus les codes de la série, et plus précisément ceux de la mythologie. L'intrigue se montre volontairement décousue en multipliant les points de vue qui ne cessent de s'entrelacer, tout du long. Finalement, on ne sait jamais ce qui est véridique ou pas. Et à vrai dire, l'intérêt est ailleurs: L'épisode est une compilation de scènes totalement farfelues, mais non dénuées de sens. Concrètement, Mulder et Scully enquêtent sur l'enlèvement présumé de deux adolescents. Les différents témoins vont ensuite se succéder et étayer leur propre vision des événements. Bien entendu, comme il s'agit d'un script de Darin Morgan, l'auteur distille une certaine dose d'humour. Mais il n'y va pas de main morte ici, puisque le résultat est résolument excentrique, en allouant la part belle aux fausses pistes. Jose Chung contient sa dose d'humour subtil, qu'on ne saisit pas nécessairement au premier visionnage, mais il ne lésine pas non plus sur le burlesque et l'absurde. Certains passages sont vraiment hilarants: comme lorsque Blaine imagine Mulder et Scully en men in black et que l'on voit cette dernière l'agresser. Et puis, cette scène où notre héros pousse un cri surréaliste à la découverte d'un cadavre. Impossible de tenir une liste exhaustive des moments les plus drôles. En regardant Jose Chung, il est difficile de croire qu'il s'agit de la même série qui pondu des histoires aussi glauques que The Host ou encore 2Shy. Je ne peux m'imaginer quelqu'un qui découvrirait X-Files avec cet épisode, et qu'il se dise ensuite: "Mais on m'avait vendu une série sombre et effrayante !" Enchaîner Hell Money avec ce script de Morgan témoigne de la grande flexibilité de la série. Il va devenir de plus en plus difficile de définir à quel genre elle appartient, même si, bien entendu, le show conserve ses racines horrifiques et mystérieuses.
Les subtilités du scénario transparaissent dans les rappels constants qui récompensent le spectateur attentif. Pour être plus précis, la drôlerie provient de certains éléments qui récidivent sans cesse dans le métrage: comme lorsque Chung, l'écrivain, déclare à Scully que les témoins d'OVNI commencent toujours pas dire: "Je sais que cela semble être une histoire de fou, mais..." Et cette réplique revient sans arrêt par la suite, de la bouche des différents personnages invités. Pareillement en ce qui concerne le terme "homme mort" qui resurgit régulièrement, comme une menace ou comme un constat, dans un épisode qui compte exceptionnellement peu de cadavres. Et puis, il y a le comique de répétition comme avec l'inspecteur Manners et son langage fleuri. A ce titre, le nom du personnage provient du réalisateur Kim Manners, qui a justement tendance à jurer facilement. En outre, il y a les petits clins d'oeil qui parsèment toute l'enquête, comme cet alien qui fume une cigarette, évoquant immanquablement l'Homme à La Cigarette. Et puis, la présence de guests stars furtives comme Alex Trebek, le célèbre présentateur de Jeopardy! qui endosse le rôle d'un homme en noir ici. La blague de ce caméo s'explique par le fait que David Duchovny avait participé récemment au jeu télévisé, et qu'il avait d'ailleurs perdu. Plus généralement, Jose Chung's: From Outer Space compile plusieurs références à la culture des OVNIs, notamment avec cette séquence filmée à l'arrache d'une autopsie d'un extraterrestre, qui évoque bien sûr le fameux canular de la "véritable" autopsie d'un être venu d'ailleurs. Dans cette séquence surréaliste, Mark Snow compose même une version ringarde du thème principal d'X-Files. Sans compter les références à Star Wars ou encore Rencontre Du Troisième Type, lorsque le pilote joue avec sa purée. Les effets spéciaux constituent eux même des auto références, puisque Lord Kinbote a été réalisé en stop motion, histoire de rendre hommage à Ray Harryhausen, animateur ayant popularisé le procédé. A noter le retour rapide du Stupéfiant Yappi découvert dans Clyde Bruckman's Final Repose.
Comme précédemment dit, Morgan tourne en dérision la mythologie de la série et son aspect alambiqué: Ici, cette simple histoire prend des allures ultra complexes. Ces deux jeunes ont-il été enlevé par des extraterrestres ? Ou juste par le gouvernement ? Ou alors par les deux ? Peut être que tout est faux ? Est-ce les comploteurs qui mentent ? L'auteur se moque donc des artifices des segments mytharc et de ses intrigues à tiroirs.
Morgan s'amuse également avec le concept de "vérité" si propre à la série, en prouvant que courir après elle représente un exercice un peu vain. "La vérité est aussi subjective que la réalité" déclare Jose Chung à Scully, au tout début. Jose Chung's From Outer Space a régulièrement été décrit comme étant une oeuvre étonnamment post-moderne, à cause de sa structure narrative, bien sûr, mais aussi avec son aspect ludique et autoréférentiel. Le métrage semble avoir une conscience de lui-même, de sa propre fictionnalité, et s'amuse avec son public, en l'invitant à déceler le vrai du faux dans toute cette histoire. Il le convie à donner du sens aux événements, tout en maniant l'intertextualité.
