Dragon's Fury, le flipper qui fait flipper




Je vous présente aujourd'hui un de mes jeux de chevet: Dragon's Fury. J'ai l'impression que je me répète à chaque article traitant d'un seul et unique soft. Hé oui ! J'ai d'abord envie de "perdre" mon temps à rédiger des trucs sur les jeux qui ont eu une résonance incroyable en moi.
Mais qu'est ce que Dragon's Fury ? Hé bien, il s'agit tout simplement d'un jeu de flipper mâtiné d'un soupçon d'horreur et de fantasy. Un jeu qui m'a longtemps intrigué par son univers graphique dans lequel j'imaginais toutes sortes d'histoires en y jouant, et qui continuait de me hanter une fois la manette posée. Tiens, pour l'anecdote, la jaquette du jeu ci-dessus tapissait fièrement mon mur, durant un temps.


La VHS infernale

Cassette VHS de Sega que l'on trouvait dans le magazine Mega Force en 1992

Débutons ce texte à la manière du synopsis de Ring: Au commencement, il y avait donc une cassette vidéo. Une VHS qui était offerte en achetant un numéro de Mega Force, le magazine officiel de Sega. Je ne saurais trop situer le numéro, mais ça devait tomber dans les alentours de 1992. Cette vidéo... Aaah cette vidéo... Qu'est ce que j'ai pu la regarder. Pourtant, basiquement, c'était une cassette d'une durée d'une quarantaine minutes qui ne diffusait que extraits de softs Game Gear, Master System, Mega CD et bien entendu, Megadrive. Le tout sans commentaire, juste avec le son des softs. Malgré le fait que seul la dernière console citée trônait fièrement chez moi, je me passais l'intégralité de la VHS à chaque visionnage. C'était mon petit rituel. Lorsque j'avais un moment à moi, il m'arrivait de scroller mes étagères et me demander ce que je pouvais regarder. CHUD 2 ? Non. Retour Vers Le Futur ? Hmmm, non plus. Aaahh ! Aller ! La cassette Sega que je connais déjà sur le bout des doigts.
Il m'arrivait même de déguster un bol de Miel Pops devant ce programme. Je vous assure que si j'avais été mon fils, ça m'aurait clairement gonflé de me voir remettre ce truc en boucle. Déjà que quand il regarde des let's play de Super Mario sur Youtube, ça me gonfle, par moment. Alors, la même stupide cassette qui passe de simples extraits de jeux, ça m'aurait assurément saoulé.
Il faut rappeler aux plus jeunes que, dans les années 90, nous n'avions pas le loisir de pouvoir checker des trailers et autres extraits de jeux vidéo sur la toile. La plupart du temps, seuls les screens qui habillaient les magazines spécialisées nous faisait fantasmer. Parallèlement, quelques magasins diffusaient parfois les démos de jeux qui tournaient en boucle. Les nenfants de cette époque entraient donc en extase lorsqu'ils avaient en leur possession une cassette vidéo blindée d'extraits de jeux.
Pour certains, c'était la VHS de la Super Nintendo avec ses voix off convaincantes. Pour d'autres, c'était cette merveilleuse vidéo de Sega.

Cette dernière est même accessible sur Youtube. Et je vous confirme par la même occasion la date: 1992.

VHS Mega Force (1992)


Grâce (ou à cause) à cette vidéo, pas mal de titres me donnaient vraiment envie, comme Marble Madness, Batman, Wonder Boy 3 Dragon's Trap, Terminator, Wonder Dog ou encore Greendog. Elle m'a même fait acheter Retour Vers Le Futur 3, cette coquine ! Probablement une des plus grosses merdes que j'ai eu sur Megadrive. A contrario, je n'étais pas spécialement intéressé par Dragon's Fury. En revanche, ce sont mes soeurs qui ont flashé dessus. Lorsqu'arriva le moment de choisir mes cadeaux de Noel 1992, j'avais le droit (exceptionnellement) de mettre deux jeux dans ma liste. Mon choix s'était porté sur je ne sais plus quoi, mais pas ce jeu de flipper, en tout cas. Je me souviens que lorsque j'ai indiqué ce que je voulais, mes soeurs s'étaient exclamées "Hé ! Mais pourquoi tu prends pas Dragon's Fury ! Nous aussi on aimerait bien avoir un jeu !" Je sentais que ça venait du fond du coeur. Alors, pour faire plaisir à mes soeurs, je pris ce titre qui ne m'intéressait pas plus que ça. En tout cas, son extrait dans la VHS ne m'avait pas plus capté que ça.
Heureusement qu'elles m'ont poussé à le prendre puisque ce jeu constitue encore aujourd'hui une pierre angulaire de mon enfance. Un des titres qui m'a le plus marqué dans ma vie de joueur.

Cela dit, ce titre ne me tentait pas mais j'aimais pourtant beaucoup les flippers. Ces objets me fascinaient. Lorsque mon grand-père m'emmenait avec lui se promener, il lui arrivait très régulièrement d'aller boire un petit verre dans un un ses bars fétiches. Dans ces lieux embrumés de fumée de cigarette, et qui,  du coup, ont très certainement réduit mon espérance de vie, se trouvait parfois un gros flipper, dans la pénombre. Toutes ces lumières qui s'allumaient en alternance et tout le design global (et souvent surchargé) de ces machines me séduisaient, et créaient un contraste saisissant avec l'obscurité des lieux. Mon grand-père me payait parfois une partie, quand il ne m'offrait pas des boules de bubble gum dans les distributeurs en échange de mon silence auprès de ma grand-mère. En effet, généralement, il me demandait de ne pas lui dire où nous étions, car elle avait tendance à voir d'un mauvais oeil le fait qu'il profitait de ses sorties pour aller picoler un peu.

Jouet flipper pour enfant Astroshooter des années 90Avant d'avoir un flipper à moi, je squattais parfois celui de mon cousin. Il avait un tout petit flipper, certes pour les mômes, mais qui faisait malgré tout son effet. Et un jour, j'eus enfin le mien. C'était un Astro Shooter, il me semble, et j'étais plutôt content, au moment de l'avoir. Malheureusement, je me souviens m'en être lassé assez vite, finalement. Cela restait des jouets un peu limités, à mes yeux: Les sensations étaient amoindris, les features moins nombreuses et le design ainsi que les effets de lumière en jetaient moins que leurs homologues "pour adultes". Et puis, tout simplement, je pense qu'il y avait le contexte d'y jouer à l'extérieur qui octroyait une toute autre saveur au jeu: Y jouer dans un café ou un bar avec un nombre de balles limité rendait les parties plus excitantes.
C'était les années 80/90... On ne trouve plus tellement de flipper aujourd'hui.  J'ai pu en voir un dans un café, récemment, et on sentait que l'aspect vintage était le principal argument de sa présence. Cela dit, ça marchait car j'admirais les dessins qu'il y avait derrière la vitre.
Pour en revenir vite fait à mon Astro Shooter, je me rends compte que je n'y jouais pas tant que ça. En revanche, il m'arrivait parfois de tapoter la vitre en plastique pour qu'elle entre en contact avec les bumpers centraux. Cette astuce permettait de glaner des points facilement. Il y avait quelque chose de jouissif de faire grimper le score en affligeant des claques au flipper.
A coté de ça, j'avais aussi eu un flipper parlant qui s'apparentait à un jeu électronique, à l'instar des Game & Watch de Nintendo.

Jouet flipper électronique qui parlait.
Le fameux petit flipper parlant qui était finalement plus rigolo qu'il en avait l'air.


A l'origine, les extra-terrestres nous ont mis là.

Image de Alien Crush, jeu vidéo de flipper sorti sur PC Engine.
Alien Crush - PC Engine

Je referme la parenthèse "my life" pour entrer un peu plus dans le vif du sujet en abordant un peu la genèse de Dragon's Fury. Au commencement, il y avait donc Alien Crush, un super jeu de flipper sorti sur PC Engine, en 1988, développé par le studio japonais Compile (les papas de Puyo Puyo) et édité par Naxat Soft. Le titre avait pour thème les extra-terrestres. Le joueur devait donc parcourir ce super flipper afin de dézinguer les aliens qui se présentaient à lui. Le tout dans une direction artistique qui fleurait bon le Giger à plein nez, via ce mélange d'éléments biomécaniques qui s'entremêlaient à d'autres plus organiques. Mais surtout, les créateurs ont eu la bonne idée de se dire qu'une table virtuel permettait de totalement se débarrasser des contraintes d'une table physique. Exit donc les bumpers qui font "Buim Buim", les ressorts et autres aimants qui servaient de mécanismes. A contrario, dites bonjour aux téléporteurs, créatures horrifiques et autres éléments organiques qui servaient de décorum à Alien Crush. Ce dernier a donc véritablement lancé la mode des flipper vidéoludiques qui profitaient totalement des possibilités quasi infinies que pouvaient proposer ce tout jeune média.