Pourtant, la structure même de l'histoire aurait pu être casse-gueule: Mélanger les différents points de vue aurait pu totalement laisser le spectateur sur le carreau. Même s'il est possible de s'égarer en chemin, Rob Bowman réalise un superbe travail pour rendre l'ensemble très limpide. L'artiste arrive à transmettre une multitude d'informations avec quelques plans. L'épisode ne parait jamais surchargé. La mise en scène est sobre et élégante. Bowman n'en fait pas trop, et préfère laisser le scénario couler tranquillement.
Il y a quelques chose de Lynchien dedans, à savoir une oeuvre construite comme un puzzle que le spectateur doit déchiffrer. Alors, bien entendu, Jose Chung se montre nettement moins alambiqué que les travaux du réalisateur, comme Mulholland Drive, Lost Highway ou encore Inland Empire, mais je ressens tout de même une connexion structurelle avec ces films.
Il y a des moments qui comptent parmi mes préférés de toute la série, comme cette scène où Mulder pose des tas de question à un cuisinier de restaurant, tout en mangeant d'innombrables parts de tartes. Sans oublier ces petits détails rigolo, comme le catcheur Jesse Ventura, grimé en homme en noir, qui exécute une prise de catch sur Blaine. Le final est assez émouvant également, lorsque Chung récite son monologue, déclarant que nous vivons tous si isolé les uns des autres que nous sommes finalement tous seuls. Une conclusion déprimante et très amer, comme peut le concevoir Darin Morgan, lui même drôle et dépressif dans la vraie vie.
C'est donc un épisode extrêmement riche, et très populaire auprès des membres du staff, à commencer à Gillian Anderson qui a tout bonnement adoré. Chris Carter a été ravi que Morgan ait pu apporter sa voix dans la série. Tom Braidwood a particulièrement apprécié la présence de Charles Neslon Reilly, l'acteur qui prête ses traits à Jose Chung, car il a donné un coup de boost à l'équipe, avec sa bonne humeur et les sobriquets qu'il donnait au reste de l'équipe. Jose Chung's From Outer Space est un pur bijou. Un exemple d'expérimentation que la série peut se permettre maintenant qu'elle va bientôt terminer sa troisième année.
21. AVATAR (La Visite)
Décidément, ce n'est vraiment pas la saison de Walter Skinner. A croire que devenir le meilleur allié de Mulder et Scully lui porte la poisse. Dans Avatar, il se retrouve encore malmené et accusé de meurtre sur une prostituée. L'ouverture de la saison nous montrait le directeur adjoint se faire tabasser dans Paper Clip. Ensuite, il se fait tirer dessus dans Piper Maru. Et enfin, dans Pusher, il se refait tabasser par une de ses subordonnées. Cela dit, l'épisode ici est étonnant, car il s'agit d'un centric sur le personnage. C'est David Duchovny qui a imaginé l'histoire, afin de se donner une pause en mettant en avant un protagoniste secondaire. En outre, la co star pensait qu'il serait intéressant d'en apprendre plus sur ce mystérieux personnage. Finalement, cette intention s'est retournée contre Duchovny, car Mulder apparaît dans beaucoup de scènes. Howard Gordon a ensuite aidé l'acteur à construire une histoire autour de Skinner. C'était probablement le meilleur moment, étant donné que le patron de nos deux agents n'a cessé de gagner en popularité auprès des fans, depuis ses scènes iconiques dans One Breath, End Game, Paper Clip ou encore Piper Maru. Avatar est donc un opus très particulier: Il s'agit de la première fois que la série s'appuie sur un membre du casting secondaire. Pour souligner cette idée, le pré-générique met exclusivement en scène Skinner, tout du long. Bien sûr, cela suggère également qu'apparaître dans le teaser signifie aussi qu'il y a de grande chance que le/les personnage(s) qui apparaissent deviennent l'objet d'une enquête, par la suite. Et c'est effectivement le cas ici. Skinner passe la majeure partie du métrage à être dans de salles draps (sans mauvais jeu de mots), car il demeure le principal suspect dans un meurtre. Nos deux agents vont ensuite tout faire pour l'innocenter. De surcroît, il semblerait que notre patron préféré soit hanté par une vieille dame, depuis son expérience de mort imminente au Vietnam, tel qu'il l'a raconté à Mulder dans One Breath. Ce dernier et Skinner reviennent sur ce traumatisme, lors d'une très chouette scène.