Naxat Soft et Compil planchèrent ensuite sur une suite spirituelle prénommée Devil's Crush, sortie deux ans plus tard sur PC Engine. Comme le laisse supposé son titre, le titre troquait l'univers de Giger pour plonger dans un monde mediéval-fantastique et démoniaque qui préférait les pentagrammes, les squelettes, les dragons plutôt que les aliens dégoulinants. Devil's Crush connut, quelques mois plus tard, une adaptation sur Sega Megadrive, développé cette fois par Technosoft et édité par Tengen. En occident, ce portage répondait au doux sobriquet de Dragon's Fury (Devil Crash MD au Japon). Même si j'ai une affection toute particulière pour ce nom, puisque ce fut ma version, il faut reconnaître que Devil's Crush me semble plus approprié puisque le "Devil" était bien plus représentatif de l'esprit du jeu. En outre, Dragon's Fury sonnait davantage comme un film avec Bruce Lee...
A noter également que la version Genesis différait de sa grande soeur parue sur PC Engine. Tout d'abord, la table principale n'arborait pas le même fond, mais aussi certains tableaux bonus ont été redesigné pour certains, et totalement modifié pour d'autres. Des éléments furent même légèrement censurés en US et en Europe: En effet, les aspects religieux étaient quelques peu atténués par chez nous. La rumeur veut que les pentagrammes furent retirés pour ne pas heurter la Floride.

La version Megadrive proposait également un système de mot de passe, si l'on désirait conserver notre high score, à contrario du jeu sur NEC qui incluait une sauvegarde.
Au final, les deux versions se valaient. Il était intéressait de pouvoir jouer aux deux. Alors, oui, il fallait avoir de la thune et des parents super sympas pour pouvoir profiter des deux jeux en simultané, à l'époque. D'autant plus sympas qu'ils auraient probablement dû se faire chier à trouver le jeu PC Engine en import, dans un magasin à Paris, étant donné que cette version ne fut jamais sortie en Europe. Ce n'était pas mon cas. J'ai d'ailleurs pu découvrir cette vision initiale de Devil's Crush des années plus tard, via l'émulation.

Images comparatifs entre Devil's Crush sur Sega Genesis et NEC PC Engine.
A gauche, la version PC Engine. A droite, le version Megadrive.

Ultérieurement, un nouveau jeu, Jaki Crush, sortit sur Super NES en 1992, constituant ainsi le troisième segment de ce qu'on appelle plus communément la série des "Crush Pinball". Cette fois, le thème graphique de ce nouveau flipper lorgnait du côté du folklore japonais, avec ses yokai et autres créatures du Soleil-Levant. Malheureusement, ce titre resta cantonné à son pays d'origine. Je ne sais même pas si il a eu droit à une ressortie en dématérialisée sur les plateformes de jeux les plus récentes.
Cependant, ce que j'écris est inexact puisqu'Alien Crush s'était vu doté également d'une suite sobrement intitulé Alien Crush Returns, et sorti sur Wii en 2008. Cette séquelle a été conçu par Tamsoft, studio plus connu pour avoir pondu les frippons Senran Kagura ou encore OneChanbara. Alors, non, il n'y a pas d'extra-terrestres dégoulinants à 8 yeux et en bikini. A la place, on a eu droit à un titre au rendu 3D peu ragoûtant. Je n'ai personnellement jamais mis les mains sur cette suite tant je la trouvais laide.

Screen du flipper Jaki Crush, suite d'Alien Crush et Devil's Crush.
Jaki Crush - Super Famicom


Flipper le démon


Image du flipper principal de Dragon's Fury (Devil's Crush sur PC Engine).