Avatar n'est pas un excellent épisode. Il n'est pas aussi mémorable que beaucoup d'autres de cette saison. Néanmoins, il n'en demeure pas moins très intéressant. Il est difficile à classer: Il se concentre sur Skinner, mais n'est ni un loner, ni un mytharc. Le récit réussi tous ces moments qui permettent d'entrevoir une nouvelle facette du personnage. Toutes ses scènes avec son désormais ex-femme sont importantes pour imaginer à quoi pourrait ressembler l'homme dans la vraie vie. A ce propos, la séquence où il s'adresse à son ex compagne avant qu'elle meure est bouleversante. J'ai toujours trouvé que c'était un moment fort de la série, grâce à l'excellente prestation de Mitch Pileggi. Il est amusant de constater que cette dernière reprochait à son ex mari son absence. Qu'il n'était jamais vraiment là, comme s'il était totalement absorbé par son travail. Avatar nous montre un aperçu de la vie privée de Skinner mais, en définitif, on se rend compte qu'il n'est pas si éloigné de ses deux agents: à savoir qu'il ne vit que pour son travail, comme l'atteste les cartons non déballés dans son appartement. Même s'il épaule Mulder et Scully dans leurs enquêtes, quand il ne les réprimande pas, l'homme a toujours cultivé le mystère. La preuve: les deux héros tombent des nues lorsqu'ils apprennent que Skinner est en instance de divorce. Ils ne savaient même pas qu'il était marié.
Le récit suggère que collaborer avec Mulder a un prix. En effet, c'est L'Homme à La Cigarette et ses sbires qui tentent de piéger Skinner ici. A l'instar de Scully, qui se fait enlever dans Duane Barry, le directeur adjoint paie aussi le prix d'une telle alliance. La quête de Mulder provoque donc des dommages collatéraux assez lourds dans son entourage. Lorsqu'on se souvient de sa première apparition dans Tooms, nous étions loin d'imaginer le chemin parcouru pour Skinner. Il est révélé ici que depuis qu'il traine aux alentours des X-Files, sa vie ne peut plus être normale: Une rencontre fortuite avec une femme dans un bar se transforme en enquête policière. Il est lui même désormais une victime du complot que tente de mettre à jour Fox Mulder. On dirait que ce dernier exerce un charme puissant, lorsqu'il arrive à rallier des gens à sa cause. Scully a été recruté pour espionner et discréditer le travail de l'agent paranoïaque. Finalement, elle s'est vite attachée à lui et le suit dans sa quête. Skinner, d'abord présenté comme un homme bourru et pragmatique, s'est lui aussi laissé séduire par Spooky. Skinner et Scully ne peuvent désormais plus avoir de vie intime. La première saison démontrait que cette dernière semblait en avoir une auparavant, mais trainer avec Mulder l'a éloigné du monde normal, jusqu'à devenir son propre X-File. Skinner semble suivre un chemin similaire dans Avatar: Les phénomènes paranormaux et les manigances gouvernementales commencent à le suivre, hors du bureau, et cela depuis qu'il s'est rallié à la cause de Mulder. La fameuse scène où le directeur s'adresse à sa femme mourante, il lui explique qu'il avait du mal à concilier sa vie privée avec les horreurs qu'il voyait à son travail. Cette phrase démontre peut être à quel point il est délicat de revenir à la vie normale, après avoir été témoin de tant d'ignominies dans les X-Files. En outre, l'épisode met en exergue les contradictions de Skinner: Son désir de vouloir aider ses deux agents s'entrechoque avec sa loyauté envers les règles du bureau. On savait déjà tout ça, mais explorer de nouveaux ces thématiques,via un chapitre centré sur ce personnage, reste salutaire.
Avatar contient des moments mignons où l'on voit Mulder et Scully partir au secours de leur patron. J'adore la scène où le premier explique à la deuxième "qu'il nous a aidé un nombre incalculables de fois. Je trouve normal de l'aider maintenant qu'il en a besoin." Dans l'histoire, un autre agent se demande jusqu'où iraient ces deux subordonnés pour le couvrir. Il est d'ailleurs touchant que Mulder ne doute jamais de l'innocence de Skinner, même quand Scully émet quelques réserves. C'est un parfait rappel à la caractéristique de ce héros qui a compulsivement besoin de faire entièrement confiance à certaines personnes. Sa paranoïa a besoin d'être contrebalancé par une confiance aveugle envers quelques individus. Là aussi c'est une jolie contradiction du protagoniste. Il n'applique pas toujours le "ne faites confiance à personne" de Gorge Profonde.
Le problème d'Avatar provient peut être de l'utilisation de la "succube" (qui n'en est pas vraiment une d'ailleurs) qui surcharge un peu l'ensemble. On dirait que le récit se force à introduire un élément paranormal à une histoire qui n'en avait pas besoin. Mais comme on avait déjà eu Hell Money et Grotesque, il aurait probablement été malvenu l'absence de fantastique ici. Cependant, les apparitions de la vieille dame se montrent relativement effrayantes, pour qu'on pardonne un peu cet ajout scénaristique un peu superflu. La conclusion est aussi émouvante : lorsque Skinner regarde son alliance, puis la remet au doigt, avant de se remettre au travail. Les petites notes au piano de Mark Snow y sont pour beaucoup dans la réussite de la scène.
William B Davis est crédité à la toute fin, mais il n'apparaît finalement que dans le reflet d'une vitre. A l'origine, l'antagoniste devait avoir toute une scène avec Skinner, mais elle a été annulé. Avatar est bizarrement le premier épisode où j'ai remarqué que Mulder et Scully ne se disaient jamais au revoir au téléphone. Au lieu de ça, ils ont tendance à se raccrocher à la figure. J'avais vu un court métrage humoristique de fans qui s'amusaient à réutiliser ce trope de la série.
Avatar est un chouette épisode centré sur Skinner, mais peut être un poil surchargé, en plus d'emprisonner son personnage central dans le rôle de victime dépassée par les événements. Mais détourner l'attention de Mulder et Scully pour s'attarder sur un membre du casting secondaire est une idée rafraichissante.
22. QUAGMIRE (Les Dents Du Lac)
Lorsque Quagmire revient à mon esprit, je repense surtout au fait qu'il s'agit du retour de Queequeg, le petit chien que Scully a adopté à la fin de Clyde Bruckman's Final Repose. De l'aveu de Frank Spotnitz, le chien revient ici uniquement pour être éliminé. Pourtant, l'équipe s'est posée des question sur la réception d'une telle mort. En effet, d'après Vince Gilligan: "On peut tuer une légion d'hommes et de femmes, mais pas de chiens. Les gens deviennent fous." Et il est vrai que les spectateurs ont plus souvent tendance à avoir du mal, lorsqu'on tue des animaux ou des enfants, dans les fictions. En revanche, sur un fil Reddit fêtant les 20 ans de la série, Gillian Anderson décrivit son partenaire à poils comme une calamité car, apparemment, il passait son temps à péter. "Il méritait une mort horrible" selon elle. Outre l'animal, l'épisode contient des références aux autres travaux de Darin Morgan, comme le retour des deux adolescents "Stoner" et "Chick" déjà apparus dans War of The Coprophages. Ce n'est pas un hasard car, même si le scénario a été écrit par Kim Newton, il a été largement réécrit par l'auteur lui même. La fameuse scène de dialogue entre Mulder et Scully, lorsqu'ils sont bloqués dans le lac, est indéniablement marqué de sa plume. Par ailleurs, une séquence qu'affectionne tout particulièrement Gillian Anderson. L'actrice a apprécié que les deux personnages se retrouvent isolés, sur ce pauvre rocher, et qu'ils en profitent pour philosopher sur la vie. Ce passage est devenu instantanément culte auprès des fans qui l'ont affectueusement surnommé "COTR" (Conversation on the rock). L'oeuvre multiplie donc les petites phrases qui prouvent à quel point les deux agents se connaissent désormais si bien, comme le démontre la scène du début, dans la voiture, lorsque Scully demande à son collègue la réelle raison de leur voyage. Ils passent ensuite un panneau publicitaire affichant Big Blue et la femme comprend d'elle-même, sans même que Mulder n'ait eu besoin de dire un mot. Les deux protagonistes se montrent assez tendres l'un envers l'autre, durant ce périple. La saison 3 avait tendance à insister sur l'éloignement du duo. Leur rapprochement dans Pusher trouve donc un écho ici, au travers leur camaraderie.
Il est vrai que Quagmire est un charmant petit épisode, parsemé de moments vraiment chouettes. Mulder veut absolument prouver l'existence de Big Blue, cette créature typée monstre du Loch Ness, qui sévit dans le lac de l'intrigue. Il n'est pas le seul à vouloir apercevoir la bête, puisqu'elle représente une réelle curiosité locale. Mais j'insiste: Quagmire est une oeuvre qui met largement en avant les interactions entre Mulder et Scully. Leurs scènes sont incroyables et témoignent de l'alchimie qu'entretienne les deux vedettes. On a une impression de "Nos deux agents passent un week-end au bord d'un lac". L'épisode dégage donc une sensation de vacances. Bon, des vacances avec des gens qui se font bouffer par une bestiole aux dents acérées. A ce titre, le métrage comporte des scènes étonnamment gores: Par exemple, lorsqu'un plongeur se fait déchiqueter et qu'il n'en reste qu'une tête flottante, à la surface. Ou bien lorsque les enquêteurs découvrent la moitié d'un corps dévoré. Même si le spectre de Darin Morgan plane au dessus de cet opus, il n'est pas véritablement humoristique. Il ne va pas à fond dans l'humour comme dans Humbug et encore moins Jose Chung's From Outer Space, mais il n'en demeure pas moins un petit épisode léger. Mais oui, on ne peut s'empêcher de penser à Morgan puisqu'on y retrouve les caractéristiques typiques de son écriture, notamment en dépeignant Mulder comme un être obstiné, prêt à se montrer ridicule, lorsqu'il s'agit de prouver l'existence de pseudo monstres. Son intelligence est rarement mis en avant. A contrario, Scully se révèle être la voix de la raison, en se montrant perspicace et posée. A ce titre, Quagmire a des relents de War of The Coprophages. Dans ses scripts, Mulder ne s'intéresse qu'à la vérité ou à prouver l'existence du paranormal, au détriment des gens qui l'entourent. Dans le dernier acte, lorsque Farraday se fait attaquer, Mulder demande juste: "Où est-il passé ?" en parlant de la créature, sans même vérifier comment allait la victime. En revanche, Scully s'inquiète réellement de Farraday en regardant sa blessure et en suggérant d'appeler l'hôpital.