La suite de mon texte s'attardera exclusivement sur la version Megadrive de Devil's Crush, puisque j'ai surtout envie de m'étaler sur l'expérience que j'ai vécu en parcourant l'aventure revisitée par Technosoft. Studio qui a réalisé un portage de haute volée, même si la console du hérisson bleu était capable de prouesses bien plus élevées que le résultat escompté. Comme mentionné plus haut, les bonus stages ont été parfois modifié, et le fond, fait de pierres taillées des trois tableaux principaux, céda sa place à une tapisserie violacée un peu plus étrange. En résultait un habillage pas foncièrement moche, mais qui semblait moins raffiné.

Le jeu se construisait ainsi: Le joueur lança sa bille, puis avait la possibilité de diriger les flips latéraux afin d'aiguiller cette dernière dans un gigantesque flipper étalé sur trois niveaux disposés verticalement, et où il était possible de passer de l'un à l'autre librement; Le plus haut étant le plus difficile d'accès. Le joueur perdait une vie si la balle tombait tout en bas, dans l'écran inférieur. Chaque étage abritait moult créatures terrifiantes comme des squelettes, des dragons ou encore une femme qui se transformait en reptile au fil de la progression. Ce dernier élément était d'ailleurs l'image la plus iconique du jeu.
Tous ces pièges remplaçaient les traditionnels bumpers, rampes et autres trous que l'on trouvait dans les flippers traditionnels. Lorsqu'on avait exécuté certaines conditions requises, on pouvait accéder à 6 stages bonus qui s'apparentaient à de véritables nouveaux tableaux, à part entière. Par exemple, exploser l'intégralité des oeufs de dragons, dans le tableau le plus bas, énervait la maman (ou le papa) qui ouvrait ensuite sa gueule afin de cracher du feu. Si l'on parvenait à faire rentrer la bille dans son gosier, on accédait immédiatement à l'un des stages bonus, et plus précisément à celui où l'on se faisait attaquer par plusieurs dragons.
Notez qu'il y avait une logique dans les transitions entre tableau principal et stages alternatifs. Entrer dans la gueule du dragon précité nous emmenait dans le stage de ses congénères. Se jeter dans la bouche du squelette (qui se moquait du joueur lorsqu'on mourrait) nous projetait dans le niveau visqueux des trois têtes de squelettes. A côté de ça, certains orifices semblaient nous téléporter dans des zones aléatoires.
Sous certaines conditions, on pouvait avoir deux pairs de flips pendant ces stages bonus. Cela facilitait la précision des tirs de billes.
De surcroît, parvenir à finaliser un stage nous octroyait une bille bleue, qui permettait de maximiser les points engrangés.
Le grand niveau principal regorgeait de vie (si je puis dire). Tout s'imbriquait de manière relativement fluide, et la richesse de ce qu'on avait à faire rendait les parties très addictifs. Le level design était minutieux et misait sur le placement judicieux des différents mécanismes du jeu. Je n'ai jamais retrouvé une telle richesse dans aucun autre jeu de flipper. Et je peux vous dire que j'en ai fait quelques uns, tout de même.
Ajoutons à cela, la physique de la balle qui arrivait à être convaincante, même si elle se mettait parfois un péter des câbles, notamment à de très rares moments (heureusement) où elle se retrouvait coincée dans le décor. Mais les projections se faisaient aisément, et on arrivait à relativement bien viser. Le jeu parvenait à plutôt bien retranscrire la lourdeur de la bille.
Screenshot du stage 4 de Devil's Crush, le portage sur Megadrive rebaptisé Dragon's Fury.On en arrive d'ailleurs à l'une des plus grandes forces du titre: L'aspect jouissif des impacts: Projeter sa bille sur des structures ou des démons était un régal de tous les instants. En effet, un soin tout particulier était alloué aux différents feedbacks sonores et visuels, conjugués cette physique un peu lourde: Lorsqu'on tapait sur un ennemi, des flashs lumineux se dessinaient sur nos adversaires, nous signalant de ce fait que l'on venait de les toucher. Ce qui était détruit disparaissait ensuite dans un effet d'explosion, assouvissant un sentiment primaire. Tous ces feedbacks pêchus conféraient une agréable impression de jouer à un jeu d'arcade bien dynamique. Lorsque je jouais à Dragon's Fury, j'avais vraiment l'impression que mes billes étaient surpuissantes et qu'elles étaient capables d'ôter la vie à des monstres en tout genre. J'étais donc totalement dans le flow du jeu, et c'était vraiment gratifiant de tout fairer péter !