L'épisode traite de la foi, ou plutôt de la croyance au merveilleux. Mulder et Ansel désirent ardemment croire en l'existence à Big Blue, comme des enfants persuadés que des monstres existent. Il y a là quelque chose de résolument romantique. Ils ne doivent pas être les seuls, puisqu'un petit magasin local vend des souvenirs à l'effigie de la créature, comme pour souligner qu'il existe d'autres gens qui veulent y croire. Mulder a l'air sincèrement déçu lorsqu'il constate que le responsable de tous ces meurtres est l'oeuvre d'un énorme alligator. Par extension, le spectateur ne peut qu'éprouver un sentiment similaire à l'agent. Le plan final, qui donne un aperçu d'une étrange créature se baignant dans le large, est là pour récompenser le romantique qui désire tout de même croire à l'existence de Big Blue.
A contrario, le métrage se montre aussi hostile envers de telles croyances, comme le suggère Scully, quand elle avance que ces mythes populaires sont nés d'une peur collective de l'inconnu. A un autre moment, Farraday enfonce le clou en déclarant que ces histoires agissent comme des diversions afin de détourner le public de sujets importants. Kim Manners profite des paysages magnifiques de ce lac afin de créer une ambiance assez singulière. Le réalisateur a adoré Quagmire, même si il a reconnu qu'il n'était pas évident de rendre ce cadre idyllique en quelque chose d'effrayant. Apparemment, le tournage s'est effectué sous un magnifique ciel bleu.
Quagmire est un épisode absolument charmant. Il semble introspectif sur nos deux héros qui s'ouvrent davantage l'un à l'autre. On en apprend un peu sur leurs motivations, leurs sentiments, mais aussi leurs pensées. Une excursion où on les voit sourire et discuter ensemble. Un morceau de la série très positif, malgré la tristesse qu'a eu Scully de perdre son petit chien.
23. WETWIRED (Hallucinations)
Il me semble que le titre français de cet épisode devait s'intituler "Incitation au meurtre". Tout du moins, dans un des guides officiels que j'avais, il était crédité comme tel. Wetwired évoque immanquablement Blood en saison 2. L'épisode embrasse certains thèmes en commun, comme l'utilisation de messages subliminaux qui incitent de pauvres habitants à commettre des crime, en appuyant sur leur peur les plus profondes. En outre, il s'agit aussi d'expérimentations gouvernementales. A part ça, les deux oeuvres empruntent des chemins divergents. Blood restait volontairement ambigu sur une quelconque intervention gouvernementale. Wetwired se montre nettement plus explicite en confirmant la présence d'un complot. Il s'agit d'un script de Mat Beck, le superviseur des effets spéciaux. Il désirait s'inspirer des débats sur la violence engendrée soi-disant par la télévision. Un sujet qui alimentait énormément les discussions dans les années 90. Et il est saugrenu qu'X-Files, une série qui ne se prive pas de montrer des images violentes, se pose la question de la violence à la télé. Pour être honnête, l'idée centrale du métrage est que ce n'est pas ces images qui rendent violent, puisque les coupables de meurtres ici regardaient des programmes inoffensifs. De même, l'histoire évite d'impliquer des jeunes influençables, puisque les tueurs sont, au contraire, des adultes responsables.
L'épisode n'est pas du tout un mytharc, mais il traite malgré tout des manigances du gouvernement. De surcroit, il convie un nombre impressionnant de réguliers de la série, à l'instar de L'Homme à La Cigarette, Mr X, Skinner ou encore les Lone Gunmen. Un casting impressionnant pour un simple "loner". Le récit revient sur le fait que le complot ne se concentre pas exclusivement sur la gestion des extraterrestres, mais qu'il mène également des expériences qui ont d'autres buts douteux. Mulder découvre que ce gouvernement vise à influencer le comportement des gens et ainsi modifier leur processus de décision. Plus concrètement, il essaie de contrôler la population par la peur. Il ne veut pas de citoyens heureux et épanouis. Non, il préfère les rendre anxieux afin de les rendre les plus dociles possible. Un script précurseur sur les années qui allaient suivre, avec une politique américaine axée sur la peur. Wetwired est une oeuvre visuellement impressionnante. Une routine pour Rob Bowman qui ne cesse de rehausser n'importe quel épisode. Même une simple scène comme celle qui montre Mulder en train de monter à un poteau électrique se révèle stylée.
Mais l'épisode est mémorable pour avoir rendu Scully totalement paranoïaque. En effet, elle même devient victime du codage de la télévision qui pousse les gens à bout. Ici, sa grande peur est que Mulder complote contre la jeune femme. Ce retournement de situation est intéressant. En règle générale, c'est plutôt lui le paranoïaque de service. Un trait de caractère poussé à son paroxysme dans Anasazi. Voir Scully soupçonner son collègue est donc une idée excitante. Le passage où elle est assise, ultra angoissée, est saisissant, au moment où elle entend son partenaire parler au téléphone, dans la pièce d'à côté. Elle croit même le voir discuter avec L'Homme à La Cigarette dans sa voiture. Le point culminant réside lorsqu'elle est chez sa mère et qu'elle pointe son arme sur Mulder. Encore une tension entre les deux collègues qui devient récurrente dans cette saison 3. Et avoir placé Wetwired juste après Quagmire, un épisode dans lequel les deux héros se retrouvent vraiment, est dommage, même si cela renforce le contraste avec le comportement de Scully ici. Il est également intéressant d'avoir isolé le personnage. La quête de Mulder a fini par absorber la vie de sa partenaire. A tel point qu'elle n'a plus de vie intime. Elle vit désormais pour suivre son collègue. Au cours de ses enquêtes, elle a été témoin de tellement d'horreur, en plus d'avoir côtoyer des gens douteux et dangereux. N'importe qui aurait eu de fortes chances de finir par perdre la raison. Wetwired sous entend que si Mulder venait à trahir la confiance de Scully, cette dernière perdrait tout. On est loin de la Dana qui participait à la fête d'anniversaire de son filleul ou qui allait à un rencard, dans Jersey Devil. Loin également cette époque où elle discutait travail avec des collègues, en mangeant au restaurant, comme dans Squeeze.
Wetwired met en avant Mr X, même s'il n'est présent concrètement que dans les dix dernières minutes. A l'origine, le script prévoyait qu'il apparaisse dès le début, mais Steven Williams avait des impératifs avec LA Heat, la série à laquelle il participait. Ce qui explique la présence de L'Homme En Civil, cet étrange informateur qui aiguille Mulder sur cette affaire. La conclusion de l'épisode nous montre X entrer dans la voiture de L'Homme à La Cigarette. Je me souviens que, à l'époque, certaines personnes pensaient que l'informateur trahissait Mulder, mais il y avait confusion: Le fait que les deux se connaissent n'est pas une révélation en soi. Justement, le dialogue entre les deux soulignent justement le fait que X ment et trahit le Smoking Man. On peut aisément imaginer que l'informateur volait des informations à ce dernier pour les fournir à Mulder. Wetwired met donc en évidence le jeu dangereux auquel se livre le contact de notre héros. Il préfigure les événements importants qui vont avoir lieu dans le double épisode Talitha Cumi et Herrenvolk. La confrontation entre X et le héros, peu avant, souligne également à quel point ce dernier ne mesure pas les risque que l'informateur prend. En effet, il lui reproche de ne pas risquer sa vie. Bien sûr, on ne peut s'empêcher de repenser à sa scène héroïque dans 731. Mais je trouve Mulder un peu dur dans son jugement. Comme je l'ai déjà mentionné, X a plutôt l'air d'être un homme de main, un cadre intermédiaire qui exécute la sale besogne du syndicat. Son travail est donc plus axé dans l'action. Il est employé pour "nettoyer" des zones, soit en tuant des gens de sang froid, soit en effaçant des preuves, comme le suggère la fin de 731. X semble prendre davantage de risques de Gorge Profonde. Ce dernier se mettait en danger, bien sûr, mais il avait plus de marges de manoeuvre pour aller parler avec Mulder. Il est amusant de constater que les sonorités qu'utilisent Mark Snow pour accompagner l'ensemble seront réutilisées dans l'épisode suivant, Talitha Cumi. Comme si cette conclusion entre X et le Smoking Man allait avoir des répercussions prochaines.
Wetwired nous révèle également que Mulder est daltonien, lors d'une scène avec les Lone Gunmen. Une justification scénaristique qui explique pourquoi il n'a pas été "contaminé" par le signal de la télévision. D'ailleurs, c'est presque mignon qu'il leur annonce cela en montrant sa cravate. Cependant, cette révélation compromet quelque peu la crédibilité de la série car, dans le monde réel, il n'aurait pas pu entrer au FBI avec un tel problème oculaire.
L'intrigue nous présente pour la première fois le nom "John Giltnitz" qui est ici la victime qui dormait dans son hamac. Ce nom est en réalité la fusion de ceux des trois scénaristes: John Shiban, Vince Gilligan et Frank Spotnitz. Ce faux patronyme reviendra ultérieurement dans la série.
Wetwired est un solide épisode qui donne aux acteurs matière à exceller.