Photo de Toshiaki Sakoda, compositeur de jeux vidéo pour le studio Compil.
Toshiaki Sakoda, compositeur
La bande son savait être entraînante avec son title theme inquiétant et gothique, laissant la place ensuite à son thème principal, qui laissait entrevoir quelques envolées solo via cette simili guitare électrique du plus belle effet. A ce titre, ce fut toujours Toshiaki Sakoda, compositeur d'Alien Crush (et qui a longtemps travaillé pour le studio Compil) qui a de nouveau rempilé pour cette suite. Les musiques de la version PC Engine étaient globalement les mêmes que sur la version Megadrive. En sus, le chipset sonore de cette dernière était ici vraiment bien utilisé. La console de Sega bénéficiait de quelques nouvelles pistes signées par de nouveaux compositeurs.
Mention spéciale également au thème du bonus stage 4 que j'aimais réécouter de temps en temps.

Et en fait, tout ce que je viens de citer dans ces deux derniers paragraphes n'était pas forcément quelque chose d'évident à obtenir puisque la plupart des jeux de flipper ont toujours été en dessous de Dragon's Fury. En effet, l'ambiance, la richesse visuelle et les sensations de jeux placent ce titre bien au-dessus des autres.

Comme à l'accoutumée avec ce type de jeu, Devil's Crush ne faisait pas de cadeau et bénéficiait d'une difficulté incroyablement frustrante. Les flippers ont la fâcheuse tendance à mettre l'adresse des joueurs à rude épreuve et les obligent à ne jamais lâcher la bille du regard, et à réagir dès qu'elle s'approche des flips. Apprendre à viser est également une nécessité si on veut parvenir à quoique ce soit. Ouais, parce que pianoter frénétiquement les deux flips pour empêcher la balle de sortir du terrain, et espérer l'envoyer dans le décor, croyez moi, ça ne marche qu'un temps (et ça n'empêche en rien de perdre des vies). Il faudra donc apprendre à viser et anticiper la trajectoire de notre alliée sphérique.
Ceci étant dit, Dragon's Fury n'était pas non plus le flipper le plus difficile. Contrairement à un Sonic Spinball qui compartimentait son game design autour de mondes qu'il fallait terminer, le titre de Compil axait son intérêt sur des parties courtes, si l'on désirait. Il m'arrivait parfois de me dire: "Oh aller ! Je vais me faire une petite partie vite fait. Et si je meurs, tant pis". Tandis que le jeu de Sega (pour le reprendre en exemple), donnait l'impression que l'on échouait lamentablement si on n'arrivait pas à boucler, ne serait-ce qu'un seul monde. Dragon's Fury s'apparentait donc plus à un jeu d'arcade, aussi plaisant en courtes ou en longues sessions.
Et puis, il existait des codes secrets qui nous offraient des billes supplémentaires. Et je voyais ces codes comme des modes "facile".


Screen du stage 2 de Dragon's Fury sur Megadrive.


Mon crush à moi

Image de l'écran titre de Dragon's Fury (Devil Crash MD au Japon).

J'ai toujours trouvé ennuyeux ces jeux vidéo qui ne se cantonnaient qu'à retranscrire mollement d'authentiques flippers de café. Ils manquaient clairement de fantaisie. Et, curieusement, cette représentation fidèle créait systématiquement de la distance, mine de rien. Je crois que c'est sensation d'avoir un jeu dans le jeu. Comme si on avait affaire à des mini-jeux dans un Yakuza, par exemple. J'ai toujours préféré les titres qui ne simulaient pas frontalement un flipper, jusque dans ses contours, mais plongeaient le joueur au sein d'excentriques tables de jeu qui ne pourraient exister dans la réalité, tout simplement parce que ces flippers représentaient en fait des mondes à part entière. Ils étaient une vision farfelue et fantasmagorique de mondes psychédéliques. Leur raison d'être était parfois justifiée par un scénario. Par exemple, les flippers que traverse Sonic dans Sonic Spinball sont des créations machiavéliques du Dr. Robotnik. Dans Kirby's Pinball Land, la petit boule rose (ou blanche encore à cette époque) traversait réellement des niveaux en forme de flipper. Et comme ce sont des jeux vidéo, il était possible de faire des trucs impossible à intégrer dans de véritables flippers, comme faire exploser des monstres, modifier totalement un décor, passer d'un monde à l'autre ou encore avoir des effets visuels spectaculaires. Ces décors étaient presque palpables et ne se contentaient pas de singer de véritables flipper avec leurs billes en métal, leur mécanisme complexe ou leur vitre où l'on pouvait regarder au travers. Bien évidemment, le jeu vidéo permettait donc de s'affranchir totalement des contraintes liées aux tables de flipper que l'on trouvait dans les cafés.