24. TALITHA CUMI (Anagramme)
Voici donc la conclusion de cette solide saison 3. Un épisode final qui révèle énormément de choses sur la mythologie. Mais il distille ses informations de manière moins spectaculaire que la trilogie Anasazi. Talitha Cumi pourrait être considéré comme la suite du diptyque Colony/End Game. Et ce n'est pas un hasard, puisqu'on retrouve David Duchovny crédité au scénario, lui qui avait aidé Carter à élaborer l'intrigue de ce fameux diptyque de la saison 2, d'où le retour du mercenaire alien, des colons, en plus de recentrer l'histoire autour de la famille de Mulder. Talitha Cumi se permet même de continuer à lorgner vers le monomythe de Joseph Campbell, en explicitant une relation entre Teena Mulder et L'Homme A La Cigarette. Un lien ambigu qui interroge sur la paternité du héros. L'acteur a lui même reconnu cette structure narrative, la même qui a été utilisé pour Star Wars. Duchovny désirait que son personnage traverse un voyage archétypal dans lequel il commencerait innocent, en faisant confiance à son père, et en finissant comme un paria. Le parallèle entre le Smoking Man et Dark Vador semble ici également évident. Que la série joue avec la supposition que le grand antagoniste d'X-Files soit peut être le père de Mulder évoque bien évidemment les films de Georges Lucas. Anasazi, Paper Clip puis Talitha Cumi soutiennent que l'enquêteur n'est plus juste un type random qui combattait un système corrompu, mais qu'il était indirectement impliqué dans ce complot. Il était un fils qui devait expier les pêchers de son père (ou de se pères).
Ce season final confirme la colonisation de la planète. Que la date est arrêtée. L'intrigue revient sur les clones aliens au sang vert. Ce chapitre est fameux pour avoir ramené le tueur à gage extraterrestre, confirmant son rôle régulier dans la série. Talitha Cumi certifie aussi que le gouvernement soutient le plan des aliens, au lieu de s'y opposer. Plus globalement, l'épisode propose les plus grosses révélations de la série jusqu'ici. Les saisons prochaines vont bien entendu nous en révéler davantage, mais il s'agira surtout de détails plus ou moins importants. Il faudra surtout attendre le duo Patient X et The Red And The Black (saison 5) pour avoir de nouveaux gros bouleversements scénaristiques. Attention ! Cela ne signifie pas qu'il n'y aura plus de bons mytharc au delà ce point. Au contraire, la série proposera d'excellents segments mythologique, mais juste que d'un point de vue révélations, aucun autre chapitre n'égalera Talitha Cumi, Colony/End Game, ni même la trilogie Anasazi.
Cependant, ce final est conceptuellement moins spectaculaire que ne l'était Anasazi. Ce qui n'est pas une critique. Au contraire, cette nouvelle approche est rafraichissante. L'épisode ici adopte un cadre plus intimiste. Il ne file pas à toute allure, en multipliant les scènes de bravoures. Néanmoins, il contient tout de même suffisamment de tension et de mystère. Toute l'intrigue repose autour de ce Jeremiah Smith, interprété par Roy Thines, le fameux David Vincent des Envahisseurs. Une sorte d'ironie de la part de Chris Carter. Smith se révèle être un de ces extraterrestres polymorphes qui se fera capturer par L'Homme A La Cigarette, après avoir sauvé des victimes d'une fusillade, dans un restaurant. Talitha Cumi est connu pour ses longues scènes de dialogues entre les deux personnages, lorsque Smith est emprisonné. Des passages inspirés du "Grand Inquisiteur", une idée de David Duchovny lui même. Jeremiah se révèle être contre la colonisation et se montre même empathique des humains. Il s'agit donc d'un gentil alien. Pour déstabiliser son interlocuteur, l'extraterrestre s'amusera à adopter le visage de Gorge Profonde, puis de Bill Mulder. Une technique qui fonctionne, car notre fumeur invétéré commence à perdre son sang froid. Ces grandes scènes d'inquisition sentent à plein nez le travail de Chris Carter: Effectivement, les deux hommes débattent philosophie de manière soutenue. Une des marques de fabrique du scénariste, mais c'est aussi ce qui rend la mythologie si attachante, et ce qui a rendu la série si singulière.
Ce final nous prouve une nouvelle fois que L'Homme à La Cigarette privilégie ses intérêts personnels au détriment de ceux du syndicat: En effet, hors champ, il demande à Jeremiah de lui soigner son cancer en échange de la liberté de ce dernier. On s'en doutait déjà, à la vue des mesquineries du personnage dans The Blessing Way et Paper Clip, mais l'épisode ici nous en donne un aperçu plus net.
L'humanité du personnage transparaît même lors de sa rencontre avec la mère de Mulder. Pour l'anecdote, il se remémore à cette dernière que son mari était bon en ski nautique, mais pas autant que lui. C'est un clin d'oeil mignon à William B Davis qui était un passionné de cette discipline. Smoking Man se rend même au chevet de cette dernière, lorsqu'elle se retrouve à l'hôpital, après son attaque. Il se montre sincèrement inquiet pour elle. Une autre facette du personnage se dévoile ici. C'est dans cette scène que Mulder le menace (de nouveau) avec son arme. A ce sujet, David Duchovny est époustouflant dans les scènes où il veille sur sa mère, à l'hôpital. Ces moments où l'acteur se retient de pleurer sont vraiment convaincants. Comme il a co-écrit le scénario, on sent qu'il se sent très investi par son rôle ici. En général, on le sait lorsque la vedette n'en a rien à secouer d'un script: Cela correspond souvent à de mauvais épisodes où l'acteur semble jouer en pilote automatique, à l'instar de catastrophes comme Teso Dos Bichos.