Pour en revenir à Dragon's Fury, lorsqu'on arrivait au score maximal de 999999999 et qu'on avait abattu tous les "boss" des bonus stage, on ouvrait l'accès à un tableau supplémentaire qui nous mettait face au boss de fin. Il y avait donc une fin où, une fois le gros démon détruit, on arrivait à libérer la femme emprisonnée dans le tableau central. Femme, par ailleurs, qui représentait un peu un des seuls éléments narratifs.
Très sincèrement, à côté de ça, il n'y avait pas vraiment de scénario. Les développeurs ont juste voulu développer un flipper ultra stylisé, dans une ambiance gothique, et ça marchait en tant que tel. Cela dit, je ne pouvais m'empêcher d'y déceler un lore et un univers à Dragon's Fury. Je me faisais mes propres petites théories. Chaque tableau racontait quelque chose pour moi. Il était impensable que les créateurs aient conçu tout ça au hasard. Je tentais, en vain, de décrypter le lore du jeu. C'était un peu le Dark Souls avant l'heure.
J'imaginais ça comme une sorte d'enfer, ou plutôt un cercle inédit de l'enfer qui enfermerait de pauvres âmes dans une représentation démoniaque d'un authentique jeu créé par les humains, dans lequel les damnés se retrouveraient prisonniers du flipper, et recevant sans cesse des coups de bille dans la tronche. Comme si le diable se fendait la gueule (bah quoi, il a le droit, non ?) à travers un éternel jeu pervers comme il en aurait le secret. Qui sait ? Peut être que c'est le lieu où certains joueurs de jeux vidéo vont lorsqu'ils n'ont pas été sage, qui sait. Vous savez, les connards qui font du swatting ou harcèlent d'autres joueurs. Ou peut être que c'est le lieu de ceux qui ont flambé au casino toutes les économies familiales. Ce serait rigolo si dans une page de la Bible (genre dans une prochaine update), il y avait écrit: "A la fin, les mauvais joueurs de par le monde périront perpétuellement dans une douleur incessante infligés par les flips d'en bas".

En tout cas, Dragon's Fury fut un des premiers jeux où j'ai été touché, artistiquement parlant. Un titre qui était un pur jeu vidéo mais avec quelques velléités artistiques. Pour s'en convaincre, il suffit de voir le magnifique stage 6 que j'aurais bien vu sur une fresque ou sur un toile.

Screenshot du stage 6 de Dragon's Fury sur Sega Genesis.

Probablement le plus beau décor du jeu, il était en outre celui qui me gênait le plus. Cela restait relatif bien entendu puisque, une fois passée le surprise, je pestais usuellement contre cette satanée bille qui n'allait pas toujours là où je le souhaitais. Mais plus tard, je compris que ce qui m'avait troublé était les quelques connotations sexuelles sous-entendue dans ce niveau: Avec la présence de cet homme démon, nu au centre du tableau, des orifices autour de lui qui surplombait deux femmes en contrebas, qui semblaient être soumises au démon. Deux têtes de mort ornaient également la place, de part et d'autre de la créature. Faire cohabiter la mort et le sexe dans la même scène suffit généralement à générer un sentiment de malaise, dans notre esprit, puisque ce sont deux choses à laquelle nous pensons régulièrement et qui semblent antinomique. Ça, c'était mes réflexions personnelles. Il y a de nombreuses années, j'ai lu le texte d'un mec qui allait encore plus loin dans l'analyse, en suggérant le fait que le démon serait un homme obsédé par le sexe. Ce qui expliquerait que l'énorme appendice bleu qui sortit de sa bouche, évoquerait vaguement un phallus. Une fois battue, cette chose bleutée s'engouffrait dans les deux orifices surplombant le démon. Une allégorie de la pénétration ?
Je sais bien que les gens pourraient se dire que cela fait beaucoup de symboles pour un simple jeu de flipper, et que ce que j'y ai vu, ainsi que l'interprétation que j'ai pu lire sur le net, pourraient être considérés comme étant un poil tiré par les cheveux. Mais avec un tableau si ambigu visuellement, je pense qu'il y a quelque chose d'autre qu'un aspect purement esthétique.
On pourrait tout simplement considérer que seul l'argument esthétique ait animé les développeurs lors de la conception des différents tableaux. Ceci étant dit, comme il s'agit d'un titre japonais, je me permets d'être sceptique quant au caractère random dans la création des dessins, surtout quand on sait que pas mal de produits culturels nippons sont gorgés de symbolisme, et depuis très longtemps maintenant. La question reste donc ouverte...
Les gens pourraient se dire que "je me suis trop pris la tête" en m'imaginant ce flipper comme étant une antichambre de l'enfer. C'est peut être vrai. Cela dit, le fait que ce soft ait nourri mes divagations pendant si longtemps faisait partie de mon expérience personnelle, et je pense que c'est ce qui a fait qu'il est bien resté ancrer dans ma mémoire.