Talitha Cumi est un segment mythologique résolument mystique. Tout d'abord, son titre original signifie "Lève-toi, jeune fille" en araméen, dans l'Evangile de Marc. Le parallèle entre Jeremiah Smith et Jesus Christ est évident. L'extraterrestre dépeint ici semble divin. Une impression renforcée par le tireur du teaser qui est persuadé d'avoir été le témoin d'une intervention divine. Plus concrètement, Smith prône l'amour et l'empathie, en plus de se montrer respectueux des êtres humains. Il préfère les protéger. De manière générale, Chris Carter apprécie les métaphores bibliques distillées dans X-Files, et plus précisément dans sa mythologie. En l'occurrence, la série traite de la foi. Pas nécessairement de la foi en Dieu, mais dans le fait de croire en quelque chose nous poussant à aller de l'avant. L'épisode propose une scène de combat entre Mulder et Mr X. Une impressionnante confrontation d'ailleurs, à l'instar de la baston entre l'informateur et Skinner dans End Game. La violence de la séquence réside dans le réalisme de ces quelques coups échangés à l'improviste. On a vraiment l'impression que les deux hommes se font véritablement mal. A ce sujet, Steven Williams s'était réellement blessé au cours de ce scène. Il s'était abîmé l'épaule. La Fox trouva la scène trop violente et demanda à l'équipe de la raccourcir.
Malgré ses immenses qualités, Talitha Cumi souffre de quelques incohérences étranges, ou de raccourcis scénaristiques faciles. Par exemple, la façon dont Mulder trouve le poinçon alien dans une lampe, dans la maison de vacances de ses parents, est quelques peu tirée par les cheveux: Il le découvre juste parce que sa mère, entre deux crises d'AVC, lui a écrit le mot "PALM", ce qui signifie "paume". L'enquêteur y voit tout d'abord là un lien avec Jeremiah qui vient de guérir des blessures de victimes avec sa paume. Mais finalement, le mot de révèle être l'anagramme de "LAMP". On dirait que Carter s'est efforcé de cacher cette arme dans une banale lampe, juste pour que Teena Mulder puisse écrire "Palm", créant une confusion dans l'esprit de notre héros, mais aussi dans celui du spectateur. Cette mécanique scénaristique paraît assez artificielle, et presque poussive. De même, l'histoire nous explique que ce cran d'arrêt est le seul moyen de tuer un extraterrestre, mais on ne sait jamais vraiment pourquoi. Est-ce qu'on n'aurait pas le même résultat avec un autre outil similaire ? Ou est-ce que l'objet est fait d'une matière particulière ? Il subsiste donc des zones d'ombre. En parlant de cette maison de vacances, personne dans l'équipe créatrice n'était sûr de la prononciation de Quonochontaug. Quelqu'un a dû appeler le Rhode Island afin d'obtenir la bonne prononciation. On peut imaginer que la scène dans laquelle Skinner galère à naturellement prononcer le nom est très certainement un rappel de cette petite anecdote.
Le cliffhanger est dans la droite lignée de l'épisode: Il évite d'en faire trop et préfère la sobriété, avec une scène où l'on voit le mercenaire alien s'approcher de Mulder, Scully et Jeremiah Smith. Avant le fondu au noir, ce dernier déclare: "Il est venu pour me tuer", excluant globalement les deux agents de la menace. Bien entendu, le suspense ici réside dans le fait que l'agent a besoin de Smith pour tenter d'aller sauver sa mère. Et encore une fois, cette scène finale n'en demeure pas moins efficace. Il n'y a pas besoin de mettre la vie des deux héros en danger pour constituer un cliffhanger digne d'intérêt.
Malgré ses incohérences, Talitha Cumi rend donc honneur à une saison 3 rudement bien menée de bout en bout. La série a donc fini sa mue et la suite s'annonce sous les meilleurs auspices.
Et voilà, ma rétrospective sur la saison 3 d'X-Files se termine ici. J'espère que cela t'a plus. Prochaine mission: La saison 4 ! Et il y en aura encore des choses à dire...
PS: Pour mes écrits, je m'appuie énormément sur tous les textes que j'ai pu lire depuis mon adolescence. Il y a de nombreux éléments que je tire de magazines (comme Mad Movies, Generations Series ou encore le magazine X-Files), mais aussi de tous les livres que j'ai pu acheter, notamment les guides officiels et même non-officiels. Par la suite, j'ai pu lire de nombreux dossiers ou articles rétrospectifs sur internet qui ont parfois étudié la série.
Moggy
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