Extrait du magazine Mega Force, avec le test de Dragon's Fury (Devil's Crash MD) sur Megadrive.
Critique du jeu dans les pages du magazine Mega Force (1992).

Ça me fait trop flipper !

Je crois que j'aimais me dire qu'il y avait quelque chose au delà de l'aspect purement ludique.
C'était d'ailleurs un jeu que je n'ai presque jamais partagé avec d'autres gens, mise à part la soeur d'une amie qui en était presque tombée amoureuse. En effet, elle me demandait régulièrement de le ramener lorsque je venais passer les vacances chez elles. Elle était une joueuse occasionnelle, qui trouvait amusant de se fritter sur le premier Mario Kart ou Tekken, mais elle avait véritablement eu un coup de coeur pour Dragon's Fury. Elle avait eu un petit coup de coeur, à l'instar de mes soeurs. Peut être qu'elles avaient été sensibles à cet habillage graphique qui semblait si particulier.
Je vous avais dit que j'avais pris ce titre pour faire plaisir à mes soeurs ? Effectivement, ouais. Cela dit, j'ai l'impression qu'elles se sont lassées relativement vite car je n'ai pas souvenir qu'elles y aient joué beaucoup. Au final, je les remercie car ce flipper démoniaque et gothique figure parmi mes titres cultes sur Megadrive. Il fait même partie des jeux que j'aimerais bien avoir chez moi. Je ne suis pas spécialement collectionneur mais j'aime posséder quelques jeux très importants à mes yeux.

Aussi bon soit-il, Devil's Crush n'a pas lancé une mode des jeux de flipper fantastiques. Je m'avance un peu, mais je pense que le succès du jeu a été plus critique que commercial. Du moins, j'imagine aisément que le titre de Naxat/Tengen n'ait pas spécialement cartonné. Pour être franc, je n'ai rencontré personne qui m'ait dit "Ah oui ! Je l'avais ce machin !". Et puis, cela n'a jamais été évident de trouver des joueurs qui s'amusaient sur des flipper. Peut être que c'est un truc un peu vintage et peu rigolo pour certaines personnes.

Mise à part Jaki Crush, qui ne sortit jamais de l'Archipel, Tengen et Technosoft développèrent une séquelle à Dragon's Fury, répondant au gentil nom de Dragon's Revenge. L'ambiance générale lorgnait un peu plus vers l'heroic fantasy. Malheureusement, le jeu était assez peu inspiré et la direction artistique alternait entre le quelconque et le très laid: Pour s'en convaincre, il y avait des stages vraiment très très vilains visuellement.
L'univers du jeu paraissait moins sombre et glauque que l'épisode précédent mais, paradoxalement, la palette de couleurs choisie pour ce nouvel opus me déprimait terriblement.

Screen du jeu vidéo Dragon's Revenge sorti sur Sega Megadrive.
"Saluuut... Je m'appelle Dragon's Revenge et je suis si triste..."


Et voilà que se conclut cet article plein d'amour. J'espère qu'il vous aura plus. N'hésitez pas à mettre un pouce bleu sur la vidéo !



... Mais non, c'était pour rire, voyons... Y'a pas de vidéo. C'est un texte. Rohlala...





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